La Cité internationale universitaire de Paris : une collection d

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La Cité internationale universitaire de Paris : une collection d
La Cité internationale universitaire de Paris :
une collection d’architectures au sud de Paris
Par Pascale DEJEAN Chargée de projet architecture et patrimoine
CitéCulture - Cité internationale universitaire de Paris
Créée immédiatement après la guerre de 1914-1918 afin d’enrayer la crise du logement
étudiant et maintenir intacte la renommée internationale de l’Université française, la Cité
internationale universitaire de Paris est aujourd’hui le principal site d’accueil des étudiants
et chercheurs en mobilité. Avec une capacité d’hébergement d’environ 5800 lits et des
espaces culturels, sportifs, de restauration ou récréatifs, la Cité constitue un lieu de
rencontres privilégié. Fidèle à sa vocation d’origine, elle œuvre au quotidien pour
améliorer l’accueil de ses résidents et mieux répondre à leurs besoins qui ne cessent
d’évoluer. Depuis l’origine, la gestion de cet héritage matériel reste attachée à l’idéal qui
l’a façonnée, une aspiration à la paix entre les peuples qui repose sur une expérience de
jeunesse. C’est ainsi que chaque année, la Cité est investie par plus de 130 nationalités,
animée par cette richesse d’échanges humains et culturels qui la caractérise.
Un héritage patrimonial exceptionnel…
Echo de cette diversité foisonnante, le site, d’une superficie de 34 hectares, abrite une
quarantaine d’édifices représentatifs des principaux courants architecturaux qui ont
marqué le XXe siècle, de la modernité la plus inventive au pastiche le plus insolite. La Cité
a connu deux grandes périodes de construction, marquées chacune par des expériences
innovantes tant sur le plan urbain qu’ architectural. La première, dans l’entre-deux guerres,
est caractérisée par la coexistence de styles variés alors que la seconde, après la seconde
guerre mondiale, adopte le style international qui se répand sur le territoire français.
Quatre édifices sont protégés au titre des Monuments historiques : la Fondation Deutsch
de la Meurthe de Lucien Bechmann, la Fondation Suisse de Le Corbusier et Pierre
Jeanneret, le Collège Néerlandais de Willem Marinus Dudok et la Maison du Brésil de
Lucio Costa et Le Corbusier.
La première résidence pour étudiants…
La Fondation Deutsch de la Meurthe, qui date de 1925, est l’une des toutes premières
résidences pour étudiants construite en France. Composée de sept pavillons en brique et
pierre disposés symétriquement autour d’un jardin, elle met en scène certains principes
hérités de la tradition hygiéniste du XIXe siècle. Son style « régionaliste » s’inspire de
l’architecture médiévale et fait directement référence aux universités d’Oxford et de
Cambridge. Conçue comme l’archétype des futures résidences de la Cité, la Fondation
Deutsch restera finalement un exemple isolé, témoignage d’une éthique de vie encore très
prégnante au début du XXe siècle. L’accent est mis sur le confort des chambres et les
équipements sportifs à une époque où le culte du corps et de l’esprit est considéré comme
un principe fondamental d’éducation et de formation des jeunes. Ainsi, leur
épanouissement est conditionné par des règles d’hygiène érigées au credo de « soleil, air,
lumière ».
Une expression de la modernité …
Deux ans après l’ouverture de cette première résidence, W. M. Dudok commence les plans
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du Collège Néerlandais. Ce bâtiment, contemporain du célèbre hôtel de ville qu’il
construisit à Hilversum, marque un tournant radical dans le traitement architectural du
logement étudiant. De facture moderne et dépouillé de toute ornementation, le bâtiment est
une savante combinaison des principes véhiculés par le mouvement De Stijl, de l’influence
de Frank Lloyd Wright et d’éléments issus de la tradition hollandaise. Dudok répartit les
différents corps de bâtiment autour d’un patio central agrémenté d’un bassin qui
fonctionne comme puits de lumière. Ainsi, tous les locaux reçoivent un éclairage naturel
en façade, y compris les circulations. Les espaces collectifs disposés au rez-de-chaussée
s’ouvrent directement sur le patio par de grandes baies vitrées. Issue d’une réflexion
poussée sur les usages de la communauté étudiante, l’organisation spatiale privilégie
l’intimité des résidents qui bénéficient d’un luxe d’espaces collectifs savamment agencés
(hall commun, galerie-salon de thé, salles des fêtes, de musique, terrasses).
Un laboratoire architectural…
En raison de la crise économique qui repoussera l’ouverture du Collège Néerlandais
jusqu’en 1938, la Fondation Suisse peut être considérée, en 1933, comme le premier
bâtiment moderne de la Cité. C’est à cette époque que Le Corbusier accède à des
programmes de logement collectif auxquels il peut enfin appliquer ses théories urbaines et
architecturales les plus avant-gardistes, employant des méthodes de construction
innovantes telles que la préfabrication à sec de l’ossature métallique et proposant une
esthétique résolument nouvelle comme ses « cinq points de l’architecture nouvelle ». Ce
petit édifice, considéré comme un manifeste de l’architecture moderne, abrite une
importante peinture murale de 35 m2, réalisée par Le Corbusier en 1948, trois banquettes
recouvertes d’émail également peintes par Le Corbusier et un mobilier dessiné par
Charlotte Perriand. L’édifice et les objets mobiliers sont classés Monuments historiques.
Dans la lignée des unités d’habitation…
C’est 25 ans plus tard que Le Corbusier revient à la Cité internationale, appelé par Lucio
Costa, célèbre pour avoir conçu les plans de Brasilia. Costa lui confie l’exécution de la
Maison du Brésil après en avoir élaboré le projet. C’est finalement la facture corbuséenne
des années cinquante qui s’impose au détriment d’un langage formel brésilien qui aurait
privilégié les lignes courbes. Le traitement massif des piliers, la prédominance des angles
droits, le béton laissé brut de décoffrage, les façades à loggias, les lames de béton
verticales qui rythment les façades, le mobilier en béton, la palette de couleurs, tous ces
éléments sont issus de la période « brutaliste » de Le Corbusier et font écho aux unités
d’habitation. Comme à la Cité radieuse de Marseille, le Modulor régit les dimensions des
éléments bâtis et les logements sont aménagés en profondeur. L’édifice, qui s’était
progressivement dégradé, fut fermé en 1999. A l’issue de deux ans d’études et de travaux
conséquents, la maison a retrouvé ses caractéristiques d’origine grâce à la mise en œuvre
de procédés quasi archéologiques.
Une synthèse technique et plastique…
1969 marque une nouvelle étape dans le développement de la Cité avec la construction
originale de la Maison de l’Iran, devenue Fondation Avicenne en 1972. Associés à deux
architectes iraniens, Claude Parent et André Bloc expérimentent un système constructif
inédit. Ils suspendent deux blocs d’habitation à une ossature primaire qui avoisine les 38
mètres de haut. L’esthétique architecturale découle du parti pris structurel rigoureux et du
contraste entre l’ossature en acier de couleur noire et les panneaux d’éternit blanc en
parement de façades. Les choix architecturaux ont été en partie dictés par la présence du
périphérique au pied du bâtiment. Les chambres sont orientées à l’Est, ouvrant sur des
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coursives, alors que les trois autres façades sont entièrement aveugles. Côté périphérique,
le traitement sculptural de l’escalier extérieur se prête à la vision fugitive des
automobilistes.
Architectures exotiques…
Cette collection d’architectures originales serait incomplète sans les maisons qui
s’inspirent d’un style local, préférant jouer la carte de l’identité nationale. Ainsi, les
maisons d’Asie du Sud-est, du Japon, de l’Arménie, les Fondation Abreu de Grancher
(Maison de Cuba) ou Hellénique exhibent leurs signes d’appartenance à une tradition
architecturale parfois ancestrale, évoquant l’architecture annamite, adoptant un décor
japonisant, s’inspirant du style des monastères arméniens, de l’architecture coloniale
espagnole ou encore du classicisme grec.
Un patrimoine artistique emblématique…
La Cité est marquée du sceau de ces emprunts multiples véhiculés par l’architecture et son
cadre paysager. Décor sculpté ou gravé, peintures murales, fresques, tapisseries,
sculptures, mobilier, jardins thématiques, essences végétales, autant de formules et de
symboles qui célèbrent la permanence ou le renouveau d’une culture. Des artistes de
renom ont signé des œuvres d’art emblématiques : Foujita, Navarre, Bezombes,
Quinquaud, Lê Phô, Le Corbusier, Guy-Loë. Des designers célèbres ont également été
mis à contribution en dessinant l’équipement mobilier : Ruhlman, Printz, Jallot, Dudok,
Jacobsen, Le Corbusier, Perriand, Prouvé. Ces témoignages marquent une époque où se
côtoient dans un même élan créateur représentations traditionnelles et expressions
contemporaines, les premières véhiculant parfois des innovations et les secondes des
réminiscences inattendues du passé.
Un parc paysager comme cadre naturel…
Le parc, en partie protégé, est aménagé sur des plans de Jean-Claude Nicolas Forestier,
directeur du service des Parcs et jardins de la ville de Paris, et Léon Azéma, architecte des
promenades de la ville, qui lui succède au début des années trente. Il combine une variété
d’espaces de détente, de sport et d’agrément traversés par des axes structurants. Le vaste
espace central arboré et les jardins thématiques constituent un patrimoine naturel
exceptionnel, doté de plus de 400 essences végétales différentes. Certaines d’entre elles
ont été acheminées depuis des pays lointains, soulignant les relations qui se sont tissées au
fil du temps entre la Cité et ces pays (Le cèdre du Liban, les pins blancs provenant du
Temple du ciel à Pékin, les érables de Cappadoce, etc…).
Soutenant la composition architecturale, les jardins thématiques se déclinent au gré des
modes : renouveau du jardin géométrique pour la Fondation Deutsch de la Meurthe, avec
ses pelouses, terrasses dallées et pergolas agencées dans la plus parfaite symétrie ; jardin
japonais avec ses tsukubai et shishi-odoshi chargés de symboles ; jardin à la française pour
la Maison internationale en référence au grand style français que Rockefeller, le donateur,
affectionnait.
Un patrimoine en mutation : rénovation du patrimoine bâti et paysager
Pour mieux remplir sa mission d’accueil des étudiants, chercheurs et artistes du monde
entier, la Cité a engagé un vaste projet de modernisation et de développement de son
patrimoine, dans le respect des architectures et des paysages.
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Un confort des logements optimisé…
En 1999, elle a lancé un programme de travaux pluriannuel pour la période 2000-2006.
Actuellement réalisé aux deux tiers, ce programme s’est matérialisé avec la réhabilitation
complète des pavillons les plus vétustes : Maison du Brésil, Fondation Biermans-Lapôtre,
Collège Franco-britannique, Maison du Cambodge et des Provinces de France.
L’évolution des usages et des normes impose des interventions lourdes sur les édifices :
requalification complète de l’hébergement et des espaces collectifs, création de nouveaux
logements destinés aux chercheurs, rénovation des parties communes et des logements,
création d’une salle d’eau avec douche et wc dans chaque logement, aménagement d’une
kitchenette dans les studios, isolation acoustique et thermique, changement des châssis de
façade avec double vitrage et portes palières isophoniques, remise en conformité des
équipements techniques, aménagement et création d’accès pour personnes à mobilité
réduite, installation d’un système de détection incendie, installation d’un réseau Internet à
haut débit dans les logements et réfection des abords. Ces opérations sont conduites dans
le respect des architectures dont les caractéristiques fortes sont préservées.
Restructuration des espaces communs…
La Maison internationale, qui regroupe les services communs de la Cité (restaurant
universitaire, cafétéria, piscine, bibliothèque, salons, théâtre), est réhabilitée par tranches
successives. Après sa mise aux normes, la rénovation de sa cafétéria, la création d’un
nouveau restaurant et d’une terrasse extérieure en bois exotique, d’un cybercentre, le
théâtre vient d’être entièrement rénové. Le projet a consisté à regrouper, dans l’aile Est, le
Grand Théâtre et le Théâtre de la Galerie par une reconstruction intérieure complète.
Un patrimoine artistique préservé…
Dans le cadre de son programme de réhabilitation, la Cité perpétue sa tradition de maître
d’ouvrage éclairé, favorisant les projets de rénovation qui tiennent compte des spécificités
architecturales des édifices. Ce principe est étendu à l’équipement mobilier conçu par les
architectes eux-mêmes ou par des designers en quête de nouvelles formules. Les maisons
conservent aussi les traces matérielles d’un passé riche en créations. A la Maison des
Provinces de France, quatre chambres historiques ont été restaurées avec leur mobilier et
leur papier peint d’origine. La Fondation Suisse et la Maison du Brésil possèdent
également des chambres et des équipements mobiliers d’époque qui témoignent d’un
esprit d’invention et d’une liberté plastique foisonnants. Les œuvres d’art font également
l’objet de restaurations attentives conduites sous la direction d’experts. A ce jour, les
œuvres les plus emblématiques ont été rénovées : le mural peint de Le Corbusier
(Fondation Suisse), les tapisseries de Bezombes (Résidence Lucien Paye), les tableaux de
Foujita (Maison du Japon), les soubassements et sculptures de style khmer (Maison du
Cambodge) et les fresques de Guy-Loë (Fondation Deutsch).
Un paysage remodelé…
La réhabilitation du patrimoine bâti de la Cité s’accompagne d’une rénovation des espaces
paysagers qui montraient des signes de vieillissement. La réfection de la voirie, l’élagage
d’un millier d’arbres et le remplacement de plus d’une centaine d’espèces menacées ou en
fin de vie ont rajeuni le parc. Afin de pallier le manque de repères directionnels sur le site,
de donner aux usagers des informations patrimoniales et évènementielles sur la Cité, des
meubles signalétiques en béton sérigraphié ont été installés dans le parc. Créés
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spécifiquement pour la Cité, ces objets mobiliers font référence à sa dimension
internationale et entretiennent un dialogue permanent avec l’architecture.
Poursuivre son développement…
Confrontée à l’augmentation croissante de la demande de logements étudiants en Ile-deFrance, la Cité a mobilisé de nouveaux moyens pour augmenter sa capacité d’accueil.
Dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme, elle a formulé un programme de
nouvelles constructions qui s’appuie sur le schéma directeur réalisé en 2000 par Reichen et
Robert. Afin de parachever le plan masse de la Cité, le schéma directeur propose entre
autres de compléter la bande bâtie le long du périphérique. Les constructions futures
pourront ainsi répondre aux besoins de développement et constitueront également un front
protégeant la Cité des nuisances du périphérique.
Un défi : sensibiliser les publics à l’urbanisme et à l’architecture
contemporains
Un outil de sensibilisation en direction des publics…
Lieu propice à la découverte de la ville et de ses composantes, la Cité a créé un centre de
ressources destiné à sensibiliser les publics à l’histoire urbaine et architecturale du site
ainsi qu’à l’évolution de ses projets. Situé au Collège Néerlandais, dans l’un des bâtiments
phare de la Cité, le centre de ressources présente une exposition permanente intitulée
« Un patrimoine en mutation ». Cette exposition relie trois grands événements marquants
de la Cité : la production innovante, tant au niveau urbain qu’architectural, les projets de
rénovation récents et les perspectives de développement du site, intra muros et hors les
murs. Les dossiers relatifs aux rénovations et au développement du site sont consultables
ainsi qu’un fonds d’archives photographiques réunissant plus de 2000 documents. Le
public est convié à assister à des expositions, des rencontres-débats et des visites de
sensibilisation sur l’architecture et l’urbanisme du XXe siècle.
Les étudiants au cœur du processus…
Lieu d’expérimentation, la Cité entretient des liens privilégiés avec les établissements
d’enseignement supérieur qui souhaitent conduire un projet d’étude sur le site. Chaque
année, des écoles d’architecture et d’art investissent le site, réalisant des études qui
alimentent les futurs projets de rénovation, pointant certaines options intéressantes,
suscitant le débat autour de questions de fond et ouvrant de nouvelles pistes de réflexion.
Elle développe également des partenariats avec des pays étrangers et des centres
d’architecture sur le thème de la ville contemporaine.
C. Initiation des plus jeunes…
Les plus jeunes sont invités à découvrir la Cité dans le cadre d’ateliers-visites organisés
tout au long de l’année. Ces ateliers sont adaptés aux différents niveaux des classes. Initiés
à l’histoire de la Cité, à la vie étudiante, à l’architecture et à l’urbanisme du XXe siècle,
par le biais d’ateliers de dessin et de visites de lieux évocateurs de la Cité (chambres,
espaces communs, parc) ou de leur quartier, les élèves acquièrent des clés de lecture qui
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les aident à mieux appréhender leur cadre bâti.
Ces actions bénéficient du soutien du ministère de l’Education nationale et du Ministère de
la Culture et de la Communication.
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