Article 1 Le Point 9 mars - Association Pour Le Retour De Pascal Et
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Article 1 Le Point 9 mars - Association Pour Le Retour De Pascal Et
Air cocaïne" : mais où est donc passée la drogue ? #1 Le Point - Publié le 09/03/2015 à 12:52 - Modifié le 09/03/2015 à 14:17 EXCLUSIF. Comment l'une des affaires les plus médiatiques de trafic de drogue de ces dernières années s'enlise dans les méandres judiciaires. Enquête. Les Français Nicolas Pisapia, Alain Castany, Bruno Odos et Pascal Fauret pris en photo devant les valises de cocaïne dans une mise en scène grotesque. © Le Point 154 15 1 Par Marc Leplongeon et Jérôme Pierrat Couacs en série, corruption, investigations bâclées... Le Point a enquêté durant des mois sur la très médiatique affaire "Air Cocaïne". Alors que quatre citoyens français vont être jugés pour trafic de drogue, tout laisse penser que, faute de preuves tangibles, le dossier est en passe de se dégonfler. De la cocaïne a-t-elle vraiment été transportée dans l'avion d'Alain Afflelou ou s'agit-il d'un règlement de comptes ? D'autres pistes que le trafic de drogue se dessinent au fur et à mesure de l'enquête. Pourquoi le nom de Nicolas Sarkozy est-il apparu dans l'affaire ? L'ex-président de la République fait-il l'objet d'un acharnement judiciaire dans ce dossier ? Partout, à chaque stade des investigations, c'est le monde extrêmement opaque de l'aviation d'affaires qui se révèle un peu plus. Déplacements secrets d'avoirs, blanchiment d'argent, investissements douteux..., la France des riches est une véritable passoire. Dans ce premier épisode, nous nous intéressons aux faits qui ont, dès le départ, vicié l'enquête. Révélations. 19 mars 2013, 22 heures, République dominicaine. Calme plat sur le tarmac de l'aéroport de Punta Cana. Garé au fond du parking, un Falcon 50, propriété de l'homme d'affaires Alain Afflelou, est étroitement surveillé. Depuis la cabine de l'avion, Pascal Fauret, 54 ans, ne se doute de rien. Le pilote fait les vérifications d'usage avant le décollage. Son collègue, Bruno Odos, 54 ans, s'occupe de récupérer les documents de vol, détails de facturation et relevés météo auprès de la société de handling. Alain Castany, 66 ans, inscrit sur le plan de vol comme membre de l'équipage, est parti chercher à l'aéroport le passager du Falcon, Nicolas Pisapia, âgé de 37 ans. Seul dans la cabine, Fauret entend des éclats de voix. Dehors, des hommes s'affairent autour de la carlingue et bourrent l'avion de valises, sous le faible éclairage de quelques lampadaires. À peine le pilote a-t-il le temps d'allumer l'auxiliaire power unit (APU) pour avoir un peu de lumière que la soute est déjà pleine. Les quelques bagages restants sont entassés à l'arrière du Falcon. S'ensuit une longue attente. Plusieurs dizaines de minutes durant lesquelles l'autorisation de décoller ne viendra jamais. Vers 22 h 30, le bruit des hélices d'un hélicoptère se fait entendre. Celui de l'agence antidrogue dominicaine, la DNCD, dont le patron, le général Rosado Mateo, mène les opérations. La scène est entièrement filmée. Les gros bras de la DNCD, cagoulés et armés jusqu'aux dents, jouent les cow-boys et se déploient autour de l'avion. Une scène comme on en voit dans les grands films d'action. Elle fera la une de TF1 quelques jours plus tard. Une mise en scène grotesque Pour de nombreux touristes, la République dominicaine est une destination de vacances. Pour les trafiquants internationaux, c'est une place bien connue du négoce de la cocaïne. L'île, située juste en face des côtes colombiennes et vénézuéliennes, est même devenue depuis quelques années le principal hub commercial de la poudre blanche qui y transite par tonnes avant de gagner l'Europe. L'opération menée par la DNCD est l'occasion de redorer son blason, elle dont les membres sont sans cesse mis en cause dans la presse locale pour leur collusion avec les narcos de l'île. Cette fois-ci, le général Rosado Mateo met les bouchées doubles. Les quatre Français interpellés sont sortis du Falcon et allongés sur le tarmac de l'aéroport. La première séquence vidéo de la DNCD s'arrête ici : une vulgaire mise en scène destinée aux médias. À l'abri des caméras, les valises sont déchargées puis rechargées à l'emporte-pièce sans aucune raison apparente. À l'intérieur de l'avion, les agents de la DNCD sèment la pagaille, sortent de la penderie les affaires personnelles des pilotes, les galleys de plateaux-repas, et les entassent en vrac au milieu du salon, faisant ainsi croire à un départ précipité. Quelques photos et vidéos sont prises et présentées par l'accusation dominicaine comme des éléments à charge. Devant la justice française, de telles preuves ne tiendraient pas une seconde. L'avocat d'un des mis en cause s'agace : "Cela a été filmé et coupé de manière malintentionnée. On a l'impression qu'il y avait des bagages jusqu'au plafond." L'opération durera plusieurs heures, avant que les Français ne soient finalement amenés dans le terminal VIP de l'aéroport. Les valises arrivent dix minutes plus tard, la police en connaît déjà les charges... Menottés, puis conduits dans un 4 x 4, les quatre hommes sont ensuite jetés dans une cellule de béton avec quarante autres personnes. "Pas de toilettes, juste un trou sans eau", confie Pascal Fauret. Quand les prisonniers hurlaient trop fort, les gardes ouvraient la porte qui débouchait sur un couloir avec un tuyau d'eau. On avait du mal à savoir s'il faisait jour ou nuit." L'enfer commence. Une procédure viciée Ce 19 mars au soir, depuis son bureau de Port-au-Prince, Frédéric Trannoy, attaché de sécurité intérieure (ASI) en République dominicaine et en Haïti, reçoit l'information. Et s'empresse d'avertir la police nationale française. Quatre Français ont été interpellés dans un Falcon avec, à son bord, 630 kilos de cocaïne, écrit-il, dans une note que Le Point s'est procurée. L'homme s'alerte : "Je me rendrai dès demain à Santo Domingo où je rencontrerai personnellement M. Rosado Mateo, président de la DNCD, afin de chercher à comprendre pour quelles raisons la coopération de la France n'a pas été recherchée en amont par les autorités dominicaines." Déjà, le manque de coopération se fait sentir. L'enquête, elle, est complètement bâclée. Des signatures sont manquantes sur les actes de flagrant délit. Certains officiers confient avoir été absents au moment où leur signature a été apposée. Le sulfureux général Rosado Mateo, soupçonné de corruption, est démis de ses fonctions par le président de la République. Alors que son second, le lieutenant-colonel Liriano Sanchez, est suspecté dans une autre affaire de trafic de drogue, de blanchiment d'argent et d'assassinat. Sur les quarante militaires ripoux qui avaient été interpellés en même temps que les Français, une trentaine sont remis en liberté. Rien d'étonnant dans ce pays où la brigade de stups ne jouit pas vraiment d'une bonne réputation. On dit d'elle qu'elle saisit la coke pour mieux la redistribuer à son compte et que, sur ce terrain mouvant, elle est en compétition avec l'autre instruction chargée de lutter contre les trafiquants : l'armée. Dans cette guerre, leur arme préférée est, comme le démontrent plusieurs affaires locales, les coups montés destinés à impliquer l'adversaire... C'est à se demander vraiment à qui appartiennent ces 630 kilos de cocaïne... Personne n'a d'ailleurs jamais vu la drogue, qui aurait été détruite dès le 27 mars 2013 ! Seuls des paquets bruns soigneusement empilés ont été présentés à la presse et les films tournés "sur le vif" par la DNCD n'ont jamais montré que des valises fermées. Plus fort encore : le certificat qui atteste la composition de la cocaïne est daté du 11 mars 2013, soit huit jours avant les faits. Faux grotesque ou erreur de frappe malencontreuse ? C'est suffisant pour que les proches des pilotes crient au coup monté, donnant à l'affaire les accents d'une certaine Florence Cassez... Des preuves effacées Les enquêteurs dominicains pousseront le vice jusqu'à supprimer purement et simplement certains éléments de l'enquête. En mars 2014, le commandant de police Michel Segura écrit une lettre à la juge d'instruction française. Depuis un an, il cherche à obtenir le "contenu des conversations enregistrées à l'intérieur de la carlingue du Falcon 50 le 19 mars 2013 au soir, gravées par le cockpit voice recorder", écrit le policier. Mais ces données, lui expliquent les autorités dominicaines, ont été "écrasées automatiquement" lorsque l'appareil a été déplacé. Et aucune sauvegarde n'a été faite. En clair, la preuve la plus probante de la culpabilité ou de l'innocence des pilotes a disparu. L'accusation dominicaine se raccroche aux branches et affirme - sans réussir à le prouver - que les pilotes ne pouvaient ignorer le contenu des bagages. En réalité, tous les conventions internationales et témoignages versés au dossier indiquent qu'il s'agissait d'un vol commercial. Que les pilotes travaillaient pour la société SN THS, qui utilisait l'avion d'Alain Afflelou pour vendre des heures de vol à des compagnies et riches particuliers. En une phrase, les avocats des pilotes balaient les accusations : "Demanderiez-vous à un chauffeur de taxi de connaître le contenu des bagages de ses clients ?"