dossier de presse - Le Point du Jour
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dossier de presse - Le Point du Jour
DOSSIER DE PRESSE Introduction Au tournant des années 1960-70, l’opposition à la guerre du Vietnam, au racisme et à l’injustice sociale se radicalise aux États-Unis, avec le soutien de nombreux artistes et musiciens. Le 9 septembre 1971, une révolte éclate à la prison d’Attica dans l’État de New York. Immédiatement, les détenus en majorité noirs expriment leurs revendications, en faisant entrer journalistes, photographes, cameramen et différentes personnalités qui participent aux négociations. Pour la première fois, une mutinerie est ainsi suivie de l’intérieur. Quatre jours plus tard, la répression, extrêmement brutale, provoque plus de quarante morts et des centaines de blessés. L’événement a un écho immense, entraînant mobilisations, enquêtes et procès. Attica devient un symbole, toujours d’actualité, de la lutte pour le droit des prisonniers et des minorités, contre la violence policière et le mensonge d’État. C’est cette histoire, à la fois artistique et politique, que met en lumière l’exposition. L’Amériquesoustension Le début des années 1970 marque l’apogée des tensions apparues aux États-Unis durant la décennie précédente. Les luttes pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam participent désormais d’un mouvement de contestation globale. L’élection à la présidence de Richard Nixon, entré en fonction début 1969, illustre la fracture qui traverse la société étasunienne. Pour les opposants les plus radicaux, il ne s’agit plus seulement de se battre pour la paix au Vietnam mais de « ramener la guerre à la maison ». S’inspirant de ce slogan à l’époque célèbre, Martha Rosler réalise « House Beautiful: Bringing the War Home » (1967-1972), une série de photomontages où des GI’s envahissent des intérieurs de la classe moyenne blanche. Des artistes tels que Robert Rauschenberg ou Jasper Johns produisent des affiches dénonçant la guerre. Nombre de musiciens s’engagent également : en 1969, au festival de Woodstock, Country Joe McDonald encourage, avec une ironie rageuse, chacun à aller mourir au Vietnam ; en 1970, Crosby, Still, Nash & Young rendent hommage dans Ohio (1970) aux étudiants tués par la police lors d’une manifestation à l’université de Kent tandis que Jimi Hendrix traduit dans Machine Gun (1970) la violence de la guerre comme la révolte grandissante qu’elle suscite parmi une grande partie de la jeunesse et de la communauté noire. C’est alors une véritable guerre qui se déroule entre le Black Panther Party et le pouvoir en place. Emory Douglas, « ministre de la Culture » du parti, réalise des dizaines d’affiches appelant à l’autodéfense contre les policiers surnommés les « pigs ». Dans The Vanguard (1970), « un essai photographique sur le Black Panther Party », Ruth Marion Baruch et Pirkle Jones documentent les actions d’entraide dans les quartiers noirs et les manifestations de soutien aux dirigeants arrêtés. Les chansons militantes font écho à la tradition des prison songs, issues des chants d’esclaves. Danny Lyon, dans A Conversation with the Dead (1971), montre les détenus noirs du Sud toujours contraints de travailler dans les plantations. Du soulèvement à la répression, 9-13 septembre 1971 Au lendemain de l’assassinat de George Jackson, la protestation des détenus d’Attica est un des signes annonciateurs de la révolte. Le 9 septembre 1971, quelque mille trois cents d’entre eux se mutinent. Ils prennent en otage cinquante gardiens et se rassemblent dans l’une des cours de promenade. À leur demande, des journalistes, des photographes et des cameramen sont autorisés à entrer dans la prison. C’est quasiment en direct sur radios et télévisions que les représentants des mutins prennent la parole. Les revendications sont précises. Elles concernent aussi bien les conditions de détention (amélioration de la nourriture, plus d’une douche par semaine et d’un rouleau de papier hygiénique par mois...) que le droit à l’éducation, à la santé et à l’expression politique. Il ne s’agit pas d’une « émeute raciale » mais bien d’une lutte globale dans laquelle la prison est un miroir de la société. Pendant trois jours, un groupe d’ « observateurs » extérieurs, désignés par les mutins, va mener les négociations. Plusieurs, dont Tom Wicker du New York Times, livreront par la suite leur témoignage. Le 13 septembre, Nelson Rockefeller, gouverneur de l’État de New York, décide finalement de donner l’assaut. Conduit comme une opération de guerre, celui-ci occasionne la mort de 31 détenus et 11 gardiens ainsi que 200 blessés. Bob Schutz d’Associated Press est l’auteur de l’image qui symbolisera Attica : des détenus tendent ensemble le poing face à l’objectif, rappelant le geste des athlètes noirs sur le podium des Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Associated Press diffuse nombre d’autres photographies qui illustreront, après la reprise de la prison, les dossiers spéciaux publiés par Newsweek, Time ou Life. Ce magazine dépêche également sur place John Shearer ; son reportage montre les forces de l’ordre et les négociateurs à l’extérieur de la prison, puis la cour dévastée au terme de l’assaut. De l’attaque elle-même, peu d’images sont disponibles, les autorités ayant tenu à distance la presse. Le dossier photographique constitué par l’avocate Liz Fink, qui défendit pendant des années les mutins, rend compte de la brutalité de la répression. Outre des clichés de presse, des photographies judiciaires montrent notamment les cadavres de prisonniers. Pour certaines très crues, elles sont présentées ici dans une pièce distincte, en forme de mémorial pour les morts d’Attica. Le film Attica (1974) de Cinda Firestone, dont Ernest PignonErnest réalise l’affiche, rassemble des témoignages ainsi des images de la mutinerie et de la reprise de la prison. Ce documentaire engagé s’inscrit dans le combat pour la reconnaissance des victimes qui se poursuit tout au long des années 1970. Échos d’Attica Largement médiatisée, la révolte d’Attica révèle au monde l’inhumanité des conditions de détention et la violence du racisme en Amérique. La lutte des prisonniers noirs trouve une résonance particulière en France. Cofondé par Michel Foucault, le Groupe d’information sur les prisons consacre en 1971 un numéro de la série « Intolérable », résultat d’enquêtes en détention, à l’assassinat de George Jackson. Jean Genet en écrit la préface après celle, quelques mois plus tôt, de Frères de Soledad, recueil de textes du militant Black Panther incarcéré. Aux États-Unis, Attica donne lieu à une série d’investigations et de procès. Dès 1972, la commission McKay, réunissant juristes et personnalités indépendantes, mène une enquête approfondie sur les circonstances de la mutinerie. Elle fait notamment appel au photographe Cornell Capa qui réalise un reportage à Attica et témoigne lors des auditions publiques organisées par la Commission. En 1974, vraisemblablement dans le cadre d’une procédure judiciaire, un certain Gene Becker photographie, lui, différents espaces vides de la prison avec une neutralité clinique. Composé d’avocats et de militants, l’Attica Brothers Legal Defense assure la défense des mutins et engage bientôt des poursuites contre l’État de New York. Des artistes relaient leur combat. Dans The United States of Attica (1972), Faith Ringgold note sur une carte des États-Unis les crimes de l’histoire américaine. Frank Stella, lui, produit une sérigraphie pour le Attica Defense Fund (1975). Durant la seule année 1972, différents musiciens dénoncent le massacre. Yoko Ono et John Lennon composent Attica State tandis que le chanteur folk Tom Paxton décrit dans The Hostage, l’angoisse d’un gardien abattu lors de l’assaut. À l’autre bout du spectre musical, Frederic Rzewski improvise, avec d’autres instrumentistes minimalistes, deux pièces à partir de paroles des mutins. Enfin, Archie Sheep publie l’album Attica Blues, au croisement du jazz, de la funk et de la soul. La même année, Mohammed Ali lit lors d’une émission de télévision un poème en hommage aux prisonniers assassinés. La révolte devient un cri de ralliement : « Attica ! Attica ! », scande Al Pacino, applaudi par la foule, dans Un après-midi de chien (1975) de Sydney Lumet. Trente ans plus tard, la mémoire d’Attica demeure présente dans l’art contemporain comme dans la culture populaire. La série télévisée Oz (1998-2004), qui se déroule dans une prison de haute sécurité, fait directement référence à la révolte. Dans l’installation Attica (2008), l’artiste Manon De Boer remet en scène l’enregistrement d’une des pièces de Frederic Rzewski. Sur le plan politique, le nombre de noirs tués ces derniers mois par la police et leur taux d’incarcération aux États-Unis démontrent que les problèmes soulevés à Attica sont loin d’être résolus. Bien que proprement américaine, cette histoire tragique engage aussi à porter plus d’attention aux conditions de détention comme aux discriminations qui existent aujourd’hui en France. Faith Ringgold, The United States of Attica, 1972 L’exposition L’exposition rassemble quelque deux cents pièces (photographies, œuvres graphiques, morceaux de musique, extraits de films et publications). Artistes et photographes : Rudolf Baranik, Ruth Marion Baruch et Pirkle Jones, Gene Becker, Manon de Boer, Cornell Capa, Emory Douglas, Leon Golub, Jasper Johns, Danny Lyon, Robert Morris, Ernest PignonErnest, Robert Rauschenberg, Faith Ringgold, Martha Rosler, Bob Schutz, Stephen Shames, Frank Stella, John Shearer. Musiciens : Crosby, Still, Nash & Young, Bob Dylan, Jimi Hendrix, John Lennon et Yoko Ono, Country Joe McDonald, Charlie Mingus, Frederic Rzewski, Archie Sheep, Tom Paxton. Les œuvres de Rudolf Baranik, Cornell Capa, Leon Golub, Jasper Johns, Danny Lyon, Robert Morris, Robert Rauschenberg, Faith Ringgold et Frank Stella appartiennent aux collections de l’International Center of Photography (New York). L’exposition est coproduite avec le Ryerson Image Centre (Toronto). Commissaire associé : Philippe Artières Historien, directeur de recherches au CNRS / EHESS, Philippe Artières a publié une trentaine d’ouvrages, parmi lesquels concernant la prison : La Révolte de la prison de Nancy (Le Point du Jour, 2013) ; D’après Foucault : gestes, luttes, programmes, avec M. PotteBonneville, (Les Prairies ordinaires, 2007 ; réed. Seuil, 2013) ; Le Groupe d’information sur les prisons. Archives d’une lutte, 1970-1972, avec L. Quéro et M. Zancarini, (IMEC, 2001) ; Le Livre des vies coupables. Autobiographies de criminels, 1896-1909 (Albin-Michel, 2000). Il est également l’auteur de deux récits parus dans la collection Fiction & Co. au Seuil : Vie et mort de Paul Gény (2013) et Au fond (2016). Martha Rosler, Red Stripe Kitchen, extrait de la série « House Beautiful: Bringing the War Home », 1967-1972 Autour de l’exposition Informations pratiques Rencontre avec Philippe Artières, commissaire associé de l’exposition, dimanche 11 septembre à 11h. Le Point du Jour 107, avenue de Paris 50100 Cherbourg-en-Cotentin Tél. 02 33 22 99 23 [email protected] www.lepointdujour.eu Un festival de films documentaires, liés à la révolte d’Attica et aux luttes des années 1970 aux ÉtatsUnis, aura lieu en novembre au Point du Jour. Un livre paraîtra au printemps 2017 à l’occasion de l’exposition au Ryerson Image Centre (Toronto). Il réunira une centaine d’images ainsi que des textes de Philippe Artières, Nicole Brenez, Thierry Gervais, Tom Holt, Emmanuel Parent, Caroline Rolland-Diamond, Jedediah Sklower et Elvan Zabunyan. Du mercredi au vendredi de 14h à 18h Samedi et dimanche de 14h à 19h Entrée libre Contact presse Anne Gilles Tél. 02 33 23 45 33 [email protected] Visuels disponibles pour la presse Stephen Shames Funérailles de George Jackson, Oakland, 28 août 1971 Courtesy : Stephen Shames et Steven Kasher Gallery, New York Bob Schutz prison d’Attica, 10 septembre 1971 © Associated Press Gene Becker Enquête sur Attica, 28 mars 1974 Collection Liz Fink, New York Martha Rosler Red Stripe Kitchen, extrait de la série « House Beautiful: Bringing the War Home », 1967-1972 Courtesy : Martha Rosler et Galerie Nagel Draxler, Berlin / Cologne Faith Ringgold The United States of Attica, 1972 Collection International Center of Photography, New York. Gift of the Artists’ Poster Committee with funds provided by the ICP Acquisitions Committee, 2002