Les cellules souches détiennent-elles la clé de la guérison future du
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Les cellules souches détiennent-elles la clé de la guérison future du
Pratique clinique Les cellules souches détiennent-elles la clé de la guérison future du diabète ? Gordon Weir L’espoir immense que les cellules souches permettraient de guérir le diabète suscite beaucoup de scepticisme, en particulier parmi ceux qui entendent dire depuis plusieurs dizaines d’années qu’un traitement est à portée de main. La conclusion de cet article est que la biologie des cellules souches est prometteuse et pourrait contribuer aux progrès tant attendus par la communauté du diabète. Toutefois, personne ne sait combien de temps cela prendra ; aucun calendrier des avancées prévues ne sera présenté, au risque d’en décevoir certains. Gordon Weir nous informe des progrès récents dans ce domaine et analyse les perspectives d’interventions efficaces visant à guérir le diabète. D’un point de vue conceptuel, l’hyperglycémie s’explique simple- atteintes d’insensibilité à l’insuline ne développent pas le diabète. ment par une quantité insuffisante de cellules bêta. Une disparition Celles qui développent la condition sont atteintes de troubles pratiquement complète des cellules bêta, due à une réaction de la production d’insuline et ont une masse de cellules bêta autoimmune, se produit chez les personnes atteintes de diabète inférieure de 40 % à 60 % au volume normal.1 Tout comme la de type 1. Grâce à diverses études de grande ampleur, nous thérapie insulinique réduit les taux de glycémie, l’insuline fournie savons que l’hyperglycémie entraîne des complications au niveau à travers la restauration des cellules bêta agit de même, comme des yeux, des reins et des nerfs, extrêmement redoutées par les l’ont démontré les greffes de pancréas. personnes atteintes de la condition. Nous pouvons affirmer avec une quasi certitude que, si elle est effectuée de façon précoce, la Effectuée de façon précoce, la restauration restauration des cellules bêta permet de prévenir ou de réduire des cellules bêta permet de prévenir ou de la progression de ces complications. réduire les complications du diabète. Le rôle joué par la disparition des cellules bêta chez les personnes Les progrès en matière de greffe d’îlots humains isolés sont im- atteintes de diabète de type 2 est moins clair. Il ne fait aucun pressionnants : les personnes atteintes de diabète de type 1 par- doute que l’insensibilité à l’insuline provoquée par l’obésité et viennent à retrouver des taux de glycémie normaux, sans thérapie le sédentarisme est un facteur important de la pathogenèse du insulinique.2 Toutefois, cette libération de l’insulinodépendance ne diabète de type 2. Cependant, parce que leurs cellules bêta sont dure que quelques mois ou quelques années. L’isolement d’îlots capables de compenser ces effets, de nombreuses personnes est traumatisant pour ceux-ci et les organes disponibles sont in- Juin 2008 | Volume 53 | Numéro 2 29 30 Pratique clinique L’utilisation des cellules iPS pourrait constituer un moyen pratique de proposer des îlots génétiquement identiques au receveur de greffe. L’utilisation de cellules souches d’embryon humain à partir d’ovules fécondés s’est heurtée à des obstacles majeurs, notamment une forte opposition liée aux croyances. En outre, cette technique a le désavantage que ces cellules sont immunologiquement suffisants pour faire face aux besoins. Les progrès dépendent de différentes de celles d’un receveur potentiel. Chez les personnes la découverte d’une nouvelle source de cellules saines. atteintes de diabète de type 2, du tissu génétiquement identique n’entraînerait pas de rejet de la greffe ou ne nécessiterait pas d’im- Plusieurs sources potentielles de cellules productrices d’insuline munosuppression alors que chez les personnes atteintes de diabète pourraient être utilisées pour des greffes. Les cellules souches sont de type 1, l’auto-immunité resterait un problème majeur. en tête de liste ; d’autre part, la greffe entre espèces (xénotransplantation) fait l’objet de nombreuses études. Cette approche se Une technique appelée transfert nucléaire de cellules somatiques heurte toutefois à de sérieux obstacles en termes d’immunité. (SCNT) permettrait d’obtenir du tissu génétiquement identique. A travers cette technique, le noyau d’un ovule donné est extrait et Les pancréas disponibles sont insuffisants remplacé par le noyau d’une cellule obtenue à partir de la peau pour faire face aux besoins ; une nouvelle du receveur de la greffe. A partir de cet ovule, il est possible de source de cellules saines doit être trouvée. générer des cellules souches d’embryon humain qui, en théorie, pourront produire des îlots. Ceux-ci peuvent alors être transplantés Cellules souches d’embryons humains sans risque de réaction immunitaire. Malheureusement, la réussite Les cellules souches d’embryons humains sont très attrayantes chez les souris a été difficile à reproduire chez les humains. parce qu’en théorie elles sont capables de produire des quantités illimitées d’îlots de Langerhans. Depuis quelques années, d’énormes Une nouvelle méthode permettant de produire des cellules souches progrès ont été réalisés. Il est désormais possible de transformer pluripotentes (capables de générer différents types de cellules) a des cellules souches d’embryons humains en endoderme puis en été rendue publique en 2007, suscitant un vif engouement. Un îlots de Langerhans et en cellules précurseurs d’îlots en culture tis- groupe de scientifiques de Kyoto, au Japon, ont découvert qu’en sulaire. Lorsque les cellules précurseurs sont transplantées chez des introduisant quatre facteurs de transcription dans les fibroblastes de souris, des cellules bêta à part entière se forment – permettant ainsi souris (cellules qui servent de cadre structurel à de nombreux tissus), de guérir le diabète. A ce stade, quelques inquiétudes subsistent il était possible de restaurer les cellules dans un état indifférencié toutefois concernant la possibilité que ces cellules provoquent des similaire aux cellules souches embryonnaires.4 Connues sous le tumeurs cancéreuses. Cependant, nous avons de bonnes raisons nom de cellules iPS (induced pluripotent stem), elles pourraient de croire qu’il sera possible de sélectionner et d’exclure les cellules générer des îlots de Langerhans en évitant les obstacles politiques précurseurs associées à ce danger potentiel. auxquels se heurte la recherche dans le domaine des cellules souches 3 Juin 2008 | Volume 53 | Numéro 2 Pratique clinique embryonnaires. Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir Espoir pour l’avenir avant de pouvoir évaluer le réel potentiel des cellules iPS. La preuve de principe de la réussite du remplacement de cellules bêta a été établie avec la greffe de pancréas et d’îlots. Alors Cellules précurseurs du pancréas qu’avec le don d’organe d’un donneur décédé les perspectives sont La possibilité de régénérer le pancréas suscite un immense intérêt. loin d’être prometteuses, il est possible que l’on trouve le moyen On sait depuis quelque temps que les cellules bêta ont la capacité de stimuler la réplication des cellules bêta de façon à générer de se reproduire. Chez les rongeurs, cela peut entraîner une une plus grande quantité de cellules de meilleure qualité pour les augmentation impressionnante de la masse de cellules bêta, qui receveurs. Il pourrait également s’avérer possible d’exploiter le compense l’insensibilité à l’insuline. La situation est moins claire potentiel des cellules précurseurs du pancréas pour améliorer l’ap- chez l’homme. Le développement de la masse de cellules bêta provisionnement en cellules bêta qui pourraient servir aux greffes. qui se produit pendant l’enfance semble être principalement dû Les perspectives de réussite avec des cellules dérivées de cellules à la réplication ; à l’âge adulte, le taux de réplication semble provenant d’embryons humains se précisent de plus en plus. toutefois être très bas. Nous espérons également pouvoir stimuler la régénération à l’intéParallèlement à la réplication des cellules bêta, il existe le processus rieur du pancréas. Une régénération des cellules bêta a été observée de néogenèse, qui consiste en la formation de nouveaux îlots à chez certaines personnes qui avaient subi un pontage gastrique. partir de cellules précurseurs du pancréas. Il semble probable que Selon une hypothèse probable, cette régénération serait provoquée la néogenèse soit un mécanisme dominant pour le maintien de la par une hausse de la sécrétion de l’hormone GLP-1 au niveau de masse de cellules bêta à l’âge adulte. L’obésité est associée à une l’intestin.5 Ces données, entre autres, suggèrent que le GLP-1 ou augmentation de la masse de cellules bêta d’environ 50 %. Il s’agit d’autres peptides similaires pourraient être utilisés en combinaison sans aucun doute d’un important mécanisme de compensation qui avec la gastrine, un facteur de croissance de l’épiderme, ou d’autres protège contre le diabète. Le rôle de la réplication des cellules bêta et agents pour augmenter la masse de cellules bêta. de la néogenèse dans cette compensation n’est pas encore clair. Alors que les cellules du canal pancréatique semblent être à l’origine de cette néogenèse, d’autres cellules dotées de la capacité d’exprimer des marqueurs de cellules bêta ont été découvertes dans le pancréas des rongeurs. Toutefois, il s’est avéré que ces cellules étaient présentes en quantité insuffisante ou ne se différenciaient pas d’un phénotype de cellule bêta complet. Les chercheurs se Gordon Weir Gordon Weir est responsable de la section des greffes d’îlots et de biologie cellulaire, Diabetes Research and Wellness Foundation Chair, Joslin Diabetes Center, et professeur de médecine auprès de la Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis. sont également intéressés à la possibilité que les cellules acineuses pancréatiques pourraient se transdifférencier pour devenir de nouvelles cellules bêta, mais les travaux sur des souris transgéniques Références 1 B utler AE, Janson J, Bonner-Weir S, et al. Beta-cell deficit and increased beta-cell apoptosis in humans with type 2 diabetes. Diabetes 2003; 52: 102-10. 2 R yan EA, Paty BW, Senior PA, et al. Five-year follow-up after clinical islet transplantation. Diabetes 2005; 54: 2060-9. 3 K roon E, Martinson LA, Kadoya K, et al. Pancreatic endoderm derived from human embryonic stem cells generates glucose-responsive insulin-secreting cells in vivo. Nat Biotechnol 2008; 26: 443-52. 4 N akagawa M, Koyanagi M, Tanabe K, et al. Generation of induced pluripotent stem cells without Myc from mouse and human fibroblasts. Nat Biotechnol 2008; 26: 101-6. 5 B onner-Weir S, Weir GC. New sources of pancreatic beta-cells. Nat Biotechnol 2005; 23: 857-61. indiquent que ce mécanisme ne se produit pas naturellement. Les cellules extra-pancréatiques, précurseurs du pancréas ? La possibilité que les cellules circulantes aient un potentiel de régénération a suscité un vif intérêt. Les principaux candidats étaient les cellules souches de la moelle osseuse, les splénocytes et les cellules souches mésenchymateuses. Pourtant, malgré plusieurs déclarations précoces, les données contredisant ce potentiel ne cessent de se multiplier. Diverses études indiquent toutefois que les cellules de la moelle osseuse peuvent favoriser la régénération par le biais de mécanismes autres que les cellules précurseurs de nouvelles cellules endocrines. Juin 2008 | Volume 53 | Numéro 2 31