Étude des pratiques innovantes en matière de restructuration en
Transcription
Étude des pratiques innovantes en matière de restructuration en
Étude des pratiques innovantes en matière de restructuration en Europe Les restructurations d’entreprises et leur impact sur la santé : exemples d’approches innovantes en entreprise Thomas Kieselbach et Debora Jeske Institute for Psychology of Work, Unemployment and Health (IPG), Universität Bremen Ce rapport a été réalisé dans le cadre du projet MIRE « Monitoring Innovative Restructuring in Europe » qui a pour objet d’étude les pratiques innovantes en matière de restructuration en Europe. Coordonné en Allemagne, ce travail est le résultat de la coopération entre l’IPG (Institute for Psychology of Work, Unemployment and Health à l’université de Brême) et l’IAT (Institut Arbeit und Technik de Gelsenkirchen). Le projet MIRE a pour but de repérer dans un premier temps des exemples de pratiques innovantes en matière de gestion des restructurations en Europe, puis d’organiser un transfert de connaissances via des échanges sur le plan international. Ce projet est financé par le Fonds Social Européen (FSE), Article 6. Afin d’atteindre les objectifs mentionnés ci-dessus, chaque pays participant (l’Allemagne, la Belgique, la France, la Suède et le Royaume-Uni) a mis en place à l’échelle nationale des réseaux d’experts qui se sont rencontrés et se sont rapprochés au cours du projet. Chaque pays a conduit des études de cas qui illustrent les « bonnes pratiques » au niveau national en matière de processus innovants de restructuration. Dans le cadre du projet MIRE, l’IPG est chargé d’étudier les effets des restructurations d’entreprises sur la santé et de rendre compte par le biais de ce rapport de l’existence de pratiques innovantes pour les minimiser. Afin que nos lecteurs puissent bien comprendre les différentes étapes d’émergence et de mise en œuvre de ces nouvelles initiatives, nous avons accordé une importance toute particulière à la description du processus. Thomas Kieselbach et Debora Jeske Institute for Psychology of Work, Unemployment and Health (IPG) Universität Bremen Grazer Str. 2 D-28359 Bremen E-mail : [email protected] E-mail : [email protected] 1 Table des matières Résumé ...............................................................................................................................3 1. Innovation, santé et restructuration ...................................................................................6 2. Initiatives innovantes dans des entreprises en cours de restructuration ............................ 13 2.1. La promotion de la santé dans les cas de suppressions d’emplois : Saint-Gobain (Allemagne).......................................................................................................... 14 2.2. La réadaptation pendant la période de préavis : Ericsson (Suède) .......................... 17 2.3. Le reclassement, ses défis et ses mécanismes d’aide : TeliaSonera (Suède) ........... 22 2.4. Le suivi de l’état de santé du personnel et les outils de mesure en ligne : British Telecom (Royaume-Uni) ...................................................................................... 25 2.5. Soutien externe aux employés et initiatives internes de santé : Hôpital Saint-Joseph de Brême (Allemagne).......................................................................................... 27 2.6. Les nouveaux acteurs sociaux et leurs approches .................................................. 29 3. Conclusion des études de cas .......................................................................................... 30 4. Recommandations .......................................................................................................... 36 4.1. Modifier les pratiques actuelles des entreprises ..................................................... 36 4.2. Les rôles potentiels des acteurs sociaux, nouveaux et existants.............................. 38 4.3. Certification et normalisation................................................................................ 39 4.4. Législation............................................................................................................ 39 4.5. Le besoin de nouveaux concepts et de nouvelles initiatives de recherche en Europe 41 5. Conclusion ..................................................................................................................... 42 Références bibliographiques ............................................................................................... 43 2 Rés umé Ce rapport comprend l’analyse de différentes initiatives de promotion de la santé dans le cadre de restructurations qui figuraient dans plusieurs études de cas du projet MIRE. Les cinq initiatives que nous avons étudiées montrent comment la santé peut devenir un enjeu crucial avant ou pendant la phase de restructuration, enjeu qui doit être pris en compte par l’entreprise, ses conseils ou toute autre institution responsable de la mise en œuvre, du soutien ou du financement du processus de restructuration. Ce genre d’initiatives permet alors à ces acteurs d’aborder de front le problème du chômage et de la santé avant, mais aussi pendant la phase de restructuration. Parmi les exemples présentés dans ce rapport figurent : des programmes de réadaptation conçus pour améliorer les chances de réintégration des salariés malades ; des groupes de travail visant à augmenter la prise en compte de la santé dans les restructurations de manière à réduire le stress et les problèmes de santé à la suite d’un licenciement ; une aide sociale et psychologique dans les cas de reclassement ; un suivi de l’état de santé des salariés et des initiatives internes mises en œuvre pour réduire le stress et augmenter la prise en compte de la santé ; de nouvelles méthodes de prévention telles que des outils de mesure du stress et de suivi de l’état de santé accessibles aux salariés et permettant à l’entreprise de comparer le niveau de stress entre conditions normales de travail et périodes de restructuration. Pour que les acteurs sociaux acceptent plus facilement les restructurations et la promotion de la santé, les entreprises doivent envisager les restructurations comme un processus « naturel » de leur développement. Cette approche leur permettrait alors de les gérer de manière proactive. En effet, en envisageant les restructurations comme partie intégrante d’un processus continu à long terme, et non plus comme un « accident » ou une «crise», les entreprises pourraient agir de manière consciencieuse et responsable vis-à-vis des acteurs sociaux et éviter la situation de gestion de crise. Par ailleurs, les restructurations et la promotion de la santé ont besoin d’être intégrées dans le développement organisationnel des entreprises. Ces dernières doivent aborder les problèmes potentiels relatifs à l’organisation de la production ou aux salariés dans leur projet de développement stratégique afin de faire preuve de plus de souplesse en période de changement. En prenant en compte les préoccupations des salariés, à savoir le stress et l’employabilité, dans un développement organisationnel centré particulièrement sur la pérennité des compétences et la productivité, l’entreprise élargit son éventail d’options et celui de ses employés en cas de restructuration. Ces pré-requis montrent en creux les fréquents obstacles issus des préjugés des acteurs sociaux, du cloisonnement traditionnel des champs de responsabilités et des caractéristiques sectorielles. La rareté des initiatives de promotion de la santé mises en place avant, pendant ou après la phase de restructuration illustre bien le manque d’approches innovantes en matière de santé en dehors des formations à la santé et à la sécurité ou des programmes plus généraux d’aide aux employés, les PAE. La santé est souvent considérée comme une question secondaire par les salariés et par les entreprises malgré les recherches qui ont établi un lien entre les caractéristiques de l’environnement de travail, l’information en matière de santé aux niveaux individuel et collectif, le soutien social et psychologique, d’une part, et les effets de la précarité de l’emploi et de l’incertitude sur la performance et l’efficacité, d’autre part. Au contraire, la position actuelle des entreprises risque d’entraîner la médicalisation et l’individualisation des questions de santé, comme l’ont fait remarquer les syndicats et les comités d’entreprise. Les restructurations sont susceptibles de déclencher des problèmes de santé déjà existants ou d’entraîner la chronicisation d’antécédents médicaux. Les périodes d’instabilité et de 3 changement dans l’organisation de l’entreprise affectent la confiance des salariés et leur sentiment de justice. Les employeurs partent du principe que les salariés seront capables de gérer seuls leur transition professionnelle. La promotion de la santé sur le lieu de travail avant une réduction des effectifs ou des licenciements crée une projection positive dans le temps qui permet aux salariés comme aux entreprises de mieux gérer le changement en développant de nouvelles perspectives d’emploi. Malgré ces avantages, la grande majorité des services de santé au travail n’offrent pas d’initiatives de promotion ou de prévention en matière de santé. Si l’absence de connaissances spécifiques sur les effets des restructurations sur les salariés licenciés ou rescapés des plans sociaux est un début d’explication, le manque d’intérêt de nombreux acteurs sociaux, publics comme privés, a certainement aussi sa part de responsabilité dans la situation actuelle. Les recommandations et démarches suivantes concernent les lois, les approches organisationnelles et la participation des acteurs sociaux. Elles sont nécessaires pour sortir les entreprises européennes du statu quo. - La modification des pratiques actuelles des entreprises représente une première étape vers l’intégration d’un plus grand nombre d’initiatives relatives à la santé dans le processus complet de restructuration. Cela nécessitera des approches multiacteurs, d’une part, des organismes publics et privés extérieurs (par ex. l’agence nationale pour l'emploi, les services de santé au travail, des associations professionnelles) et, de l’autre, des responsables du développement organisationnel, du CHSTC (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et des ressources humaines au sein de la compagnie. Toutefois, les salariés doivent avoir la possibilité d’exprimer leur point de vue, devenant ainsi des acteurs à part entière du dialogue social sur la question de la santé au travail. Un accès plus large aux avantages et aux initiatives en matière de santé pendant le temps de travail est nécessaire. Les PME doivent aussi pouvoir davantage profiter de conseils professionnels et participer aux initiatives. La deuxième étape concerne la redéfinition nécessaire de la santé au travail au-delà de l’hygiène et la sécurité, de la gestion des accidents du travail et du diagnostic des maladies professionnelles. Un certain nombre de « nouveaux pionniers » et d’acteurs existants pourraient se révéler de précieux collaborateurs pour ces dirigeants responsables de gérer le processus de restructuration. Ils pourraient aussi offrir une formation aux salariés vulnérables (par exemple ceux ayant des antécédents médicaux), et développer l’accès à l’information sur la promotion de la santé dans les PME. Ces acteurs, en particulier les pionniers dont on a un réel besoin (cf. les exemples dans le rapport), devraient bénéficier d’un soutien aussi bien au niveau national qu’européen. Mettre en place des initiatives à l’échelle locale avec l’aide des chambres de commerce ou d’autres associations est une étape de plus pour modifier les pratiques organisationnelles. - La certification et la standardisation des programmes de formation en matière de santé actuellement disponibles ne se contentent pas de changer les pratiques organisationnelles ; elles encouragent les nouveaux acteurs et ceux déjà sur le terrain à mettre en œuvre, à soutenir et à promouvoir des initiatives relatives à la santé. L’adaptation des outils de promotion de la santé aux exigences de l’environnement organisationnel en mutation est nécessaire pour dépasser la traditionnelle approche par les risques. De plus, des certificats d’excellence pourraient faciliter l’introduction de ces initiatives et accroître la sensibilisation aux questions de santé dans les entreprises. La participation des comités 4 d’entreprise et des syndicats au dialogue social en ces temps d’incertitude est une avancée significative pour la confiance, la santé et le sentiment de justice des salariés : leur engagement aux objectifs du processus de restructuration auxquels ils ont donné leur accord rend les transitions plus faciles. - La législation est étroitement liée à la standardisation et à la certification. Par exemple, il apparaît nécessaire de réviser les critères actuels concernant le rôle très limité des médecins du travail pour pouvoir s’étendre au-delà du contrôle annuel des lieux de travail à risque. Les médecins du travail devraient pouvoir s’impliquer au côté des délégués des services de santé et de sécurité dans l’évaluation des risques et les initiatives relatives à de santé. Une autre démarche proactive serait de mettre en place des mesures qui réclameraient à tous les organismes de santé (qu’ils soient publics ou privés comme les mutuelles d’entreprises) de fournir des statistiques annuelles permettant aux entreprises et aux instances nationales de contrôler la santé de plus près. En outre, modifier les règles actuelles en matière de santé en y incorporant une clause obligeant ces acteurs à ajouter à leurs services l’introduction, le financement et le suivi de ces mesures de prévention de santé redéfinirait et redistribuerait davantage les responsabilités en matière de prévention et de promotion de la santé. Cela permettrait aussi de dépasser l’approche clinique traditionnelle qui se limite aux problèmes physiologiques de santé au travail. - Afin d’appliquer les recommandations susmentionnées, de nouveaux efforts de recherche doivent être entrepris (p. ex. le 7e PCRDT, FP 7). L’évaluation des effets des restructurations sur la santé, l’importance de l’employabilité et l’introduction de nouvelles recommandations en matière de législation, autres que celles déjà mentionnées, sont des objets d’études prioritaires. La santé doit devenir un aspect central de l’emploi tout comme la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Par ailleurs, la santé doit figurer au programme des organismes et des associations européennes tels que les comités d’entreprise européens (CEE) et les initiatives d’entreprises financées par l’Union européenne afin d’encourager un discours public plus positif. L’amélioration des pratiques en matière de gestion des ressources humaines doit faire l’objet d’efforts particuliers notamment en ce qui concerne la réduction des facteurs négatifs de stress, le maintien ou l’élargissement des systèmes d’aide et de prise en compte des rescapés des licenciements. En conclusion, la promotion de la santé au travail doit être reconnue comme une valeur concurrentielle nécessaire pour éviter aux entreprises le cercle vicieux des restructurations qui mènent de manière contre-productive à une perte de productivité (comme l’a démontré le projet de recherche SSER sur les restructurations socialement responsables menée par l’OIT et d’autres experts impliqués dans le projet MIRE). Surmonter les barrières du changement organisationnel, inclure la santé dans le concept de RSE, désindividualiser la santé au travail, accompagner les employés en période de transition professionnelle sont autant de facteurs importants pour éviter les effets potentiels d’hystérésis à long terme qui peuvent résulter d’une exclusion de longue durée du marché du travail. Le rapport suivant et les cas d’études innovants montrent comment les entreprises et les acteurs, qu’ils soient différents, nouveaux ou déjà établis, peuvent jouer un rôle prépondérant en faisant de la santé un point clé du fonctionnement organisationnel dans le processus de restructuration. 5 1. Inno v ati on, sa nté e t res tr uc tur a ti on Les restructurations aujourd’hui visent généralement à améliorer la performance de l’entreprise, souvent par une réduction de la masse salariale en lien avec des changements structurels. Toutefois, l’efficacité organisationnelle est souvent l’un des aspects mis à mal avant, pendant et après un tel processus, au point que la réduction des effectifs entraîne une perte d’efficacité plutôt qu’un gain. Les méthodes traditionnellement utilisées pour évaluer l’efficacité d’un plan social du point de vue des entreprises sont clairement inadaptées pour comprendre et gérer l’impact de ce processus sur tous les acteurs tels que les employés et les collectivités locales (SHAW et BARRETT-POWER, 1997). Ces outils de mesure renvoient généralement aux indicateur de performance tels que la profitabilité, la productivité, la rentabilité des investissements, la satisfaction du client, etc. Cependant, les retombées pour ces salariés licenciés ou affectés par le processus de restructuration produisent un nouveau facteur de coût qui doit être pris en compte au travail et dans la société. Les restructurations revêtent une nouvelle dimension au-delà des connotations financières et politiques à savoir, les conséquences et les implications des restructurations sur la santé de ceux qui sont directement ou indirectement affectés par le processus. Par le passé, les recherches en santé du travail ont été principalement menées en relation avec les risques physiques évidents pour la santé des individus, en se concentrant sur les besoins ergonomiques et physiques des employés au travail. L’Allemagne en est un exemple ; la législation en place favorise un mécanisme coopératif de résolution des conflits pour contrebalancer le large consensus professionnel et sociétal. La santé et la sécurité au travail sont réglementées par le code national du travail ainsi que par la loi de sécurité sociale. Toutefois, ces règles de prévention d’accidents se concentrent sur la prévention d’accidents du travail et des maladies professionnelles (BEERMAN, KUHN et KOMPIER, 1999). Si la prévention des problèmes physiologiques de santé est au centre de la réglementation, ce n’est pas le cas des conséquences du stress lié à la pression mentale et à la souffrance émotionnelle dans une entreprise en mutation. Chaque entreprise a ses propres facteurs de stress. Ceux-ci peuvent être dus à l’environnement de travail (p. ex. délais dus à un manque de matériaux, perturbations et charrettes qui en découlent ; facteurs physiques de stress tels que le bruit, la chaleur, la poussière), au temps de travail (p. ex. travail par équipes, horaires flexibles, temps partiel), aux caractéristiques propres du poste et ses causes potentielles de stress liées à la charge de travail (HACKER et RICHTER, 1980). À cela viennent s’ajouter deux facteurs potentiels aggravants : l’absence de contrôle et la plus grande ambigüité des rôles (MOHR et UDRICH, 1996). Les restructurations fréquentes forcent les entreprises à reconnaître de nouvelles causes de stress telles que : l’incertitude, l’employabilité, un sentiment de culpabilité vécu de plus en plus de manière individuelle de la part du salarié qui n’est pas licencié. Ceci pris en compte, tous ces facteurs de stress ont plus de chances d’être reproduits dans de nouvelles combinaisons et d’avoir un retentissement négatif sur le personnel, là où les descriptions de poste, les équipes de travail et des départements entiers auront été modifiés ou supprimés à la suite de restructurations. Il est désormais clair que les restructurations d’entreprises ont souvent deux types de conséquences pour les salariés : le licenciement pour les uns ou le maintien dans un environnement de travail modifié pour les autres, rescapés des licenciements. Si les facteurs de stress sont différents pour chaque groupe, ils affectent néanmoins le comportement et le bien-être personnel. Nous étudierons d’abord, dans la partie suivante, les effets du chômage suite au licenciement. 6 Les licenciements : effets physiologiques et psychiques du chômage sur la santé Le chômage a différentes répercussions pour l’individu concerné, sur le plan personnel comme sur le plan social. On peut noter un changement négatif dans son comportement comme par exemple une tendance plus élevée à fumer, à consommer de l’alcool, à adopter un mauvais rythme de sommeil ou à abandonner l’exercice physique. Tous ces facteurs de risques affectent sa santé à long terme, comme le montre l’étude sur les indicateurs de problèmes de santé chez les chômeurs tels que des troubles cardiaques et circulatoires (tension artérielle), des troubles du système immunitaire et des taux de catécholamine et cholestérine (BORMANN, 1992). On observe une forte augmentation des coûts d’assurance maladie dans l’Union européenne, principalement due aux maladies psychosomatiques qui sont souvent associées au chômage et à précarité de l’emploi (GLASER, 2000; cf. aussi KIESELBACH, WINEFIELD, BOYD et ANDERSON, 2006). Les effets sociaux du chômage sont souvent liés aux changements de comportement décrits cidessus. L’individu se replie sur lui-même, participe à moins d’activités, ce qui le conduit à s’exclure socialement. Le repli sur soi-même repose sur la croyance que le chômeur ne fait plus partie de la société en tant que telle, particulièrement dans une société qui définit ses membres en fonction de leur statut professionnel. Dans une culture qui a souvent tendance à « rejeter la faute sur la victime », on contraint le salarié licencié à porter la responsabilité de sa situation au lieu de replacer son licenciement dans un contexte de développements politiques et économiques. Dans une La nouvelle réalité de la situation, c’est-à-dire la dépendance aux allocations sociales, est souvent vécue comme une existence honteuse. Là encore, cette expérience conduit à des sentiments de perte d’estime de soi, de perte d’auto-efficacité et de perte d’autonomie (KIESELBACH, 2000). Par conséquence, soit les chômeurs se replient volontairement sur eux-mêmes, soit ils se mettent à fréquenter ceux qui vivent en marge de la société (KRONAUER, 2002). L’isolement social, la solitude, les repas et le sommeil déstructurés les rapprochent. Le nombre croissant de visites chez le médecin ou dans les centres de soin est hautement révélateur des problèmes que vivent les chômeurs (TURTLE et RIDLEY, 1984). Les problèmes de santé observés incluent des pathologies mentales (dépression, insatisfaction avec la situation présente, anxiété, sentiment d’impuissance et d’inutilité, piètre estime de soi-même, résignation au destin, apathie). Inévitablement, le chômage affecte les relations familiales (avec le conjoint, les enfants) et le cercle social (amis) (KIESELBACH, 1988; KIESELBACH, LÖDIGE-RÖHRS et LÜNSER, 1998). En général, les études traitent les adultes et les adolescents au chômage différemment, sur le principe que le chômage est moins grave chez l’adolescent que chez le quadra- ou le quinquagénaire qui a une carrière et une identité professionnelle établies. Toutefois, l’augmentation du taux de chômage chez les adolescents a mis en lumière la question de la perturbation du développement psychosocial, dont l’aliénation, l’augmentation de comportements déviants et antisociaux seraient des effets présumés (KIESELBACH, 2000). Alors que les restructurations n’affectent pas directement ces adolescents sans emploi, leurs chances de recrutement déclinent avec la durée du chômage, réduisant ainsi leur choix d’orientation professionnelle. Le changement de comportement, l’état de santé et les problèmes psychiques peuvent à nouveau aggraver la situation. La réintégration du marché de l’emploi est plus difficile après une longue période de chômage, surtout si le chômage a déclenché des problèmes de santé. De façon générale, le chômage a tendance à avoir des effets néfastes sur la santé des gens (MURPHY et ATHANASOU, 1999; PAUL et MOSER, 2001; KASL et JONES, 2000; ZEMPEL, BACHER et MOSER, 2001). 7 Réchapper des restructurations : effets physiologiques et psychiques sur la santé Les restructurations et les changements organisationnels affectent non seulement ceux qui sont licenciés mais aussi ceux qui restent. Ces salariés ne sont pas forcément mieux lotis pour la seule et unique raison que contrairement à ceux qui ont perdu leur emploi, ils semblent avoir été épargnés par le plan social. La réduction des effectifs, en particulier, est vécue par les rescapés comme un processus difficile et douloureux, conduisant à un sentiment accru d’insécurité, à des problèmes de santé, à une augmentation du stress et à une baisse de motivation. Là encore, cela se voit dans une baisse de la productivité (KIESELBACH, 2006). Une hausse du taux d’absentéisme, un dévouement réduit vis-à-vis de l’entreprise, une baisse de prise de risques, une résistance à d’autres changements et un investissement moindre dans le travail sont d’autres indicateurs d’alerte. Ces comportements varient souvent selon la phase de transition professionnelle où le salarié se trouve : préparation, confrontation, ajustement ou stabilisation (NICHOLSON et WEST, 1988). De plus, les rescapés des plans sociaux constatent souvent que leur travail a subi de profondes modifications ; la surcharge, l’ambiguïté et le conflit des rôles reviennent souvent dans les témoignages (TOMBAUGH et WHITE, 1990). Il arrive que des modifications de poste s’accompagnent de troubles musculosquelettiques (TMS), surtout dans les cas où la charge de travail physique est accrue. Une réduction de la latitude décisionnelle et de la sécurité de l’emploi sont en outre des facteurs de stress pour l’individu concerné (KIVIMÄKI, VAHTERA, FERRIE, HEMINGWAY et PENTTI, 2001). La réduction des effectifs implique des changements néfastes de facteurs psychosociaux, et par conséquence un grand stress psychologique. THORNHILL et SAUNDERS (1998) ont décrit les principaux états psychologiques et réactions comportementales communs aux rescapés. Parmi les états psychologiques, on note des sentiments négatifs tels que la colère, la culpabilité et l’incertitude, mais ils s’accompagnent en outre d’une hausse du stress lié au travail, de la prise de conscience de la précarité de l’emploi, d’un manque de satisfaction au travail et d’une baisse d’investissement au sein de l’entreprise. Les conséquences personnelles et sociales du stress et de l’impression de précarisation de l’emploi suite à une restructuration (avec un plan de licenciements) peuvent entraîner de la culpabilité, un manque d’engagement et de l’anxiété chez les salariés restants. Ceci est souvent décrit comme la « maladie des rescapés » (NOER, 1997). L’étude ci-dessus montre que les restructurations ont un rôle important à jouer au travail. Les raisons sous-jacentes aux restructurations d’entreprise sont généralement l’amélioration de la compétitivité et des perspectives d’avenir. Toutefois, les résultats de l’étude montrent que la capacité du salarié à gérer ce processus ainsi que les répercussions potentielles (changement négatif de comportement, augmentation des problèmes de santé) représentent un réel obstacle pour toute entreprise cherchant à réussir son processus de restructuration. KIESELBACH et BEELMANN (2004) recommandent aux entreprises qui préparent des restructurations et une réduction d’effectifs d’envisager des initiatives d’assurance santé afin de mettre en place des mesures préventives de santé avant la réorganisation. Le conseil en transition professionnelle serait un domaine très important à développer en plus d’offres ciblées de conseil qui insistent sur la mise en place et l’évaluation systématiques de données afin de détecter les risques de santé, particulièrement indicateurs de la future morbidité chez les rescapés. Si on décide d’inclure les réactions des rescapés dans l’évaluation de la réduction des effectifs, il faut alors en adopter une définition plus générale, comme celle proposée par SHAW et BARRETT-POWER (1997, p. 109) : « une constellation d’événements facteurs de stress centrés autour des pressions de réduction d’effectifs qui exige beaucoup de l’entreprise, des équipes de travail, et des salariés et qui nécessite un processus de coping et d’adaptation. » 8 Tendances et nouveaux concepts dans l’organisation et le lieu de travail en mutation Alors que l’environnement de travail a évolué vers un emploi plus temporaire et précaire, de nouveaux concepts ont peu à peu dominé la discussion. La précarité de l’emploi et l’employabilité sont de nouveaux termes pour définir l’environnement de travail et les effets consécutifs sur les employés ; ils soulignent l’importance croissante de la capacité à vendre ses compétences professionnelles afin d’accroître ses perspectives d’emploi à long terme. Le nouvel environnement de travail : la précarité de l’emploi Le concept psychologique de « précarité de l’emploi » renvoie ici aux inquiétudes concernant la durée de l’emploi (HARTLEY, JACOBSON, KLANDERMANS et VAN VUUREN, 1991; SVERKE et HELLGREN, 2002). La précarité de l’emploi a des effets néfastes sur la santé et le bien-être des salariés (pour une vue d’ensemble, cf. p. ex. DE WITTE, 2000 ; NOLAN, WICHERT et BURCHELL, 2000). La précarité de l’emploi va négativement de pair avec la satisfaction de l’emploi (p. ex. HELLGREN, SVERKE et ISAKSSON, 1999; HARTLEY et al, 1991). Parallèlement, on observe un taux plus élevé de syndrome d’épuisement professionnel chez les travailleurs en emploi précaire (p. ex. DEKKER et SCHAUFELI, 1995). Psychologiquement, leur sentiment général de bien-être est plus bas aussi. Des études longitudinales confirment que la précarité de l’emploi a une influence causale sur ces indicateurs (p. ex. BURCHELL, 1994). La précarité de l’emploi influence aussi les attitudes organisationnelles des employés, affectant par la même aussi l’entreprise en tant que telle. La prise de conscience de la précarité de l’emploi est souvent liée à une implication organisationnelle réduite (p. ex. BROCKNER, TYLER & COOPER-SCHNEIDER, 1992; ROSENBLATT, TALMUD et RUVIO, 1999) et une méfiance à l’égard du management de la société (ASHFORD, LEE et BOBKO, 1989). La précarité devient réellement un problème dans les cas où un processus de restructuration comprenait des licenciements perçus par les rescapés comme injustes ou injustifiés. Des chercheurs ont analysé les antécédents de la précarité de l’emploi et ont mis en cause les transformations radicales sur le plan économique dans le but de réduire les coûts et augmenter l’efficacité de l’entreprise. Ces mesures incluent entre autres les processus de restructuration à grande échelle, la réduction des effectifs, les fermetures d’usines et les privatisations. Ces interventions s’accompagnent généralement de licenciements collectifs (KOZLOWSKI, CHAO, SMITH et HELDLUND, 1993). Ces évolutions ainsi que l’augmentation du nombre d’employés vacataires ont probablement contribué à intensifier ce sentiment de précarité (OCDE, 1997). La découverte que la précarité de l’emploi affecte aussi l’investissement individuel au sein de l’entreprise peut donner lieu également à diverses interprétations. Tout d’abord, cela peut être vu comme une marque de ressentiment de la part du salarié. La certitude quant au devenir d’un poste constitue un des éléments du contrat psychologique entre l’employeur et l’employé. Quand cette certitude est remise en cause, il est probable que le salarié veuille combler le déséquilibre en montrant moins d’intérêt, de motivation et d’engagement (SCHALK et FREESE, 1993). Ces réactions personnelles aux restructurations suggèrent que les effets psychologiques ou comportementaux empêchent souvent l’entreprise d’atteindre la structure ou le niveau de compétitivité visés. On note en particulier la perte des employés qualifiés, le soi-disant « effet d’écrémage », connu autrement sous le nom de « fuite des cerveaux » (ROSENBLATT et SHEAFFER, 2001). Les salariés avec de bonnes chances d’employabilité sont davantage susceptibles d’opter pour un départ volontaire (KIESELBACH, 1997a, 1997b). ROSENBLATT et SHEAFFER (2001) suggèrent que les indices de fuite des cerveaux au niveau de l’entreprise incluent la réduction des possibilités d’évolution de carrière ainsi qu’un déséquilibre de la charge de travail, éléments que l’on rencontre très facilement dans les entreprises en cours de 9 restructuration. Comme nous l’avons déjà dit, ceci peut conduire à l'inverse de l’effet escompté, c’est-à-dire une baisse de l’efficacité organisationnelle au lieu d’une hausse. Or, la fuite des cerveaux et une baisse de performance sont particulièrement dommageables lorsque l’entreprise est déjà sur le déclin ou touchée par la crise. Ceci contraste donc fortement avec le but initial qu’était la redynamisation de l’entreprise par le biais de restructurations et de processus de changement (NOER, 1993). KIESELBACH et BEELMANN (2004) ont fait remarquer que les travailleurs en emploi précaire sont précisément ceux qui n’ont pas les compétences nécessaires pour trouver un poste différent sur le marché du travail. C’est là qu’un accompagnement professionnel et des mesures de soutien mises en place par l’entreprise deviennent un tremplin approprié pour permettre à ces individus de vivre plus facilement leur transition professionnelle. Mais cela demanderait des entreprises de revoir leurs objectifs de formation qui ont tendance à se concentrer seulement sur les lacunes immédiates ou sur l’information relative aux produits. Pour remédier à cette visée limitée, il faudrait mettre en place un programme de formation plus systématique et plus étendu qui permettrait aux salariés d’améliorer leurs compétences au-delà de leur situation particulière. Un autre changement de stratégie est nécessaire pour augmenter la flexibilité des programmes de formation interne aux entreprises afin de prendre en compte les besoins et la disponibilité des employés (c.-à-d. permettre à tous les salariés d’y participer qu’ils travaillent à temps-partiel, par équipes ou en horaires flexibles). KIESELBACH et BEELMANN (2004) ont dressé un bilan de la précarité en relation avec le projet SOCOSE (Accompagnement Social et Employabilité Durable : Stratégies Innovantes en matière d’Aide au Reclassement). Sur le plan personnel, ils ont observé que le statut de l’individu (chômeur, en emploi précaire ou rescapé de licenciements) influençait ses réactions et ses stratégies de coping. Pour les chômeurs, l’incertitude quant à leur avenir professionnel était source de stress (PAYNE, WARR et HARTLEY, 1984). Des interventions permettant aux salariés de gérer l’incertitude pendant qu’ils sont encore situation d’emploi pourraient être utiles. Le projet SOCOSE s’est aussi intéressé à la manière dont les salariés réagissaient face à la précarité grandissante de l’emploi, aux stratégies de coping qu’ils développaient et dans quelle mesure (si tel était le cas) les entreprises acceptaient leur responsabilité sociale (RSE) pour leurs actions. Les résultats ont révélé que la précarité de l’emploi a une influence sur les relations sociales ; la cohésion de groupe se détériore lorsque la méfiance entre chefs et collègues augmente.La masse salariale est perçue davantage comme source de problèmes et les salariés modèrent souvent leur comportement afin de réduire le risque de perdre leur emploi (p. ex. réduction d’absentéisme, augmentation des heures supplémentaires et de la performance au travail). Cependant, la plupart des gens se contente d’espérer le maintien dans leur poste sans pour autant adopter une quelconque attitude susceptible de réduire l’incertitude. Peu de gens cherchent activement à réduire les risques de précarité de l’emploi en cherchant d’autres opportunités en dehors de leur entreprise; principalement s’ils appartiennent à certains secteurs professionnels qui nécessitent une formation professionnelle continue pour s’adapter aux évolutions technologiques de leur travail (p. ex. l’informatique) et à plus forte raison s’ils ont déjà occupé un emploi précaire. Cette adaptation à la précarité croissante de l’emploi et sa tolérance se retrouvent aussi chez d’autres employés du secteur du bâtiment, secteur qui connaît également une forte précarisation des conditions de travail. Dans le cadre du projet SOCOSE, les personnes interrogées ont aussi expliqué ce qu’elles attendaient de la part de leur entreprise dans ce contexte de précarité grandissante. En premier lieu, les salariés attendaient de leur entreprise qu’elle cherche à éviter les licenciements dans la mesure du possible. Quand les licenciements étaient inévitables, on attendait alors des entreprises qu’elles apportent une aide aux groupes qui posent le plus de problèmes comme les 10 seniors, en leur proposant notamment une formation continue. Elles pourraient, par exemple, créer une agence pour l’emploi interne à l’entreprise qui aurait pour mission d’aider tout particulièrement ceux sur le point d’être licenciés. Le réseau de contacts de l’entreprise avec ses clients, ses fournisseurs et d’autres compagnies pourrait être une source d’information précieuse. Une autre attente exprimée par les salariés concernait la nécessité pour les syndicats de jouer un plus grand rôle dans le processus de réduction des effectifs, vu leur savoir-faire et leur expérience en la matière. Le besoin d’une plus grande et d’une meilleure communication entre l’employeur et les salariés figurait au cœur des préoccupations des personnes interrogées. Les employés avaient l’impression que si le plan social était annoncé à l’avance et en détails à l’ensemble des salariés, le processus gagnerait alors en transparence, et donc en équité et en justice procédurale. Réciproquement, cela permettrait une plus grande objectivité dans la prise de décision qui rendrait à son tour les décisions prises (justice distributive) plus faciles à accepter pour les salariés. Le nouvel environnement de travail : l’employabilité L’attitude des salariés vis-à-vis de leurs perspectives de carrière est souvent un obstacle à leur propre processus de changement et peut involontairement devenir une source supplémentaire de stress en période de restructuration, augmentant ainsi l’incertitude. La motivation à long terme, l’initiative personnelle (FRESE et FAY, 2001; ZEMPEL et FRESE, 2000) et l’auto-efficacité (BANDURA, 1997) sont des qualités centrales au développement de l’employabilité des salariés. ZEMPEL et FRESE (2000) ont démontré que l’initiative personnelle et le niveau de formation influencent le futur statut professionnel d’un salarié; par ailleurs il est maintenant possible de prédire la durée du chômage en prenant en compte l’initiative personnelle, les stratégies de coping, les compétences cognitives et les alternatives disponibles sur le marché du travail. Toutefois, la responsabilité de la santé et de l’employabilité ne devrait pas retomber sur les seuls salariés ; elle devrait aussi être partagée par l’entreprise et la société. Selon le rapport SOCOSE de KIESELBACH, BEELMANN et WAGNER (2002), l’employabilité est un concept complexe. En tant que telle, l’employabilité se définit d’une part, par les offres de formation avancée faites plus tôt par l’entreprise et d’autre part, par les stratégies individuelles que les salariés jugent généralement suffisantes pour maintenir leur employabilité. L’analyse des entretiens conduits dans le cadre du projet SOCOSE aussi bien avec des travailleurs précaires qu’avec des personnes ayant réussi à retrouver un poste après leur licenciement a révélé que « l’initiative personnelle était un pré-requis essentiel pour s’adapter aux situations d’emploi précaire. Même si toutes les personnes interrogées avaient bénéficié d’une phase de transition professionnelle avec le soutien de consultants spécialisés, le succès de cette transition reposait toutefois très clairement sur l’investissement personnel » (KIESELBACH, BEELMANN et WAGNER, 2002, p. 28). Les différentes stratégies adoptées par certaines personnes dès l’annonce des projets de restructuration, l’ont très bien démontré. Certains professionnels ont misé sur leurs qualifications et l’employabilité qui en découlait. Dans ce cas, les employés du bâtiment redoutaient davantage la perte de leur emploi que les informaticiens. D’autres ont décidé d’essuyer la tempête, préférant adopter une attitude passive plutôt que de s’engager dès le départ. D’ailleurs, certaines personnes interrogées ont par la suite regretté cette stratégie (Kieselbach, Beelmann & Wagner, 2002). Celles qui ont réussi à changer d’emploi ont reconnu que cela avait amélioré leurs chances sur le marché du travail. On trouve aussi des gens qui ont profité de l’occasion pour se réorienter totalement même si leur poste, à l’origine, n’était pas forcément menacé. De ce point de vue, le processus de restructuration a poussé certains salariés à agir ; il a aussi permis à d’autres de faire un bilan de carrière en toute légitimité à la lumière des changements et de quitter l’entreprise pour aller 11 vivre de nouveaux défis. En plus de changer d’emploi, un grand nombre d’entre eux voyaient une formation professionnelle et des diplômes supplémentaires comme des atouts essentiels pour le futur, à plus forte raison, si ce n’était pas la première fois qu’ils connaissaient une période d’instabilité dans leur emploi. Ceux notamment qui envisageaient de se mettre en libéral se sont tournés vers un consultant pour discuter de leur reconversion professionnelle. La moitié des personnes interrogées ont eu la possibilité de poursuivre une formation avancée dans leur ancienne entreprise, et la grande majorité en a profité. Néanmoins, les résultats du projet SOCOSE ont montré que peu d’individus avaient pris sur leur propre temps pour investir dans leur employabilité. Lorsqu’ils avaient suivi des cours, c’était principalement pour des raisons personnelles plutôt que pour entretenir leur employabilité professionnelle. Le groupe qui semblait le plus motivé pour suivre une formation était celui dont l’ancienneté était comprise entre dix et dix-neuf ans. La situation professionnelle et la sécurité de l’emploi étaient probablement sa préoccupation principale. On pourrait expliquer ce schéma par le fait que les employés les plus jeunes, dont la carrière est relativement courte, ont l’impression qu’ils peuvent encore tirer profit de leur formation initiale, et ils ne voient donc pas l’intérêt à continuer leur formation. Les salariés les plus anciens, ceux qui ont plus de vingt ans de carrière se considèrent à un âge où la formation continue ne leur semble plus valable. Si l’employabilité est dans une certaine mesure une responsabilité individuelle (ZEMPEL et FRESE, 2000), elle est toutefois devenue un objectif stratégique dans le monde professionnel, et par conséquent relève pour l’employeur de la responsabilité de l’entreprise. KIESELBACH, BEELMANN et WAGNER (2002) ont observé que les offres de formation internes dépendaient de la culture de l’entreprise en matière d’activités de conseil et de formation continue, de la profession en particulier et du secteur d’activité. La compétitivité de l’entreprise et la compétence des salariés étant directement liées, l’employabilité est donc un objectif stratégique et la formation une priorité pour l’entreprise. D’une certaine manière, les stratégies organisationnelles pour entretenir l’employabilité de chaque salarié vont plus loin que l’apprentissage sur le tas, qui a tendance à être l’approche la plus communément plébiscitée dans les entreprises. Pourtant cette approche est insuffisante pour suivre les avancées technologiques et évoluer. C’est pourquoi des formations spécifiques avancées apparaissent de plus en plus comme une solution. Malheureusement, la formation est souvent le premier budget à souffrir de coupes sombres dès qu’apparaît la possibilité de restructurations et de licenciements. La gestion de crise est souvent une solution à court terme qui n’inclut pas de gestion prévisionnelle à l’égard de la formation des potentielles victimes des licenciements. Conclusion La santé représente un atout pour toutes les entreprises. Sa promotion et la prévention des problèmes de santé concernent plus que jamais tout le monde : salariés en poste fixe, en emploi précaire ou chômeurs. Toutefois, la mise en place de stratégies différentes est nécessaire pour répondre aux besoins de chaque groupe. Dans le processus de restructuration d’entreprise, l’accent devrait être moins mis sur la gestion des retombées du changement après qu’il a eu lieu que sur la mise en place de stratégies préventives aussi bien pour ceux qui perdront leur emploi que pour ceux qui le garderont, et ce, dans des conditions souvent plus précaires. GEURTS et GRÜNDEMANN (1999, p.17) ont proposé une nouvelle définition des activités de prévention du stress : « toute initiative ou activité visant soit à réduire (ou à éliminer) les facteurs psychologiques ou physiques de stress au travail, les problèmes de santé liés au travail, l’absentéisme et l’incapacité totale de travail, soit à améliorer ou à promouvoir la santé au travail. » Cette définition élargie ajoutée aux avis selon lesquels les évènements générateurs de 12 stress nécessitent des stratégies de coping et d’ajustement au niveau organisationnel, collectif et individuel (SHAW et BARRETT-POWER, 1997), permettront aux acteurs des entreprises en cours de restructuration d’avoir une discussion plus ouverte sur la prise en compte du stress et des actions de prévention dans la planification. Ceci pourrait être une avancée importante dans l’aide apportée aux victimes des licenciements et dans la prévention de problèmes de santé chez les salariés restants. Les entreprises doivent considérer le changement organisationnel comme une épreuve pour les salariés et non comme une simple mesure relative à la performance ou au marché. La direction doit reconnaître et assumer sa part de responsabilité dans le climat social et les difficultés mentales et physiques que rencontrent les salariés dans cet environnement transformé potentiellement porteur de stress, d’incertitude, de contrats à durée déterminée et de chômage croissant. Dans les chapitres suivants, nous passerons en revue plusieurs exemples d’initiatives en matière de santé dans des contextes et pays différents. Même si l’innovation dépend toujours des contextes nationaux et organisationnels, nous espérons que ces différentes manières d’aborder la santé aideront à surveiller l’état de santé des populations actives en Europe, qu’elles mèneront à une meilleure compréhension des différentes options possibles pendant la phase de restructuration, et qu’elles déboucheront en fin de processus à un concept élargi et plus approprié de la santé qui inclurait la responsabilité de tous les acteurs d’un même pays, employeurs compris. La manière dont cette responsabilité se traduira dans la réalité dépendra de la législation de chaque pays. Toutefois, on pourrait envisager de confier la responsabilité du suivi régulier de l’état de santé des salariés à l’employeur au-delà des lois relatives à l’hygiène et à la sécurité qui ont tendance à se concentrer essentiellement sur les menaces physiques ou les dangers à la santé (comme les toxines, le bruit ou la poussière). Il reste encore beaucoup à faire en matière de règlementation relative au contrôle des facteurs psychosociaux pour reconnaître tout d’abord les pathologies associées, mais cela mènera avec un peu de chances à des mesures d’aide aux salariés ou de réduction des facteurs de stress au travail. La santé mentale est aussi importante que le bien-être physique ; c’est pourquoi elle doit être reconnue comme une question de santé et de sécurité au travail. 2. Initi ati ves i nno va ntes da ns des e ntre pris es e n c o urs de res tr uc tur ati on Souvent, les entreprises en cours de restructuration doivent faire face non seulement à de nouveaux défis concernant la composition des structures, des tâches et des effectifs, mais aussi à des problèmes d’insolvabilité, de faillite, d’OPA hostiles, de fermeture de sites et de délocalisation. Si tous ces phénomènes justifient la concentration actuelle des efforts sur la gestion financière et sur la gestion de la production pendant la phase de restructuration, cela pose néanmoins la question de l’approche et de l’abandon des programmes d’aide aux employés pendant ces périodes de crise, de défis et parfois de lutte pour la vie. Après tout, sans « le capital humain » de l’entreprise, sans ces hommes et ces femmes responsables du produit ou du service, il n’y aurait pas de production. Dans les paragraphes à venir, nous citerons en exemple différentes méthodes pour mieux prendre en compte le capital humain de l’entreprise plutôt que de se limiter aux aspects financiers de la production. 13 2.1. La promotion de la santé dans les cas de suppressions d’emplois : Saint-Gobain (Allemagne) L’Association Fédérale des Mutuelles d’Entreprises (Bundesverband der Betriebskrankenkassen - BV BKK) à Essen a fait un travail exemplaire ces dernières années dans la région de la Ruhr, en concentrant ses initiatives sur le soutien aux chômeurs seniors de longue durée, mais aussi aux jeunes sans emploi et aux autres groupes. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, les travailleurs en Allemagne ne perdent pas leur mutuelle même après un licenciement, ce qui, ajouté à la loi qui impose que toute mutuelle d’entreprises en Allemagne investisse dans des mesures de promotion et de prévention de la santé (SGB V §20), représente une impulsion non négligeable pour financer de nouvelles initiatives en matière de santé. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, les travailleurs en Allemagne ne perdent pas leur mutuelle même après un licenciement, ce qui, ajouté à la loi qui impose que toute mutuelle en Allemagne investisse dans des mesures de promotion et de prévention de la santé (SGB V §20), représente une impulsion non négligeable pour financer de nouvelles initiatives en matière de santé. La restructuration du site de Saint-Gobain à Gelsenkirchen en Allemagne, aussi connu sous le nom de “Schalker Verein” montre comment la promotion de la santé peut venir compléter des mesures de transfert plus traditionnelles. En 2004, l’aciérie de Gelsenkirchen qui appartenait à la compagnie française Saint-Gobain se retrouva menacée de fermeture. Autrement dit, tous les salariés devaient être licenciés. La BV BKK à Essen fut informée longtemps à l’avance des projets de restructuration par sa branche locale et décida d’agir avant que tous ces employés ne se retrouvent au chômage. Elle prit contact avec la compagnie et obtint la permission de proposer des initiatives relatives à la santé à tous les employés concernés par la fermeture pendant leur processus de reclassement. Elle fournit tous les fonds et personnels requis pour cette opération de promotion de la santé. L’objectif de ce programme était de dispenser des ateliers non obligatoires de promotion de la santé sur le site de production. Chaque atelier aborderait des sujets spécifiques et pertinents en matière de promotion de la santé. La participation se faisait sur la base du volontariat. Le concept de l’initiative de santé et son objectif La mesure de promotion de la santé est née de la longue collaboration entre le département de psychologie des entreprises de l’université de Dortmund et l’Association Fédérale des Mutuelles d’Entreprises (BV BKK) d’Essen. La coopération s’était concentrée sur le thème du chômage et de la santé. En association avec l’Institut de Psychologie et de Médecine du Travail (Institut für Arbeitspsychologie und Arbeitsmedizin, IAPAM) d’Herdecke, les collaborateurs avaient déjà mis au point par le passé un concept de conseil destiné spécialement aux chômeurs et aux salariés en emploi précaire. Le concept reposait sur la logique suivante : les chômeurs et les salariés menacés de licenciement doivent faire face à une situation de grande précarité qui peut les conduire à modifier leur comportement vis-à-vis de l’alimentation et de l’activité physique. Les gens en situation de précarité sont plus susceptibles d’avoir une mauvaise hygiène de vie. La variation des perspectives d’emploi selon l’état de santé du chômeur a été le second argument en faveur des initiatives de promotion de la santé. Les gens qui ont des problèmes de santé ont moins de chance de réintégrer le marché du travail que ceux qui sont relativement en bonne santé. Sur la base de ces hypothèses, deux objectifs ont été définis. Le premier était d’améliorer l’accès au marché de l’emploi et les perspectives pour les chômeurs ; le second, de promouvoir la santé auprès des sans-emplois et de les encourager à conserver une certaine qualité de vie. 14 Encadré 1: Gros plan sur le financement Cette initiative a été financée par la BV BKK et repose sur le Code V de Sécurité Sociale (SGB V §20) qui oblige les mutuelles de santé à investir dans des programmes de prévention de la santé afin d’améliorer le bien-être général de la population et en particulier « d’aider à réduire les effets des inégalités sociales sur la santé ». Ces programmes et ces mesures peuvent prendre différentes formes ; les textes mentionnent des groupes d’entraide, des organismes de contact c’est-à-dire des organismes qui visent à prévenir les problèmes de santé ou qui se spécialisent dans le soutien financier aux assurés en cas de chômage. Ces objectifs étaient déjà ancrés dans les nombreux intérêts de la BV BKK pour ce groupe spécifique. Ces mesures devraient aider à réduire les coûts, en particulier ceux provoqués par les problèmes de santé liés au licenciement. De plus, elles influencent positivement le taux d’emploi et les structures de prévention des risques pour les sociétaires maintenus dans leur emploi. La mise en œuvre des initiatives sur le site de Saint-Gobain à Gelsenkirchen Le concept de promotion de la santé dans ce cas précis avait pour objectif d’aider les participants à identifier les tensions, les dangers et les facteurs de risque afin de les gérer, de les surmonter et de les empêcher de devenir des obstacles à leur carrière professionnelle affectant par la suite leur santé, leur productivité et leur qualité de vie. Dans le cadre de cette initiative, les ateliers avaient pour thèmes : accroître la sensibilisation à la santé et à l’hygiène de vie, aider les participants à envisager un nouveau départ, à gérer les situations problématiques et à faire des projets à long terme. Le projet fut présenté aux salariés une semaine après l’annonce officielle de la fermeture en réunion. Une grande campagne de promotion des offres de consultation fut organisée par des consultants qui tenaient des stands d’information, abordaient les salariés et répondaient aux questions concernant la consultation proposée par le biais d’une ligne d’écoute spécialement mise en place. Au final, sur 230 salariés 80 salariés participèrent aux réunions d’information ; et parmi ces 80, 56 prirent part aux ateliers. Les participants étaient répartis en six groupes de cinq à dix personnes chacun. Les ateliers visaient à transmettre des conseils pratiques en matière de santé pour que les participants puissent prendre davantage soin de leur santé. Les réunions et les ateliers eurent lieu de juin à décembre 2004 dans les bureaux du bâtiment administratif sur le site de SaintGobain au rythme d’une session de cinq heures par mois. Avant que les ateliers ne commencent, chaque participant bénéficia d’un entretien individuel d’une heure. Le but de cet entretien initial était de fournir des renseignements supplémentaires sur le programme et de rassembler des informations sur les participants pour les consultants, à l’aide d’un questionnaire semi-standardisé. En plus des ateliers et de l’entretien initial obligatoire, les salariés participants étaient libres de prendre rendez-vous avec un des consultants pour des consultations personnelles ou des séances de coaching. Le premier atelier s’intéressa aux habitudes et aux comportements des participants sue le plan de l’exercice physique, de l’alimentation, du sommeil, de la consommation d’alcool et de tabac. La discussion couvrit des thèmes comme les habitudes sportives ainsi que les recommandations nutritionnelles de la Société Allemande de Nutrition (Deutsche Gesellschaft für Ernährung). Cet atelier conduisit à un changement d’habitudes, visible notamment dans la popularité du groupe de marche nordique. Un participant fit observer que des petits changements avaient lieu; des gens se mirent à manger un fruit par jour, chose qu’ils ne faisaient pas auparavant. L’impact des ateliers 2 et 5 se révéla plus difficile à évaluer dans la mesure où leurs objectifs étaient de fournir aux participants des outils qui leur permettraient de 15 développer leur propre projet personnel à long terme et d’évaluer les méthodes mises en place pour atteindre leurs objectifs. L’importance de la motivation était aussi un thème central de ces ateliers. Toutefois, la perte des donnés suite à un renouvellement de personnel n’a pas permis d’évaluer l’impact de ces mesures. Le soutien familial a contribué au bon degré de coopération des participants : d’une séance à l’autre, ils accomplissaient les tâches à faire avec l’aide de leur conjoint(e) à la maison. Les salariés participants ont aussi influencé de manière positive le contenu, le contexte et les connexions entre les ateliers. En dehors des séminaires, ils créèrent un petit groupe de marche nordique qui se retrouvait une fois par semaine devant les grilles de l’usine pour aller faire de l’exercice dans un parc à proximité. Composés de dix personnes, ce groupe continua de se rencontrer bien longtemps après la fin de l’initiative de promotion de santé. Évaluation, pérennité et efficacité des mesures. Malheureusement, la perte des donnés suite à un renouvellement de personnel n’a pas permis de faire une évaluation statistique de l’impact de ces mesures. Cependant, les appréciations et commentaires représentent des indices d’une évaluation positive. Dans son compte rendu, le formateur mentionne les résultats très positifs du programme sur les participants, ce qui implique aussi des effets à long terme. De leur côté, les participants ont déclaré avoir élargi leurs connaissances, amélioré leurs exigences en matière de santé et gagné en motivation pour prendre davantage soin de leur santé et de leur avenir, tant sur le plan professionnel que personnel. D’autres discussions et entretiens ont révélé qu’ils avaient modifié leurs habitudes et leurs comportements (courses, exercice physique, maîtrise de la colère). Un groupe de marche nordique a aussi été créé à leur initiative. Les questionnaires utilisés pendant le programme ont montré que les participants avaient beaucoup appris. Le fait que les devoirs ou tâches fixés d’une séance à l’autre étaient toujours accomplis avec beaucoup de zèle par les participants et leur conjoint(e) en est une preuve supplémentaire. Cette évaluation est renforcée par l’atmosphère positive (bonne volonté et participation active des salariés) qui régnait lors des ateliers. Les participants ont aussi fait part de leur satisfaction vis-à-vis du contenu, du contexte et de la progression des ateliers. La possibilité d’exprimer leurs angoisses, l’accompagnement dans la formulation de nouvelles idées de carrière, les échanges arbitrés avec les collègues et le soutien du formateur pendant les entretiens ont été particulièrement appréciés. Toutefois, des critiques sont à faire. Seulement 16 participants ont accepté d’avoir des entretiens individuels avec les organisateurs du programme. D’après un formateur, certains processus auraient nécessité un taux de participation plus élevé. En effet, les effectifs se sont réduits au fil du temps, ne laissant vers la fin qu’entre cinq à dix personnes par groupe. En ce qui concerne les ateliers, 23 personnes sur 56 y ont participé à intervalles irréguliers, et 16 employés ont manqué des séances en raison de problèmes de santé, d’horaires décalés, de stages en entreprise ou de nouvel emploi. Ce que nous devons néanmoins prendre en compte en évaluant ce cas, c’est le caractère encore expérimental de cette initiative de promotion de la santé. C’était seulement la deuxième fois qu’un tel projet était mis en œuvre dans une entreprise. Quoi qu’il en soit, le cadre de mise en œuvre et la proposition clé à la base de cette mesure font apparaître des aspects innovants indéniables. La promotion de la santé avait pour objectif l’augmentation des compétences en matière de gestion de la santé qui, à son tour accroît l’employabilité, sans pour autant se concentrer exclusivement sur le reclassement. Contrairement à ce qui arrive parfois avec les projets à long terme dans les « sociétés de transfert » dont l’évaluation repose principalement sur la réussite de leurs activités de reclassement, ce contexte élargi a permis d’éviter l’apparition de problèmes comme la 16 frustration croissante des participants. De plus, ce programme a abordé des aspects plus délicats qui ne sont pas toujours traités aussi ouvertement par « les sociétés de transfert », à savoir : la possibilité réelle du chômage. L’accent mis sur l’individu et la prise en charge de sa santé promet aussi d’avoir des effets bénéfiques à long terme sur le salarié et sur sa future recherche d’emploi, en influençant de manière positive son hygiène de vie et en augmentant par là même son employabilité. 2.2. La réadaptation pendant la période de préavis : Ericsson (Suède) Comme beaucoup de compagnies de télécommunications, le groupe Ericsson s’est mis à développer et à mettre en œuvre des programmes de restructuration en Suède, au milieu des années 1990, afin de recentrer ses activités pour s’adapter à la compétition croissante et aux progrès technologiques. En 2001, l’effondrement des ventes et des commandes mit un sérieux coup d’arrêt au développement et entraîna la décision de réduire le personnel suédois de 50 000 à 9 000 salariés. Le principe d’ancienneté fut modifié dans les négociations qui suivirent et appliqué dans les limites du possible. En effet, le groupe avait besoin d’être en pleine mesure de fonctionner, et pour cela devait conserver les salariés avec les compétences nécessaires aux futurs besoins de la production. En contrepartie des concessions octroyées dans la sélection des salariés à licencier, les syndicats négocièrent différentes options pour le personnel. Nous nous intéresserons particulièrement à celle concernant l’offre très complète de retour à l’emploi proposée sous la forme d’un programme de réorientation professionnelle sur douze mois appelé « Forum pour le Futur ». La partie suivante s’attachera à étudier le recours aux pasteurs et « aux coaches en ressources humaines » chargés d’offrir une aide supplémentaire aux employés qui présentaient les problèmes de santé les plus graves. Déroulement et objectif du « Forum pour le Futur » En plus du financement de la Fondation Suédoise pour la Sécurité de l’Emploi, le « Forum pour le Futur » a bénéficié du soutien d’un certain nombre de cabinets de conseil comme Manpower, Right and Antenn (cf. Encadré 2). L’objectif de cette nouvelle initiative était de trouver des solutions pour tous les employés : un nouvel emploi, une aide et des conseils à la création d’entreprise, de nouvelles études ou qualifications. La phase expérimentale du Forum se déroula entre août 1999 et août 2001 ; elle avait pour but d’aider les 200 salariés participants à se reconvertir en les formant et en les accompagnant dans leur recherche d’emploi. L’expérimentation se révéla un véritable succès : 95 % des salariés furent reclassés. À l’issue du programme expérimental de reclassement, 80% des participants décidèrent de quitter Ericsson et 20% restèrent dans la compagnie. Le test ayant étant concluant, le programme Forum fut approuvé par les syndicats pour les licenciements à venir. Le programme officiel démarra en 2001 avec l’objectif de trouver des solutions pour 80-90% des participants, toutefois ces chiffres furent revus à la baisse deux ans plus tard en raison des difficultés du marché de l’emploi. En 2003, le taux de reclassements réussis était de 78%. Les licenciements étaient programmés tous les six mois et chaque vague s’accompagnait du démarrage d’un nouveau Forum. Chaque nouveau Forum était négocié avec les syndicats (cf. Figure 1). Ainsi, ces négociations et les commentaires des consultants permirent d’apporter progressivement des améliorations d’un programme à l’autre. Un entretien individuel préalable était l’occasion pour les salariés de faire connaissance avec leur coach et d’en apprendre plus sur le déroulement du programme et sur leurs responsabilités. 17 Encadré 2: Les motifs à l’origine du projet Forum Voici les raisons derrière le projet Forum que Carl-Gustav Leinar, directeur des ressources humaines pour Ericsson-Suède à l’époque (2001), décrit brièvement au directeur du programme : « Tout d’abord, Ericsson se doit d’être un bon employeur dans les périodes florissantes comme dans les périodes de crise. Le programme n’a pas pour vocation de payer les gens mais de leur donner les moyens de retrouver un emploi. Par ailleurs, les salariés qui restent dans l’entreprise doivent se sentir en sécurité et doivent avoir l’assurance qu’ils bénéficieront du même soutien. Deuxièmement, maintenir la bonne réputation et la bonne image du groupe en aidant ceux qui doivent quitter l’entreprise à retrouver un emploi n’a cessé d’être au cœur de nos préoccupations tout au long de ces cinq dernières années. Enfin, l’image d’Ericsson comme employeur responsable est importante pour le recrutement futur de nouveaux talents, lui-même essentiel pour une compagnie d’informatique et de télécommunications. » Le conseil en matière de réadaptation : le cabinet Prästbyrån et ses consultants en ressources humaines Face au nombre important de problèmes de santé qui se déclarèrent chez les participants, les administrateurs, les responsables du programme ainsi que les conseillers en gestion de carrière se rendirent vite compte que l’accompagnement en gestion de carrière seul était inadapté. À l’époque, la société Manpower qui fournissait ces conseillers ne parvint pas à trouver une solution à la nouvelle situation. De leur côté, les conseillers avaient eux aussi remarqué les problèmes qui compromettaient la réussite du processus de réorientation professionnelle. En outre, il y avait des différences notables entres les divers sous-groupes ; dans certains, les gens réagissaient très fortement et très ouvertement aux difficultés du chômage imminent alors que dans d’autres, ils se repliaient sur eux-mêmes. De plus, les conseillers et l’administration durent faire face à un problème imprévu de taille : aucun dossier personnel contenant les antécédents médicaux des participants des programmes n’avait été transmis au DRH du programme Forum avant le début du programme (voir Encadré 3). Figure 1 : Structure du programme Forum pour le Futur Forum 1 août 1999-août 2001 pour 200 employés Forum 2 Forum 3 Forum 4 etc. jusqu’à l’automne 2005 En plus du soutien continu de la Fondation Suédoise pour la Sécurité de l’Emploi pour tous les programmes, Ericsson bénéficia de l'aide des cabinets de conseil suivants : Manpower dès 1999 pour les Forums 1, 2, et 3 ; Manpower, Right et Antenn pour le Forum 4. À partir du Forum 5 (2003), les employés étaient libres de choisir le cabinet de leur choix (dans la limite de la répartition géographique des compagnies sur le territoire). Par la suite, un certain nombre d’initiatives furent mises en place pour remédier aux problèmes de santé des salariés qui représentaient un obstacle majeur à l’objectif fixé de 80% de solutions trouvées pour les participants. Si la majorité des participants pouvaient êtres aidés grâce au recours à des consultants et experts supplémentaires, il fallait néanmoins trouver une autre approche pour mieux comprendre les problèmes de santé et les conséquences des licenciements 18 sur les employés restant dans l’entreprise. La directrice du programme estima à 10% le nombre de participants qui avaient des antécédents médicaux importants, aussi bien d’ordre physique que mental (p. ex. alcoolisme, dépression). Vu que les conseillers et les différents membres de l’encadrement du programme n’avaient pas eu connaissance de ces problèmes dès le départ, il fallait trouver un moyen d’aider ces personnes à se réadapter. C’est pourquoi un certain nombre de nouveaux experts rejoignirent le programme dans le cadre d’une collaboration à long terme. Le cabinet Prästbyrån (composé de pasteurs qui sont aussi des psychologues et des thérapeutes professionnels) envoya des « consultants en ressources humaines », c’est-à-dire des consultants alliant les compétences d’un conseiller en gestion de carrière et d’un conseiller-psychologue pour apporter une aide psychologique nécessaire au travail de reclassement et à l’évaluation des problèmes de santé. Consultée une première fois lors de la phase expérimentale du projet Forum, Prästbyrån se vit confier la supervision et le soutien des participants présentant des problèmes de santé. Le coût supplémentaire des mesures était totalement pris en charge par le fonds de restructuration d’Ericsson. Encadré 3: Spécificités de la législation suédoise La législation suédoise prévoit que dans le cas d’un accident du travail et d’une absence prolongée de plus de trois semaines consécutives, l’employeur a pour obligation de mettre en place un plan de réadaptation pour l’employé (p. ex. des séances de kinésithérapie pour un bras cassé). Toutefois, peu d’employés font valoir ce droit puisqu’ils sont couverts par le système classique de santé. Cependant si les employés n’ont pas bénéficié d’un programme de réadaptation dans un certain délai qui suit leur maladie, la compagnie d’assurance contactera l’employeur et exigera qu’il prenne les mesures nécessaires. Depuis peu, on note une hausse dans le recours à la réadaptation financée par l’employeur. La décision de recourir au cabinet Prästbyrån et à ses consultants en ressources humaines fut prise à la suite d’une série d’entretiens demandée par le DRH du site dont les employés avaient été sélectionnés pour le premier programme. Louise Linder, directrice de Prästbyrån, mena les entretiens afin de repérer les thèmes récurrents parmi les employés ayant des problèmes de santé ou des difficultés à s’adapter à la nouvelle situation. Elle suggéra la création de séminaires sur des thèmes tels que « l’éthique du travail » (certains employés ne travaillaient plus du tout), « le sens de la vie » (plusieurs personnes avaient une vision très pessimiste et déprimée de l’avenir). En fait son rôle consistait à identifier les employés qui bénéficieraient d’une aide professionnelle (ex : thérapie cognitive), à mettre en place cette aide, à définir les approches spécifiques nécessaires pour chaque employé et à rediriger chacun vers le professionnel le plus adapté de son réseau. Prästbyrån comprend un large réseau de thérapeutes professionnels qualifiés qui travaillent pour le compte du cabinet. Bien que Prästbyrån appartienne à l’église protestante, plusieurs employés de confession différente firent appel au soutien de ses experts. De plus, Louise Lindner forma la directrice générale du programme Forum qui, à son tour, forma le reste de l’équipe à gérer les entretiens et les situations difficiles avec les employés. Les consultants en ressources humaines sont des conseillers en gestion de carrière avec une formation spécifique en psychologie pour guider les salariés dans leur réadaptation professionnelle. On fit appel à eux lorsque les responsables du programme Forum remarquèrent que 10 à 15% des participants ne réagissaient pas bien en entretien, n’arrivaient pas à s’adapter à la nouvelle situation ou se repliaient totalement sur eux. Parmi les problèmes rencontrés par les participants figuraient entre autres les congés de longue maladie, des conduites addictives (p. ex. jeu, drogue, alcool), des handicaps physiques (p. ex. surdité, cécité) ou des difficultés 19 d’apprentissage (p. ex. dyslexie, compétences langagières limitées). D’autres problèmes incluaient des comportements criminels (p. ex. espionnage industriel, détournement d’argent) ou des difficultés liées au fossé culturel : certains salariés étrangers qui avaient trop honte d’avouer la situation à leur famille se retrouvaient dans une situation personnelle et financière extrêmement difficile. Les consultants en ressources humaines apportèrent aussi leur soutien à ceux qui avaient des problèmes d’attitude au travail comme un manque d’indépendance et d’initiative personnelle ou dans la recherche d’emploi. D’autres encore n’avaient pas les savoirêtre et savoir-faire nécessaires pour bien gérer les entretiens, souffraient de troubles de la personnalité ou avaient une faible estime d’eux-mêmes. Avant même que le deuxième Forum ne commence, la directrice et principale consultante de Prästbyrån avait son propre bureau ouvert du lundi au vendredi dans les locaux occupés par le programme Forum. Chaque employé avait droit à trois séances avec elle. Toute consultation supplémentaire nécessitait l’accord préalable de la directrice du programme en raison des frais encourus. Si les employés préféraient poursuivre leurs séances sans que la compagnie en soit informée, les frais étaient alors à leur charge. Toutefois, la majorité des employés se contentèrent d’une ou deux séances pour parler de leurs problèmes personnels. Évaluation, pérennité et statistiques Au départ, le personnel du programme Forum était totalement désarmé face aux problèmes de santé ou aux situations plus complexes. Avant que le Forum 3 ne commence, la directrice et son assistant allèrent voir les DRH des sites dont les employés devaient rejoindre le programme afin d’avoir un aperçu confidentiel et informel des participants à venir et d’être prêts à aider ceux qui en avaient le plus besoin. Ces réunions strictement confidentielles permirent de détecter les problèmes plus rapidement, dans les trois premiers mois. Les directeurs des ressources humaines comme les syndicats étaient très favorables à cette approche proactive qui permettait aux gens de tirer plus rapidement profit du programme. À cela s’ajoutaient certaines procédures pour suivre la situation de tous les participants au programme et synthétiser les commentaires pour le programme suivant. Pour cela, tous les consultants se retrouvaient une fois par semaine pour discuter des progrès, des problèmes et de la situation générale des employés. L’assiduité faisait l’objet d’un contrôle régulier afin de s’assurer que les participants coopéraient bien avec le programme. Par ailleurs, afin de vérifier et de maintenir la qualité tout au long de chaque programme, tous les participants étaient convoqués à un entretien final. Ces entretiens contribuaient ainsi au retour d’information continu nécessaire aux syndicats et à la direction pour discuter et renouveler l’accord du programme suivant. D’après l’évaluation du programme 2005, 80% des 9 300 salariés participants avaient trouvé une nouvelle solution. Toutefois, Ericsson ne publia aucune statistique en matière de santé. Cela s’explique bien sûr par la stricte confidentialité de ces informations. Même dans d’autres circonstances, l’évaluation précise des résultats des mesures de soutien aurait été de toute façon difficile à déterminer vu l’état de santé très variable d’une semaine à l’autre des employés. Toutefois, certaines estimations de la DRH du programme suggèrent qu’entre 10 et 15% des salariés bénéficièrent des services de réadaptation entre 1998 et 2005, soit entre 900 et 1400 personnes sur un total de 9 300 participants. La pasteur installée sur le site du Forum signala la visite de 500 à 1000 employés sur cette période. Ericsson demanda aussi aux divers cabinets de conseil de fournir des statistiques pour les 1200 employés qui avaient été aidés par leurs consultants. Le cabinet Right publia des chiffres pour les 15% d’employés d’Ericsson qu’ils avaient aidés. Environ 25% d’entre eux trouvèrent un emploi ailleurs et 15% quittèrent le programme pour commencer des études ou suivre une formation à long terme. 20% restèrent en congé de longue maladie pour des maladies comme le 20 cancer ou la sclérose en plaques. 10% suivirent le programme de reclassement proposés par les agences publiques pour l’emploi. Aucune information n’était disponible concernant les 31% restant. Dans l’ensemble, la plupart des employés ont déclaré être satisfaits des solutions qui leur avaient été proposées. Le cabinet Antenn fit part de chiffres légèrement différents pour leurs participants : 55% retrouvèrent un emploi, 25% entreprirent des études, 10% restèrent en congé de maladie et 10% utilisèrent les services de reclassement du service public. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les variations de résultats sont dues aux caractéristiques particulières des divers sites et branches d’activité d’Ericsson ainsi que la répartition des employés dans différents cabinets de conseil selon leurs besoins (cf. Encadré 4). Encadré 4: Le programme Forum et les différences entre les groupes L’exemple qui suit illustre bien aussi pourquoi les taux de réussite ne doivent pas être pris au pied de la lettre. Tous les participants ne firent pas aussi bien ; c’est le cas d’un des derniers programmes, le Forum 10 qui se composait principalement de concepteurs de logiciels. Environ 80% des participants avaient besoin d’une aide urgente. Les membres de groupe qui venaient juste de terminer la conception d’une radio étaient d’autant plus en colère d’être licenciés qu’ils avaient été considérés jusque-là comme les grands gagnants de l’entreprise, ayant évité neuf vagues de licenciements. Seulement 55% d’entre eux retrouvèrent un emploi contre un taux moyen de 80%. Un marché particulièrement défavorable à ce secteur explique en partie ce faible taux ; en effet, les deux seuls employeurs potentiels de concepteurs radio, Ericsson et Nokia, procédaient à des réductions d’effectifs dans ce domaine. En outre, le manque de communication et d’information sur la situation et la restructuration de la part du directeur de cette branche fut un facteur aggravant. L’annonce des licenciements prit cette catégorie d’employés totalement par surprise. Répercussions du programme chez Ericsson et en dehors du groupe. Les phases précédentes de restructuration chez Ericsson n’avaient jamais encore permis aux responsables comme aux employés d’en apprendre autant qu’avec le programme Forum. Les mesures notamment d’accompagnement et d’aide psychologique pendant les périodes de licenciements n’avaient jamais été envisagées jusque-là par la direction. Seuls l’ampleur du projet de licenciement et l’effet de filtre ont mis en avant ces employés qui avaient besoin d’une aide spécifique et dont les problèmes étaient passés inaperçus pendant des années voire des décennies auprès des supérieurs hiérarchiques, soit parce que ces derniers n’étaient pas conscients de l’existence de ces problèmes soit parce qu’ils n’avaient pas jugé nécessaire d’en informer la direction. Jusque-là, la mise en place de mesures de réadaptation et de reclassement avait été le résultat de diverses approches visant à résoudre les problèmes plutôt que le fruit d’une réelle approche proactive. À la place, la compagnie a élaboré un instrument qui lui permet de participer activement à la manière dont les problèmes de santé des employés sont réglés en instaurant avec l’aide du réseau Prästbyrån un système d’orientation des employés. De cette manière, Ericsson a désormais les moyens d’aider les employés qui ont besoin d’un spécialiste plutôt que de les renvoyer vers les agences publiques de santé qui peuvent mettre plus de temps à fournir le soutien requis. Il reste à savoir si ces problèmes de santé étaient jusque-là passés inaperçus ou s’ils ont été déclenchés par les grosses vagues de restructuration de 1998 à 2006. Non seulement le programme Forum a rendu service aux employés mais il a aussi permis à la direction de prendre conscience de la complexité des problèmes de santé auxquels les salariés étaient confrontés, ce qui, auparavant, ne figurait pas au centre de ses préoccupations quotidiennes. Depuis la restructuration, le groupe Ericsson a introduit une procédure particulière de soutien aux employés victimes des licenciements ainsi qu’un protocole de 21 communication. Sur les conseils des consultants, afin de rendre le processus moins douloureux pour les salariés, les responsables doivent maintenant expliquer « le pourquoi » lors de l’annonce du préavis et programmer des réunions de suivi. Si les salariés ne viennent pas à ces réunions, il revient à la directrice de Prästbyrån de les contacter de la part de la compagnie. Dans le cas de problèmes d’adaptation à la nouvelle situation, elle organise une aide psychologique spécifique. Le recours aux consultants en ressources humaines contribua à une augmentation quantitative mais aussi qualitative des reclassements. La coopération entre divers cabinets de conseil conduisit à la création d’une nouvelle agence spécialisée en conseil de santé pour les entreprises en phase ou en projet de restructuration. L’agence d’intérim Manpower participa au Forum 1 en fournissant plusieurs conseillers en gestion de carrières. Face au succès du programme expérimental, Manpower décida de créer des filiales de services spécifiques. C’est ainsi qu’Empower apparut en 2001 pour gérer l’accompagnement en gestion de carrière à plus grande échelle. Par la suite, Empower fusionna en 2003 avec la compagnie Right Managements pour créer une nouvelle société, Halsöpartner, dont le directeur adjoint nommé en 2004 n’était autre que l’ancien consultant pour le programme Forum entre 1999 et 2003. Aujourd’hui, Halsöpartner travaille en étroite collaboration avec des compagnies suédoises telles que Sandvik, ABB (c’est-à-dire que des médecins et des infirmières du travail employés par Halsöpartner offrent des services d’aide et de conseil dans ces entreprises ou dans d’autres sociétés en phase de restructuration, comme Ericsson.) 2.3. Le reclassement, ses défis et ses mécanismes d’aide : TeliaSonera (Suède) Comme de nombreuses entreprises publiques privatisées dans les années 1980 et 1990, le réseau suédois de télécommunications Televerket rebaptisé plus tard Telia a connu d’importants changements ces quinze dernières années. À la suite d’une restructuration de grande ampleur dans les années 1990 impliquant des licenciements et des redéploiements considérables, Telia et la compagnie finlandaise Sonera (appelée auparavant Telecom Finland) fusionnèrent pour devenir en 2003 TeliaSonera. Aujourd’hui, TeliaSonera est une compagnie de téléphone et un opérateur de téléphonie mobile scandinave. Televerket et plus tard Telia et TeliaSonera ont connu plusieurs plans sociaux. Sur les 49 000 personnes qu’elle employait en 1989, Telia n’en comptait plus que 12 700 en 2002. Les précédents plans de restructuration de Telia au début des années 1990 se sont soldés par un échec spectaculaire ; les raisons principales étant la mentalité très traditionnelle des employés qui s’attendaient à faire toute leur carrière dans cette entreprise et une forte opposition syndicale. En 1995, la direction mit en place un programme de reclassement, connu par la suite sous le nom de programme Division P, afin de supprimer jusqu’à 5 000 postes sur trois ans sans recours au licenciement. À l’époque, la compagnie avait déjà fait ses premières armes dans le transfert de postes. Le cas d’étude suivant décrit les mesures et les programmes mis en place en Suède entre 1996-1998 pour le personnel de TeliaSonera en cellule de reclassement. Restructuration, reclassement à long terme et défis en matière de santé L’objectif de ce programme de reclassement sur trois ans était de donner aux salariés concernés suffisamment de temps pour trouver un nouvel emploi (en dehors mais aussi à l’intérieur de Telia) ou envisager d’autres solutions comme la reprise d’études, la création d’entreprise, etc. De plus, la nouvelle organisation devait tenir compte des compétences existantes et protéger les 22 futurs savoir-faire au sein de l’entreprise, former les employés dans de nouveaux domaines et à de nouveaux métiers, distribuer de nouvelles missions de travail et redéployer le personnel de manière efficace à travers tout le groupe Telia. Un aspect essentiel du programme concernait la mise en place du reclassement : la cellule de reclassement avait éliminé de nombreux problèmes souvent rencontrés dans des programmes similaires. Les employés n’avaient désormais plus de réel travail à faire ni même de poste de travail. Ils devaient partager les ordinateurs et se rendre tous les jours à la cellule de reclassement comme n’importe quel autre employé. Au total, en 1996, 23 000 personnes furent concernées par cette première initiative de reclassement à l’échelle de groupe. Pour mener à bien le programme de reclassement, la direction se reposait exclusivement sur les compétences de ses formateurs et responsables des ressources humaines qui découvraient le programme en même temps que les salariés. Chacun d’entre eux avaient la responsabilité d’un groupe de 20 personnes. Leur travail consistait à les accompagner au quotidien, à les soutenir, à les aider à gérer leur frustration, à les motiver jour après jour et à identifier les besoins particuliers de chacun (cf. Encadré 5). Aucun consultant extérieur ne fut employé pour les aider. La seule aide extérieure financée et acceptée par la mutuelle d’entreprises fut le recours aux agences de recrutement et de placement. Encadré 5 : Les raisons de ces mesures de restructuration TeliaSonera fit part de ses raisons dans un communiqué de presse en mai 2006 : « En évitant des négociations interminables sur les licenciements, l’entreprise augmente son efficacité; elle peut garder les salariés plus jeunes et diplômés, réduire les coûts de recrutement et ainsi faire preuve de bonne volonté aussi bien en tant que fournisseur qu’employeur. Les salariés quant à eux n’ont pas à faire face au licenciement ; ils reçoivent une aide pratique et financière relative à leur reclassement ainsi qu’une sécurité supérieure à celle des filets de sécurité classiques grâce à l’accent mis sur la formation et sur le développement des compétences. » Toutefois, dès les premiers mois, le personnel (les salariés à reclasser comme le personnel d’encadrement du programme) se retrouva face à des difficultés qui avaient été clairement sous-estimées par les instigateurs du programme. Si le fait de continuer à payer les salariés à plein salaire pour un travail qu’ils ne faisaient plus présentait des avantages indéniables (c’est en tant que salariés officiels de Telia qu’ils effectuaient leur recherche d’emploi, et non comme chômeurs), l’infrastructure environnante et l’absence de travail provoquèrent néanmoins une baisse de motivation après les premiers mois du programme. Les effets s’en firent vite ressentir : certains membre du personnel, y compris des responsables du programme, étaient de plus en plus stressés et éprouvaient des difficultés à s’adapter à la situation. Si pour certains employés, cela fut immédiat, il fallut à d’autres plusieurs mois et plusieurs candidatures infructueuses. Cette situation de reclassement conduisit certains à remettre en question le travail de toute une vie, quelques-uns se tournèrent vers la drogue, ce qui n’avait pas du tout été anticipé. Pour un grand nombre d’employés, le lien entre leur emploi et leur statut était un aspect central de leur identité. Quant au personnel d’encadrement, il avait besoin de savoir-faire spécifiques pour faire face à cette situation complexe et répondre à la souffrance exprimée par les employés. Jusque-là, dans tous ses précédents plans de restructuration, Telia n’avait jamais eu besoin de recourir à des experts extérieurs. Un certain nombre de mesures furent alors mises en place dont l’organisation d’une formation spéciale pour aider le personnel d’encadrement à faire face aux difficultés inhérentes à leurs responsabilités. Telia n’avait pas pour autant l’intention d’en faire 23 des conseillers-psychologues. Dans un deuxième temps, Telia se tourna vers sa mutuelle et lui demanda d’apporter elle-aussi son aide. La mutuelle donna alors accès à ses propres conseillers : les employés de Telia avaient droit jusqu’à trois consultations par téléphone, ou dans les locaux de la mutuelle si nécessaire, sans obligation d’informer leur responsable de programme. Ces mesures s’appliquaient à tout le territoire. De plus, dans certaines régions, à Stockholm notamment, les employés pouvaient partager leurs problèmes avec les Prästbyrån, ces pasteurs spécialisés dans le conseil en matière de réadaptation. Dans un des centres, une pasteur participait régulièrement aux réunions avec les employés, et consultait une fois par semaine sur place. Une mesure supplémentaire fut introduite un peu plus tard dans le programme : le mentorat du personnel d’encadrement par des professionnels bénévoles, extérieurs au réseau Telia, qui, placés sous l’autorité directe de la direction de la cellule de reclassement, avaient pour tâche de les guider dans leur travail et de leur faire part de leur propre expérience. En contrepartie, ces professionnels pouvaient se familiariser avec le fonctionnement du secteur des télécommunications. Évaluation et pérennité des mesures Au cours des trois ans que dura le programme Division P (1996-1998), des solutions furent trouvées pour 6 500 postes menacés de suppression. Ainsi, 3 600 personnes quittèrent la compagnie (pour démarrer un nouvel emploi, reprendre ou commencer des études, créer leur propre entreprise ou partir à la retraite), 2 800 réussirent à changer de poste au sein de l’entreprise et seulement 2%, selon les statistiques fournies par Telia, sur les 6 500 employés concernés furent licenciés faute de leur avoir trouvé une solution. Par ailleurs, 2 000 nouveaux employés, de jeunes diplômés essentiellement, furent recrutés sur la même période. Au total, depuis 1996, 7 000 employés ont quitté la compagnie Telia, et 11 000 autres postes ont été externalisés. Le programme a donc dépassé de loin les objectifs de 1995. Toutefois, comme pour chez Ericsson, les directeurs du programme Division P constatèrent un petit nombre de salariés qui attendaient tout de leur employeur et qui restèrent passifs tout au long du programme. Dans ce cas, la nature à long terme du programme ne joua pas en leur faveur. Vu que le soutien psychologique et les services de santé étaient sous-traités, aucune statistique n’est disponible dans ce domaine. Toutefois, des estimations prudentes évaluent à 5% le nombre d’employés dans la cellule de reclassement qui auraient fait appel aux consultants du centre de mutuelle. Sur le plan des mesures de santé et de leur importance dans la planification de futures restructurations, l’expérience accumulée au cours de la première période de reclassement entre 1996-1998 a eu plusieurs effets positifs sur la mise en place de tels programmes et sur l’approche générale d’encadrement. Les dirigeants ont maintenant l’obligation de prendre en compte le coût de promotion de la santé au travail dans leur budget annuel. Les programmes de reclassement qui suivirent prêtèrent particulièrement attention au nombre de conseillers et de responsables d’encadrement nécessaire au soutien de vastes groupes d’employés. La collaboration avec les mentors extérieurs pour le personnel d’encadrement est toujours en place. 24 2.4. Le suivi de l’état de santé du personnel et les outils de mesure en ligne : British Telecom (Royaume-Uni) Comme toutes les entreprises du secteur public britannique qui ont fait l’objet d’une privatisation, British Telecom a subi d’importantes restructurations. Le passage d’une entreprise publique à une entreprise privée devant désormais faire face à la concurrence non seulement nationale mais aussi européenne et mondiale prit un certain temps (1984-1993) et se fit en plusieurs étapes. Les années qui suivirent conduisirent à maints changements tels que des scissions-dissolutions et des fusions. Les pertes financières qu’accumula la compagnie à la fin des années 1990 et au début des années 2000 furent à l’origine de la plupart de ces activités de restructuration ; il était donc indispensable de réorienter la stratégie et de repenser totalement l’organisation de l’entreprise en fonction des nouvelles technologies et de la concurrence émergente. Aujourd’hui les activités de BT recouvrent les services informatiques en réseau, les services de télécommunications locaux, nationaux et internationaux, l’accès haut débit, les produits et les services Internet. BT eut recours à des processus classiques de restructuration tels que les programmes de reclassement, la délocalisation, l’externalisation, l’intérim (la barre maximale des 10% de l’ensemble de la masse salariale a été négociée avec les syndicats) ainsi que la mise en place de mesures compensatoires, d’indemnités de départ volontaire ou de primes de mutation pour encourager les salariés à une plus grande mobilité en dehors ou au sein même de l’entreprise. Le défi d’un tel redéploiement des effectifs exigeait de la part de BT une stratégie d’anticipation des besoins de compétences, de formation professionnelle et d’organisation des plans de ressources humaines afin de calculer au plus près les besoins de recrutement et d’éviter les sureffectifs dans certains secteurs. Ainsi, on constate que les effectifs sont restés relativement stables tout au long des dix dernières années, autour des 100 000 salariés. Les résultats de ces restructurations alliés au développement d’une expertise en matière de restructuration et de santé ont débouché sur la mise en place de mesures relatives au suivi et à la promotion de la santé chez BT. Cela s’est fait avec le soutien d’un CHSCT influent et hautement respecté, dont les membres bénéficient « d’une large marge de manœuvre » pour faire leur travail et participent à toutes les procédures grâce à un accord de partenariat avec la direction. Ces initiatives ont pour objectif de permettre à l’entreprise de surveiller l’état de santé de ses employés pendant les phases de réorganisation et de les aider à surmonter un environnement de travail toujours plus précaire, compétitif et instable. Le suivi de la santé : une première méthode pour mesurer le stress et répondre aux problèmes Le syndicat des télécommunications, le Communication Workers Union (CWU), ayant maintes fois signalé la question de la santé des salariés, s’ensuivirent les nominations d’un nouveau Chief Medical Officer (médecin-hygiéniste en chef de la santé) et d’un responsable en chef de la santé et de la sécurité. De plus, deux nouvelles initiatives furent mises en œuvre: STREAM, un outil en ligne de mesure du stress, et Work Fit, un programme visant à améliorer la santé des salariés. STREAM démarra en 2004 avec l’objectif de repérer le stress chez les employés puis de le traiter en conséquence. Le lancement de cette initiative se fit en relation avec l’organisme de droit public chargé de l’inspection du travail, the Health and Safety Executive (HSE) et sa volonté d’améliorer la santé mentale au travail. L’entreprise, qui jusque-là avait toujours contrôlé l’absentéisme pour raisons médicales, était consciente qu’environ 20% des absences étaient liées à des troubles psychiques. 25 STREAM permet à chaque employé, s’il le souhaite, de rentrer confidentiellement son niveau de stress en ligne ; les données sont ensuite rassemblées et analysées au niveau de toute l’entreprise. Le questionnaire en ligne a été mis au point par un psychiatre clinicien et évalué par des groupes de travail. STREAM permet de détecter « les pressions excessives ou intolérables ayant des effets physiques ou psychologiques sur le corps humain ». De son côté, l’employé reçoit un rapport exprimé par un code de couleurs (vert, orange, rouge) et comportant des suggestions pour faire baisser le niveau de stress. En outre, le système fait suivre ce rapport confidentiel au responsable hiérarchique direct de l’employé (seuls l’employé et son supérieur direct ont accès au rapport). Dans le cas d’un niveau de stress élevé, le salarié aura la possibilité d’en discuter avec son supérieur afin de trouver une solution. S’il préfère, il pourra avoir cet entretien particulier avec le responsable hiérarchique suivant ; le supérieur direct étant parfois la cause du problème. STREAM peut repérer différents types de problèmes et offrir des solutions relatives à la charge de travail, la garde d’enfants, la flexibilité des horaires de travail ou l’endettement. De plus, le salarié peut décider d’en parler à un conseiller psychosociologique dans le cadre du programme d’aide aux employés (PAE) de l’entreprise, de contacter la ligne d’écoute pour obtenir des conseils confidentiels et gratuits ou de demander une séance gratuite avec un conseiller (sous-traitée à une agence de conseil via un intermédiaire). Le personnel d’encadrement peut aussi demander un soutien pour régler les problèmes mentionnés par les employés dans leur rapport. Les résultats de STREAM peuvent aussi être compilés afin d’obtenir une vue d’ensemble des problèmes de santé. Ces évaluations d’ordre général sont fortement encouragées par le CWU ainsi que le CHSTC étant donné le stress quotidien auquel certains employés de BT, ceux des centres d’appels notamment, sont soumis. Bien que STREAM ne soit pas utilisé dans le contexte des restructurations, des niveaux de stress plus élevés ont été constatés lors de la réorganisation de départements. Les rapports délivrés par STREAM permettent aux responsables de prendre régulièrement connaissance des problèmes des employés et d’intervenir ou de les rassurer en période d’incertitude. D’après un représentant syndical, à l’été 2006, entre 20 et 25% des salariés avaient utilisé STREAM. L’outil comprend aussi un tableau de bord, le « Mental health dashboard », qui enregistre les congés de maladie liés à des problèmes d’ordre psychologique, toutes les informations relatives à l’orientation des employés à l’intention du service de médecine du travail ainsi que l’issue du processus STREAM. La deuxième initiative Work Fit porte sur les problèmes de santé physique liés au mode de vie actuels, notamment l’obésité, l’hypertension et le diabète. Elle a été mise en place en collaboration avec un certain nombre d’organismes publics et privés qui ont à cœur de promouvoir une bonne hygiène de vie. Le programme se déroule sur 16 semaines sur la base du volontariat. En outre, le vieillissement de la masse salariale et les problèmes qui vont de pair sont aussi pris en compte. En effet, ces employés sont moins susceptibles de faire du sport et donc plus exposés au risque de maladies cardio-vasculaires. La quasi-totalité du programme est diffusée via le réseau interne de BT et par courriel. Work Fit fixe aux participants des objectifs hebdomadaires en matière de nutrition et d’exercice physique, ce qui se conclue souvent pour beaucoup par une perte de poids. Les participants s’entraident et sont répartis en équipes qui sont ensuite encouragées à rivaliser entre elles, ce qui non seulement accroît leur motivation mais leur permet aussi de collecter de l’argent en faveur d’une association caritative. L’accès au programme est gratuit et confidentiel. Si, comme avec STREAM, les participants ont la possibilité de suivre leurs progrès, ils peuvent dans ce cas précis aussi suivre ceux de leur équipe. À la fin du programme, l’entreprise organise une fête pour récompenser et féliciter les salariés de leurs exploits. Jusqu’à présent, le taux de participation a dépassé toutes les attentes. 26 D’abord estimé à 5 000, le nombre d’inscrits pour les douze premiers mois s’est élevé à 16 500, dont un cinquième a déjà terminé le programme avec succès. Évaluation et pérennité des mesures Le CHSTC et le CWU ont grandement participé à promouvoir ces deux outils au départ. Des stands, des démonstrations et des réunions d’information ont été organisés par les représentants syndicaux à travers tout le Royaume-Uni. Le personnel d’encadrement a lui aussi pris part à la démarche en autorisant les employés à se rendre aux réunions sur leur temps de travail. Deux infirmières du travail ont été recrutées pour pouvoir informer et conseiller les salariés. En plus de STREAM et Work Fit, BT a aussi investi dans deux autres initiatives d’aide à la gestion du stress dans une entreprise en perpétuelle mutation. L’une d’elle, intitulée «Positive Mentality », est une campagne de sensibilisation de 16 semaines qui encourage les employés à prendre davantage soin de leur santé mentale. L’autre est une campagne anti-tabac qui, suite à l’interdiction de fumer dans les lieux publics en Écosse puis chez BT, a pour objectif d’aider les salariés à réduire leur consommation voire à totalement arrêter de fumer par le biais d’informations et de conseils. Cette campagne est organisée en association avec les caisses primaires d’assurance maladie et bénéficie d’un accord autorisant les employés à se rendre sur leur temps de travail à des séances pour les aider à arrêter de fumer sur leur lieu de travail. Ainsi, plutôt que de se contenter de régler les problèmes, ces nouvelles initiatives contribuent à s’attaquer aux répercussions sur les salariés de la précarisation de l’emploi et des restructurations récurrentes, ce qui réciproquement a entraîné le recours à des initiatives de santé plus proactives en matière de prévention. 2.5. Soutien externe aux employés et initiatives internes de santé : Hôpital Saint-Joseph de Brême (Allemagne) Le St Joseph Stift GmbH, un hôpital privé situé à Brême dans le nord-ouest de l’Allemagne, a connu plusieurs phases de restructuration ces dernières années sous la forme de scissions visant à accroître sa compétitivité par la réduction des coûts. Les scissions concernèrent principalement les services auxiliaires et non-médicaux de l’hôpital tels que la kinésithérapie, la restauration, l’entretien et l’informatique et la gestion des équipements. Autrement dit, ces départements qui employaient environ 10% de l’ensemble du personnel de l’hôpital, devinrent soit des filiales soit des sous-traitants totalement indépendants de l’hôpital alors que la majorité des employés concernés continuaient d’occuper les mêmes fonctions et le même poste qu’avant. Afin d’accompagner les salariés affectés par les restructurations, la direction, le médecin du travail et le Comité des Employés travaillèrent ensemble pour élaborer un certain nombre de mesures de transfert telles que : des accords de sécurité de l’emploi avec le nouvel employeur et des exemptions spéciales pour ceux qui approchaient de la retraite. Dans certaines des entreprises issues des scissions, l’hôpital se garda même un droit de véto au niveau du conseil d’administration. Mesures d’accompagnement et initiatives en matière de santé Alors qu’ils étaient désormais employés par des filiales ou des entreprises sous-traitantes, les salariés de certains départements continuèrent à travailler dans l’hôpital. Afin de régler les problèmes de l’hôpital tout en maintenant une bonne relation de travail avec les anciens salariés, il fut décidé que le médecin du travail servirait de médiateur et de point de contact pour les employés concernés. De cette manière, si ces employés se sentaient sous pression ou pas assez soutenus au travail, ils pourraient aller voir le médecin du travail qui transmettrait 27 leurs problèmes à la direction de l’hôpital qui, à son tour, en ferait part au nouvel employeur. Comme un responsable de l’hôpital siège généralement au conseil d’administration de ces filiales et compagnies, le bien-être des salariés qui travaillent toujours dans les locaux de l’hôpital est bien représenté et correctement pris en compte. Par conséquent, ces employés bénéficient du soutien de leur nouvel employeur ainsi que celui des représentants de l’hôpital, ce qui est une condition importante pour la coopération continue entre le personnel médical de l’hôpital et ces employés de prestations de services désormais gérés par des sociétés externes. En plus de ces mesures de soutien, l’hôpital avait lancé plusieurs initiatives de promotion de la santé pendant la phase de scission. L’une d’elle, la journée de la Santé pour les employés fut mise en place en 2003 avec l’objectif de promouvoir la santé du personnel, de fournir des informations sur la sécurité au travail, d’encourager les gens à s’inscrire dans des clubs sportifs gérés par les membres du personnel, d’enseigner des techniques de relaxation, etc. Cette journée vise aussi à améliorer la communication entre les départements. Les anciens employés sont toujours invités à participer à ces activités et à profiter de ce programme de santé au même titre que le personnel hospitalier. À travers cette journée créée essentiellement à l’initiative du médecin du travail en collaboration avec la direction, le St Joseph Stift cherche à offrir à son personnel des occasions d’évoluer de manière positive. Aider le personnel à concilier vie privé et vie professionnelle est d’autant plus essentiel pour le médecin du travail et de la direction de l’hôpital que les conditions de travail en milieu hospitalier sont particulièrement exigeantes (longues journées de travail, horaires décalés, niveau élevé de stress physique et psychologique). Si pour l’instant la journée de la Santé reste essentiellement une journée d’information, des projets de développement sont en préparation. Le St. Joseph Stift continue à encourager la proche collaboration entre le Comité des Employés et le médecin du travail à plus forte raison qu’à la différence des hôpitaux publics, il ne possède aucun conseiller spécialisé pour traiter les conduites addictives et relativement peu de travailleurs sociaux ou de psychologues. Ainsi, plusieurs groupes de travail ont été mis en place pour répondre aux préoccupations des employés, relever les défis de la concurrence dans le secteur de la santé et promouvoir de nouvelles initiatives en matière de santé. L’hôpital compte un groupe de réflexion sur la question du « harcèlement au travail » qui a finalisé en 2006 un accord de conduite au travail. Un autre groupe est responsable de la gestion de la qualité et organise tous les trois ans une enquête auprès du personnel et des patients afin d’avoir une vision générale de la situation. Le médecin du travail participe à cette équipe. Un autre groupe spécialisé dans la santé travaille actuellement, sous la houlette du directeur des ressources humaines, à la mise en place d’une « chaîne d’intervention spéciale conduites addictives » qui détaillera les procédures et les mesures de soutien. Son objectif est de permettre au personnel souffrant de conduites addictives ou de stress (physique ou psychologique) lié au travail d’avoir accès en toute confidentialité à une cellule d’écoute composée de conseillers internes. Évaluation et pérennité des mesures Cette étude de cas montre comment une entreprise peut efficacement améliorer la situation de ses employés touchés par les scissions et les restructurations. Le mode d’action proactif dont a fait preuve l’hôpital, d’une part, les initiatives en matière de santé et les mesures d’accompagnement lors du transfert qui en ont résulté, d’autre part, prouvent à quel point l’engagement de certaines personnes au sein de l’entreprise (dans ce cas notamment la direction, le Comité des Employés et le médecin du travail) joue un rôle capital dans le succès de la planification de restructurations. Plutôt que de couper tous les ponts avec ses anciens salariés, l’hôpital Saint-Joseph a réussi à maintenir de bonnes relations avec ces personnes 28 devenues désormais prestataires de services de l’hôpital. En évitant ainsi les conflits et en affichant clairement son investissement, la qualité des services a pu être maintenue. Le système mis en place pour faire remonter les commentaires entre le médecin du travail, le Comité des Employés et la direction garantit que les problèmes sont traités et que le bien-être des salariés dans un environnement de travail très stressant est pris au sérieux. Autre point très encourageant, les efforts continus de l’hôpital pour développer les initiatives et la collaboration entre tous les acteurs, y compris ces anciens salariés qui travaillent toujours à l’hôpital pour le compte d’un nouvel employeur. Comme ces outils sont toujours en cours de développement, aucunes données ne sont pour le moment disponibles. Très faciles à mettre en place dans la plupart des cas, ces initiatives mériteraient d’être instaurées un peu partout. 2.6. Les nouveaux acteurs sociaux et leurs approches Au cours du projet MIRE, nous avons remarqué un certain nombre d’acteurs sociaux et d’approches que nous présenterons rapidement ici. L’Association Fédérale des Mutuelles d’Entreprises (Bundesverband der Betriebskrankenkassen ou BV BKK) a joué un rôle clé dans le cas de Saint-Gobain, prouvant comment les priorités d’une mutuelle d’entreprises peuvent coïncider avec l’intérêt d’une entreprise à promouvoir la santé au travail. La BV BKK a opté pour une démarche proactive, profitant des dispositions prévues par la loi allemande (Code de la Sécurité Sociale, SGB V §20) pour financer un certains nombres d’initiatives visant à promouvoir la santé chez les employés et à prévenir des maladies dans certains groupes à risques. Le raisonnement sousjacent à de nombreuses initiatives de la BV BKK est le suivant : aider les sociétaires au chômage à s’adapter et à mieux gérer leur retour à l’emploi permet non seulement de réduire les dépenses en matière de santé mais aussi de donner à ces personnes les moyens de gérer leur situation d’inactivité forcée si cela vient à se reproduire. Afin de mener à bien ces projets, la BV BKK créa une filiale spécialisée dans l’organisation de ces programmes de santé. La BV BKK a aussi participé à de nombreux réseaux nationaux et européens de promotion de la santé ; elle est impliquée dans un groupe de travail sur les inégalités sociales basé dans les bureaux de l’OMS à Copenhague et à Venise. Par ailleurs, la BV BKK est un organisme de liaison de la Commission européenne pour le Réseau Européen de Promotion de la Santé qui représente trente États membres et leurs organisations chargés de coopérer avec les ministères de la santé de ces pays. En outre, la BV BKK se réunit deux fois par an avec d’autres organismes européens pour échanger des idées et des expériences en matière de promotion de la santé. Plusieurs approches intéressantes mises en place lors de restructurations pourraient servir de point de départ à de futures initiatives en matière de santé. Ainsi, le Luton Health Observatory, l’observatoire de la santé de Luton, est né de la fermeture de l’usine Vauxhall de Luton au Royaume-Uni. La collecte d’informations sur les statistiques de santé dans les collectivités locales et les bassins locaux d’emploi est une importante avancée pour combler l’écart entre les répercussions évidentes des restructurations et les effets sur le plan individuel de la précarité de l’emploi ou du chômage qui en résultent. Depuis que la mairie de Luton l’a intégré à son site Internet, le Luton Health Observatory est maintenant accessible à tous. Le réseau Optim@ en Belgique est un autre exemple d’acteur local qui s’intéresse à la santé dans les régions subissant des restructurations. Composé d’acteur sociaux et de santé, Optim@ bénéficia à l’origine d’un financement d’entreprise pour mettre en place des projets de réaménagement du 29 territoire à la suite de restructurations qui avaient mené à la fermeture d’une usine, comme à Luton. Bien qu’en de nombreux points similaires au Luton Health Observatory, Optim@ s’intéresse principalement aux aspects économiques et sociaux de la population de Seraing et reçoit entres autres le soutien d’un réseau de la région Wallonne. Il concentre ainsi ses efforts sur le bien-être des habitants et l’amélioration du niveau de vie de quartiers durement touchés par les vagues de restructurations. Rares sont les entreprises en Allemagne (ou plus généralement dans les quatre pays participant au projet MIRE, la Belgique, la France, le Royaume-Uni et la Suède) qui ont adopté des méthodes similaires pour intégrer la promotion de la santé au travail. Un investissement plus grand de la part des systèmes nationaux de santé, des compagnies d’assurance professionnelles et des organismes de santé serait vraiment souhaitable en Europe pour partager de tels savoirfaire avec les entreprises désireuses de mettre en place des initiatives en matière de santé. Les PME notamment ont besoin d’être accompagnées pendant les phases de restructuration. Toutefois, il est rare que la mise en place de mesures préventives de santé soit la priorité des entreprises projetant des restructurations, ce qui malheureusement rend celles-ci beaucoup plus problématiques en l’absence de méthodes d’anticipation qui pourraient informer à l’avance les caisses primaires d’assurance maladie et autres acteurs sociaux des futurs plans de restructurations et de licenciements. À moins qu’ils soient tenus informés des plans sociaux suffisamment à l’avance, des acteurs responsables tels la BV BKK seront dans l’incapacité de partager leur expérience et leurs savoir-faire au profit de ces employés victimes des licenciements. 3. Co nc l usi o n des é tudes de ca s Toutes ces pratiques et études de cas analysées dans le cadre du projet MIRE offrent une vue d’ensemble des approches actuellement disponibles. Afin de résumer les tendances générales, nous nous intéresserons d’abord aux contributions des innovations décrites dans les études de cas, puis aux problèmes et obstacles liés à leur mise en place et enfin, aux moyens de surmonter ces difficultés grâce à une série de recommandations. Le rôle joué par les mutuelles d’entreprises (cf. le cas de Saint-Gobain) ou par les organismes de santé dans d’autres pays, représentent un point de départ intéressant pour de futures initiatives de ce genre, que ce soit en Allemagne ou ailleurs. Il est dans l’intérêt commun des mutuelles de santé et des compagnies d’assurance maladie d’améliorer leur système de prévention des risques de santé afin, non seulement d’éviter une baisse des contributions mais aussi d’afficher clairement leur engagement à l’égard de leurs adhérents. Ce cas d’étude pourrait inciter le développement continu d’idées en matière de promotion de la santé et l’application de telles initiatives à d’autres cas de restructuration. Une plus grande coopération entre les agences de reclassement serait souhaitable ainsi qu’une plus grande interaction entre des mesures similaires de soutien pendant les phases de restructuration et de promotion de la santé. L’objectif de ces collaborations serait d’établir des relations à long terme entre les divers consultants et de convenir des dispositifs et du calendrier des programmes. Il reste à savoir dans quelle proportion la promotion de la santé sera adoptée comme mesure d’accompagnement pendant les processus de restructuration. Bien qu’il ne soit pas encore possible à ce point de prévoir les bienfaits exacts de telles initiatives, il revient peut-être au projet MIRE de souligner leur utilité et leurs avantages possibles. Ainsi, cela pourrait faire 30 avancer le débat sur le rôle actif des entreprises dans un réel soutien aux victimes de licenciements, leur responsabilité sociale et plus généralement, leur contribution à l’accompagnement de toutes ces personnes en proie à la précarité et au chômage. Les initiatives en matière de santé avant, mais aussi pendant la phase de restructuration, permettent à l’entreprise, au consultant ou à tout autre organisme officiel d’aborder de front le problème du chômage et de la santé. Ces initiatives diffèrent de celles utilisées par les « sociétés de transfert» ou les organismes de reclassement dans la mesure où le recours à la promotion de la santé, bien avant que les salariés ne quittent l’entreprise, permet à l’ensemble du personnel d’en profiter. Ericsson a d’abord introduit le conseil en matière de réadaptation dans un but purement pratique, à savoir lui permettre d’atteindre l’objectif fixé des 80% de solutions trouvées (un nouvel emploi, une reprise d’étude ou la création d’entreprise) pour les participants au programme Forum. Les circonstances particulières de ce cas de restructuration doivent être prises en compte, principalement, l’esprit d’ouverture de la direction qui a fait appel à des conseillers-psychologues, les consultants en ressources humaines. En outre, les moyens financiers importants, l’investissement de l’encadrement, la bonne gestion du programme ont joué un rôle décisif dans une telle approche innovante. Sans ces variables, le concept « de conseil en matière de réadaptation » n’aurait certainement pas été adopté sous le même format, le programme Forum pas si souvent revu et corrigé et la collaboration avec les acteurs internes et externes pas si étroite et fructueuse. Surtout, Ericsson a bénéficié de l’expertise de consultants parfaitement qualifiés pour ce genre de situation. La combinaison de tous ces facteurs est véritablement à l’origine de cette réussite Néanmoins, jusqu’à ces grosses vagues de licenciements, la santé n’avait jamais été l’une des priorités de la compagnie. C’est seulement lorsque le nombre d’employés nécessitant de l’aide a commencé à atteindre des records, qu’elle le devint. Même s’il est peu probable que des circonstances similaires se reproduisent, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, l’exemple d’Ericsson ouvre la voie pour changer les comportements et pour aider les salariés à mieux vivre les périodes de transition professionnelle et à prendre soin de leur santé. Les entreprises étant de plus en plus conscientes des limites du seul contrôle de l’absentéisme, cette nouvelle approche est susceptible de leur apparaître comme une méthode pertinente de gestion des ressources humaines, à condition toutefois de trouver des prestataires de services qui offrent ce type d’accompagnement. En effet, l’absentéisme en tant que tel n’est pas un indicateur fiable de santé des salariés. Si le groupe TeliaSonera n’est pas allé aussi loin qu’Ericsson, il a néanmoins commencé à introduire un accès régulier à des consultants dans ses services de gestion du personnel. Depuis, le groupe consacre de plus en plus de temps à mettre en œuvre des procédures visant à gérer au quotidien les problèmes potentiels de santé. À cette fin, il a non seulement instauré un budget de dépenses de santé mais il a aussi clairement fait comprendre à ses dirigeants qu’ils étaient responsables du bien-être de leurs équipes. Si le cas de Saint-Gobain se limitait à transmettre des informations et à organiser des ateliers, celui de BT montre combien une entreprise peut instaurer des mesures telles que STREAM et Work Fit, permettant aux employés, d’une part, de surveiller leur état de santé et à la compagnie, d’autre part, de contrôler les problèmes de santé à travers ses différents sites, qu’il soit question ou non de restructuration. Les outils en ligne encouragent les salariés à prendre en main leur santé et leur hygiène de vie en leur donnant soit des informations, soit la possibilité de bénéficier d’un accompagnement avec des consultants extérieurs et de conseils confidentiels 31 via une ligne d’écoute interne. La santé figure clairement au programme de BT et tous les employés peuvent en profiter. En contrepartie, la compagnie a accès à toutes les données nécessaires, dans le cadre d’un accord de confidentialité, pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies en matière de santé sur ces sites où les niveaux de stress sont inhabituellement élevés, que ce soit à cause de réorganisations ou de la charge de travail. Ces approches révèlent aussi la vérité derrière les taux d’absentéisme, à savoir qu’ils ne sont plus les indicateurs les plus fiables de bien-être des salariés à une époque où les exigences technologiques au travail et la concurrence sur le marché de l’emploi ne cessent d’augmenter. Malgré l’incertitude croissante due à la nature dynamique du secteur et à la compétitivité du marché des technologies, BT s’engage par tous les moyens à préserver et à améliorer la santé de ses employés indépendamment des projets actuels ou futurs de réorganisation. Ajouter la santé aux responsabilités de l’entreprise et ce, que les circonstances soient bonnes ou difficiles comme dans le cas de restructurations, est indéniablement une avancée. Les mesures prises par l’hôpital Saint-Joseph vis-à-vis des employés travaillant désormais pour des filiales ou des sous-traitants de l’hôpital, ont quant à elles dépassé le stade de la restructuration. En effet, cet hôpital, en tant qu’employeur, s’est intéressé aux effets des restructurations sur les employés dont le service avait fait l’objet d’une scission en suivant de près leurs nouvelles conditions d’emploi. Ces idées sont réellement innovantes puisqu’elles montrent comment de nombreux problèmes de santé peuvent être évités pendant et après les restructurations. Dans ce cas précis, cela s’est fait en permettant aux employés de partager leurs soucis avec des personnes qualifiées qui, en plus de prendre les mesures nécessaires, en ont informé la direction avant qu’ils ne s’aggravent ou se transforment en problèmes de santé. Bien qu’il ne soit pas forcément possible de mettre en place le même type de mesures de soutien dans d’autres entreprises ayant recours à des scissions comme méthode de restructuration, cet exemple indique néanmoins la marche à suivre et les avantages à long terme d’une telle approche pour la compagnie principale. Les initiatives de santé d’ordre général visant à offrir un soutien interne au personnel souffrant de conduites addictives, de harcèlement moral ou autres devraient pouvoir être faisables dans toute grande entreprise. Même pour les plus petites ou moyennes entreprises, des initiatives peuvent être mises en place conjointement avec d’autres sociétés, les assurances maladies et le médecin du travail (interne ou externe à l’entreprise) notamment : la journée de la Santé, un dispositif de lutte contre le harcèlement, des informations claires sur la marche à suivre en cas de problème ou de plainte, etc. Tendances générales repérées dans les études de cas Ces entreprises étaient décidées à investir dans de telles initiatives de santé pour deux raisons : soit parce qu’elles devaient faire face à des problèmes pendant la phase même de restructuration (cas le plus fréquent), soit parce qu’elles avaient auparavant pris conscience des coûts de santé provoqués par les restructurations. Dans le cas de Saint-Gobain, le financement est venu de l’Association Fédérale des Mutuelles d’Entreprises en Allemagne (BV BKK) qui s’était rendu compte des coûts provoqués par la soudaine mauvaise hygiène de vie chez les adhérents qui avaient perdu leur emploi. De la même manière, Ericsson, TeliaSonera et l’hôpital Saint-Joseph avaient constaté que la performance et les perspectives d’emploi étaient plus grandes chez les employés en bonne santé. La durée et le format des initiatives de promotion de la santé étaient variables d’une entreprise à l’autre. Si certaines se sont centrées sur l’organisation de séminaires et d’ateliers (comme celui sur le développement des stratégies de coping organisé par Saint-Gobain), d’autres ont 32 encouragé et facilité l’accompagnement psychologique personnalisé (p. ex. les consultants en ressources humaines dans le programme « Forum pour le Futur » mis en place par Ericsson) associé à des conseils dispensés par des ecclésiastiques (p. ex. Prästbyrån chez Ericsson) et des médecins (p. ex: la publication de directives et le soutien dans les cas de conduites addictives proposés par Ericsson et par le St Joseph Stift). Dans certains cas, les entreprises ont aussi essayé de mettre en place des mesures de santé à long terme sous la forme de professionnels qualifiés qui faisaient le lien avec le personnel (p.ex. le médecin du travail à l’hôpital SaintJoseph, les conseillers-psychologues chez TeliaSonera, la ligne d’écoute confidentielle et l’accès à des conseillers chez BT). Alors que certaines approches consistaient à diffuser des informations générales et des recommandations de base sur la santé (en matière de nutrition, d’activité physique, de sommeil et de conduites addictives), d’autres reflétaient la volonté des sociétés de changer ou d’influencer le comportement de leurs employés. Dans ce cas, elles avaient pour objectif d’aider les salariés à améliorer, d’une part, leurs stratégies de coping et leur gestion individuelle de la situation et d’autre part, leurs chances et leurs perspectives sur le marché de l’emploi. Il s’agissait alors, en parallèle avec des mesures plus classiques de reclassement, de les accompagner à repérer leurs forces et leurs lacunes et à combler ces dernières par le biais d’une formation. Si les initiatives à visée informative sont les plus simples à mettre en place, les suivantes requièrent au contraire l’expertise de consultants et de dirigeants adaptés, sans parler des moyens financiers adéquats pour financer ces projets souvent à long terme. On distingue toutefois une troisième catégorie d’initiatives qui représente un véritable défi pour les dirigeants : aider les salariés à rester motivés, leur donner le courage, la confiance et le soutien émotionnel nécessaires durant leur période de transition professionnelle malgré le spectre ou la réalité du chômage. Ainsi, les initiatives en matière de santé nécessitent un véritable engagement de la part de l’entreprise et du personnel d’encadrement ; elles ne doivent en aucun cas être un moyen d’éviter les conflits et d’abandonner aux seuls employés la responsabilité de préserver leur santé physique et mentale au travail. Il est particulièrement important que les principaux acteurs sociaux sachent dans quelles mesures ils ont le droit, le devoir ou les moyens de soutenir des initiatives relatives à la santé pendant des phases de restructurations financières et organisationnelles. Ces études de cas ont aussi souligné les faiblesses des approches actuelles. Plus d’une fois, ces initiatives ont été validées grâce à l’engagement d’une seule personne (p. ex. le médecin d’entreprise, les représentants du comité d’entreprise ou le directeur des ressources humaines). Par ailleurs, il semble qu’il faille souvent attribuer aux cabinets de conseil le mérite d’avoir mentionné les premiers la question de la santé au cours du processus de restructuration. Les consultants repèrent parfois plus vite les problèmes de santé chez les employés qui sont placés dans des agences de reclassement que les anciens supérieurs hiérarchiques de ces derniers. Ceci est inquiétant car cela sous-entend que les employés qui ne bénéficient pas de telles mesures de reclassement quittent l’entreprise sans aucune sorte de soutien. Un autre sujet d’inquiétude est le fait que nombre de ces programmes expérimentaux dépendent du financement d’un tiers. Cela souligne non seulement la fragilité de ces expériences mais aussi le manque potentiel de participation et d’implication de la part d’entreprises qui ne sont pas tenues d’assumer ces coûts et ces évaluations devant leur propre conseil de direction. Plusieurs signes néanmoins confirment la pérennité et le succès croissants de ces initiatives tels que la mise en place de nouveaux observatoires de santé et l’apparition de prestataires de services spécialisés dans les services de santé aux entreprises en cours de restructuration (p. ex. le cabinet d’études Halsöpartner qui est né à la suite du programme Forum lancé par Ericsson). Les premières indications révèlent que certaines initiatives ont gagné en longévité. Ainsi, le groupe de marche nordique était devenu totalement autonome six mois après la fermeture de 33 l’aciérie Saint-Gobain ; les associations sportives de l’hôpital Saint Joseph fonctionnent très bien depuis des années et le programme Work Fit mis en place sur seize semaines par BT pour améliorer la santé de ses employés ne cesse de faire des adeptes. En outre, les consultants reconnaissent de plus en plus la nécessité pour les agences de reclassement de recruter des conseillers-psychologues et d’offrir leurs services en association avec la formation professionnelle et un accompagnement au reclassement et au redéploiement. Si ces premiers signes sont indéniablement encourageants, ils ne doivent néanmoins pas masquer la réalité suivante : la plupart des initiatives sont des approches passives visant à résoudre les problèmes créés par l’augmentation du nombre de congés maladie, l’allongement des arrêts de travail et les situations de conflit pendant le processus de restructuration. Obstacles récurrents Malgré l’intérêt grandissant que suscite la question de la santé au travail et pendant le chômage, les initiatives en matière de santé pendant les phases de restructuration restent très rares. Les cinq cas présentés font figure d’exception plutôt que de norme. Les barrières et obstacles à la mise en place de pratiques innovantes sont multiples. Au niveau de la loi, d’une part, le cadre législatif et les systèmes d’assurance maladie pour chômeurs ne prennent absolument pas en compte l’employabilité et son lien avec la santé. De plus, si certaines mutuelles continuent de couvrir leurs adhérents quant ils sont au chômage, ce n’est pas le cas dans d’autres pays d’Europe ou aux États-Unis. Selon le secteur d’activité et leurs relations avec les entreprises, certaines mutuelles pourraient répondre à un réel besoin en proposant aux sociétés des services d’information et d’éducation en matière de santé. Les différences de cadre législatif se retrouvent aussi pour les travailleurs en incapacité de travail et varient grandement d’un pays ou d’une entreprise à l’autre, notamment en ce qui concerne l’accès à la préretraite. Au niveau des entreprises, d’autre part, l’obstacle principal est le facteur d’invisibilité qui touche les PME. Ces dernières ont en général moins d’expertise, moins de moyens financiers et un accès limité à l’information. Toutefois, les licenciements et les accidents du travail en lien direct avec les restructurations sont beaucoup plus importants dans les PME que dans les entreprises plus grandes. Pourtant, c’est dans ces dernières que l’on observe la plupart des pratiques innovantes dont les résultats sont ensuite généralement analysés en partenariat avec des cabinets de conseil. Il est vrai qu’elles bénéficient aussi de fonds de restructuration beaucoup plus généreux que les PME. Par ailleurs, les grandes entreprises ont aussi pris conscience des avantages qu’elles peuvent tirer à publier leurs initiatives sur le plan de l’amélioration de leur image comme compagnie socialement responsable, de l’obtention de certifications hautement prisées et bien sûr de nouvelles commandes. Les exemples positifs des études de cas ne reflètent pas la vision conservative que partagent nombre de dirigeants et selon laquelle les restructurations ne font pas partie intégrante du développement organisationnel. Au contraire, elles sont vues comme un processus perturbateur qui doit être achevé au plus vite. Cette vision négative empêche la mise en place de projets bénéfiques à long terme et leur recours au-delà de la phase de restructuration active, autrement dit, la phase de licenciements. Par ailleurs, la situation est souvent compliquée par l’absence de dispositif en matière de ressources humaines qui permettrait de gérer les suppressions d’emploi soudaines ou répétées et de faire de la santé une responsabilité de l’entreprise. Sans des procédures clairement établies, la gestion du conflit a de grandes chances d’être improvisée. Ceci est souvent aggravé par le manque d’information des dirigeants sur les besoins de leurs employés (maintenus dans leur emploi ou sur le point d’être licenciés), leur formation et leur état de santé. Ainsi, comme le montrent très bien les cas d’Ericsson et de TeliaSonera, les dirigeants ne prirent pleinement conscience des problèmes qu’avec le début du processus de 34 restructuration. De plus, il semble que les représentants des entreprises ne sachent pas toujours vers quels cabinets de conseil ou quels organismes (publics ou privés), se tourner pour obtenir des informations, des financements ou des conseils d’expert en dehors du cadre habituel des risques de santé (surtout physique) et de sécurité au travail. Tout comme cet accent sur la santé physique reste prédominant dans la plupart des entreprises, «l’employabilité » est souvent un concept difficile à appréhender pour les départements des ressources humaines. C’est sur ce point que les acteurs sociaux tels que l’agence nationale pour l’emploi feraient bien de proposer des formations et de l’aide aux entreprises. L’absence de mesures en matière de santé et d’employabilité est aggravée par les circonstances suivantes : puisque la plupart des entreprises ne jugent pas valable d’investir du temps dans des initiatives en matière de santé, les personnes sans emploi ou celles sur le point de le perdre, ont généralement encore moins accès à des conseils et des actions de promotion de la santé susceptibles d’accroître leur employabilité. L’accompagnement offert dans les ANPE mentionne rarement la santé. Beaucoup d’entreprises quant à elles, s’opposent fortement à l’idée de faire de la santé un sujet de discussion au travail, craignant que ces initiatives conduisent les salariés à penser que leur santé deviendra un critère d’évaluation de leur performance au travail, voire de sélection pour les futures suppressions de postes. Ainsi, le manque de structure et les malentendus entres les employeurs et les employés expliquent la rareté des initiatives. Surtout, on constate que ce sont les gens les plus en difficultés (principalement les chômeurs) qui sont souvent le moins bien informés sur les effets du chômage sur la santé. Le manque de compétence en matière de promotion de la santé s’explique aussi par une définition limitée de la santé. La plupart des initiatives qui ont rencontré un vif succès (massages de dos, marche nordique) se concentrent essentiellement sur les aspects physiques de la santé au détriment de la santé mentale. La législation allemande qui régit les mutuelles de santé (Social Security Code V) reflète bien le sens étroit du terme. Par conséquent, il est difficile pour les acteurs sociaux du secteur de la santé d’obtenir des financements pour des projets qui ne remplissent pas des critères spécifiques. Par ailleurs, la tendance dans les sociétés occidentales à individualiser les problèmes de santé amène à imputer les problèmes de santé à l’individu plutôt qu’à la conjoncture. L’influence des composants situationnels et des pressions sur les employés, ainsi que les problèmes de santé (physique et mentale) qui s’ensuivent, ne sont remarqués que lorsqu’un vaste plan de restructuration entraîne l’apparition de troubles similaires chez un nombre important de salariés. Cela prouve donc que ce sont le travail et l’environnement de travail, et non la disposition, qui sont à l’origine de certains problèmes de santé. Les idées fausses, les malentendus, la stigmatisation, une connaissance limitée et la sous-estimation des problèmes sont aussi des obstacles aux initiatives en matière de santé. Certaines personnes interprètent ces initiatives comme un moyen de « soigner » des personnes en mauvaise santé. C’est pourquoi, beaucoup de dirigeants rejettent ces approches. Ces idées préconçues ne peuvent être combattues qu’en faisant de la santé un sujet général abordé à la maison, au travail, dans les programmes scolaires et universitaires (informations sur la promotion et la préservation d’un bien-être physique et psychologique, la santé et l’employabilité, les effets des restructurations et du chômage). En outre, les organismes publics doivent agir pour davantage partager leurs informations avec le public et rendre compte de leurs activités et progrès. Actuellement, de nombreux programmes expérimentaux souffrent d’un manque d’expertise sur le plan de l’évaluation, de la dissémination et de la mise en place de ces projets auquel s’ajoute le problème du taux décroissant de participation (reclassement réussis, horaires décalés, obligations familiales, déplacement, manque de motivation, etc.). Une meilleure information sur les pratiques et les approches innovantes, la dissipation des malentendus, un réel dialogue 35 entre les acteurs sociaux, telles sont les conditions nécessaires pour que les initiatives en matière de santé soient plus répandues et mieux acceptées. 4. Rec o mma ndati ons Les facteurs qui vont suivre ont été identifiés comme des conditions essentielles d’environnement pour encourager les entreprises à recourir à des initiatives en matière de santé au travail. Tout d’abord, les entreprises, et particulièrement leur direction, doivent activement prendre part au débat sur la santé et aux activités innovantes. Sans encouragement actif et sans la mise en valeur de modèles à suivre, les mesures passives limitées à l’information ne s’accompagneront d’aucun bénéfice pour la santé. Un deuxième facteur concerne le manque de moyens ou la mauvaise volonté pour financer de telles initiatives. Les cadres législatifs peuvent jouer un rôle que dans une certaine mesure (le cas Saint-Gobain a montré comment la réglementation peut encourager les initiatives relatives à la santé) ; il faut en effet que l’entreprise ait déjà mis en place certaines procédures (comme le groupe de travail sur la santé auquel le directeur des ressources humaines participe à l’hôpital Saint-Joseph) pour qu’elle puisse ensuite décider quels projets mettre en place et pour qui en particulier. Un troisième problème concerne les objectifs et la description inadaptée des critères de réussite des initiatives qui donnent lieu à une évaluation faussée des résultats, voire à une absence totale d’évaluation. Très souvent, les concepts de maladie et de santé font l’objet de différentes interprétations, ce qui laisserait à penser que les salariés sont classés en fonction de leur santé, leur classe sociale et leur comportement. Ces définitions floues et erronées compromettent les analyses et peuvent conduire à des erreurs d’interprétation des données. Par ailleurs, la plupart des pratiques innovantes présentées dans ce rapport, ont été introduites avant tout pour résoudre un problème et moins pour prévenir de manière proactive des problèmes de santé susceptibles de se déclarer à l’avenir. Le manque d’expertise des prestataires de services publics ou privés, qui sont prêts à offrir leur aide mais n’ont pas les connaissances requises pour mettre en œuvre et évaluer ces projets expérimentaux, pose aussi problème. Les recommandations suivantes reposent sur des analyses d’études de cas, d’entretiens avec des experts, de consultations en réseau et d’un atelier consacré à la santé pendant le projet MIRE. Elles ont pour objectif de convaincre de l’utilité au travail de ces initiatives en matière de santé, d’augmenter leur disponibilité et leur mise en place principalement pendant les restructurations. 4.1. Modifier les pratiques actuelles des entreprises 4.1.1. Intégrer les initiatives relatives à la santé au processus de restructuration Les mutations, les mesures de transfert, les programmes de restructuration et de reclassements sont des pratiques de plus en plus courantes. Vu la durée de la majorité des programmes, il devrait être faisable de mettre en place à la même période des initiatives relatives à la santé. Les études de cas ont montré le large éventail de pratiques qui pourrait être instauré afin d’accroître la sensibilisation aux questions de santé non seulement chez les salariés sur le point d’être licenciés mais aussi chez ceux maintenus dans l’entreprise. 4.1.2. Partager la responsabilité des initiatives relatives à la santé entre tous les acteurs Les entreprises ou même les syndicats ne devraient pas être les seuls à endosser la responsabilité de la promotion de la santé et de son financement, particulièrement pendant les restructurations. Davantage d’information et de moyens financiers devraient être proposés par 36 le cadre législatif et les organismes publics tels que l’agence nationale pour l’emploi, mais aussi par les compagnies d’assurance pour les accidents du travail, les mutuelles et les associations professionnelles représentant certains secteurs d’activité. 4.1.3. Instaurer des actions régulières de promotion de la santé Associer les initiatives en matière de santé à l’accompagnement en gestion de carrière et à d’autres méthodes de reclassement pourrait augmenter l’efficacité de ces mesures de transition pendant la phase de restructuration. En effet, cela contribuerait à stabiliser les employés d’un point de vue psychosocial et leur permettrait ainsi de mieux gérer la période transitoire et ses difficultés. Les initiatives de promotion de la santé devraient être régulièrement organisées, et ce avant même que les licenciements aient lieu, afin d’augmenter l’employabilité, de préserver la santé des employés et de les aider, ainsi que les employeurs à mieux gérer les périodes d’incertitude. 4.1.4. Faciliter l’accès à ces initiatives pendant les horaires de travail Les programmes expérimentaux ont montré que le succès des initiatives dépendait de la possibilité des salariés à y accéder et à les utiliser sur leur temps de travail. Autoriser les employés à profiter des ces offres de promotion pendant les horaires de travail est un moyen pour la direction d’afficher son soutien. Les entreprises de petite taille peuvent mettre en place ce type de mesures en signant des accords avec des partenaires locaux tels que les piscines, les salles de sport, les salles de musculation, les kinésithérapeutes, etc. 4.1.5. Encourager les initiatives de bonne pratique au niveau local Le succès remporté par certains programmes expérimentaux a révélé que les initiatives locales de recherche de bonne pratique étaient un bon moyen d’inciter même de petites entreprises à adopter de nouvelles approches, particulièrement si cela se traduit par la suite par de la publicité et des commandes supplémentaires. Les chances de participation des petites entreprises seront d’autant plus grandes si les initiatives sont soutenues par des associations locales de commerçants, des consultants ou des chercheurs capables de faire part de leur expertise aux dirigeants des entreprises et d’évaluer les programmes. Toutefois, ces projets doivent être à long terme afin d’établir une relation de confiance entre les acteurs et augmenter le taux de participation des petits patrons. Des exemples positifs peuvent inciter les acteurs à parler plus ouvertement des problèmes, des questions de compétence et de responsabilité qui surgissent pendant les restructurations. 4.1.6. Développer des approches spécifiques pour les PME Les PME sont souvent moins bien informées sur les financements disponibles et les avantages potentiels des conseils de santé. Faciliter les demandes d’information sur les conditions d’obtention des financements ou de mise en place d’un programme d’aide aux employés (PAE) en réduisant les démarches administratives, contribuerait très certainement à développer la promotion de la santé dans ces PME, à l’expertise et aux financements limités. Permettre à ces entreprises et à leurs salariés d’avoir accès à des commentaires, est un bon moyen pour inciter les entreprises à aborder la santé d’un point de vue positif, c’est-à-dire à se concentrer davantage sur la promotion de la santé que les sur les problèmes. 37 4.2. 4.2.1. Les rôles potentiels des acteurs sociaux, nouveaux et existants Accroître l’accès et l’utilisation des sources d’information pour les PME Les possibilités d’échanges d’information doivent être davantage visibles pour les petites et moyennes entreprises. S’il existe un certain nombre de réseaux intéressants dans plusieurs pays, les barrières que sont les langues et les secteurs d’activité ont empêché la plupart de ces réseaux de toucher un large public. Des observatoires de santé ou autres observatoires sociaux tels qu’ils existent en Belgique (Optim@) ou au Royaume-Uni (Luton Health Observatory sur le site Internet du Luton Council) sont un bon point de départ, tout comme les réseaux chargés de promouvoir la santé dans les entreprises (Deutsche Netzwerk für betriebliche Gesundheitsförderung – réseau allemand pour la promotion de la santé en entreprise, DNGBF). Parmi d’autres initiatives, on trouve des sites Internet sponsorisés par le gouvernement sur lesquels les entreprises peuvent promouvoir leurs initiatives en matière de santé (p. ex. INQA en Allemagne). Les sites Internet et les réseaux permettent aux entreprises, aux groupes de travail et aux organisateurs de projets de travailler en étroite collaboration et d’avoir accès à des informations concernant les financements et la mise en œuvre d’actions. 4.2.2. Encourager un discours positif et le dialogue social Un discours positif est essentiel pour prouver aux salariés concernés par les restructurations et aux chômeurs que leur santé figure parmi les priorités de l’Union européenne. Les études ont montré à plusieurs reprises une amélioration significative de l’état de santé chez les salariés licenciés qui retrouvent un emploi par rapport à ceux qui restent au chômage. Par ailleurs, dans les entreprises plus traditionnelles, le dialogue entre les syndicats, les employeurs et les salariés doit être favorisé pour discuter du rôle de l’individu et de l’employeur dans le maintien de l’employabilité, de la motivation et de la performance. Il est aussi urgent d’aborder les inégalités qui frappent les travailleurs intérimaires et handicapés quant à l’accès aux prestations-maladie au sein de leur entreprise (cf. 4.4.5). 4.2.3. Soutenir les pionniers de la promotion de la santé L’Association Fédérale des Mutuelles d’Entreprises en Allemagne (la BV BKK) fait figure de pionnière dans la promotion de la santé comme facteur de compétitivité des entreprises et de réduction des barrières et des préjugés au sein de l’entreprise. Elle mène des actions visant à faciliter le retour à l’emploi et éviter ainsi les effets d’hystérésis du chômage. Ces mesures améliorent le système de prévention des risques de la mutuelle et permettent de faire des économies en réduisant le nombre de chômeurs dont les coûts de santé sont nettement plus élevés que ceux des personnes ayant un emploi. Soutenir ces pionniers, les aider à étendre leurs mesures et leur rôle de modèle régional ou national, est pour l’Union européenne une manière d’éduquer les entreprises. 4.2.4. Inscrire la santé au programme des initiatives de l’Union européenne Un certain nombre de comités d’entreprise comme les CEE ou de projets tels que TRACE (Trade Unions Anticipating Change in Europe, Syndicats Anticipant le Changement en Europe) ont besoin d’être convaincus d’inscrire la santé à leur programme. Ainsi, TRACE dont l’objectif est d’établir la manière dont les syndicats peuvent répondre aux brusques changements économiques et organisationnels, travaille actuellement à l’écriture d’un guide de bonne pratique. Toutefois, les effets sur la santé individuelle ou collective des travailleurs ne sont pas pris en compte dans ce projet ou dans les contributions prévues. Une fois encore, cela montre, d’une part, le manque de compréhension sur la manière dont les restructurations 38 affectent la santé (aussi bien au travail que dans la vie privée) et, d’autre part, les implications sur l’employabilité à long terme des travailleurs. 4.3. 4.3.1. Certification et normalisation La santé pendant les restructurations au programme des formations en santé et sécurité Selon les pays, les fonctions des représentants syndicaux varient ; toutefois, les délégués du personnel au CHSTC ont tendance à être affiliés aux syndicats. Le projet MIRE a critiqué plus haut le manque de formation continue et le champ d’action restreint de la santé et de la sécurité au travail qui ont tendance à exclure les facteurs sociaux et environnementaux ayant des répercussions sur la santé physique et mentale. Les services de santé au travail et leurs représentants, les médecins du travail notamment, sont des acteurs qui doivent être impliqués dans les processus de réadaptation et de reclassement. Ils pourraient faire le lien entre les employeurs, les syndicats et les organismes de santé. Par ailleurs, afin d’assurer la formation professionnelle continue de ces acteurs, un programme de formation pourrait être conçu et des organismes certifiés de formation, sélectionnés. 4.3.2. Audits sociaux pour l’excellence des initiatives de promotion de la santé Il existe des certifications européennes et internationales pour la qualité de la gestion des ressources humaines. Pour faire avancer les choses, ces processus de certification devraient inclure des critères d’évaluation suivants dans leurs procédures : dispositif de lutte contre les discriminations et le harcèlement au travail, accès au médecin du travail et visites régulières de celui-ci, conseil confidentiel relatif aux conflits au travail, existence d’une procédure en cas de plaintes, accès à l’information en matière de santé et actions de promotion de la santé. Ces normes internationales de certification se répercuteraient avec le temps sur les normes nationales et sectorielles, et encourageraient les entreprises à les incorporer dans leur règlement interne. 4.4. 4.4.1. Législation Rôle renforcé du médecin du travail et nouveaux critères de consultation La réglementation en matière de santé et de sécurité au travail devrait être redéfinie à travers l’Europe afin de répertorier les circonstances dans lesquelles les entreprises doivent faire appel au médecin du travail. Les circonstances suivantes pourraient être inclues : changement du lieu de travail et modification de la description du poste (ce qui pourrait nécessiter des consultations collectives ou individuelles avec le personnel pour aborder des questions d’ergonomie, de stress, du soutien apportés par l’encadrement aux salariés qui ont changé de bâtiments ou travaillent dans des locaux distants du site principal, etc.), décès des employés (ce qui pourrait nécessiter une aide psychologique, particulièrement si les circonstances ont été soudaines comme dans les cas de suicides, d’accidents du travail, etc.). Dans de tels cas, une appréciation des risques ainsi que la révision et le renouvellement de la formation en santé et sécurité seraient nécessaires. 39 4.4.2. Contrôle régulier des statistiques de santé par les mutuelles de santé et les assurances maladie Comme ont clairement souligné les rapports annuels sur l’absentéisme et les congés de maladie publiés par les mutuelles de santé allemandes, la santé mentale occupe une place grandissante dans les problèmes de santé au travail. Malgré le manque cruel et déconcertant de professionnels qualifiés dans le conseil aux entreprises en matière de santé, ces statistiques devraient néanmoins permettre aux gouvernements et aux organismes professionnels d’avoir une idée plus précise des lieux où mettre en place en priorité de nouveaux programmes expérimentaux. Une pratique similaire en faveur d’une transparence et d’un accès plus grands des statistiques serait souhaitable pour tous les membres de l’Union européenne. Cela pourrait encourager les dirigeants, les syndicats, les CHSTC et l’agence nationale pour l’emploi à offrir aux entreprises des services de conseil spécialisé en santé. De plus, il est essentiel de faire prendre conscience aux syndicats du rôle clé de la santé mentale au travail, étant donné leur influence pendant les négociations relatives aux restructurations ou à l’environnement de travail. 4.4.3. Redéfinir la part de responsabilité de tous les acteurs nationaux pour la prévention et la promotion de la santé Selon le droit du travail européen, la santé et la sécurité au travail sont la responsabilité de l’employeur. Toutefois, la mise en place d’un cadre législatif peut encourager les entreprises à envisager des mesures de prévention de santé en phase de pré-restructuration, voire indépendamment de toute restructuration. De plus, cela contribuerait à placer la responsabilité sur d’autres épaules que celles des seuls employeurs. C’est le cas du Code V de Sécurité Sociale (§20) en Allemagne qui souligne l’obligation des mutuelles de consacrer une certaine part de leur budget à des actions préventives de santé. Autre avancée, celle de la législation suédoise qui stipule que le financement des programmes de reclassement des salariés doit être assuré par les employeurs. Quant au Royaume-Uni, en plus du cadre législatif, le Health and Safety Executive émet des recommandations aux entreprises sur la santé au travail. Par contre, en France, les salariés licenciés perdent une partie de leur couverture maladie. Il est donc capital de réviser les directives nationales et européennes qui ont jusqu’à présent échoué à susciter un sens commun des responsabilités en matière de prévention et de promotion de la santé dans la société. 4.4.4. Légiférer plutôt que donner des directives pour obtenir des résultats Plusieurs médecins et consultants ont confirmé la réticence des entreprises à adopter un code de bonne pratique ou même des conseils de bon sens s’ils ne sont pas clairement stipulés dans les textes de loi ou dans les exigences sectorielles. Légiférer est donc une mesure nécessaire. Par conséquent, il est essentiel d’obtenir le soutien des syndicats et de l’industrie au sens large pour faire accepter une telle législation. 4.4.5. Inclure davantage les travailleurs précaires dans la prévention de la santé Légiférer sur la responsabilité élargie des employeurs en matière de santé et de sécurité permettrait aussi de mieux protéger les travailleurs précaires, les intérimaires et les vacataires. Très souvent, seuls les salariés à plein-temps (et parfois seuls les titulaires) ont le droit à une mutuelle, ce qui est automatiquement discriminatoire envers ceux en emploi précaire ou à temps partiel (cf. 4.2.2.). 40 4.5. Le besoin de nouveaux concepts et de nouvelles initiatives de recherche en Europe 4.5.1. Faire de nouvelles études sur l’impact des restructurations sur la santé Il est nécessaire de repenser le rôle des acteurs sociaux existants et de poursuivre en parallèle les recherches sur les effets des restructurations sur la santé. Ces questions devraient être abordées dans le nouveau Programme Cadre de recherche et de développement technologique européen (FP 7). Vu la mobilité de la population active en Europe, le flux de travailleurs immigrés ainsi que les délocalisations d’usines vers et hors de l’Europe, il est urgent que les organismes de recherches nationaux et européens se penchent sur la question, en particulier ceux spécialisés en psychologie sociale, psychologie du travail, éducation à la santé, conseil en entreprise, médecine du travail, management, gestion (internationale) des ressources humaines et éthique des affaires. C’est seulement en investissant dans des études sur les effets sociaux, physiques et psychologiques des restructurations sur les travailleurs, leur productivité, leur état de santé et leur future employabilité que l’on obtiendra une vue d’ensemble à partir de laquelle de nouveaux instruments pourront être mis en place, permettant ainsi aux entreprises de prendre efficacement en compte la santé dans leurs décisions quotidiennes. 4.5.2. Intégrer la question de la promotion de la santé pendant les restructurations au concept de « responsabilité sociale des entreprises » Le concept de « responsabilité sociale des entreprises » a beaucoup fait débat lors de son introduction en Europe. Le concept de « restructuration saine », s’il devait être introduit par la nouvelle législation européenne et devenir aussi important pour l’Europe des entreprises, devrait comporter les deux précisions suivantes dans sa définition : non seulement les restructurations révèlent des problèmes de santé sous-jacents mais elles peuvent être aussi la cause d’une détérioration de la santé. Sans cela, certaines entreprises pourraient rejeter leur part de responsabilité. Des appels à projet de la part du Fonds Social Européen et d’autres organismes de l’Union européenne devraient se charger de cela et encourager la participation des entreprises à la rédaction de nouvelles directives sur la santé et la sécurité au travail dans les entreprises européennes. À cette occasion, il faudra aussi remédier de toute urgence au vide législatif laissé par différentes règlementations nationales en matière de santé et mis au grand jour par les différentes délocalisations en provenance ou en direction de l’Europe de l’Est. 4.5.3. Réglementer le dialogue sur la reconversion professionnelle et l’employabilité Tout comme les métiers changent rapidement, l’employabilité évolue aussi, forçant les employés et les employeurs à s’adapter constamment aux exigences d’un travail en mutation perpétuelle. Il reste beaucoup à faire en Europe pour changer les méthodes dépassées de recrutement des salariés. Comme ces derniers passent d’un secteur et d’un métier à l’autre, les entreprises et les responsables politiques doivent prendre conscience que les diplômés et les travailleurs manuels sont susceptibles de connaître deux ou trois changements de carrière au cours de leur vie active. Si l’on veut garantir la santé et l’employabilité, l’Europe doit obliger tous les acteurs sociaux à assumer leurs responsabilités en la matière et à donner à tous les travailleurs les outils, les formations et le soutien (p. ex. sous forme d’actions de santé au travail) adéquats afin qu’ils puissent réussir leur transition professionnelle. 41 5. Co nc l usi o n À travers ces exemples de pratiques innovantes, les études de cas, les ateliers et les entretiens ont permis de donner un meilleur aperçu des tendances générales, des obstacles et des recommandations pour le futur pour tous les acteurs sociaux, y compris les travailleurs et les chômeurs. Le cercle vicieux des restructurations se traduit par une perte contre-productive de productivité (comme le prouve le programme interrégional SSER de l’OIT sur les restructurations socialement responsables). L’OIT et les études de cas du projet MIRE ont confirmé que le recours inconsidéré aux restructurations dans le seul intérêt des entreprises avait un prix bien supérieur aux gains potentiels (en compétitivité, productivité et efficacité). En effet, les rescapés des plans sociaux réagiront par un désengagement, des absences ou une productivité plus faible si les objectifs susmentionnés ne prennent pas en compte les effets de ces plans sur les salariés maintenus dans l’entreprise et si le processus de restructuration est considéré comme injuste et injustifié (particulièrement si toutes les alternatives au licenciement n’ont pas été envisagées). Les entreprises doivent donc se concentrer sur des formes acceptables de restructuration et inclure les instances représentatives du personnel dès le départ dans la discussion. La santé est un facteur de concurrence au même titre que la localisation d’une usine. La promotion de la santé doit donc être intégrée aux activités de santé et de sécurité en place sur le site de travail comme nous l’avons décrit dans les recommandations. Les entreprises doivent cesser d’avoir recours à la gestion de crise. Il a été démontré que les restructurations sont susceptibles de déclencher des problèmes de santé déjà existants ou d’entraîner la chronicisation d’antécédents médicaux. En même temps, les restructurations peuvent aussi révéler des problèmes de santé sous-jacents et même conduire à une altération de la santé dans le futur. À cause de l’incertitude entretenue sur plusieurs mois et de l’augmentation de la précarité, les restructurations peuvent entraîner, et ce bien après leur fin officielle, une hausse du nombre de dépressions, de syndromes d’épuisement professionnel ainsi qu’une dégradation de la concentration et de la performance. Le recours aux bonnes pratiques existantes en matière de santé pour résoudre l’augmentation des problèmes de santé liés aux restructurations est loin d’être suffisant ; la promotion de la santé au travail doit devenir un composant fixe des relations avec les salariés et d’une gestion adéquate des ressources humaines. En résumé, les entreprises doivent prendre en compte les règles fondamentales suivantes pour gérer les restructurations de manière responsable. Premièrement, la direction doit engager le dialogue social et donner aux salariés le moyen de s’exprimer sur le processus de restructuration. Les restructurations devraient se définir comme le repérage de ressources potentielles. Deuxièmement, avant de prendre des décisions et de les communiquer au personnel, les concepts de confiance et de justice devraient être toujours présents. Ne pas consacrer suffisamment de temps à la discussion des préoccupations des salariés peut être mal interprété par les employés et accroître le risque de frustration et de problèmes de santé liés à l’incertitude, sans parler des conflits et des procès. De plus, les projets de réorganisation du travail, de recomposition d’équipes et de redéfinition des responsabilités devraient toujours inclure la participation des délégués au CHSCT. Cela facilite les transitions et permet de prévenir l’augmentation potentielle des accidents du travail et des problèmes de santé, en recourant le plus souvent à la mise en place de programmes de sensibilisation aux risques de santé en période de bouleversements organisationnels. Les entreprises doivent aussi prendre en considération les besoins plus grands de certaines catégories d’employés tels que les intérimaires, ou ceux ayant le plus de difficultés à retrouver un emploi après leur licenciement (en raison d’un handicap, d’une longue maladie, d’une longue période d’inactivité 42 professionnelle ou d’obligations familiales nécessitant des horaires flexibles). Par ailleurs, davantage de stratégies doivent être mises au point pour venir en aide aux dirigeants chargés d’organiser les restructurations afin qu’ils puissent gérer le processus efficacement et soutenir à leur tour leurs employés pendant ces périodes d’incertitude. Ceci est d’autant plus important dans les restructurations où le tissu social d’entraide s’étiole en raison des modifications d’équipes et de structures. Il ne faut pas oublier que chaque salarié représente une partie de l’entreprise au sens large et du produit. Il revient donc aux acteurs situés à tous les niveaux de la société de s’assurer que la dimension humaine du travail, la réorganisation du travail et la perte de l’emploi figurent bien dans le bilan des entreprises en cours de restructuration. Ré fér ences bibl io gr a phi ques ASHFORD (S.), LEE, (C.) et BOBKO (P.), “Content, causes, and consequences of job insecurity: A theory-based measure and substantive test” [«Contenu, causes et conséquences de la précarité de l’emploi : une mesure et un test important basés sur la théorie»], Academy of Management Journal, 1989, 32 (4), p.803-829. BANDURA (A.), Auto-efficacité : le sentiment d'efficacité personnelle (trad. J. Lecomte), Bruxelles, De Boeck, 2007. BEERMANN (B.), KUHN (K.) et KOMPIER (M.), “Germany: Reduction of stress by health circles” [« L’Allemagne : réduction du stress par les cercles de santé »], dans KOMPIER (M.) et COOPER (C.) (eds), Preventing Stress, Improving Productivity. European case studies in the workplace, [Prévenir le stress, améliorer la production au travail. Études de cas européennes.], London, Routledge, 1999. BORMANN (C.), “Arbeitslosigkeit und Gesundheit. Empirische Analysen auf der Basis der Daten aus dem 1. Nationalen Gesundheitssurvey der Bundesrepublik Deutschland aus den Jahren 1984 bis 1986” [« Le chômage et la santé. Analyse empirique à partir de la première enquête nationale de santé en République Fédérale d’Allemagne entre 1984-1986 »], Sozialer Fortschritt, 1992, 41 (3), p. 63-66. BROCKNER (J.), TYLER (T.) et COOPER-SCHNEIDER (R.), “The influence of prior commitment to an institution on reactions to perceived unfairness: The higher they are, the harder the fall” [« L’influence de l’investissement personnel antérieur dans une institution sur les réactions au sentiment d’injustice : plus il est élevé, plus dure sera la chute »], Administrative Science Quarterly, 1992, 37, p. 241-261. BURCHELL (B.), “The effects of labour market position, job insecurity and unemployment on psychological health” [« Les effets de la position sur le marché du travail, de la précarité de l’emploi et du chômage sur la santé psychologique »] dans GALLIE (D.), MARSH (C.) et VOGLER (C.) (eds.), Social change and the experience of unemployment, [Le changement social et l’expérience du chômage], 1994, Oxford, Oxford University Press, p. 188-212. DE WITTE (H.), “Arbeidsethos en jobonzerkerheid: meting en gevolgen voor welzijn, tevredenheid en inzet op het werk” [« Éthique du travail et précarité de l'emploi : évaluation et conséquences pour le bien-être et la performance au travail »], dans BOUWEN (R.), DE WITTE (K.), DE WITTE (H.) et TAILLIEU (T.) (eds), Van groep naar gemeenschap, Liber Amicorum Prof. Dr. Leo Lagrou, Leuven, Garant, 2000, p. 325-350. DEKKER (S.) et SCHAUFELI (W.), “The effects of job insecurity on psychological health and withdrawal: a longitudinal study” [Les effets de la précarité de l'emploi sur la santé psychologique et le repli sur soi : une étude longitudinale »], Australian Psychologist, 1995, 30(1), p. 57-63. FRESE (M.) et FAY (D.), “Personal initiative: an active performance concept for work in the 21st century” [« L’initiative personnelle : un concept de performance active pour le travail au 21e siècle »], Research in Organisational Behavior, 2001, 23, 133-187. 43 GEURTS (S.) et GRÜNDEMANN (R.), “Workplace stress and stress prevention in Europe” [« Le stress au travail et la prévention du stress en Europe »], dans KOMPIER (M.) et COOPER (C.) (eds), Preventing Stress, Improving Productivity. European case studies in the workplace, [Prévenir le stress, améliorer la production. Études de cas européennes au travail], London, Routledge, 1999. GLASER (H.), “Die künftige Tätigkeitsgesellschaft. Gegen deas heutige Auseinanderdriften von Arbeit und Arbeitslosigkeit” [« La future société de tâches : contre la séparation du travail et du chômage aujourd’hui »], 2000, dans KASTNER (M.) Selbstmanagement für unsicher Beschäftigte und Arbeitslose [Guide de la gestion de soi pour les salariés en emploi précaire et les chômeurs], Gesundheitsförderung und Selbsthilfe, Band Nr. 9, Bundesverband für Betriebskrankenkassen, Wirtschaftsverlag NW, Bremerhaven, 2005. HACKER (W.) et RICHTER (P.), Psychische Fehlbeanspruchung: Psychische Ermüdung, Monotonie, Sättigung und Stress. Spezielle Arbeits- und Ingenieurpsychologie in Einzeldarstellungen (ed. W. Hacker), Lehrtext 2, Berlin, Verlag der Wissenschaften, 1980. HARTLEY (J.), JACOBSON (D.), KLANDERMANS (B.) et VAN VUUREN (T .) (eds), Job Insecurity: Coping with Jobs as Risk [La précarité de l’emploi ou comment vivre avec des emplois menacés], London, Sage, 1991. HELLGREN (J.), SVERKE (M.) & ISAKSSON (K.), “A two-dimensional approach to job insecurity: consequences for employee attitudes and well-being” [« Approche bidimensionnelle de la précarité de l'emploi : conséquences sur le bien-être et les comportements des salariés »], European Journal of Work and Organisational Psychology, 1999, 8, p. 179-195. KASL (S.V.) et JONES (B.A.), “The impact of job loss and retirement on health” [« Le retentissement de la perte de l’emploi et de la retraite sur la santé »], dans BERKMAN (L.F.) et KAWACHI (I.) (Eds.), Social Epidemiology [Épidémiologie sociale], New York, Oxford University Press, 2000, p. 118-136. KIESELBACH (T.), “Youth unemployment and health effects” [« Le chômage des jeunes et ses effets sur la santé »], International Journal of Social Psychiatry, 1988, 34 (2), p. 83-96. KIESELBACH (T.), “Job loss, unemployment and social injustices: an introduction ” [«Perte de l’emploi, chômage et injustices sociales : introduction »], dans KIESELBACH (T.), (ed.), “Job loss, unemployment, and social injustices” [Special issue], Social Justice Research, 1997a, 10(2), p. 111-125. KIESELBACH (T.), “Unemployment, victimization, and perceived injustices: Future perspectives for coping with occupational transition processes” [« Chômage, victimisation, et sentiment d’injustice : futures perspectives pour s’adapter aux processus de transition professionnelle »], Social Justice Research, 1997b, 10(2), p. 127-151. KIESELBACH (T.), (ed), “Youth Unemployment and Health. A Comparison of Six European Countries. European Commission Targeted Socio-Economic Research” [« Le chômage des jeunes et la santé. Comparaison entre six pays européens. Recherche socioéconomique à l’initiative de la Commission européenne », Psychology of Social Inequality, vol. 9, Opladen, Leske + Budrich, 2000. KIESELBACH (T.), (ed), Social Convoy in Enterprise Restructuring in Europe. Concepts, Instruments and Views of Social Actors in Europe, [L’accompagnement social dans les restructurations d’entreprise en Europe. Concepts, instruments et points de vue des acteurs sociaux en Europe], München, Hampp, 2006. KIESELBACH (T.) et BEELMANN (G.), “Gesundheitsförderliche Transitionsbegleitung im Umstrukturierungsprozess der Stahlwerke Bremen. Expertise für den Bundesverband der Betriebskrankenkassen (BV-BKK) ” [« La promotion de la santé dans le conseil en transition professionnelle lors du processus de restructuration de l’aciérie de Brême. Rapport d’expert pour l’Association Fédérale des Mutuelles d’Entreprises (BV-BKK) »], manuscrit non publié, Université de Brême, 2004. KIESELBACH (T.), LÖDIGE-RÖHRS (L.) et LÜNSER (A.), “Familien in der Arbeitslosigkeit” [« Les familles au chômage »], dans IBEN (G.), (ed.) Kindheit und Armut. Analysen und Projekte [L’enfance et la pauvreté. Analyses et projets], Münster, Lit-Verlag, 1998, p. 38-56. 44 KIESELBACH (T.), WINEFELD (A.), BOYD (C.) et ANDERSON (S.), (eds), Unemployment and Health. International and Interdisciplinary Perspectives [Le chômage et la santé. Perspectives internationales et interdisciplinaires], Bowen Hills, Australian Academic Press, 2006. KIVIMÄKI (M.), VAHTERA (J.), FERRIE (J.E.), HEMINGWAY (H.) et PENTTI (J.), “Organisational downsizing and musculoskeletal problems in employees: a prospective study” [« La réduction des effectifs dans les entreprises et les troubles musculosquelettiques chez les salariés : étude prospective »], Occupational Environmental Medicine, 2001, 58, p. 811-817. KOZLOWSKI (S.W.J.), CHAO (G.T.), SMITH (E.M.) et HELDLUND (J.), “Organisational downsizing: Strategies, interventions and research implications” [« La réduction des effectifs dans les entreprises : stratégies, interventions et implications en matière de recherche »], International Review of Industrial and Organisational Psychology, 1993, 74, p. 546-553. KRONAUER (M.), Exklusion. Die Gefährdung des Sozialen im hoch entwickelten Kapitalismus [L’exclusion ou la menace du social dans le capitalisme hautement développé], Frankfurt: Campus, 2002. MOHR (G.) et UDRIS (I.), “Gesundheit und Gesundheitsförderung in der Arbeitswelt” [« La santé et la promotion de la santé dans le monde du travail »] dans SCHWARZER (R.) (ed.), Gesundheitspsychologie [Psychologie de la santé], (2nde ed.), Göttingen, Hogrefe, 1996, p.553573. MURPHY (G.C.) et ATHANASOU (J.A.), “The effect of unemployment on mental health” [« Le retentissement du chômage sur la santé »], Journal of Occupational and Organisational Psychology, 1999, 72, p. 83-99. NICHOLSON (N.) et WEST (M.A.), Managerial Job Change: Men and Women In Transition [Les changements dans les métiers d’encadrement : des hommes et des femmes en transition], Cambridge, Cambridge University Press, 1988. NOER (D.M.), Healing the Wounds: Overcoming the Trauma of Layoffs and Revitalizing Downsized Organisations [Panser les blessures : surmonter le traumatisme des licenciements et redynamiser les organisations après un plan social], San Francisco, Jossey-Bass, 1993. NOER (D.M.), “Layoff survivor sickness: What it is and what to do about it?” [« La maladie des rescapés des licenciements : qu’est-ce et que peut-on faire?], dans GOWING (M.K.), KRAFT (J. D.) et J.C. QUJICK (eds.), The New Organisational reality: Downsizing, Restructuring and Revitalization. Washington [La nouvelle réalité organisationnelle : réduction des effectifs, restructuration et redynamisation], Washington, D.C., American Psychological Association, 1997, p. 207-220. NOLAN (J.), WICHERT (I.) et BURCHELL (B.), “Job insecurity, psychological well-being and family life” [« La précarité de l’emploi, le bien-être psychologique et la vie de famille »], dans HEERY (E.) et SALMON (J.) (eds), The Insecure Workforce [Les travailleurs précaires], London, Routlege, 2000, p. 347-388. OCDE, « la précarité de l’emploi est-elle en hausse dans les pays de l’OCDE ?», OCDE Perspectives de l’emploi, 1997, July, ch.5. PAUL (K.) et MOSER (K.) “Negatives psychisches Befinden als Wirkung und als Ursache von Arbeitslosigkeit: Ergebnisse einer Metaanalyse” [« Le mal-être psychique comme effet et comme résultat du chômage »], dans ZEMPEL (J.), BACHER (J.) et MOSER (K.) (eds), Erwerbslosigkeit, Ursachen, Auswirkungen und Interventionen [Chômage, causes, résultats et interventions], Psychologie sozialer Ungleichheit Band 12, Opladen, Leske + Budrich, 2001, p. 83-110 PAYNE (R.), WARR, (P.) et HARTLEY (J.), “Social class and psychological ill-health during unemployment” [« Classe sociale et problèmes psychologiques pendant le chômage »], Sociology of Health and Illness, 1984, 6(2), p.152-174. ROSENBLATT (Z.) et SHEAFFER (Z.), “Brain drain in declining organisations: toward a research agenda” [« La fuite des cerveaux dans les entreprises en déclin : vers un programme de recherche »], Journal of Organisational Behavior, 2001, 22, 409-424. 45 ROSENBLATT (Z.), TALMUD (I.) et RUVIO (A.), “A gender-based framework of the experience of job insecurity and its effects on work attitudes” [« Structure hommes-femmes de l’expérience de la précarité de l'emploi et de ses effets sur les comportements de travail »], European Journal of Work and Organisational Psychology, 1999, 8, p.197-217. SCHALK (R.) et FREESE (C.) “Het psychologisch contract” [« Le contrat psychologique »], dans VAN DEN BERGH (P.), Instroom van personeel, 1993, 1(4), p. 67-82. SHAW (J.B.) et BARRETT-POWER, (E.), “A conceptual framework for assessing organisation, work groups and individual effectiveness during and after downsizing ” [« Cadre conceptuel pour évaluer l'efficacité de l'organisation, des équipes et des individus pendant et après la réduction des effectifs »], Human Relations, 1997, 50(2), p. 109-127. SVERKE (M.) et HELLGREN (J.), “The nature of job insecurity: Understanding employement uncertainty on the brink of a new millenium” [« La nature de la précarité de l’emploi : comprendre l’incertitude de l’emploi à l’aube d’un nouveau millénaire »], Applied Psychology: An International Review, 2002, 51(1), p. 23-42. THORNHILL (A.) et SAUNDERS (M.N.K.), “The meanings, consequences and implications of the management of downsizing and redundancy: A review” [« Bilan sur les significations, conséquences et implications du management sur les réductions d’effectifs et les licenciements »], Personnel Review, 1998, 27(4), p. 271-295. TOMBAUGH (J.R.) et WHITE (L.P.), “Downsizing: An empirical assessment of survivors’ perceptions in a post layoff environment” [« La réduction des effectifs : évaluation empirique des perceptions des rescapés dans un environnement post-plan social »], Organisation Development Journal, 1990, Summer, p.32-43. TURTLE (A. M.) et RIDLEY (A.) “Is unemployment a health hazard? Health-related behaviours of a sample of unemployed Sidney youth in 1980” [« Le chômage est-il un risque pour la santé ? Comportements liés à la santé chez un échantillon de jeunes chômeurs à Sydney en 1980 »], Australian Journal of Social Issues, 1984, 19 (1), p. 27-42. ZEMPEL (J.) et FRESE (M.), “Prädikatoren der Erwerbslosigkeit und Wiederbeschäftigung” [« Indices de chômage et de retour à l’emploi »], Verhaltenstherapie und Psychosoziale Praxis [Thérapie comportementale et pratique psychosociale], 2000, 32, p. 379-390. ZEMPEL (J.), BACHER (J.) et MOSER (K.), Erwerbslosigkeit. Ursachen, Auswirkungen und Interventionen [Le chômage : causes, résultats et interventions], Opladen, Leske+Budrich, 2001. 46