"La Manufacture des Tabacs (Lyon)" et "La percée de l`avenue Félix

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"La Manufacture des Tabacs (Lyon)" et "La percée de l`avenue Félix
La Mémoire
La Manufacture des Tabacs
L’usine : d’un bâtiment industriel fermé…
Construite en 1912, la Manufacture des Tabacs a vu son utilisation changer
radicalement : autrefois tournée vers l’industrie, elle accueille aujourd’hui pas moins de
15000 étudiants. C’est pourtant bel et bien pour développer l’industrie du tabac à Lyon (2e
pôle français en la matière au début du XXe) que l’ingénieur en chef du Service Central des
Manufactures de l’Etat, Joseph Clugnet, a pensé et édifié cet imposant bâtiment situé entre le
cours Albert Thomas et l’avenue des frères-Lumière, à mi-chemin entre la place Gabriel Péri
et l’hôpital Grange Blanche.
Gigantesque entrepôt de 59 000 m2, la Manufacture tourne à plein régime jusqu’en
1932 où elle est vendue à la SEITA (Société d’Exploitation Industrielle des Tabacs et
Allumettes). Sa situation géographique dans la ville (proche de grands axes et en bordure de
lignes de chemin de fer) lui confère un avantage certain. Son plan consiste en la juxtaposition
de 2 carrés de constructions massives avec, pour chacun de ces carrés, un cloitre intérieur.
L’architecture du bâtiment répond avant tout et uniquement à un souci fonctionnel industriel.
L’aile ouest, qui jouxte la ligne de chemin de fer, possède aussi un quai de chargement et
déchargement. Les matériaux de construction de l’usine sont la brique et des structures
portantes metalliques, symboles de l’architecture industrielle des années 1930.
L’activité s’arrête en 1988 et on pense alors à une reconversion assez particulière. On
émet, en effet, le souhait de transformer ce bâtiment en une université. Autant dire qu’un
travail d’extravertion est à entreprendre pour passer d’un élément urbain assez fermé (qu’est
une usine) à un pôle de savoir forcément ouvert sur l’extérieur s’il veut perdurer.
… à un espace ouvert de diffusion du savoir : l’université Lyon III.
C’est un site somme toute original qui a été choisi en 1991 pour y implanter un pôle
universitaire comme celui de Lyon III. De nombreux éléments comme la structure et
l’implantation du bâti, l’architectonique, la proximité de boulevards bruyants (voire même la
présence du chemin de fer in situ) semblaient être autant d’éléments plaidant en défaveur
d’une telle utilisation. Cependant, il faut reconnaître que le travail de mutation du site et de
son environnement ont été assez réussi.
Comme réponse aux problèmes évoqués plus haut, on a pensé mettre en place
quelques éléments de “transition” entre la ville et le nouvel équipement urbain. La rue Rollet,
située en bordure de l’aile Est, est fermée à la circulation automobile. Les étudiants peuvent y
déambuler librement, et on peut pénétrer à l’intérieur même de l’université par le biais de 2
“passerelles” montantes (véritables pénétrantes) amenant pour l’une au cloitre Nord, et pour
l’autre au cloitre Sud. Ces deux cloitres ont été aussi aménagés dans un souci de calme et de
sérénité: une végétalisation offre une “aération” aux étudiants mais aussi au quartier (comme
le ferait une place publique) puisque le bâtiment reste ouvert à un public extérieur. Entre ces 2
cloitres, une rue intérieure a été dessiné, avec cafétéria, espace de rencontre et d’exposition,
pôle d’information… Cette rue, qui fait office de rez-de-chaussée, et où se croisent des
centaines d’étudiants, est un véritable poumon de circulation dans l’université avec un
système d’aide au repérage par le biais d’une signalétique claire. Amphithéatres et salles de
cours se répartissent donc de chaque coté de cette rue intérieure.
HYVERNAT Vincent
Méthodes et Problématiques de Recherche Appliquées à l’Aménagement Urbain
- Jacques VIALLETTES -
La Trame
Les architectes ont souhaité aussi “jongler” avec les mêmes matériaux qui composent
l’ancienne manufacture : façades de briques et façades de béton brut sont mis côte à côte; l’on
s’est amusé à jouer avec les structures metalliques (escaliers, toiture en zinc, élément de la
façade Est donnant sur la rue Rollet qui est est comme une tête de proue metallique…); on a
même ajouté un bâtiment de verre : la bibliothèque dans le cloitre Sud. Cette permanence
d’éléments antérieurs, l’ajout de mobilier nouveau, ainsi que le subtil alliage de matériaux ont
contribué à la reconversion du site : plus aéré, il est aussi plus ouvert et plus lumineux.
Le devenir du bâtiment.
Cette juxtaposition de l’ancien et du nouveau font de ce bâtiment une œuvre moderne
avec une fonction nouvelle. L’alchimie opérée a permis une métamorphose en douceur de
l’ancienne manufacture sans pour autant faire table rase du passé. L’université Jean Moulin
prend petit à petit ses quartiers dans ce qui était autrefois un entrepôt. Il reste cependant
quelques travaux à finir : l’aile Ouest, à proximité du chemin de fer, est encore trop peu
investie, le quai est en friche. La rue Rollet est encore assez austère et est essentiellement un
lieu de passage : on pourrait aussi imaginé qu’elle devienne encore plus un lieu de vie
(comme il semble déjà se muter avec l’arrivée de quelques commerces, bars et services).
Aujourd’hui désservie par le métro, la “Manu”, comme les étudiants la surnomment, a
définitivement choisie de se tourner vers l’extérieur.
HYVERNAT Vincent
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- Jacques VIALLETTES -
La Trame
Le projet de prolongement de l’avenue Félix Faure.
Un chantier en perspective…
Un projet a longtemps pesé sur la partie nord du quartier de la Guillotière dans un
« carré » situé entre les rues Jean Jaurès (limite est), rue de Marseille (limite ouest), cours
Gambetta (limite nord) et rue de l’université (limite sud). Le projet de prolongement de
l’avenue Félix Faure, suivant un axe est- ouest n’a en effet jamais vu le jour dans le quartier
de la Guillotière pourtant préparé à cette percée. L’avenue Félix Faure existe cependant bel et
bien allant de la place des maisons neuves à Villeurbanne, traversant de part en part le 3e
arrondissement pour s’arrêter net sur l’avenue Jean Jaurès dans le 7e arrondissement. Cette
pénétrante urbaine aurait due être prolongée, comme le définissaient des schémas de
circulation dès les années 1930, pour arriver jusqu’au pont de l’université. Le quartier
Guillotière aurait été ainsi coupé en deux par cette artère automobile, mais aurait aussi été
aéré par la nouvelle voie : on déplore en effet sur place un manque de verdure et un espace
urbain densément bâti.
Alors que les projets prédisposaient le quartier à accueillir l’avenue Félix Faure, on
choisit d’abandonner la logique du « tout-automobile ». Ce prolongement ne verra jamais le
jour.
Sur place, pourtant, on se préparait à recevoir cette nouvelle rue : dans les années
1960, des bâtiments sont alignés dans le sens de la future percée (bâtiment du garage Citroën
à l’angle des rues Salomon Reinach et de la rue de Marseille, et bâtiment du trésor public sur
la rue Jangot). La mairie place sous réserve foncière des îlots entiers (réserves n°23 et 25
inscrites au POS) dans l’attente de rachat futur par la collectivité pour le tracé de l’avenue.
Sur les terrains déjà acquis, on commence à raser les bâtiments et on transforme les parcelles
ainsi nues en autant de parkings temporaires. La future percée supposait en effet de raser sur
une diagonale de 440 mètres tout bâtiment situé sur le tracé.
Un projet urbain qui laisse des traces…
La trame urbaine a subi de profonds changements aujourd’hui encore visibles, mais il
manque désormais l’essentiel : l’avenue Félix Faure dans cette partie du quartier. Le projet fut
en effet abandonné définitivement en 1991, après quelques projets de relance infructueux.
Alors que la trame générale du quartier suit un axe parallèle au Rhône, l’avenue Félix
Faure aurait dû être orientée sur un axe parallèle aux voies majeures du 3e arrondissement.
Désormais sur la diagonale ainsi définie, on trouve quelques symboles de changements de la
trame. Il suffit de se rendre sur les lieux pour comprendre les transformations qu’ont subi le
quartier dans l’attente de l’achèvement du projet de percée. Les bâtiment du garage Citroën et
du trésor public ayant été alignés, leur intégration dans l’espace urbain est singulière puisque
l’alignement ainsi créé est contraire à l’alignement historique du quartier. D’îlot en îlot, des
espaces vides ont été créés : aujourd’hui les parcelles rasées sont la propriété de la
communauté urbaine et servent de parkings, mais il reste des bâtiments non acquis et qui ne le
seront sans doute jamais. On retrouve donc des vides dans l’urbanisation qui sont autant de
trous dans un gruyère, avec lesquels il faut désormais composer, mais qui, dores et déjà, ont
changé la physionomie du quartier.
HYVERNAT Vincent
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- Jacques VIALLETTES -
La Trame
Vers une recomposition du tissu urbain du quartier?
Après avoir enterré le projet, on a pensé le détourner au profit d’une percée Verte : la
« diagonale verte », comme la nommaient ses partisans, aurait dû offrir au quartier une
bouffée d’oxygène sur le plan du tissu urbain qui est dans ce quartier extrêmement dense,
avec une végétalisation importante. Toutefois on semble s’acheminer vers un urbanisme au
coup par coup pour réhabiliter les espaces libérés ou rasés et pour redonner au quartier une
trame, une composition. On voit ici à quel point un urbanisme hésitant a pu façonner un
quartier et détourner sa trame et son tissu d’origine. Lourd héritage du passé avec lequel il
faut composer pour l’aménageur…
HYVERNAT Vincent
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- Jacques VIALLETTES -