Homélie pour le 15 dimanche du temps ordinaire (année C) L

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Homélie pour le 15 dimanche du temps ordinaire (année C) L
Homélie pour le 15ème dimanche du temps ordinaire (année C)
L’évangéliste Luc nous rappelle un dialogue très important entre Jésus et le
« docteur de la loi » qui vient à lui dans le but de le « mettre à l’épreuve ». La
réponse de Jésus sera de « mettre à l’épreuve de la vie » son interlocuteur.
Question du docteur de la loi : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la
vie éternelle ? ».
Sachant que, pour tout docteur de la loi, ce qui est normalement premier, c’est
précisément la loi, celle que Dieu a donnée au temps de Moïse après la libération
de la servitude d’Égypte, Jésus le renvoie à cette loi, avec une double question :
1. « Dans la loi, qu’y a-t-il d’écrit ? »
2. « Comment lis-tu ? » c’est-à-dire : toi, qu’en fais-tu ?
La loi avait en effet été donnée par Dieu à Moïse pour son peuple devenu libre avec
lequel il avait conclu une alliance : « si vous observez cette loi, vous serez mon
peuple, et moi je serai votre Dieu. ». L’objectif de cette loi, c’était le bonheur de
chacun dans le peuple. Tout comme l’objectif de toute loi, en pays démocratique, est
normalement le bien de chacun. Mais voilà, ce peuple avait la nuque raide, comme
l’ont reconnu tous les prophètes ; il acceptait mal de se lier à la vie à la mort avec
Dieu, sa « nuque raide » empêchait de bien le lier avec Dieu, de l’atteler sous un
même joug avec Dieu. « Prenez sur vous mon joug et soyez mes disciples », dira
plus tard Jésus à ses futurs apôtres. Moïse et tous les prophètes devaient donc
continuellement rappeler à leur peuple la loi de Dieu. Dans la première lecture de ce
dimanche, tirée du livre du Deutéronome, livre bien postérieur à Moïse mais présenté
comme son testament spirituel, on trouve précisément ce rappel : « Moïse disait au
peuple : ‘Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et
ses décrets inscrits dans ce livre de la loi, et reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton
cœur et de toute ton âme’».
Trois mots rappellent l’alliance : écoute, observe, reviens. Moïse précise à son
peuple : «cette loi… n’est pas au-dessus de tes force…Elle est tout près de toi, cette
Parole, dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »
Le psaume qui suivait cette lecture rend grâce à Dieu pour le don de cette loi : « la
loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie, la charte du Seigneur est sûre, qui rend
sages les simples… » Ce psaume multiple les mots évo-quant la loi : les préceptes
du Seigneur, le commandement du Seigneur, les décisions du Seigneur… tout cela
est plus désirable qu’une masse d’or fin, plus savoureux que le miel qui coule des
rayons.»
Au temps de Jésus, les pharisiens et les docteurs de la loi avaient pris le relai des
prophètes. Mais Jésus les gêne profondément par sa propre « mise en pratique »
de la loi. Ils estiment que Jésus n’est pas fidèle, parce qu’à leurs yeux il prend des
libertés dans sa pratique, notamment par rapport au respect du repos du sabbat : de
fait, Jésus guérit quantité de malades le jour du sabbat, rappelant que ce n’est pas
l’homme qui est fait pour la loi, mais la loi qui est faite pour l’homme, pour le bien de
l’homme.
Je reviens là aux deux questions qu’il pose au docteur de la loi venu pour le mettre
à l’épreuve :
1.« dans la loi, qu’y a-t-il d’écrit ? »
2. « comment lis-tu ? »
Il semble que la préoccupation première de cet homme à propos de la loi ne soit
pas vraiment d’abord le bonheur des hommes, des autres, mais son bonheur à lui :
« que dois-je-faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Certes, il connait la loi, il peut la réciter : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout
ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton
prochain comme toi-même ». Il sait.
Mais comment lit-il ce commandement ? Son « prochain » à aimer, qui est-il ?
Jésus l’interpelle, et nous en même temps que lui, avec la parabole du bon
samaritain :
L’événement se passe entre Jérusalem et Jéricho, donc en Judée. Là, un
samaritain est un étranger car, depuis long-temps, on ne se parlait pas entre Juifs et
Samaritains. Le prêtre et le lévite voient l’homme à demi-mort, mais ils « passent de
l’autre côté » ; il est vrai que s’ils touchaient cet homme, de fait souillé rituellement
par des bandits, ils perdraient leur propre pureté rituelle et ne pourraient plus
assurer leur service au temple de Jérusalem ; pour eux- mêmes, ils passent sans
rien faire. Le samaritain, lui, n’est atteint pas le même réflexe. Il devient tout à
l’homme blessé… tout comme, les jours de sabbat, Jésus ne pense qu’aux blessés
de la vie qui viennent à lui ou qu’on lui amène. Libre d’aimer, le samaritain devient
bon, jusqu’à prendre totalement à sa charge les frais entraînés par les soins
nécessaires.
« Lequel a été le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? »
Le docteur de la loi ne peut s’y tromper : « celui qui a fait preuve de pitié envers
lui ».
Le plus important, ce n’est pas de connaître la loi, mais de l’appliquer… et d’entrer
ainsi dans l’alliance scellée avec Dieu pour le bien de tout homme.
Cette semaine, par fidélité à Jésus qui rappelle au docteur de la loi ce qu’est une
vraie connaissance de la loi, serons-nous de « bons samaritains » ? Il est probable
que des occasions nous seront données de nous faire proches de personnes
blessées, comme Jésus et, peut-être à la suite du docteur de la loi qui a entendu :
« Va et, toi aussi, fais de même ». Amen.
Père Gaby Allain