Mementos LMD. Droit des successions. 5e edition

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Mementos LMD. Droit des successions. 5e edition
CHAPITRE
1
Introduction générale
1 • LA NOTION DE SUCCESSION
A - Définition de la succession
La succession désigne plusieurs choses :
– il s’agit d’abord d’un procédé de transmission des droits subjectifs par le décès : il
nécessite un auteur (le de cujus) et un ayant cause (l’héritier) ;
– il s’agit également du patrimoine ou d’une partie du patrimoine qui passe de la
tête du de cujus à la tête de l’héritier ;
– il s’agit enfin du droit même de l’héritier : on parle par exemple de « droit de
succession du conjoint survivant ».
B - Fondement de la succession
Dans une première conception, le droit de succession est rattaché au droit de propriété.
Le de cujus a une place primordiale. La dévolution ab intestat est fondée sur les affections présumées du de cujus. Il s’agit d’un système individualiste.
Dans une seconde conception prédomine l’idée de conservation des biens dans les
familles ; il s’agit d’un moyen d’assurer des ressources aux générations futures. La
succession peut être vue comme une forme capitalisée et anticipée de l’obligation
alimentaire. Il existe une réserve héréditaire pour les héritiers les plus proches c’est-àdire qu’une partie du patrimoine ne peut se voir entamée par des libéralités. Cette
conception exclut de la succession ab intestat le conjoint survivant et les enfants nés
hors mariage.
Dans une troisième conception, c’est à la puissance publique de déterminer à qui
revient le patrimoine héréditaire. L’État est partie prenante dans les successions en
raison des impôts qu’il prélève à l’occasion de la transmission des biens.
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MÉMENTOS LMD – DROIT DES SUCCESSIONS
2 • HISTOIRE DES SUCCESSIONS
L’étude de l’histoire des successions permet de montrer l’opposition qui peut exister
entre la succession légale, ab intestat, et la succession testamentaire, qui selon les
époques ou les lieux ont tour à tour prédominé1.
A - Droit primitif
Il existe peu de renseignements relativement au droit primitif.
B - Droit romain
En droit romain, le testament tient une place privilégiée, ce qui s’explique par le caractère individualiste du droit romain et par l’importance du droit de propriété. Par le testament, le testateur instituait son héritier et lui transmettait ses biens en même temps
qu’une tradition familiale. Des mesures pouvaient cependant être prises afin que le
testateur n’exhérède pas totalement ses proches.
C - Ancien Droit
Les pays de coutume, au Nord, s’opposent au pays de droit écrit, situés au Sud.
1) Droit écrit
Au Moyen-Âge, le testament est, comme en droit romain, largement prédominant mais
il existe également des mesures destinées à protéger les droits des proches du de cujus.
Ainsi, une fraction de la succession appelée « la légitime » revient obligatoirement aux
parents. En l’absence de testament, les héritiers ab intestat sont désignés selon ce que
l’on imagine être la volonté du défunt.
2) Droit coutumier
Dans les pays de coutume, il existe de nombreux régimes qui possèdent néanmoins
quelques traits communs. Le droit de succession a un caractère collectif, familial. Dès
lors, la dévolution est principalement légale. Le testament est largement secondaire.
La préoccupation principale qui domine le droit coutumier est celle de la conservation
des biens dans la famille. Le moyen de parvenir à ce but consiste dans la distinction
entre les propres, constitués par les biens immobiliers reçus par le de cujus par succession et les acquêts acquis par le de cujus durant sa vie. Les propres doivent rester dans
la famille au moins pour les 4/5e d’entre eux, parterna paternis, materna maternis. Le de
cujus peut disposer des acquêts et des meubles comme bon lui semble avec parfois des
limites qui varient selon les coutumes mais les biens sont généralement de moindre
valeur. Des règles spécifiques de dévolution sont prévues pour les successions dites
——
1.
Bosse-Platière (H.), « L’esprit de famille après les réformes du droit des successions et des libéralités »,
Informations sociales 2007/3, nº 139, p. 178.
CHAPITRE 1 – Introduction générale
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« nobles » avec notamment les « privilèges de masculinité » et de primogéniture ». Il
s’agit d’un droit successoral conservateur.
D - Droit intermédiaire
L’idée d’égalité domine le droit révolutionnaire. Les révolutionnaires ont le souci de
réagir contre les excès de la féodalité. La loi du 6 août 1790 supprime les privilèges
ainsi que les inégalités attachées à la qualité d’étranger. Le décret du 8 avril 1791
supprime les inégalités attachées à la qualité d’aîné, de puîné et à la différence de
sexe, celui du 4 juin 1793 les inégalités liées à la filiation. La loi du 17 Nivôse an II
(6 janvier 1794) illustre cette volonté d’établir une égalité à l’intérieur de la famille :
ainsi, une personne ne peut tester qu’au profit d’un membre de sa famille et dans la
limite d’1/10e de la succession afin d’éviter toute rupture d’égalité. Cependant, des
legs peuvent être consentis à des tiers. Le patrimoine du de cujus est attribué à ses
descendants, à défaut à ses frères et sœurs et à leurs descendants, à défaut aux père
et mère. Aucune limite n’est fixée à la parenté. En revanche, il n’est pas fait mention
du conjoint survivant. Il s’agit d’une loi rétroactive qui s’applique à toutes les successions ouvertes depuis 1789. Elle remet alors en cause des successions liquidées.
Plusieurs lois successives seront nécessaires pour venir à bout de cette rétroactivité.
E - Code de 1804
Le Code civil de 1804 accomplit une œuvre transactionnelle entre l’ancien régime et le
droit transitoire. La dévolution est principalement déterminée par la loi : il s’agit d’une
dévolution ab intestat. La dévolution est aménagée en fonction des affections du de
cujus et surtout de la parenté par le sang jusqu’au douzième degré. Le conjoint survivant est exclu ainsi que les enfants naturels. Une réserve héréditaire existe au profit des
parents les plus proches. Le testament est prévu mais tient une place secondaire. En ce
qui concerne la liquidation et le partage, aucun règlement n’est prévu dans le Code civil
pour faire cesser l’indivision entre les héritiers. La technique de la fente successorale
ainsi que les hypothèses de successions anomales témoignent d’une certaine survie de
l’idée de conservation des biens dans la famille.
F - L’évolution ultérieure au Code civil
L’évolution s’est accomplie ensuite en fonction des modifications de la conception de la
famille et pour des raisons économiques.
1) Les modifications liées à la conception de la famille
De 1804 à 1917, la famille successorale existe jusqu’au douzième degré. À partir de
1917, la succession ab intestat est arrêtée en principe au sixième degré de parenté.
Le conjoint survivant a vu ses droits ab intestat augmenter en 1891 et en 1972. Les
enfants naturels simples ont vu leurs droits relevés en 1896 et en 1925, 1930, 1957,
1958, 1963 et 1972, ils sont alors devenus l’équivalent des enfants légitimes du point
de vue successoral. Les enfants naturels adultérins se sont vus reconnaître des droits
successoraux. Le droit tient de plus en plus compte des affections présumées du défunt.