Boulanger,uneprofessionenmutation
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Boulanger,uneprofessionenmutation
LA MONTAGNE SAMEDI 7 NOVEMBRE 2015 Le fait du jour Artisanat Avec 32.000 points de vente, la France est le pays qui a la plus grosse densité de boulangeries artisanales au monde. L’Auvergne en compte autour de 750. 3 Auvergne Un chiffre 70 % la part des ventes que représente la baguette. Le prix moyen chez un artisan boulanger est de 90 centimes, il peut aller jusqu’à 1,40 €. Pain quotidien Le pain reste un aliment incontournable, mais les Français en mangent moins : environ 1/2 baguette par personne et par jour. Soit 10 % de moins qu’en 2003 et 1/3 de moins qu’en 1970. COMMERCE ■ Les artisans s’adaptent pour résister à leurs concurrents et répondre aux attentes des clients Boulanger, une profession en mutation Garder sa clientèle, en conquérir une nouvelle, faire la différence par rapport aux grosses structures : les artisans œuvrent au quotidien pour faire vivre leurs boulangeries pâtisseries. ■ EN CHIFFRES 95 % des Français mangent du pain tous les jours. 25 % La part des achats que représente le pain de tradition française chez les artisans boulangers. Vendu entre 20 et 30 % plus cher que le pain classique, il est de plus en plus prisé des consommateurs et a permis en partie de faire face à la baisse de la consommation. Dans les grandes agglomérations, il peut représenter jusqu’à la moitié des ventes (Source : Credoc). Catherine Jutier [email protected] [email protected] D es fournils aux studios : les émissions de télé ont braqué les projecteurs sur le métier de boulan ger et contribué à redorer son image. Mais les artisans n’ont pas attendu cette médiatisation pour mettre en valeur leur sa voirfaire et adapter leur activité pour coller à l’évolution du marché. La profession est en mutation, en Auvergne comme partout en France. Les boulangeries artisanales moins nombreuses. Les chiffres révèlent une tendance à la baisse sur les répertoires des Chambres de métiers, mais celleci varie beau coup selon les territoires et les années. Il y a ainsi 311 boulan geriespâtisseries artisanales en 2015 dans le PuydeDôme, chif fre qui reste assez stable (318 en 2014). En HauteLoire, départe ment plus rural, on en dénom bre 180, contre 220 il y a sept ans. La profession se rajeunit et se féminise. 30,24 % des dirigeants d’entreprises en activité dans le PuydeDôme ont moins de 40 ans et près de 39 % ont entre 41 et 50 ans. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à passer leur CAP et BP d’artisan boulangerpâtissier. La profes sion s’enrichit aussi avec l’arri vée de personnes qui choisis sent ce secteur d’activité pour se reconvertir. Une bonne nou velle car cela laisse présager l’arrivée sur le marché de pro + 0,1% C’est la projection sur 2015 des ventes de la boulangerie-pâtisserie au niveau national selon la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA). Elle était de + 0,2 % en 2015, 0 % en 2013 et - 0,3 % en 2014. En chiffres d’affaires, les tendances sont orientées à la hausse pour les entr epr is es de plus de 290.000 € de chiffre d’affaires ; à l’inverse, elles sont à la baisse pour les tranches inférieures. SAVOIR-FAIRE. La qualité des produits et le service sont les points forts des artisans boulangers. fessionnels renforçant le vivier des jeunes sortant de formation, susceptibles de reprendre des boulangeries au moment de dé parts à la retraite. Dans le Puy deDôme, environ 80 boulan gers devraient partir à la retraite dans les dix ans. La concurrence évolue. La con currence des grandes surfaces n’est pas celle que redoutent le plus les artisans boulangers. Ni même celle de certains « points chauds ». « Ceuxci sont même en train de diminuer, souligne Xavier Bordet, président de la fédération des artisans boulan gerspâtissiers, la concurrence Le regard et l’engagement d’un Mof « Pour l’artisan qui ne regarderait que les chiffres, c’est plus intéressant d’acheter que de faire », déplore Pierre Nury, boulanger à Loubeyrat (Puy-de-Dôme) et Meilleur Ouvrier de France. Et pour lui, c’est une véritable « hérésie ». Pendant longtemps, les terminaux de cuisson ont re présenté la concurrence frontale des artisans, avec une grande amplitude horaire, du pain dispo nible jusque tard en soirée, « des produits au goût et à l’aspect standardisé ». « Aujourd’hui, ils ne se développent plus, ce sont les chaînes montées par les grou pes de meunerie qui ont pris le relais ». Et cela crée une « confu sion totale », puisque le pain est fabriqué sur place, mais les pâtis series et préparations salées arri veraient congelées. Une pratique qui, regrette Pierre Nury, est aussi une réalité chez certains boulan gers… Pour marquer leur diffé rence, promouvoir le pain de tra dition et le travail des artisans, ce dernier a créé avec des confrères Les Ambassadeurs du pain, une association qui défend les valeurs nutritionnelles et gastronomi ques du pain. Et joue la carte du local. Pierre Nury utilise ainsi de la farine produite par un meunier des Combrailles et a semé avec un agriculteur deux hectares d’une semence ancienne pour fa briquer l’un de ses pains. ■ vient des chaînes semiindus trielles, qui font leur pain sur place mais vendent des viennoi series et des pâtisseries indus trielles ». « Nous ne pouvons pas lutter contre certains cui seurs de pain pour qui c’est un produit d’appel alors que c’est pour nous le cœur de notre mé tier. Le coût de notre main d’œuvre représente en moyenne 50 % du chiffre de vente, quand dans la grande distribution on est à moins de 10 % », renchérit JeanLuc Chapuis, président ré gional de la fédération. Des entreprises plus grandes et plus de créations. Les boulange PHOTO JEAN-LOUIS GORCE ries qui résistent le mieux sont celles qui sont structurées pour proposer une offre diversifiée (lire encadré). Elles sont de plus en plus nombreuses, dont la avec la majorité compte entre trois et cinq salariés. Alors qu’il y a dix ou quinze ans, il n’y avait que des reprises d’entreprises, les créations se multiplient, re présentant près de 23 % des boulangeries artisanales dans le département, selon la Chambre de métier du PuydeDôme. L’offre se diversifie ; la qualité est payante. Pour faire face à la bais se de consommation de pain, les boulangers misent sur une - 0,85 % C’est l’évolution du chiffre d’affaires des 105 adhérents du Centre de gestion comptable agréé (CGA) Auvergne sur l’année 2014 (- 0,3 % au niveau national). gamme de produits plus large. Pains spéciaux, pâtisseries origi nales, préparations salées à em porter pour les repas pris sur le pouce, et mettent en avant qua lité et savoirfaire. C’est ce que les clients viennent chercher chez eux, ce pour quoi aussi ils sont prêts à mettre le prix. Le désir de manger des aliments sains, préparés à partir de pro duits locaux (farines notam ment) est une tendance à la quelle les artisans répondent. Et le service reste un atout essen tiel : les boulangers sont et en tendent rester les premiers com merçants de proximité. ■ La fin des tournées de campagne ? Dans la camionnette qui part chaque matin d’Arlanc, à 7 heures, pour livrer ses clients, il n’est pas rare qu’il y ait aussi un peu d’épicerie, une bouteille de gaz. Xavier Bordet, artisan boulan gerpâtissier et président de la Fé dération du PuydeDôme, fait partie des professionnels installés en zone rurale qui organise des tournées. Entre 40 et 90 kilomè tres par jour. « À la campagne, on est encore beaucoup à le faire, mais ce n’est pas rentable, cela devient compliqué ». Diversifier les produits peut contribuer à améliorer le chiffre d’affaires, mais souvent cela ne suffit pas. Hors agglomération, les boulan geries qui baissent le rideau ont encore plus de mal que les autres à trouver repreneur. Et les créa tions sont quasiment inexistantes. Dans le Cantal (qui compte 110 entreprises de boulangerie artisa nale), comme en HauteLoire ou dans certains secteurs de l’Allier, « la boulangerie subit de plein fouet la baisse de la démographie, le vieillissement de la population, et la concurrence des supérettes qui tiennent lieu de point chaud », observe JeanLuc Cha puis, président de la fédération régionale des artisans boulangers. « Il s’ensuit des difficultés écono miques qui freinent la transmis sion. Et l’apport demandé aujour d’hui par les banques à une personne qui s’installe pour la première fois est trop impor tant… ». Or la disparition de bou langeries sur ces territoires a un fort impact sur la qualité de vie de ses habitants. Pour contrer cet te tendance, les entreprises exis tantes se battent en soignant la qualité du service, de plus en plus personnalisée. Mais sur fond de baisse des ventes et de concur rence accrue de certaines ensei gnes semiindustrielles, l’avenir des tournées semble compromis, vu les frais qu’elles représentent entre entretien des véhicules et coût des carburants. ■ Pdd