La Belgique et la Convention de Vienne sur le droit des traités
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La Belgique et la Convention de Vienne sur le droit des traités
240 D. M ATHY LA BELGIQUE E T L A CONVENTION D E VIENNE SUR LE D R O IT DES TRAITÉS PAB Denise M ATHY C oL L A B O R A T E U R SCIENTIFIQUE A L A FACULTÉ DE D R O IT ET AU CENTRE DE DROIT INTERNATIONAL d e l ’U n iv e r s it é L ib r e d e B r u x e l l e s La convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 a été approuvée en Belgique par la loi du 10 juin 1992. Le dépôt de l'instrument d ’adhésion de la Belgique a été effectué le 1er septembre 1992. La conven tion est entrée en vigueur en Belgique par sa parution au Moniteur belge (non publiée au 27 mai 1993). Ces événements offrent l’occasion de présen ter une vue d ’ensemble des positions qui ont été adoptées par le gouverne ment belge tout au long de l’élaboration du projet d’articles par la Commis sion du droit international d ’abord et durant la conférence de Vienne ensuite. Le projet d ’articles qui a servi de base aux travaux de la conférence de Vienne est celui mis au point par la Commission du droit international en 1966 (1). Il constitue l’aboutissement de nombreuses années de travail, intermittent il est vrai, si l ’on se souvient que dès 1949, la Commission du droit international avait inscrit le « droit des traités » à son ordre du jour (2) et qu’un premier rapport avait déjà été présenté en 1950 (3). Comme aucun juriste belge ne fut jamais membre de la Commission du droit international la Belgique n ’eut pas de présence active tout au long de cette phase d ’établissement du projet ; tout au plus, la Belgique put-elle présenter ses vues à l’occasion de la discussion des rapports de la CDI à l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment, en sixième commis sion. En outre, le représentant permanent auprès des Nations Unies a adressé une lettre de commentaires sur le projet final (4). (1) A/6309/Rev 1, reproduit dans VAnnuaire de la Commission du droit international (ci-des sous AGD1 ), 1966, II, A/CN.4/Ser A/1966/Add.l et dans Conférence des Nations Unies sur U droit des traités : première et deuxième sessions : A/CONF.39/ll/Add 2. (2) Sur la chronologie des travaux de la Commission du droit international en matière de traités voir la deuxième partie de son rapport sur les travaux de sa 18° session : A/CN4/SerA/ 1966/Add 1 p. 189-192. (3) Par Brierly, A/CN.4/23, ACDI, 1950, II. (4) 19 juillet 1967, R B D I, 1969, chronique n° 358, p. 655. 242 D . M ATHY « A l’issue de la Conférence de Vienne nombre de délégations étaient convaincues de la nécessité de faire certaines réserves. Le Gouvernement estime qu’à cet égard il serait souhaitable d’être mieux informé des inten tions des autres parties contractantes » (9) Finalement le rapport concluait : « mieux vaut ne pas adhérer à une convention aussi longtemps qu’on n’est pas sûr d’une ratification rapide après approbation du Parlement ... » (10) Ces arguments — de valeur convaincante inégale — n’innovaient pas. Ils avaient déjà été exprimés soit en sixième commission de l ’Assemblée géné rale soit dans les commentaires sur le projet d ’articles. On en indiquera le détail ei-dessous au moment de la présentation des articles correspondants. Malgré ces réticences, l’attitude du Ministre n’était pas complètement négative : « Je ne cache pas que plusieurs dispositions du traité apparaissent au gou vernement belge, comme au Sénat sans doute, très utiles, notamment tout ce qui concerne, par exemple, la technique de l’élaboration des traités, mais, par contre, des matières qui touchent celles dont j ’ai parlé et que M. Van Bogaert a indiquées, méritent certainement un peu de réflexion, avant que le gouvernement signe ou saisisse le parlement ». (11) En 1984, le gouvernement restait toujours opposé à l ’article 53, relatif au concept de norme impérative du droit international (jus cogens), dont il jugeait la formulation imprécise (12). Toutefois, l ’adhésion était envisagée, mais assortie de réserves : « une éventuelle adhésion de la Belgique accompagnée de certaines réserves est à l’étude. » (13) C’est en 1991 que le gouvernement se décida enfin à présenter la conven tion à l’ approbation des chambres (14). Cette présentation fut immédiate ment suivie du dépôt du projet de loi d ’approbation de la convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales du 21 mars 1986 (15) dont la teneur est analogue à celle de 1969. La Convention de 1986 a été approuvée par la loi du 8 juin 1992. Le gouvernement introduit son argumentation en faveur d ’un ralliement à l ’adhésion par «ne réflexion brève sur l’évolution du rôle des normes conventionnelles ou coutumières dans le droit international d’aujourd’hui (9) Ibidem, p. 9. (10) Ibidem. (11) Réponse précitée A .P. p. 1144. (12) Réponse du Ministre des Affaires étrangères à la question 22 de M. Vervaet du 2 novembre 1984, Bull. Q.R., Chambre, 1984, 1985 n° 3 du 20 novembre 1984. (13) Ibidem. (14) Exposé des motifs, 5 février 1991, D.P., Chambre, n° 1472/1-90/91. (15) Exposé des motifs du 20 février 1991, D.P., Chambre, n° 1496/1-90/91. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U E L E D R O IT D E S T R A IT É S 243 et sur le rôle de la codification conventionnelle dans le développement du droit international : « Si la coutume a joué un rôle important dans la formation du droit inter national traditionnel, il faut reconnaître que cette sourcè de droit est mal adaptée à l’évolution du monde contemporain. La lenteur de la formation de la coutume, le fait que la coutume est par son essence même tournée vers le passé, et l’inconvénient résultant de l’im précision de la teneur de la règle coutumière, sont cause de recul de la cou tume comme source de droit, au bénéfice de la norme conventionnelle » (16). Quant à la codification, le gouvernement en souligne le côté dynamique : « La notion de codification du droit international ne doit pas être comprise dans un sens statique, en l’occurrence constater les règles existantes, mais dans un sens dynamique : la codification a non seulement pour but de confir mer des normes, mais aussi d’abandonner, de corriger des pratiques, et de créer des normes nouvelles, de telle sorte que la codification peut être consi dérée comme un élément moteur du développement du droit internatio nal ». (17) Le gouvernement reconnaît, dès lors, la nécessité d ’adhérer aux deux conventions sur le droit des traités dont celle de 1969 qui s’est imposée comme coutume : « Les Conventions de Vienne de 1969 et de 1986 sur le droit des traités constituent l’aboutissement de longs efforts de la Communauté internatio nale pour fixer les règles applicables à l’instrument essentiel, le traité, qui régit les relations entre sujets de droit international. La Convention de 1969 s’est d’ailleurs imposée à titre de coutume aux Etats qui ne l’ont pas ratifiée. Il est dès lors, hautement souhaitable que la Belgique adhère à la conven tion » (18) L ’imprécision de la notion de jus cogens continue cependant à poser un problème au gouvernement. On se souviendra que l’article 53 stipule : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la présente convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est per mise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit inter national général ayant le même caractère » A la conférence de Vienne, cet article fut voté par 87 voix, contre 8, dont celle de la Belgique, et 12 abstentions (19). E n revanche, quinze années plus tard, l’article équivalent de la convention de 1986, ne suscita qu’une seule voix contre, celle de la France. (16) Ibidem, p. 1 et 2. (17) Ibidem, p. 2. (18) Ibidem, p. 6. (19) Les autres voix contre émanaient des pays suivants : France, Grand-Duché de Luxem bourg, Lichtenstein, Monaco, Suisse, Turquie et Australie : 20e séance plénière, § 65. 244 D. M ATHY Entre la première convention et la seconde la notion avait mûri dans les esprits ; elle n ’était plus l’hydre aux bras multiples et incontrôlables que l’on supposait en 1969. Le gouvernement accepte cette notion imprécise en s’appuyant sur des arguments tirés d ’analogies avec les droits internes qui utilisent des notions tout aussi imprécises telle que celles de bonnes moeurs ou d’ordre public (20) : « Il est incontestable que les notions de » bonnes moeurs et d’ordre public, sont des règles générales, imprécises, et contingentes qui s’insèrent dans un contexte moral, politique et social déterminé. Seules les décisions jurisprudentielles peuvent donner à ces concepts un sens plus précis ... Tout comme dans l’ordre interne de l’État, il paraît rationnel de faire men tion dans les relations relevant du droit international public, d ’un concept d’ordre public tel que le jus cogens. Sans doute peut-on considérer que l’ordre public national est plus facile à déterminer que l’ordre public international, le premier s’inscrivant dans une structure étatique organisée et hiérarchisée, le deuxième relevant d’une structure beaucoup plus lâche dominée par le respect de l’autonomie de l’Etat et le principe de l’égalité des Etats, et caractérisée par la diversité des États. Néanmoins cette différence de structure ne suffit pas pour écarter en droit international toute référence à une norme juridique générale impérative. On peut même considérer que pareille référence est d’autant plus utile qu’il y a lieu de combler progressivement une grave lacune et de doter la communauté internationale d’un minimum de règles fondamentales s’imposant obligatoi rement aux États. La mention du jus cogens dans la Convention de Vienne, répond à ce besoin » (21) En ce qui concerne le contenu actuel du ju s cogens, le gouvernement estime difficile d ’affirmer « qu’il soit sans contenu effectif » : « Pourraient en toute hypothèse faire partie du jus cogens, des règles impératives telles que la prohibition de l’esclavage, de l'exploitation de la prosti tution d’autrui, de la discrimination raciale, du génocide, de la piraterie, de l’emploi de la force pour régler les différends. » (22) . La discussion en commission des affaires étrangères du Sénat laisse appa raître les réticences de certains sénateurs à propos du contenu du jus cogens ... Le rapporteur estime cependant que : «Les meilleurs juristes du monde n’ont manifestement rien trouvé de mieux que. ce texte ». (23) Le gouvernement attire encore l ’attention sur le fait qu’il existe des garanties suffisantes quant à l ’interprétation à donner au concept. Elles sont offertes par l’article 66 qui prévoit la saisine unilatérale de la Cour internationale de Justice en ces termes : (20) D.P. cité, p. 4. (21) Ibidem, p. 4, 5. (22) Ibidem, p. 5. Aussi dans le même sens le rapport de monsieur de Backer fait au nom de la commission des affaires étrangères du Sénat le 26 mars 1992, (D .P., Sénat, SE 1991-1992, n° 284-2, p. 2). (23) D .P., Sénat, SE 1991-1992, n° 284-2, p. 3. La commission des affaires étrangères a adopté l’article unique par 14 voix et 2 abstentions. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U R L E D R O IT D E S T R A IT É S 245 « ... a) toute partie à un différend concernant l’application ou l’interpréta tion des articles 53 ou 64 peut, par une requête, le soumettre à la décision de la Cour internationale de Justice, à moins que les parties ne décident d’un commun accord de soumettre le différend à l’arbitrage ; ... » Toutefois, la formulation de réserves à l’article 66 peut, a-t-on estimé, rendre illusoire cette garantie. Le Gouvernement le signalait ainsi (24) : « des réserves peuvent être faites par des Etats concernant l’application de l’article 66, ce qui est susceptible de réduire à néant la garantie que constitue la saisine obligatoire de la Cour internationale de Justice, plusieurs Etats ont, lors de la signature ou de la ratification de la Convention, fait une décla ration selon laquelle ils considèrent que les articles 53 et 64 (survenance d’une nouvelle norme de jus cogens) ne sont pas en vigueur entre eux et les Etats qui par le biais d’une réserve ou d ’une déclaration refuseraient la pro cédure obligatoire prévue à l’article 66. » En effet, la Bulgarie et la Tunisie ont émis des réserves spécifiques à l ’ali néa a) de l ’article 66. Elles tendent à empêcher la saisine unilatérale de la CIJ par une partie au différend relatif à l ’application ou à l ’interprétation du ju s cogens . La réserve bulgare se lit comme suit : « La République populaire de Bulgarie ne se considère pas liée par les dis positions de l’alinéa a) de 1 'article 66 de la Convention ... Le gouverne ment ... déclare que le consentement préliminaire de toutes les parties au dif férend est nécessaire pour que le dit différend puisse être soumis à la décision de la Cour internationale de justice. » La Tunisie se contente de déclarer que le différend prévu article 66 a) nécessite l ’accord de toutes les parties à ce différend pour être soumis à la CIJ. Ces réserves ont suscité les réactions de plusieurs États qui ont émis des objections. Certaines de celles-ci vont jusqu’à exclure toute relation conven tionnelle avec un État qui exclut tout ou partie de l’article 66 (25). (24) Exposé des motifs cité, p. 5. (25) Notamment le Japon. L ’Allemagne, rejette les réserves émises par la Tunisie et la Bulga rie au sujet de l’article 66. Elle les juge incompatibles avec l’objet et le but de ladite Convention. Elle estime que les articles 53 et 64 sont indissolublement liés à l’article 66a). Les États-Unis objectent à la réserve tunisienne et déclarent que le gouvernement ne considérera pas que que les art. 53 ou 64 sont en vigueur entre les États-Unis et la Tunisie. La Nouvelle Zélande objecte à l’égard de la réserve tunisienne qu’elle «n ’est pas liée par traité avec la Tunisie en ce qui concerne les dispositions de la Convention auxquelles la procédure de règlement des différends prévues à l’article 66 a) est applicable » Les Pays-Bas objectent en déclarant que les relations conventionnelles avec la Tunisie «ne comprendront pas les articles 53 et 64 de la Convention. » Outre cette objection bien « personnali sée » les Pays Bas font une déclaration générale excluant la partie V de la Convention dans ses relations avec un État qui exclut l’application de l’article 66. Le Royaume-Uni adopte une attitude maximale, il « objecte à la réserve formulée par le Gou vernement tunisien au sujet de l’article 66,a de la Convention et ne reconnait pas l’entrée en vigueur de cette dernière entre le Royaume-Uni et la Tunisie. » 246 D . M ATHY D ’autres États, le Canada, le Danemark, le Guatemala, le Royaume-Uni et la République-Unie de Tanzanie ont exprimé des réserves à tout l’artiele 66. Elles sont cependant loin d ’avoir toutes la même portée (26). La Belgique a assorti son adhésion de la réserve suivante : « le Gouvernement belge déclare qu’il ne se considère pas lié par les articles 53 et 64 de la Convention vis-à-vis de toute partie qui formulant une réserve au sujet de l’article 66 alinéa a), récuserait la procédure de règlement fixée par cet article » (27) On pourrait, étant donné la portée de cette réserve belge parler d ’objec tion à des réserves et de déclaration sur l ’effet de celles-ci plutôt que de réserve, mais laissons-là cet aspect terminologique, qui n’entame pas le contenu du texte qui a été transmis avec l ’adhésion. Un autre problème, d ’ordre constitutionnel interne, survint. Il a été en effet souhaité, lors de la discussion en commission des affaires étrangères de la Chambre (28), que la réserve « soit exprimée de manière expresse dans le projet de loi d’ approbation, au lieu d ’être seulement annoncée dans l ’exposé des motifs ». Le Ministre des affaires étrangères fit observer : « qu’il n’est pas d’usage d’incorporer une réserve à un traité dans la loi d’ap probation. Cette dernière ne constitue en effet que l’acte par lequel les chambres donnent leur assentiment à la conclusion du traité ». L ’intervenant maintint qu’il existait un précédent : celui de la loi du 2 septembre 1985 portant approbation de la convention européenne pour la répression du terrorisme conclue le 27 janvier 1977 et de l ’accord entre les États membres des communautés européennes sur l’application de la convention, conclu à Dublin le 4 décembre 1979 (29). Finalement, pour la Convention sur le droit des traités, le ministre avoua ne pas s’opposer à ce que, dans le cas présent, puisqu’il s’agit d’une réserve que le gouvernement souhaite maintenir de toute façon : (26) Celles du Danemark ou du Canada sont relativement simples : le Danemark n’appliquera pas la partie V de la Convention vis-à-vis de pays qui formulent des réserves totales ou partielles à l’article 66. Le Guatemala : «n’appliquera pas les dispositions des articles 11, 12, 25 et 66, dans la mesure où elles contreviendraient aux principes consacrés dans la Constitution de la Républi que ». Quant à celles du Canada et du Royaume-Uni elles interprètent l’article 66 dans lequel elles ne voient rien qui tende à exclure la compétence de la CIJ lorsque celle-ci est établie par des dispositions de traités en vigueur entre les parties à un différend. En outre l’article 66 ne pro pose pas un autre moyen de règlement pacifique. La Hongrie, la Mongolie et la Tchécoslovaquie ont retiré leur réserve à cet article. Diverses objections ont été émises par l’Egypte, le Japon, les Pays — Bas, le Royaume-Uni et la Suède. (27) Exposé des motifs cité, p. 6. (28) Rapport de M. Van Hecke, 5 juillet 1991, (D .P ., Chambre, n° 1472/3-90/91, pp. 3 à 5). (29) Loi d’approbation du 2 septembre 1985, M.B. 5 février 1986. Effectivement l’article 3 de cette loi d’approbation avait le contenu suivant : « Il sera fait usage, lors du dépôt de l’instrument de ratification des réserves prévues à l’ar ticle 13 de la convention européenne du 27 janvier 1977, à l’exception des infractions commises à l’occasion de prises d’otages et de toutes infractions connexes ». L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U E L E D R O IT D E S T R A IT É S 247 « le projet de loi soit amendé dans le sens demandé, mais il souhaite que cette procédure reste exceptionnelle et que l’usage de ne pas incorporer la réserve dans la loi d’approbation soit maintenu ». Monsieur Lagasse déposa l’amendement suivant sur vote unanime de la commission : « Article unique : La Convention de Vienne sur le droit des traités, et l’Annexe, faites à Vienne le 23 mai 1969, sortiront leur plein et entier effet. Toutefois, l’État belge déclare qu’il ne sera pas lié par les articles 53 et 64 de la Convention vis-à-vis de toute partie qui, formulant une réserve au sujet de l’article 66, point a), récuserait la procédure de règlement fixée par cet article » (30). Le projet d ’article unique transmis par la chambre des représentants reproduit le contenu de la réserve exprimé comme ci-dessus (31). Il en va de même pour l ’article unique de la loi d ’approbation du 10 juin 1992 qui incorpore cette réserve. Dans deux cas le gouvernement, invité par le Conseil d ’Etat et non par le parlement, à incorporer la réserve dans loi d ’approbation, ne le fit pas. Il estimait en effet que les chambres étaient suffisamment informées par la publication dans l’exposé des motifs. Ainsi à propos de la réserve au Protocole sur les privilèges et immunités de l ’Organisation européenne pour la mise au point et la construction de lanceurs d ’engins spatiaux du 29 juin 1964 au sujet de laquelle le Conseil d ’Etat observait que l’article unique de la loi d ’approbation devrait men tionner expressément la réserve. Il estimait que le procédé était respec tueux des prérogatives de contrôle des chambres, puisqu’ il ne laisse planer aucun doute au sujet de la portée de l’ assentiment et de la place de la réserve dans la hiérarchie des sources de droit. Pour sa part, le Gouverne ment était d ’avis que l’annonce et la portée à la connaissance par insertion de la réserve dans l ’exposé des motifs suffisait à informer les chambres. Il affirmait que : « Cette procédure est la plus souple étant donné qu’elle permet en cas de rejet d’une réserve par les Etats intéressés de ne pas être obligé de recourir à une nouvelle approbation parlementaire si, ultérieurement, il était décidé de ratifier sans réserve. » (32) Dès lors, si la loi d ’approbation du Protocole du 26 mars 1971 contient plusieurs articles, aucun ne reproduit la réserve. Les mêmes arguments furent développés tant par le Conseil d ’Etat que par le gouvernement à propos de la réserve à la convention internationale des télécommunications de Torremolinos du 25 octobre 1973 (DP, Sénat, (30) Amendement n° 1 du 22 mai 1991,( D.P., chambre, n° 1472/2-90-91). (31) D.P., Sénat, (1990-1991) n" 1414-1 du 13 juillet 1991. (32) M IDI, 1973, chronique n° 719. D . M ATHY 248 1976-1977 n° 1019,1, p. 2 ; aussi R B D I, 1981-1982, Chronique n° 1643). La loi d’ approbation ne contient pas la réserve. II. Les travaux de la B e l g iq u e SUR LE PR OJET D ’ARTICLES On a dit que la Belgique avait été active pendant la procédure d ’élabora tion de la convention de Vienne sur le droit des traités ; l’examen ci-dessous va en rendre compte. Afin d ’éviter des redites nous avons choisi de présen ter les interventions de la Belgique en suivant l’ordre et la numérotation des articles de la convention. (33) Les articles suivants de la convention ont fait l ’objet de commentaire, intervention ou amendement de la délégation belge : 2, 3, 5, 11, 12, 13, 16, 18, 22, 25, 30, 38, 41, 52, 53, 60, 63, 65, et 66. Article 2 : Expressions employées. Un amendement (34) a été présenté à la deuxième session de la Confé rence, sur le projet d ’article 2, al. lb ) qui disait : « Les expressions ratifica tion, acceptation, approbation et adhésion s’entendent, dans chaque cas, de ...». L ’amendement proposait de remplacer l ’expression «dans chaque cas » par « selon le cas ». Comme l’avait précisé M. Denis, l ’amendement ne portait que sur une question de forme (35). Renvoyé au comité de rédaction avec d ’autres amendements l’article 2 a été adopté par la commission plénière, sans vote formel, en recevant l ’amendement belge. Amendement (36) à article 2 al. 2. Encore une suggestion de pure forme signalait M. Denis (37). Elle aura moins de succès que la précédente. En effet le texte du projet de la CDI prévoyait ce qui suit : « Les dispositions du paragraphe 1 concernant l’emploi des expressions dans les présents articles ne préjudicient pas à l’emploi de ces expressions ni au sens qui peut leur être donné dans le droit interne d’un Etat » M. Denis avait proposé de remplacer les mots »ne préjudicient pas à l ’em ploi » par des termes, plus neutres disait-il : « n ’influent pas sur l’utilisa tion ». Renvoyé au comité de rédaction, celui-ci ne retint pas l’amendement de la Belgique estimant « que c ’était la première expression qui convenait le mieux dans ce contexte. » (38) (33) On trouvera un tableau de concordance entre les numéros des articles du projet de la CDI et les articles correspondant de la convention de Vienne dans A/CONÏ\39/II/Add.2, pp. 324326. (34) A/CONF.39/C 1/L381, reproduit dans A/CONF.39/ ll/Add.2, p. 253. (35) 87e séance de la commission plénière, § 17. (36) A/CONF.39/L 8, dans A/CONF.39/ll/Add.2, p. 286. (37) 7e séance plénière, § 18 et 20. » (38) 28° séance plénière, § 43, le président du comité de rédaction, M. Yasseen. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U E L E D R O IT D E S T R A IT É S 249 Article 3 : Accords internationaux n ’entrant pas dans le cadre de la présente convention. Le projet adopté par le comité de rédaction prévoyait que le fait que la présente convention ne s’appliquait pas à certains accords ne portait pas atteinte : « al. c) à l’application de celle-ci aux relations des Etats entre eux ...» M. Suy exprima le souhait que l ’on remplace les mots « de celle-ci » par les mots : «de la convention» (39). Cette proposition fut retenue . Article 5 : Traités constitutifs d’organisations internationales et traités adoptés au sein d’une organisation internationale. Déjà en 1962, M. Bal, notait comme étant intéressantes certaines propo sitions de la commission du droit international et notamment celle pré voyant : « l ’exercice par des organisations internationales de compétences traditionnellement réservées aux Etats. »(40) Le texte de la CDI présenté à la conférence prévoyait : « l’application des présents articles aux traités qui sont les actes constitutifs d’une organisation internationale ou qui sont adoptés au sein d’une organisa tion internationale est subordonnée à toute règle pertinente de l’organisa tion ». M. Denis commentant ce projet ainsi que l ’amendement de la Suède et des Philippines (41) visant à supprimer l ’article estima que ce texte : « pose une question de principe importante. Les articles du projet consti tuent-ils des règles auxquelles les États peuvent déroger ou s’imposeront-ils obligatoirement aux États, sauf s’ils contiennent une disposition formelle prévoyant des dérogations ? ... En ce qui concerne l’objet propre de l’article 4 [5CV], la délégation belge estime que la convention doit tenir compte du fait qu’un nombre de plus en plus grand de traités sont élaborés au sein d’organisations internationales. Certes, il faut éviter de soustraire des traités, sans motif sérieux, à l’applica tion du régime uniforme établi par la convention, mais il importe aussi que la convention ne supprime pas les régimes particuliers qui président à l’acti vité de nombreuses organisations internationales en matière d’élaboration de traités entre États. Il faut donc que la convention contienne des dispositions formelles à cet effet. Vu la difficulté de dresser une liste exhaustive des articles sujet à dérogation, la délégation belge indique sa préférence pour une disposition de portée générale. » (42) L ’orateur, à propos des traités pour lesquels un régime spécial serait reconnu souleva le point suivant : (39) 28° séance de la commission plénière, § 12. (40) 743° séance, sixième commission, 17 octobre 1962, § 25. (41) D ’autres amendements avaient le même objet : celui du Congo et celui des États-Unis ; ils ont été rejetés par la commission plénière, v. rapport de la commission plénière dans A/ COKF.39/ll/Add.2, § 54, p. 126. (42) 10' séance de la commission plénière, § 1 à 3. 250 D . M ATHY « la difficulté sera de déterminer si un traité a été ou non adopté au sein d’une organisation internationale. L ’amendement péruvien (A :CONF.39/C.l/ L58) se réfère aux traités adoptés par une organisation internationale dans le cadre de sa compétence ; l’amendement français (A/CONF.39/C.1/L55) parle des accords conclus en vertu d’un traité constitutif d’une organisation internationale. Ces deux amendements présentent l’avantage d’introduire un élément de droit qui doit être réalisé pour que la dérogation puisse s’appli quer, alors que les termes « adoptés au sein d’une organisation internatio nale » se réfèrent à une notion de fait qui ne trouve pas nécessairement sa justification dans le statut de l’organisation en cause. » C’est pourtant la terminologie de la CDI : « au sein d’une organisation » qui sera retenue dans la convention. Article 11 : Modes d ’exjpression du consentement à être lié par un traité. Deux amendements ont été présentés par la délégation. Le premier (A :CONF.39/C.l L l l l ) propose l ’introduction d ’un nouvel article : « art. 12bis : Autres modes d’expression du consentement à être lié par un traité. Outre les cas prévus aux articles 10, 11 et 12, le consentement à être lié par un traité peut s’exprimer par tout autre moyen convenu entre les Etats contractants » M. De Troyer (18° séance de la commission plénière, § 34) fit observer que les articles de la Commission du droit international avaient trait aux moyens classiques par lesquels les Etats expriment leur consentement à être lié : « La pratique actuelle connaît cependant d’autres modes d’expression du consentement à être lié par un traité et environ 30 % des accords conclus par la Belgique en 1964 contiennent des clauses prévoyant des procédures non visées aux dits articles. H y a donc là une lacune qu’il convient de combler. Un certain progrès a déjà été réalisé par l’adoption de l’amendement polo nais ... qui stipule que le consentement d’un État peut s’exprimer par un échange de lettres ou de notes. Il existe cependant toute une série d’accords bilatéraux et même multilatéraux qui prévoient, pour établir le consente ment, non un instrument de ratification, mais une simple notification qui peut être par exemple une lettre émanant d’un ambassadeur ou une déclara tion du ministre des affaires étrangères du pays qui adhère à l’accord. Comme il est impossible d’énumérer tous les cas qui peuvent se présenter, le nouvel article ne doit pas comporter trop de détails. La formule large employée dans l’amendement belge pourrait également couvrir la catégorie d’accords en forme simplifiée avec échange de lettres ou de notes dont il est question dans l’amendement polonais » M. De Troyer estima encore que les accords en forme simplifiée : «■présentent de telles particularités qu’il ne semble cependant pas inutile de leur consacrer un article spécial. » En ce qui concerne les traités qui ne donnent aucune indication sur le mode consentement, il suffirait d ’ajouter à l ’amendement de la Belgique : L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E STJB L E D R O IT D B S T R A IT É S 251 « En l’absence d’une indication de l’intention des États intéressés, le consentement s’exprime par la ratification » ou « En l’absence d’une indica tion de l’intention des Etats intéressés, le consentement s’exprime par la signature » L ’amendement fut renvoyé au comité de rédaction qui le joignit à l’amendement, Pologne-Etats-Unis (A/CONF.39/C.1/L88 et A d d .l) qui pro posait l ’introduction d ’un article 97ns. Ces deux amendements avaient le même effet juridique : celui de laisser aux parties le choix d ’une règle subsi diaire pour exprimer leur consentement à être hé. L ’article fut adopté sans vote formel. (43) Il ne subira plus ensuite que de légères modifications pure ment formelles. Cependant, à la neuvième séance plénière en 1969, lors de la présentation de l’article 9bis préparé par le comité de rédaction et qui intégrait la sug gestion belge : « Le consentement d’un État à être lié par un traité peut être exprimé par la signature, l’échange d’instruments constituant un traité, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par tout autre moyen s’il en est ainsi convenu. » Le second amendement (44), d ’ordre purement formel, fut présenté par M. Denis ; il suggérait de remplacer les mots « échanges d ’instruments » par « échange de lettres ou de notes » car l ’expression échange d’instruments était traditionnellement réservée à l’échange des instruments de ratifica tion. Il suggéra encore de remplacer le mot « moyen » par le mot « mode » qui est le terme communément employé, prétendait-il et qui figure d ’ail leurs dans l’intitulé de l ’article. (45) Le président du comité de rédaction fit remarquer que l ’amendement, dans sa première partie constituait une question de fond « car il tend à rétrécir la portée de l’article tel que la commission plénière l’avait adopté (§ 71). Suite aux débats, M. Denis retira la première partie de son amende ment (§ 73). La seconde partie fut renvoyée au comité de rédaction qui n’en tiendra pas compte puisque le texte de l’article 11 de la convention s’en tient aux termes : » tout autre moyen convenu ». Article 12 : Expression par la signature du consentement à être lie par un traité. Le 19 juillet 1967, le représentant permanent de la Belgique adressait le commentaire suivant : « article 10 : L’article 10, 2) prévoit que le paraphe du texte vaut signature du traité c’est-à-dire consentement à être lié par le traité, s’il est établi que les États ayant participé à la négociation en sont ainsi convenus. L ’on com(43) 59° séance de la commission plénière, §67 à 71. (44) A/COKF.39/L.13. (45) 9e séance plénière, 29 avril 1969, § 60. 252 D . M ATHY prend que l’on aie voulu couvrir par un texte la pratique dont il est question au n° 4 du commentaire de l’article, concernant le paraphe apposé par le chef de l’État, le premier ministre ou le ministre des affaires étrangères. Néanmoins, l’on peut considérer que l’expression : « lorsqu’il est établi que les États ayant participé à la négociation en sont ainsi convenus » pourrait donner lieu à des difficultés de fait graves, mettant en cause la portée réelle du paraphe. En effet, l’expression « il est établi » est tout à fait générale. Elle n’exclut aucun mode de preuve et pourrait éventuellement s’appuyer sur un consente ment allégué, résultant de conversations ou même d’une source quelconque, dans certaines circonstances déterminées. Pour répondre à ce souci, l’on peut se demander s’il ne conviendrait pas d’ajouter à l’expression « il est établi », le mot « expressément ». (46) La portée de ce commentaire sera appuyée par un amendement visant à ajouter l ’adverbe « expressément » après le mot « convenus » (47). L ’amende ment fut renvoyé au comité de rédaction qui ne jugea pas utile de retenir l ’ajout (48). Article 13 : Expression, par l ’échange d ’instruments constituant un traité, du consentement à être lié par un traité. Pour améliorer la rédaction de l’article [alors lO&is], M. Denis pro posa (49) son remplacement par le texte suivant : « Le consentement des États à être lié par un traité conclu par échange de lettres ou de notes s’exprime par cet échange : a) lorsque les lettres ou notes le prévoient ; b) lorsqu’il est par ailleurs établi que les États ont été d’accord pour donner cet effet à l’échange. » M. Denis fit remarquer que cet amendement avait un rapport avec le pré cédent amendement qu’il avait retiré et il s’en expliqua comme suit : « ces amendements devraient l’un et l’autre être examinés par le Comité de rédaction : en effet, ils amélioreraient la rédaction des deux articles, sans limiter en quoi que ce soit la portée des dispositions de fond. Les termes « lettres » et « notes » couvrent les mémorandums, les mémoires, les notes ver bales qui ont été mentionnés par le représentant de là Pologne. ... les notes échangées consistent le plus souvent en des documents non signés et qu’en ce cas la remise mutuelle constitue le mode d’expression du consentement. » Cet amendement ainsi que le document L.13 ci-dessus furent renvoyés au comité de rédaction (§ 3). Ce comité ne les retint pas, par ce que cela aurait eu pour effet de restreindre le champ d ’application de l ’article 106is puisque (46) A/6827, p. 4 ; A/CONF.39/5, vol.l, et RBDI, 1969, chronique n° 358, p. 656. (47) A/CONF.39/C.1/L100, présenté par M. Denis à la 17 séance de la commission plénière ; il n ’a cependant pas insisté pour qu’il soit mis aux voix, § 38. (48) 59e séance de la commission plénière, § 72-74. (49) A.CONF.39/L14, 10 séance plénière, 29 avril 1969, § 2. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U B L E D R O IT D E S T R A IT É S 253 les mots « note ou lettre » ont une portée moins large que le terme instru ment. (50) Article 16 : Echange ou dépôt des instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d ’adhésion. M. Denis, en séance plénière de la conférence demande des explications sur le texte proposé qui se lisait ainsi : « A moins que le traité n’en dispose autrement, les instruments de ratifica tion, d’approbation ou d’adhésion établissent le consentement à être lié par un traité au moment : a) de leur échange entre les Etats contractants ; b) de leur dépôt auprès des dépositaires ; ou c) de leur notification aux Etats contractants ou au dépositaire, s’il en est ainsi convenu » Il estimait que ces derniers mots : « s’il en est ainsi convenu » étaient bien peu en accord avec la réserve exprimée en début : « A moins que le traité n’en dispose autrement » qui implique que l’article énonce une règle supplé tive. Il poursuivit : f « D ’autre part, on ne distingue pas clairement si les mots « s’il en est ainsi convenu » se rapportent à la notification, ou bien au moment où le consente ment de l’État doit être considéré comme établi, ou aux deux» (51) Après avoir entendu les explications présentées par l ’expert-conseil et d ’autres interventions, M. Denis précisa sa pensée dans les termes suivants (§ 18) : « Le texte actuel avec la réserve « s’il en est ainsi convenu » à l’alinea c) indique quelle est la situation en ce qui concerne le choix de la procédure. Pour ce qui est du moment auquel le consentement est établi, la règle est sans doute que, à moins que le traité n’en dispose autrement, c’est, selon les cas : a) le moment de l’échange des instruments entre les Etats contractants, b) celui de leur dépôt auprès du dépositaire, ou c) celui de leur notification. » La proposition fut renvoyée au comité de rédaction qui décida de n ’opé rer aucun changement . Article 18 : Obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur. Un commentaire écrit du gouvernement et un amendement accompa gnent cet article. Le projet d ’article 15 de la CDI prévoyait une obligation de s’abstenir qui s’imposait à trois stades de l’élaboration du traité dont l’une était exprimée comme suit par l ’alinea a) : (50) 29e séance plénière, § 7. (51) 10® séance plénière, § 10. 254 D . M ATHY « Article 15 : Un État est obligé de s’abstenir d’actes tendant à réduire à néant l’objet d’un traité envisagé : a) Lorsqu’il a accepté d ’entrer en négociations en vue de la conclusion du traité, tant que ces négociations se poursuivent ; » La deuxième concernait le traité signé sous réserve de l’accomplissement de formalités exprimant le consentement à être lié et la troisième était rela tive à la période entre l ’expression du consentement à être lié et l’entrée en vigueur non indûment retardée. Le gouvernement exprima, par l ’intermédiaire de son représentant per manent (52) auprès des Nations Unies les critiques suivantes : « Le texte de l’article 15 mériterait d’être reconsidéré sous l’angle des réflexions suivantes : 1. Premier alinéa L’expression «actes tendant à réduire à néant l’objet du traité envisagé » n’est-elle pas trop rigoureuse ? Si l’on accepte le principe de l’article 15, celui-ci devrait prohiber non seulement les actes qui rédui raient à néant tout l’objet du traité envisagé, mais tout acte qui pourrait empêcher celui-ci d’avoir ses effets dans un domaine suffisamment impor tant. 2. L’on comprend que l’on consacre une obligation juridique des États de s’abstenir de certains actes contraires à un traité entre la signature et l’en trée en vigueur ce qui permet de faire rétroagir à la date de la signature les obligations prévues par le traité. La situation est différente dans l’hypothèse prévue sous a) par ce qu’il peut s’agir de négociations qui n’aboutissent pas. Contrairement à l’hypothèse prévue sous b) l’obligation juridique de s’abs tenir de certains actes ne pourrait pas s’appuyer sur un effet rétroactif donné à une obligation devenue effective, mais trouverait son fondement dans le fait de négociations. Cette base est différente et moins solide. De plus, elle est sujette à dangereuses imprécisions puisque, par définition, si les négocia tions n’aboutissent pas, c’est que les parties ont voulu, chacune, autre chose et l’on pourrait se demander à quel genre d’obligations le a) serait appli cable. » A la conférence, la Belgique se joignit à la Finlande comme coauteur de l ’amendement (A/CONF.39/C.1/L.61) tendant à supprimer l’alinea a). M. Denis fit remarquer que cette obligation pesait sur des États entrés sim plement en négociations lesquelles pouvaient ne pas aboutir. E t de répéter en partie le texte ci-dessus (53) La suppression de l’alinéa fut votée par 50 voix contre 33 et 11 absten tions, à la 20e séance de la commission plénière. Signalons aussi l ’opposition, exprimée ultérieurement dans un article paru dans cette Revue, par M. Nisot. Il était d ’avis que les dispositions de l ’article 18 s’écartaient du droit international commun (54). (52) Lettre du 19 juillet 1967, déjà citée. (53) 19e séance de la commission plénière, § 57 et 58. (54) « L ’article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités», RBDI, 1970, pp. 498503. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U R L E D R O IT D E S T R A IT É S 255 Article 22 : Retrait des réserves et des objections aux réserves. Les dispositions relatives aux réserves ont donné lieu à une grande acti vité légistique (55) ; toutefois un seul commentaire digne d ’être mentionné a été exprimé par le Gouvernement belge : (56) «Article 20,1) : En ce qui concerne le retrait des réserves, l’on peut se demander s’il ne conviendrait pas de distinguer deux cas : a) Celui, prévu à l’article 17,1) des réserves autorisées expressément ou implicitement par le traité ; b) Le cas des réserves non prévues par le traité et qui ne peuvent avoir d’ef fet qu’avec le consentement exprès ou tacite des autres Etats signataires. En ce qui concerne l’hypothèse a), l’on ne voit pas la nécessité du consen tement des autres Etats au retrait d’une réserve, alors que l’expression de cette réserve n’était pas soumise au même consentement. Dans l’hypothèse b), au contraire, il semblerait que le consentement de l’État qui a accepté la réserve se justifie. Cet État peut, en effet, avoir inté rêt au maintien de la réserve, par exemple, s’il a fait de son côté la même réserve. » Ce point de vue n ’a pas été suivi. L ’article 22 n ’exige aucun consente ment mais de simples notifications du retrait de réserve ou d ’objection. Article 25 : Application à titre provisoire. Cet article a été commenté par le gouvernement et un amendement fut déposé. Dans sa lettre du 19 juillet 1967, le représentant permanent de la Bel gique écrivait : « Article 22 : Dans une rédaction antérieure de l’article 22 (article 24 du projet de 1962), la disposition suivante était incluse : Dans ce cas, le traité entre en vigueur selon qu’il est prévu dans ses dispo sitions et reste en vigueur, à titre provisoire, soit jusqu’à la date de son entrée en vigueur définitive, soit jusqu’au moment où les États intéressés sont convenus de mettre fin à son application provisoire. La deuxième phrase de cette disposition présente, semble-t-il, un inconvé nient. Elle suppose l’accord des États intéressés pour mettre fin à l’applica tion provisoire. Il aurait donc été impossible à un État de sa dégager de l’obligation de l’application provisoire sans l’accord des États contractants, alors que dans la plupart des traités une clause de dénonciation unilatérale est prévue. A la limite, il suffirait à un État signataire, bénéficiaire de l’ancienne disposition de l ’article 24, de s’abstenir de ratifier pour s’assurer sans délai l’application du traité non entré en vigueur. Il conviendrait de prévoir la manière dont l’application provisoire du traité non encore ratifié peut cesser unilatéralement. Ne pourrait-on s’inspi(55) Voyez notamment, Shabtai R o s e n n e , The Law of Treaties, A Guide to the législative History of the Vienne Convention, Sythoff, Leiden, 1970, p. 180-187. (56) Lettre du 19 juillet 1967, A/6827, p. 5 et EBDI, 1969, chronique n° 358. 256 D . M ATHY rer de la disposition de l’article 15, b) en disant que l’application provisoire continue tant que l’Etat intéressé n’a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité ? L ’on pourrait également réserver l’accord des parties en ce qui concerne la fin du régime provisoire ou éventuellement prévoir qu’à défaut de conven tion dans ce domaine, il peut être mis fin unilatéralement à l’application pro visoire du traité moyennant un préavis de durée déterminée ». (57) L ’amendement (A/CONF.39/C.1/L 194) proposa d ’ajouter un paragraphe dans ce sens : « 3. Sauf disposition ou accord contraire, un Etat peut mettre fin, pour ce qui le concerne, à l’entrée en vigueur à titre provisoire en manifestant son intention de ne pas devenir partie au traité. » Présentant le sens de cet amendement, M. Denis disait qu’il comblait une lacune pour mettre fin à l ’application provisoire lorsqu’un État sait qu’il ne ratifiera pas le traité : « Il n’est pas question d’appliquer alors les dispositions de l’article 53 du projet relatif à la dénonciation du traité, car on ne peut dénoncer un traité auquel on n’est pas encore j>artie. Pour mettre fin à l’application provisoire, il devrait donc suffire à l’Etat intéressé de manifester sa volonté de ne pas devenir partie au traité. Tel est le sens de l’amendement présenté par la délé gation belge. On pourra remarquer que le libellé retenu dans l’amendement s’inspire des termes employés à l’article 15 du projet qui a déjà été adopté en principe par la commission ». (58) Cet amendement fut accepté par 69 voix contre 1 et 20 abstentions (59). L ’article 25 précise en effet qu’il faut notifier l’intention de ne pas devenir partie pour mettre fin à l ’application provisoire. Article 30 : Application des traités successifs portant sur la même matière. Intervention de M. Denis en séance de la commission plénière (60) pour que soit précisée la portée de l ’amendement de la France (L.44) qui visait le traité multilatéral restreint. L ’amendement français sera retiré (61) Article 38 : Règles d’un traité devenant obligatoires pour des États tiers par la formation d ’une coutume internationale. M. Suy appuya les amendements qui tentaient de faire supprimer l’ar ticle : (57) Lettre citée ci-dessus. (58) 26° séance de la commission plénière, §42. (59) 27° séance de la commission plénière, § 28, ainsi qu’un amendement Hongrie-Pologne, L.198 ayant le même objet. (60) 31e séance plénière, § 20. (61) 84 séance de la commission plénière, §21. L ’amendement ajoutait 1* alinéa suivant : « toutefois lorsque le premier traité est un traité multilatéral restreint et que le second a été conclu entre certaines parties seulement, les dispositions du premier l’emportent ». L A C O N V E N T IO N D B V IE N N E SITE L E D R O IT D E S T R A IT É S 257 «... non par ce qu’il conteste le principe inscrit dans cet article, qui a été reconnu par le tribunal de Nuremberg, mais par ce que cet article n’a pas sa place dans une convention sur le droit des traités ; il concerne le processus de la formation du droit coutumier » (62). Il se disait cependant prêt, si l’article était maintenu, à adopter l’amen dement mexicain (L.226) qui ajoute en fin d ’article : « ou en tant que prin cipe général de droit », amendement qui sera finalement rejeté. Article 41 : Accords ayant pour objet de modifier des traités multilatéraux dans les relations entre certaines parties seulement. En séance de la commission plénière, M. Denis déclara son opposition aux amendements qui tentaient d ’introduire au premier alinéa la notion de traité multilatéral restreint (63). Finalement, l’article 41, al. 1 ne contient pas cette notion. Article 42 : Validité et maintien en vigueur des traités. C’est à la sixième commission, en 1967, à l ’occasion de 1 ’examen de cet article introductif de la partie V que la Belgique s’est prononcée (64) en livrant ses réflexions générales sur cette partie. La délégation émet des doutes sur la nécessité de formuler un grand nombre de règles précises sur l’extinction des obligations conventionnelles ; le besoin n ’en serait pas aussi urgent que d ’aucuns pensent ; cette pratique ne doit pas être encouragée. M. Schuurmans estimait qu’une : « trop grande insistance sur la terminaison des accords internationaux risque rait sans doute d’inciter certains Etats à prendre des mesures qui, tout en visant à renforcer leur souveraineté, iraient en fait à l’encontre de leurs propres intérêts». Il convient, continuait-il, que la conférence adopte quelques règles qui doivent assurer : « un équilibre satisfaisant entre le légitime souci de liberté des États souve rains et l’indispensable stabilité des rapports juridiques internationaux » . Cette idée est appuyée par les orateurs représentants des Etats à régimes sociaux et juridiques différents. Sur l ’utilité de ces articles pour les petits Etats l’orateur belge disait ceci : « On a parfois soutenu que la convention devrait fournir aux petits États le moyen de défendre leur liberté face aux grandes puissances. Toutefois, en fixant leur attitude à l’égard du droit des traités, les petits pays ne doivent pas songer aux seuls rapports conventionnels qu’ils entretiennent avec des partenaires plus puissants, mais tenir compte aussi des rapports contractuels (62) 35e séance de la commission plénière, § 83. (63) 86e séance de la commission plénière, § 10. Il s’agissait d’un amendement français : L.46, par ailleurs retiré, et d ’un amendement finlandais L.237. (64) 982' séance, § 1 à 4. D. M ATHY 258 qui existent entre eux et auxquels normalement ils entendent assurer une certaine stabilité. » Il n ’y eut pas d ’intervention belge en séance de la conférence sur cet article. Article 52 Contrainte exercée sur un Etat par la menace ou l’emploi de la force. A la 50e séance de la commission plénière, M. Devadder a déclaré : « selon l’ article 49, tout traité dont la conclusion a été obtenue par le recours à la menace ou à l’emploi de la force, en violation de la Charte des Nations Unies, est nul, par ce qu’il est contraire à un principe de lex lata du droit international moderne. L ’usage de la force peut revêtir différentes formes et varier en degré, de sorte qu’il risque d’être parfois difficile d’établir si le recours à la force a été d’une nature telle qu’il entraîne la nullité du traité. Les pressions économiques ou politiques peuvent être extrêmement variables et, dans la plupart des cas, il serait difficile de déterminer s’il y a vraiment eu pression ; aussi M. De Vadder pense-t-il que la mention de ces formes de pression rendrait l’article impossible à appliquer et créerait une regrettable incertitude sur la situation des traités régulièrement conclus. Il est indispensable de prévoir que tous les cas de nullité seront soumis au règle ment d’une instance impartiale, conformément aux procédures fixées à l’ar ticle 62. » (65) Les pressions économiques n ’ont pas été introduites dans l’article . Article 53 : Traités en conflit avec une norme impérative du droit internatio nal général (jus cogens) La Belgique est intervenue sur cette disposition en sixième commission, à trois reprises : en 1963, en 1966 et en 1967 ; elle a aussi pris la parole à plusieurs reprises à la conférence ; elle s’est abstenue lors du vote de 1’ article en commission plénière (66) mais a voté contre en séance plénière (67). En 1963, M. Dewulf remarquait que le ju s cogens posait des problèmes délicats ; il espérait dès lors que la commission du droit international préci serait sa pensée sur cette notion (68). En 1966, M. Bal souhaitait aussi obte nir plus de précisions sur deux aspects de cette disposition : « si l’on souhaite introduire les règles de jus cogens dans une convention de droit positif, il faudra chercher à établir la portée de ces règles et l’autorité qui sera compétente pour trancher les problèmes d’interprétation » (69) (65) (66) (67) (68) (69) § 69 et 70. 80e séance ; l’article fut adopté par 72 voix contre 3 et 20e séance plénière, § 65 : adopté par 87 contre 8 et 12 789e séance de la sixième commission, 11 octobre 1963, 917e séance de la sixième commission, 21 octobre 1966, 18 abstentions. abstentions. §1. § 3. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U R L E D E O IT D E S T R A IT É S 259 En 1967, M. Schuurmans s’était étendu longuement sur la partie Y en général, nous l’avons évoqué ci-dessus, il déclarait que l’introduction de la notion de ju s cogens : « mérite une attention particulière. Il est normal que, par analogie avec les structures du droit interne, les juristes aient songé à introduire sur le plan international des règles de fond concernant la nullité de certaines obligations, et qu’ils se soient inspirés du concept de l’ordre public, qui occupe une place essentielle dans un grand nombre de systèmes juridiques nationaux. Il faut toutefois se demander dans quelle mesure il est possible et opportun d’appli quer au droit des gens des formules empruntées au droit interne. De nom breux juristes sont arrivés à la conclusion qu’au stade actuel du développe ment du droit international il était peu probable que l’on puisse y introduire avec succès la notion de norme impérative empruntée au droit interne. Dans une récente étude du projet d’articles, le juriste belge, Joseph Nisot (70), a dit que le jus cogens s’explique là ou le droit est l’oeuvre d’un pouvoir supé rieur aux sujets de droit, comme dans l’ordre interne, mais qu’il se conçoit moins aisément là où le droit relève directement des sujets de droit euxmêmes. C’est par ce qu’elle était consciente de cette difficulté que la Commis sion du droit international s’est efforcée de réduire le risque d’instabilité qu’entraînerait manifestement une appréciation subjective, par les Etats, d’un concept aussi important que celui du jus cogens. » Peu accueillant à l ’égard du concept, l ’orateur critiquait ensuite tant l’absence de critère pour déterminer la règle de ju s cogens, que les procé dures de règlement proposées : «... le projet d’articles n’indique pas de critères objectifs permettant de déterminer, à propos d’une règle, si l’on se trouve en présence d ’une règle impérative du droit international. Les débats de la sixième commission ont montré qu’il existe sur ce point des divergences de vue considérables, qui ne paraissent nullement à la veille d’être aplanies .... 7. En présence de ce problème, la Commission du droit international s’est efforcée d’indiquer certaines procédures pour le règlement des différends qui pourraient s’élever sur le point de savoir si une règle donnée est une norme impérative du droit international. Mais les solutions qu’elle a proposées consistent essentiellement à prôner le recours à des procédures d’ordre politi que, dont l’expérience a déjà montré qu’elles avaient une valeur relative. ... » M. Schuurmans exprime des doutes sur l ’opportunité d ’introduire cette règle dans la convention : « Il s’avérera bien difficile d’incorporer des règles concrètes et satisfaisantes sur les normes impératives dans un instrument de droit positif qui, par défi nition, est destiné à être appliqué par la communauté internationale toute entière. 9. Le représentant de la Belgique tient à préciser que : «... Son intervention a surtout pour but de souligner qu’avant de se pro noncer définitivement sur le projet d’articles, les Etats devraient examiner (70) Le concept de jus cogens envisagé par rapport au droit international, EBDI, 1968, pp. 17. 260 D . MATHY d’une manière aussi minutieuse que possible les problèmes auxquels l'applica tion pratique de ce texte pourrait donner naissance ...» (71) A la conférence de Vienne, en 1968, M. Suy intervient, au contraire, de manière positive : « la règle énoncée dans cet article est exacte et qu’elle fait partie du droit international positif. Tous les auteurs à quelques rares exceptions près l’ac ceptent sans réserve. 62. La question se pose de savoir ce qu’est le jus cogens. La définition que donne l’article 50 est purement formelle et n’apprend rien sur le contenu véritable de cette notion. M. Suy est d’accord avec cette formule de la Com mission par ce qu’à son avis la conférence n’a pas pour tâche d’essayer d’énumérer tout ce qui appartient au jus cogens ; elle ne doit pas le codifier. 63. Le problème se pose également de savoir si le jus cogens se réfère à un ensemble de normes juridiques ou s’il s’agit plutôt de quelque chose de simi laire à la notion d’ordre public en droit interne : c’est-à-dire les fondations de tout ordre juridique, qu’elles soient de nature sociologique, économique ou autre, qui varient dans le temps et l’espace. M. Suy estime pour sa part que le jus cogens en droit international se distingue précisément de la notion d’ordre public en ce qu’il se réfère nettement à des normes, c’est-à-dire des règles de droit commîmes à tout l’ordre juridique international. Cela n’exclut évidemment pas l’existence de règles impératives dans un cadre géographi que plus restreint, par exemple dans une communauté régionale organisée. 64. En ce qui concerne l’expression norme impérative, M. Suy fait obser ver qu’une norme peut être impérative sans appartenir au jus cogens et qu’il faut donc utiliser cette expression avec prudence. La terminologie juridique allemande est plus précise, puisqu’elle distingue les normes qui sont « gebietend » (obligatoires) de celles qui sont « zwingend » (absolues), ces dernières étant seules des règles de jus cogens. 65. L’article 50 constitue une exception au principe pacta sunt servanda. Il ne devra donc pas être invoqué à la légère et devra être interprété de manière très stricte. Dans d’autres articles faisant exception à ce principe, comme l’article 59 relatif au changement fondamental de circonstances, la Commis sion du droit international a employé une formulation très prudente et a pris soin d’exposer de façon détaillée les conditions dans lesquelles ces articles peuvent être invoqués ; ces précautions font malheureusement défaut à l’ar ticle 50. 66. Quel que soit le contenu du concept du jus cogens, il ne faut pas que les Etats puissent invoquer le jus cogens de manière unilatérale et non contrôlée soit pour rejeter des obligations devenues encombrantes, soit même pour contester la validité des traités auxquels ils ne sont pas parties. M. Suy estime personnellement qu’il faudra prévoir un contrôle de la part de la com munauté des Etats ; à son avis, en dernière instance, ce contrôle devrait être judiciaire ou arbitral ; en outre, il devrait porter sur les faits plutôt que sur les motifs et il pourrait constituer l’un des éléments de la procédure esquissée à l’article 62. » (72) (71) 982” séance de la sixième commission, 26 octobre 1967, § 5 à 9. (72) 41e séance de la commission plénière, § 60 à 66. L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U B L E D R O IT D E S T R A IT É S 261 M. Devadder intervint, à son tour, (73) pour déplorer l ’absence d ’élé ments permettant de déterminer quelles sont les règles de jus cogens : « 47. Il ne saurait être question d’établir une liste des règles de jus cogens, mais l’article 50 devrait contenir une référence à certains éléments objectifs permettant de déterminer quelles sont les règles impératives au sens de cet article. Le fait qu’une règle soit reconnue comme étant de droit impératif par l’ensemble des systèmes juridiques du monde constituerait un critère valable pour la rattacher à la catégorie du jus cogens. A supposer même que l’ar ticle 50 contienne une disposition permettant de déterminer quel est le contenu effectif de la notion de jus cogens, il restera une incertitude quand il s’agira de savoir, dans un cas donné si et dans quelle mesure une règle de jus cogens est applicable. C’est pourquoi une instance juridictionnelle ou arbi trale devrait être compétente pour en décider, mais il faudrait qu’elle trouve dans le texte de la convention sur le droit des traités des éléments objectifs pour fonder ses décisions. On ne saurait confier aux arbitres et aux juges la tâche de créer le droit, alors que leur rôle est de l’appliquer. Les Etats ne peuvent pas être laissé pendant des années dans l’incertitude quant au contenu du jus cogens, en attendant qu’une jurisprudence se dégage. Un État peut avoir à fixer son attitude en vue de la conclusion d’un traité futur, qui pourrait être affecté par l’extension plus ou moins grande reconnue à certaines règles de jus cogens. L’incertitude qui régnerait à cet égard pourrait empêcher la conclusion d’accords bénéfiques pour tous les Etats qui envisageraient de les conclure, mais que les gouvernements hésite raient à ratifier, en raison de l'hypothèque du jus cogens imprécis, qui ren drait incertaine la validité des accords projetés » Ensuite, M. Devadder justifia l’abstention de la Belgique en soulignant son accord avec le contenu de l’article, mais que « son acceptation dépend du règlement des questions soulevées par l’article 62(65CV) » (74). Enfin, en séance plénière, durcissement de l ’attitude de la Belgique qui vota contre l ’article. M. Denis en expliqua les raisons : l’introduction d ’un principe moralisateur tel que le jus cogens dans le droit des traités ne répugne pas à la délégation mais tel que l ’article est rédigé, elle ne peut l’accepter en raison de l’insécurité que cette nouvelle notion amènerait dans les relations conventionnelles. Il ajoutait encore, que la notion d ’« ordre public » est appliquée avec succès en droit interne par ce qu’il s’agit d ’un ordre juridique organisé, l’ordre international ne l’est pas encore. Introduire un tel article risque de provoquer « des abus dans les applications étrangères au droit international qui pourraient être faites (75). En définitive, l’article fut adopté par 87 voix contre 8 (dont la Belgique) et 12 abstentions. Ainsi que nous l ’avons exposé au début de cette commu nication, la Belgique a finalement fait taire ses réserves et admis le jus cogens. (73) 55e séance de la commission plénière, § 46 à 48. (74) 80e séance de la commission plénière, § 23. (75) 20e séance plénière, § 55-57. 262 D. MATHY Article 58 : Suspension de l’application d’un traité multilatéral par accord entre certaines parties seulement. En séance plénière, M. Denis (76) fit une observation d ’ordre purement formel afin d ’harmoniser les textes du présent article avec celui de l’ar ticle 41 CV relatif aux accords modifiant des traités multilatéraux dans les relations entre certaines parties seulement. Il s’agissait de remplacer les mots « accomplissement de leurs obligations » par ceux d ’« exécution de leurs obligations ». Ce qui fut accepté. Article 60 : Extinction d’un traité ou suspension de son application comme conséquence de sa violation. Appuyant un amendement du Sénégal qui visait à remplacer le mot « rejet » du traité par celui de « dénonciation », M. Denis expliquait que « technique ment, un traité ne peut être rejeté que par voie de dénonciation. » (77) Ce point de vue ne fut pas suivi, la commission du droit international a utilisé le mot rejet « car elle a pensé qu’il importait de mettre l ’accent sur un acte de caractère matériel, plutôt que sur un acte formel » (78) Article 62 : Changement fondamental de circonstances. En 1963, en sixième commission, M. Dewulf exprimait une certaine réti cence à l’égard de cet article comme à l ’égard de l’article relatif au jus cogens. Il souhaitait que la commission du droit international clarifiat sa pensée (79). Par la suite, le délégation belge n ’est plus intervenue sur cette disposi tion. Article 63 : Rupture des relations diplomatiques ou consulaires. M. Devadder (80) appuya le principe de cet article ainsi que l’amendement de la Suisse (L322) introduisant le principe de la restriction finale —- retenue dans l’article 63- : que la rupture des relations diplomatiques n ’affecte pas la survivance des traités « sauf dans la mesure où l’existence de relations diplo matiques ou consulaires est indispensable à l ’application du traité. » Article 65 : Procédure à suivre concernant la nullité d ’un traité, son extinc tion, le retrait d’une partie ou la suspension de l’application du traité. et (76) (77) (78) (79) (80) gique. 21e séance plénière, § 12. 21e séance plénière, § 25. Même séance, § 73 et 74. 789e séance, 11 octobre 1963, § 1. 65e séance de la commission plénière, § 72. Il n ’y eut pas d ’autre intervention de la Bel L A C O N V E N T IO N D E V IE N N E S U R L E D R O IT D E S T R A IT É S 263 Article 66 : Procédure de règlement judiciaire, d ’arbritage et de conciliation. La Belgique est peu intervenue sur ces articles dont l’histoire législative fut pourtant longue (81). En sixième commission, M. Schuurmans (82), on l ’a déjà mentionné, esti mait que les procédures pour le règlement des différends indiquées par la Commission du droit international étaient « d ’ordre politique », il souhaitait que des procédures « plus strictes et plus précises » soient élaborées. M. Devadder déclarait en séance de la commission plénière (83) « qu’une convention sur le droit des traités demeurerait incomplète en l’ab sence d’un mécanisme approprié pour le règlement des différends, en particu lier de ceux qui se rapportent à la partie V. Le danger est qu’un Etat puisse invoquer arbitrairement des causes de nullité, de suspension ou d’extinction en vue de se libérer d’obligations gênantes ; s’il n’existe pas de mécanisme impartial pour s’occuper de tels différends, il en résulte un état d’insécu rité ... Une telle procédure est particulièrement nécessaire pour protéger les intérêts des Etats petits et faibles ...» A la conférence, la Belgique n ’est plus intervenue sur ces articles. En revanche, M. Suy, intervint en sixième commission de l’assemblée générale des Nations Unies sur le projet de résolution relative à l’article 66 et son annexe pour dire : « que la Belgique aurait préféré que la Convention de Vienne sur le droit des traités institue une procédure obligatoire de règlement judiciaire ou d’arbi trage pour trancher tous les différends pouvant surgir de l’application de la Convention, mais qu’elle approuve cependant la procédure de conciliation proposée, qui est souple et conforme aux idées contemporaines. La délégation belge appuie donc le projet de résolution dont la Commission est saisie. Elle n’approuve pas toutefois, la recommandation présentée dans la note de bas de page dont cette proposition est accompagnée. Il est illogique de demander au Secrétaire général de prendre des mesures en conséquence », puis de res treindre sa liberté d’action en lui donnant des instructions précises au sujet des honoraires et d’autres questions. En outre, les directives données au Secrétaire général en ce qui concerne le choix de Genève comme lieu des réu nions de commissions de conciliation limite la liberté des parties au différend, qui pourraient souhaiter qu’il en soit autrement. ...» (84) L ’annexe avait été acceptée par un vote de la commission plénière sans vote nominal. En revanche, l’annexe et les projets d ’ articles, (la Belgique avait voté pour) furent rejetés en séance plénière faute d ’avoir obtenu la majorité des deux tiers (85) (81) (82) (83) (84) (85) S. R o s e n n e , The Law o/ Treaties, pp. 334-349. 982' séance de la sixième commission,§ 7. 73° séance, § 2 et 3, 16 mai 1968. A/C.6/SR.1155 du 25 novembre 1969, p. 5. 27e séance plénière § 31. Le vote fut le suivant : 62 pour, 37 contre et 10 abstentions.