Etre femme et intervenir auprès des hommes

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Etre femme et intervenir auprès des hommes
ÊTRE FEMME ET INTERVENIR AUPRÈS DES HOMMES
*
Julie K. Campbell
TABLE DES MATIÈRES
La femme en tant qu’intervenante ....................................................................... 3
Un schème de référence à redéfinir..................................................................... 3
La réflexion ou … l’action .................................................................................... 3
La verbalisation ou … la solution ......................................................................... 4
Partager ou …se refermer ................................................................................... 4
Les femmes pleurent leur colère, les hommes crient leur tristesse ...................... 5
L’agressivité versus la soumission …ou l’affirmation de soi ?.............................. 5
L’intimité avant le sexe ou le sexe avant l’intimité ? ............................................. 6
L’intervenante en tant que femme ....................................................................... 6
Un schème de référence à faire connaître........................................................... 7
Apprivoiser la vulnérabilité................................................................................... 7
Aller derrière la façade ........................................................................................ 7
Accepter que cela ne se passe pas à notre façon ............................................... 7
L’attitude de coaching.......................................................................................... 8
Pourquoi travailler si fort ??? ............................................................................... 8
*
Texte rédigé pour le document de référence de la Semaine provinciale de prévention du suicide 2001
de l’AQS « Prévenir le suicide au masculin ».
Julie K. Campbell est directrice et superviseure clinique du Centre prévention suicide le Faubourg
dans Les Laurentides depuis 1992. Elle a eu souvent à travailler avec des hommes dans des
contextes particuliers : réinsertion sociale, thérapie auprès des hommes violents, intervention de
crise, deuil par suicide et psychothérapie en pratique privée. Malgré tout, elle ne se considère pas du
tout comme une experte et nous présente ses réflexions en toute humilité. Elle nous parle de ce
qu’elle a découvert, comme femme, et qui lui sert présentement sur le terrain en sachant bien que ses
réflexions évoluent à tous les jours parce qu’on découvre à tous les jours, et parce que les hommes
évoluent, eux aussi à tous les jours…
Être femme et intervenir auprès des hommes
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Être femme et intervenir auprès des hommes
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La femme en tant qu’intervenante
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Que l’on soit homme ou femme, notre façon d’intervenir auprès des
hommes n’est pas très différente puisqu’à la base, les méthodes d’intervention
s’inspirent d’un modèle féminin. Du moins, personnellement, je ne voyais pas de
différence importante jusqu’à ce que je commence à intégrer de nouvelles
stratégies dans mes interventions avec les hommes. J’ai alors pu voir certaines
distinctions intéressantes.
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Il est important, dès le départ, de nuancer les « clichés » car je ne crois
pas que, dans la vie, il y ait « deux sexes ». Pour moi, il s’agit plutôt d’un
continuum. Lorsqu’on présente des traits dits masculins, ceux-ci peuvent être
très présents chez certains hommes et beaucoup plus nuancés chez d’autres.
On peut aussi retrouver plusieurs de ces traits chez certaines femmes. À mon
avis, il s’agit d’un continuum et il importe de faire les nuances qui s’imposent.
Un schème de référence à redéfinir
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Si on part du principe de base que chaque humain est unique, et donc
que la personne devant nous est unique, on peut dire qu’il est aussi difficile
d’accompagner un homme qu’une femme parce que, peu importe le sexe, on a
toujours, devant nous, un étranger à découvrir. Par contre, l’histoire de l’intervention en soi ayant été plutôt féminine jusqu’à maintenant (les femmes consultent
plus que les hommes, il y a plus d’intervenantes que d’intervenants) nos références par rapport aux personnes qu’on aide sont très féminines.
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On a donc à redéfinir un schème de référence, une grille de compréhension de la personne « différente », qu’elle soit homme ou femme.
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Évidemment, à partir du moment où je dis ça, je dois aborder ce qu’on
appelle les différences entre les hommes et les femmes. Monsieur Guy A.
Lepage nous en fait une bonne description dans son émission Un gars, une fille.
C’est un peu caricatural, mais quand même très réaliste. Il y a aussi l’Américain
John Gray, qui illustre bien les différences hommes femmes, dans son livre Les
hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus.
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Je trouve que l’auteur vulgarise bien le sujet. C’est facile de s’en servir
sur le terrain. Comme il traite de socialisation, dans vingt ans, le contenu sera
peut-être dépassé, mais présentement, c’est ça ! C’est notre socialisation et ce
sont nos différences entre les sexes. Je ne nommerai pas toutes les différences
dont l’auteur fait mention (vous pouvez lire le livre et avoir du fun), mais je
soulignerai certaines caractéristiques qui m’apparaissent très importantes
lorsqu’on intervient auprès des hommes.
La réflexion ou … l’action
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La première différence à souligner, c’est que les femmes sont beaucoup
plus au niveau de la réflexion alors que les hommes sont beaucoup plus au
niveau de l’action. On devrait en tenir compte lorsqu’on aborde les stratégies
d’intervention. Entre autres, lorsqu’on vise l’expression d’émotions comme la
colère. Les femmes utilisent plutôt un mode d’expression qui passe par la parole,
l’écriture ou le dessin. Elles peuvent même aller jusqu’à chanter à tue-tête. Les
hommes, pour leur part, prennent des moyens plus physiques, des moyens
d’action : ils vont bûcher tout le bois pour l’hiver, ils vont creuser des trous, ils
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vont bricoler, etc. Ils ont besoin d’agir physiquement. Si on leur propose
seulement des moyens d’expression dits féminins, (écrire, verbaliser et dessiner)
ça ne collera pas à leurs besoins.
La verbalisation ou … la solution
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Autant la femme a besoin de prendre le temps de verbaliser pour se
sentir mieux, autant l’homme a besoin de trouver une solution face aux difficultés
qu’il rencontre. Quand il ne trouve pas de solution, il se sent incompétent, et plus
il se sent incompétent, plus il devient, souvent, arrogant. Pour travailler une
situation ou un problème avec une femme, on regarde avec elle où cette
situation-là la blesse, comment cela la fait réagir, quel est l’impact sur son
quotidien. Ensuite, elle réfléchit ! Avec les hommes, on ne travaille pas de la
même façon. C’est beaucoup plus concret, beaucoup plus axé sur les solutions.
On lui demande plus rapidement « qu’est-ce que tu vas faire avec ça ? ».
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Voici un exemple qui illustre cette différence. Lorsque Madame est
blessée par une situation en lien avec Monsieur, elle aura besoin d’en reparler
de façon intermittente pour guérir sa blessure. Toutefois, à chaque fois qu’elle en
reparlera, Monsieur ne saura que faire pour « solutionner » cette blessure ou ne
comprendra pas que la dernière discussion n’ait pas résolu le problème. Il se
sent alors incompétent et par conséquent, voudra éviter d’en reparler. Ce que
Madame percevra comme de l’indifférence. Souvent, c’est le début de la dispute
et pour se protéger, Monsieur adoptera, souvent, un comportement arrogant ou
agressif.
Partager ou …se refermer
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Face à une situation où il ne peut y avoir de solutions immédiates, la
femme va réfléchir, exprimer, partager et finalement, arriver à sa solution.
L’homme, pour sa part, va se refermer sur lui-même. John Gray appelle ça la
caverne. Il ne s’agit pas seulement de se cacher seul dans sa tanière, il s’agit
plutôt d’une bulle. L’homme peut être assis à côté de sa femme sur le sofa, ils
peuvent être en train de souper, ils peuvent être en auto : il n’est pas là! « Les
lumières sont allumées, mais il n’y a personne à la maison ! ». L’homme est dans
sa caverne et il tente de trouver des solutions. Tant qu’il ne trouvera pas, il ne
sortira pas !
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C’est un obstacle important en thérapie. Le gars qui va bien raconte ce
qui se passe dans sa semaine, et va jusqu’au bout de la rencontre. Le gars qui
ne va pas trop bien, lui, n’est pas très bavard. Le gars qui ne va vraiment pas
bien, ne se présente pas ! Il ne peut pas venir, il est trop vulnérable. Comme il
n’a pas de solution, il se sent trop incompétent pour rencontrer quelqu’un, alors il
ne vient pas.
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S’enfermer dans sa caverne, c’est aussi au niveau du non-verbal. Les
hommes n’expriment rien, là non plus! En fait, comme nous ne voyons pas leur
message non-verbal, nous avons l’impression qu’ils ne réagissent pas. D’ailleurs,
c’est un aspect que l’on travaille beaucoup lors des rencontres de deuil par
suicide. Madame rage parce que « Monsieur ne réagit même pas au suicide de
leur fils ». Ce n’est pas vrai qu’il ne réagit pas : il ne le démontre pas ! Il ne réagit
pas physiquement, mais il réagit beaucoup à l’intérieur.
Être femme et intervenir auprès des hommes
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Les femmes pleurent leur colère, les hommes crient leur tristesse
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« Eux, ils crient et chialent, nous on braille !!! » disent les femmes. C’est
une réalité, les hommes sont plus agressifs que les femmes. Cela nous
demande, en tant qu’intervenants et en tant qu’intervenantes, d’ajuster notre
attitude et notre seuil de tolérance face à l’agressivité. En plus de demander de
l’aide beaucoup plus tard que les femmes dans une situation de crise, les
hommes n’ont pas appris à vivre des émotions plus passives comme la tristesse,
la peine, l’ennui, le manque et le rejet. Ils ont une boule d’émotions qui s’appelle
« je suis en criss » ou « ça me fait mal ». Donc, cela sort de façon beaucoup plus
agressive.
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Au plan personnel, il est évident que mon propre seuil de tolérance est
différent « dans ma vie de femme » et « dans ma vie d’intervenante ». Et cela me
permet d’aller beaucoup plus loin dans ma pratique. En fait, ce que j’ai découvert
quand j’ai travaillé auprès des hommes violents c’est que le fait de me substituer,
le temps des rencontres, à la conjointe de ces hommes-là et de recevoir leur
colère un peu brusque, un peu « tout croche » parce qu’ils ne savent pas trop
comment dire ce qui les touche, leur permet de cheminer, d’apprendre et d’avoir,
ensuite, une relation différente avec leur partenaire. Alors, moi, je me substitue à
elles pour qu’eux apprennent. On pratique ensemble des façons de mieux dire
ce qu’ils ont à dire, et c’est la « version épurée » qu’ils exprimeront à leur
conjointe.
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Quelle est la limite de l’agressivité dirigée directement sur moi ? « Tu
peux te jeter sur les murs, tu peux crier, sacrer, mais ne me traite jamais de
« salope »personnellement ». Cela ne passera pas ! C’est une question de
respect ! Qu’il traite sa conjointe de « salope » pendant une heure, cela ne me
dérange pas. Le fait de s’exprimer lui permet de prendre du recul. Par contre, je
vais travailler à ce qu’il ne la traite plus de « salope » et qu’il ne la voit plus ainsi
avant qu’il ne reparte. Et pour ce faire, il faut lui permettre d’apprendre un
vocabulaire émotif.
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Sur ce plan, les hommes ont deux choix : ça va bien, ou ça va mal.
Lorsqu’ils vont « pas pire », ils ne savent plus quoi dire. Ils attendent donc d’aller
mal pour dire : « ça va mal ». Ils ont à nuancer leur vocabulaire émotif : ils ne
sont pas seulement enragés ! Ils peuvent être déçus, frustrés, choqués, en
colère ou… enragés. Ce sont des mots différents qui leur permettent d’exprimer
les nuances qu’ils vivent en dedans. Comme ils apprennent d’autres mots plus
près de leur réalité émotive, ils n’ont plus besoin d’être enragés pour dire que ça
va mal.
L’agressivité versus la soumission …ou l’affirmation de soi ?
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Une autre facette intéressante du travail avec les hommes, c’est l’affirmation de soi. Pour un homme, l’opposé de l’agressivité, c’est la soumission. Alors,
« s’il n’est pas un homme qui se tient debout, il est la carpette du salon ». Je
pense que c’est très facile de comprendre que personne n’a le goût d’être une
carpette de salon ! Tant qu’à être carpette, aussi bien marcher dessus... Alors
une façon très importante de travailler cette perception avec les hommes, c’est
en les aidant à voir qu’il y a quelque chose entre les deux : cela s’appelle l’affirmation de soi ! Ce qui est très nuancé par rapport à la soumission. Alors, quand
on leur dit d’arrêter de gueuler, on ne dit pas « ne dit plus rien », on leur dit qu’on
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va apprendre à le dire autrement, différemment. Alors commence l’apprentissage
de parler en « je », de ne pas accuser, de ne pas dénigrer, de nommer ce que
l’on vit plutôt que d’évaluer et de critiquer. Ils apprennent les techniques de base
en communication, quoi !
L’intimité avant le sexe ou le sexe avant l’intimité ?
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Une des différences hommes–femmes, c’est le schème de pensée.
Prenons par exemple, la sexualité. Les hommes passent par la sexualité pour se
rapprocher et créer l’intimité. Les femmes ont besoin de se rapprocher, de créer
l’intimité pour avoir une relation sexuelle. Il n’y a pas une attitude meilleure que
l’autre, ce sont deux façons différentes d’aborder la vie. Pensons simplement aux
accents. Les gens de Montréal trouvent que les gens de Chicoutimi ont un
accent, les gens de Chicoutimi trouvent que les gens de Montréal ont un
accent… Le fait d’avoir un accent ou non n’est qu’une question de point de vue !
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Une des pistes pour pouvoir travailler cela avec les gens, c’est ce qu’on
appelle au Faubourg « reconnaître la souffrance ». Ce n’est que par la recherche
de compréhension du schème de pensée d’une personne qu’on peut véritablement reconnaître sa souffrance. Il s’agit, en fait, d’une attention qui va bien audelà de la normalisation. On normalise une émotion en fonction d’une situation
objective. On reconnaît la souffrance quand on normalise une émotion en
fonction de la perception bien personnelle que la personne a de la situation
objective.
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Comprendre ce qu’un homme vit, c’est une chose. Que cet homme se
sente compris, c’en est une autre ! Si l’intervenant est capable de faire ce
« switch » et de démontrer aux hommes qu’il est ouvert à voir les choses
différemment, ils vont accepter d’aller plus loin. Ils vont aussi accepter de
partager ce qu’ils vivent et alors là, ça devient intéressant. Par le fait même, ça
devient vraiment aidant !
L’intervenante en tant que femme
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Comme intervenante, j’ai appris qu’il ne faut pas juger, que je dois
respecter et accepter, etc. Mais pour pouvoir le faire vraiment, je dois me
questionner sur mes valeurs, sur mon passé, sur mes préjugés, bref, sur ce que
j’ai appris en tant que personne humaine. Cela est encore beaucoup plus évident
avec les hommes parce que ce questionnement me ramène à moi-même,
comme femme. Il me ramène à ma relation avec les hommes de ma vie : j’ai eu
un grand-père, j’ai un père, j’ai un frère, j’ai eu des conjoints, j’ai un conjoint, j’ai
un fils… Ce que je retiens de ma relation avec ces hommes-là teinte continuellement ma façon d’aborder les hommes.
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Je vais vous donner un exemple. Mon père fait partie de la génération
des hommes au non-verbal « pas éloquent ». On lui a donné des pipes en
cadeau, pendant à peu près dix ans. On a jamais su qu’il n’aimait pas ça, il ne
réagissait pas ! Mon père « n’avait pas beaucoup de non-verbal » : il ne réagissait à rien. Je l’ai vu perdre ses frères par décès et couler une larme, une seule
fois. Le reste du temps, je ne le voyais pas réagir. J’ai interprété, de l’extérieur,
ce manque de réaction comme étant de l’indifférence (homme = indifférence).
Encore aujourd’hui, lorsque je vois des hommes qui n’ont pas de réaction, j’ai
tendance à interpréter leur attitude comme de l’indifférence. Je me dois d’en
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prendre conscience et d’être alerte à ce genre d’équation automatique, sinon,
elle risque de fausser ma perception des hommes en face de moi.
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C’est très important de regarder nos « équations » et de se questionner
face à nos schèmes de pensées parce que cela nous tend des pièges. Tant et
aussi longtemps que l’on interprète « homme = non-verbal et peu éloquent =
indifférence », on fait fausse route avec eux, et pire encore, on ne peut les
amener ailleurs ni les aider à cheminer ! Je crois personnellement que ce
questionnement sur soi est nécessaire, peu importe la clientèle avec laquelle on
intervient. C’est en modifiant nos équations, nos préjugés et nos valeurs que l’on
est en mesure de créer l’espace pour intervenir différemment. Cette constatation
est devenue beaucoup plus évidente pour moi en travaillant avec les hommes, et
plus particulièrement dans les groupes d’aide auprès des hommes violents.
Un schème de référence à faire connaître
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Peut-être n’avons-nous pas de schème de référence par rapport aux
hommes, mais eux non plus n’en ont pas par rapport à nous, les femmes. On a
éduqué les hommes sur ce qu’est une femme ! On doit leur permettre de savoir
qu’une femme a besoin de s’exprimer pour aller mieux et qu’elle ne veut pas
nécessairement que « son homme » lui trouve une solution ! Tout ce qu’il a à
faire, c’est d’écouter.
Apprivoiser la vulnérabilité
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Comme femme, je pense qu’on a à apprivoiser la vulnérabilité des
hommes. J’ai rapidement constaté, dans le cadre de mon travail de formatrice et
de superviseure, que nous ne sommes pas aussi prêtes qu’on le laisse entendre
à voir un homme pleurer. On a encore le schème de référence d’un homme fort :
il est notre pilier, il nous protège et quand ils se permet d’être différent, cela nous
déstabilise… Comme femme et comme intervenante, il nous reste un bout de
chemin à faire quant à l’apprivoisement de la vulnérabilité des hommes avec qui
l’on travaille.
Aller derrière la façade
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Avoir une compréhension différente des hommes, c’est interpréter
autrement la façade qu’ils présentent et voir, avec eux, ce qu’il y a derrière. Je
l’ai mentionné plus tôt, un homme devient souvent arrogant lorsqu’il se sent
vulnérable. Interpréter différemment la façade, c’est se dire : « Oh, il doit être
terriblement croche aujourd’hui », au lieu de réagir à son arrogance. Et voir
derrière la façade, c’est l’amener tranquillement derrière l’arrogance pour
rencontrer sa vulnérabilité. Il sortira beaucoup plus calme de la rencontre et
beaucoup plus proche de ce qui se passe en lui. De plus, il sera mieux préparé à
passer à l’action, à essayer des solutions plus efficaces et à viser l’amélioration
de sa situation. Alors, en tant qu’intervenants, ne restons pas coincés devant la
façade de l’arrogance et de l’agressivité, allons plutôt voir derrière.
Accepter que cela ne se passe pas à notre façon
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On a beau dire ce que l’on voudra, nous ne sommes pas si prêtes que
cela à lâcher le morceau ! C’est confortable que cela se passe à notre façon.
C’est affolant de ne pas avoir le contrôle ! L’intervention auprès des femmes
Être femme et intervenir auprès des hommes
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soulève aussi des questions qui touchent à la différence, mais celles-ci s’insèrent
dans un cadre de travail et de pensée plus familiers. Travailler de façon
différente auprès des hommes nous amène vers des chemins que nos pas n’ont
encore jamais foulés.
L’attitude de coaching
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Quand un homme vient en thérapie, il ne sait pas trop quoi dire, il ne l’a
pas appris et il a besoin d’en parler différemment d’une femme. Au début, il
raconte ce qui s’est passé, ce qu’il en a conclu et la solution qu’il a trouvée. Il
raconte seulement ce qui est terminé : il reste compétent. Il importe de ne pas se
positionner comme « une spécialiste qui va lui régler tout cela », mais plutôt
comme un coach qui accompagne et supporte le chemin qu’il a accompli. Je
dirais que l’attitude la plus néfaste auprès des hommes est de vouloir les materner. Quand on parle de coaching, on évite de prendre en charge ou de materner
les hommes. À mon humble avis, on devrait faire ça avec tout le monde, mais
c’est plus évident encore avec les hommes, c’est ce qui est le plus présent.
Pourquoi travailler si fort ???
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En lisant des articles sur l’intervention auprès des hommes, j’ai été
surprise de constater qu’il y a un débat : doit-on aider les hommes ou pas ? Je
ne m’étais jamais posé la question. Je suis intervenante et j’interviens auprès
des gens, tout court ! Toutefois, ces lectures m’ont obligée à m’asseoir et à me
poser la question : « pourquoi est-ce devenu un intérêt pour moi ? »
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Je pourrais me cacher derrière un rationnel sécurisant : 80% des suicides
sont commis par les hommes. Je travaille en prévention suicide : très facile à dire
et très politiquement correct. Cela passe bien partout.
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Mais j’ai un intérêt bien personnel et viscéral. Je le fais pour les femmes :
être le substitut de la conjointe d’un homme violent, lui laisser faire le bout
agressif avec moi pour qu’il n’ait pas à le faire avec elle, l’aide, elle aussi. Cela
va aider leur relation de couple et leur permettre d’aller ailleurs. Je crois qu’à ce
moment-là nous ne travaillons plus seulement sur des symptômes, mais aussi
sur les causes, et par le fait même, sur de vraies solutions de changement.
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La raison la plus viscérale? Mes enfants ! J’ai le goût que mon fils vive
autre chose. J’ai le goût qu’il puisse trouver son identité d’homme. J’ai le goût
qu’il vive une relation où il se sentira heureux et compétent. J’ai le goût que ma
fille ait une relation de couple « le fun », qu’elle soit avec un homme qui se sente
bien et qu’il y ait une belle communication entre eux. Alors, même si à certains
moments, j’ai envie d’envoyer promener tous les hommes, je n’ai qu’à regarder
mes deux bouts de choux pour savoir que je vais toujours continuer à cheminer
et à travailler pour mieux aider les hommes.