Les Cantona, une sacrée famille

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Les Cantona, une sacrée famille
Les Cantona, une sacrée famille
SAGA Si on ne présente plus Éric le "King", ses frères Joël et Jean-Marie sont des personnages aussi attachants. Rencontre
I
ls ne seront jamais à l’étroit dans le
petit cabanon de La Vesse, où ils
aiment se retrouver aux premiers
rayons de soleil de l’été. Les anecdotes
y fusent, les parties de rigolade s’enchaînent, les souvenirs remontent à la
surface. C’est comme ça depuis quarante ans, et ce n’est pas près de changer. Ce petit condensé de paradis, les
Cantona ne s’en lasseront jamais. "On
parle beaucoup des calanques de Cassis, mais la Côte Bleue, c’est extraordinaire", s’exclame Jean-Marie qui, comme ses frères, raffole de ce coin où ils
ont passé "des vacances inoubliables"
dans leur jeunesse. Une plage de liberté acquise par leurs grands-parents,
un fief où Albert, leur père, passe une
partie de son temps aujourd’hui. Et
si, aux beaux jours, ses fils ne se
trouvent pas à ses côtés, c’est
qu’ils ont pris de la hauteur,
au Villard La Beaume, au
cœur des Hautes-Alpes,
dans la ferme familiale.
"Il n’y a même pas une
boulangerie là-bas, sourit l’aîné du "King". Tous
les ans, on s’y retrouve.
On joue aux boules, on
se baigne dans la rivière. On fait la cuisine,
on mange, on boit du
vin rosé. C’est l’anti
Saint-Tropez et on se
régale !" À la mer ou à
la montagne, en Corse - "J’adore l’Île de
Beauté", confie Joël, le
plus jeune des trois ou à Marseille, les Cantona ont toujours une
histoire à raconter à
leurs fidèles compagnons de route. "Nous
n’avons pas changé,
nous sommes toujours
les mêmes. Nous avons
toujours les mêmes amis
et la même vie qu’avant."
yeux. Ça paraît simple de dire ça, mais
on sait que ce n’est pas le cas de tout le
monde, malheureusement. On travaille ensemble, on fait tout ensemble
dans le respect de la vie de chacun, bien
sûr. Nos enfants s’entendent très bien,
on préserve ça. On a été élevés ainsi."
Une éducation également nourrie de récits. Avec, dans le
rôle de la conteuse préférée, une
grand-mère à
l’incroyable talent d’oratrice.
"Il y avait beaucoup de vérités dans
tout ce qu’elle disait, mais parfois elle
brodait un peu aussi", se marre Joël.
"L’oncle d’Ardèche" faisait partie de
ses héros favoris. "Il y avait des gens,
comme lui, qui vivaient dans des grottes à l’époque. Je sais qu’il avait les cheveux longs, une
barbe et un âne
par rapport
aux photos
que j’ai vues.
À la Noël, chaque fois on
parlait de lui.
À u n
moment, c’était l’idole d’Éric. Parfois,
on est moins citadin, moins urbain, on
a besoin d’espace. Les jours de stress, il
peut arriver alors qu’on fasse référence
à ce grand-oncle..."
Pour s’aérer l’esprit, les Cantona
peuvent aussi compter sur les amis de
toujours. Parmi eux, Patrick
Bosso. "J’ai connu
Jean-Marie à 15 ans,
rappelle l’humoriste
marseillais. Je
n’étais pas du même quartier qu’eux
(il a grandi au Panier puis aux
Lauriers, ndlr). Mais un copain avait
été repéré par le club des Caillols. C’est
comme ça qu’on s’est rencontrés. On a
exactement le même âge, on a six jours
d’écart. On ne s’est plus quittés. C’est le
frère que je n’ai jamais eu... Et grâce à
lui, j’en ai eu trois ! J’allais souvent dormir chez eux, il y avait des fanions partout dans les chambres. Avec leur
grand-mère, on partait aussi voir
Éric quand il était à Auxerre, avec
la Citroën. On s’arrêtait sur l’autoroute, avec la glacière. Ce sont d’excellents souvenirs."
Des images gravées à jamais.
Des flashes qui crépitent autant
que ceux... du 62e Festival de Cannes. La consécration pour les
trois frères, réunis sous la
bannière "Canto Bros
Production" - un clin
d’œil à la Warner - , et
un chef-d'œuvre de Ken
Loach, "Looking for
Éric", qui laisse présager
"Jean-Marie, c’est
le frère que je n’ai
jamais eu... Et grâce
à lui, j’en ai eu trois ! "
PATRICK BOSSO
"Nous n’avons pas
changé. Nous avons
toujours la même vie
qu’avant..."
Cette vie, c’est d’abord "une enfance heureuse" dans le quartier
des Caillols. "C’était une autre époque, raconte "Jo". On vivait à travers le football, on était dehors
18 heures sur 24, surtout lorsqu’arrivait le printemps. À l'école, nous
n’étions pas brillants, par contre nous
donnions tout ce que nous avions ! Parfois, nous étions renvoyés... Le plus sage, c’était Jean-Marie. Mais bon...
Éric et moi, nous étions un peu plus
turbulents. Je suis un extraverti,
j’étais un peu le boute-en-train. Mais
quand Éric et Jean-Marie se chopaient, parce que parfois ils se battaient, je criais, je pleurais, je ne comprenais pas. Mon père se mettait au
milieu, il s’en prenait une à chaque
fois !" Des mâles, des vrais. Des hommes pour qui la famille passe avant
tout. "Elle est très importante à nos
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/ PHOTO FRANCK PENNANT
Joël
Né le 28 octobre 1967. Ancien attaquant reconverti en latéral droit, il a notamment inscrit
une volée acrobatique d’anthologie à Perpignan
en 1995, lors de son deuxième passage à l’OM. Il
se partage aujourd’hui entre cinéma, télé et
beach soccer. Il est à la tête de JC Organisation.
Éric
Né le 24 mai 1966. Une légende, aussi bien
pour les Anglais qui l’adulent, que pour les Français qui se régalent à chacune de ses interventions. Il est en train de percer au cinéma. Un véritable artiste, qui est aussi sélectionneur de l’équipe de France de beach soccer.
Jean-Marie
Né le 6 octobre 1962. Le Bar des Canotiers ( où
il a travaillé avec son cousin sur le Vieux-Port ), un
magasin de sport à Istres : il a varié les activités
avant de devenir agent en 2000. Il s’est occupé de
son frère, mais a aussi pris en main des joueurs
comme Barthez, Pagis, Janot ou Celestini.
un bel avenir cinématographique au trio.
"Quand on était plus jeunes, on y allait déjà à
Cannes, sourit Patrick
Bosso. On se baignait,
on mangeait des glaces,
puis le soir, on se changeait, on
se faisait tout beau pour aller
dans les soirées. Mais ensuite, on
dormait dans ma Ford Fiesta !"
"On avait une vingtaine d’années et on partait de Marseille
après le boulot, se remémore
Jean-Marie. Dès qu’il y avait
une vedette, on prenait une
photo. On regardait les marches de loin parce qu’on ne
pouvait pas y accéder, c’était
l’époque du Grand Bleu, ça
nous faisait rêver. Le soir, on
sortait en boîte. Après, évidemment, nous n’avions pas
assez d’argent pour dormir à
l’hôtel. On se douchait sur la
plage. Mais on avait quand
même la belle chemise, le
beau jean... Les gens qui nous
croisaient ne pensaient pas
qu’on dormait dans la Fiesta !"
Forcément, la montée des
marches fut donc un moment
magique. "On surgit toujours
où on ne nous attend pas, on
aime bien ça..." Ainsi va la vie
des Cantona. Une sacrée famille qui, partout où elle passe et quoi qu’elle fasse, continue de faire la fierté de Marseille. Un clan soudé que l’on
retrouvera dès vendredi au
Prado à l’occasion de l’Euro
Beach Soccer League.
Alexandre JACQUIN
[email protected]