Le bardage double peau fait sa mue
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Le bardage double peau fait sa mue
30 P RO cé Dés BAR D AG E . IN F O #0 5 MA I 2 014 © Face Aquitaine DOS S IER 01 AcIER Le bardage double peau fait sa mue Évolution et diversification des procédés, amélioration des performances énergétiques de l’enveloppe… Le bardage double peau monte en gamme et cherche à conquérir de nouvelles applications dans le logement et le tertiaire. ADELInE DIOnISI L ’image du bardage double peau a longtemps été associée à celle d’un produit pratique et rapide à mettre en œuvre pour assurer un clos et couvert à moindre coût. Aujourd’hui les acteurs du marché cherchent à faire valoir d’autres atouts comme la diversité des parements et les performances thermiques de ces systèmes pour s’attaquer à de nouveaux marchés. Développé par l’entreprise nord-américaine Robertson-Irwin Limited (aujourd’hui devenu Robertson Building Systems), le bardage double peau débarque en France dans les années 1960. Le procédé, composé d’un plateau porteur en acier incorporant un isolant et d’un parement extérieur, cumule les avantages dans une France en plein essor industriel : « Son faible coût, sa légèreté et sa rapidité de mise en œuvre constituent les clés de son succès », explique Yves Torres, président du conseil d’administration de l’entreprise Face. Son principal débouché : les ouvrages industriels, un secteur où l’esthétique et les performances thermiques ne sont pas encore des préoccupations. Parmi les applications phare : le bâtiment I des MIN de Rungis, construit en 1968. « Jusque dans les années 1970, la 01 Les parements en acier sont déclinables à l’envi, notamment en termes de couleurs. B AR DA G E. INF O # 05 M AI 2 01 4 D OSSIER P R Oc é Dé s 31 fonction première de l’isolation reste la maîtrise des phénomènes de condensation, précise Daniel Roys de Soprema Entreprises. Par conséquent, les épaisseurs mises en œuvre étaient réduites au minimum et ne dépassaient pas 45 mm. » La démocratisation du chauffage électrique et l’arrivée de la première réglementation thermique de 1974 changent la donne et poussent au développement des isolants minéraux. Ces évolutions vont profiter au bardage double peau, l’isolation faisant partie intégrante du complexe. DIvERSIfIcAtIOn DES pAREmEntS Autre preuve du positionnement architectural du bardage double peau : la diversification des matériaux de parement extérieur qui ne se cantonnent plus à l’acier. Aluminium, acier inoxydable, 02 02 Tous types de matériau sont aujourd’hui admissibles en parement de bardage double peau, comme ici le stratifié (Trespa Meteon). 03 Les dimensions architecturales et esthétiques ont fait leur entrée sur le marché du bardage double peau. © Pierre Pichon Progressivement, les industriels cherchent à innover afin de réduire encore un peu plus les coûts. Ainsi, l’arrivée de la vis autoperceuse en 1975 sonne le glas de la pince à crever. La pose devient plus rapide et surtout moins chère. « En parallèle, les plateaux se sont adaptés à l’évolution des trames d’ossature. En jouant sur leur profondeur, passée de 60 à 150 mm en quelques décennies, ils ont gagné en inertie permettant une augmentation de leurs longueurs (jusqu’à 14 m) », rappelle Philippe Dumay, directeur général de Face. De même, leur résistance à la pression et la dépression et leur élasticité se sont également améliorées. Enfin, les progrès de la galvanisation, notamment en termes de maîtrise des process et de qualité des matériaux utilisés, éloignent également le spectre de la corrosion de l’acier. Les parements ont suivi les mêmes évolutions, particulièrement concernant les procédés de laquage. Les premières laques remontent à la fin des années 1960. Aujourd’hui, elles sont normées en fonction de la finalité du bâtiment : élasticité, grammage… « Tout est figé techniquement », souligne David Piantino, directeur marketing et développement du groupe Fila (Financière Laguarigue). Esthétiquement en revanche, la qualité des finitions, la diversification des teintes et d’effets (mat, super mat, embossé…) ont offert peu à peu au bardage double peau de nouvelles perspectives. « Il est possible aujourd’hui de créer des aspects bois, marbre ou cuivre en superposant plusieurs couches de peinture ou même d’imprimer des images », explique Jacques Tribout, dirigeant de l’entreprise Batex. Une tendance accompagnée par le goût de plus en plus prononcé des concepteurs pour le façonnage des parements : cintrage, pliage, perforations… © Pierre Pichon ÉvOLutIOnS InDuStRIELLES 03 Des plateaux perforés pour gérer l’acoustique Les bâtiments industriels, socio-culturels et les salles de sport, entre autres, sont la plupart du temps, soumis à des problématiques de gestion des bruits intérieurs. Cette acoustique est alors traitée par l’association de plateaux perforés, d’un isolant en laine minérale et d’un pare-vapeur. Si l’ajout d’une finition devant les plateaux à l’intérieur est possible, « il est plus efficace de laisser libre l’isolant pour une meilleure absorption des bruits », explique David Piantino. 32 DOS S IER P RO cé Dés BAR D AG E . IN F O #0 5 MA I 2 014 « Aujourd’hui, nous savons parfaitement réaliser des bâtiments en acier performants au plan énergétique. » 04 Les bâtiments industriels ne sont plus le seul débouché des bardages double peau, le tertiaire peut également y avoir recours. 05 © Pierre Pichon © Eternit 04 05 Le cintrage des parements en acier donne une dynamique particulière à la façade. stratifié, HPL, fibres-ciment et même terre cuite… « Les parements traditionnellement utilisés en bardage rapporté sur maçonnerie dévient vers les double peau », souligne Denis Lehnen, directeur technique de Soprema Entreprises. « En théorie, tout est possible car tout se calcule, notamment en termes de charges. Ainsi, les problématiques de déversement de la lèvre peuvent être réglées par l’ajout d’une échantignolle », poursuit Jacques Tribout. Un exemple : le mur végétalisé du musée du quai Branly à Paris est liaisonné à des plateaux de bardage par l’intermédiaire d’un support en aluminium. « Les tests de résistance ont été jusqu’à 100 kg/m² pour vérifier la tenue du système. » Récents, ces procédés ne sont pas couverts par les Règles professionnelles éditées en 1981 qui constituent aujourd’hui, l’unique référentiel harmonisé pour la mise en œuvre des bardages métalliques. « La mise en œuvre de ces systèmes reste soumise à la garantie décennale, rappelle toutefois le dirigeant de Batex. Les assurances exigent au minimum une enquête de technique nouvelle (ETN). » Quelques industriels ont fait le choix de l’Avis technique comme les fabricants de parements en fibres-ciment (Eternit) ou en stratifié (Fundermax et Trespa). Dernières solutions : l’Atex dans le cadre d’un chantier expérimental. pERfORmAncES thERmIquES En parallèle de ces évolutions esthétiques, « le bardage double peau a fait son entrée dans l’ère de la thermie au début des années 2000 », précise Denis Lehnen. Là encore, les industriels ont impulsé ce mouvement. L’arrivée sur le marché des isolants rainurés a considérablement amélioré les performances thermiques des enveloppes en acier. Ces produits, devenus aujourd’hui standard comme Rockbardage ou Cladisol, sont façonnés en usine pour venir s’insérer dans les plateaux de bardage. Associés aux nouvelles générations B AR DA G E. INF O # 05 M AI 2 014 de vis à entretoise, ils créent de fait une couche d’isolation continue et limitent considérablement les ponts thermiques ponctuels. « Ces produits sont couverts par leur propre Avis Technique et acceptent une multitude de parements extérieurs », souligne le directeur technique de Soprema Entreprises. Nul besoin, dans ces cas de figure, d’augmenter les épaisseurs d’isolant pour prétendre aux niveaux de performances BBC voire Bepos. Résultat, « 150 mm suffisent pour obtenir un U=0,3 W/(m2.K), poursuit Denis Lehnen. Avec la RT 2012, c’est l’étanchéité à l’air qui constitue le véritable enjeu pour la performance énergétique des bardages double peau. » Or, logiquement, les Règles professionnelles de 1981 évacuent la problématique en trois lignes. « Chacun applique ses propres solutions et les justifie », explique Yves Torres. L’insertion d’un pare-vapeur du côté de la paroi chaude du système apparaît souvent comme la solution la plus efficace en la matière. Parfois même, deux pare-vapeur sont nécessaires comme sur les façades de l’hôpital de Montargis réalisées par l’entreprise Batex. « Nous avons ajouté P R Oc é D é s des joints entre les lèvres des plateaux, sur chaque appui de plateau, au niveau des longrines… », souligne Jacques Tribout. nOuvEAux mARchÉS ? « Aujourd’hui, nous savons parfaitement réaliser des bâtiments en acier performants au plan énergétique. Mais ces ouvrages sont encore associés à une image de bâtiment à bas coût. Il faut sortir de cette logique, analyse Denis Lehnen. En changeant les a priori, on pourrait même envisager de généraliser l’emploi des enveloppes en acier dans le logement. ». La publication prochaine des Recommandations professionnelles RAGE 2012 sur les bardages double peau (voir article p. 34) ouvre à ces techniques de nouvelles perspectives. « Elles rassemblent et officialisent dans un même document toutes les dispositions constructives pratiquées aujourd’hui », explique David Piantino. Cette base commune sonne comme une reconnaissance de l’évolution des modes constructifs des bâtiments en acier et de leur capacité à répondre aux nouvelles exigences de performance. l D OSSIER 33 DOS S IER P ER FO RM A NC E É N E R G É T I QU E BAR D AG E . IN F O #0 5 MA I 2 014 © Soprema 34 01 R E c O m m a n D at I O n S p R O f E S S I O n n E l l E S le bardage double peau passe à l’heure de RaGE 2012 Le programme, destiné à revoir les règles de construction pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, a permis de mettre à jour les référentiels de mise en œuvre des bardages double peau. Pour la première fois depuis 33 ans. aDElInE DIOnISI 1981-2014 Pendant plus de trente ans, la réalisation des bardages double peau aura été soumise aux mêmes « Règles professionnelles pour la fabrication et la mise en œuvre des bardages métalliques ». Un document aujourd’hui obsolète au regard de l’évolution des techniques et des matériaux composant ces procédés (voir article p. 30). « Sur le terrain, les professionnels ont pris beaucoup de liberté par rapport au référentiel de 1981. Avec succès d’ailleurs car le taux de sinistralité est nul dans le secteur », explique Denis Lehnen, directeur technique de Soprema Entreprises. L’avènement des performances énergétiques des bâtiments au rang de priorité depuis le Grenelle de l’environnement en 2010 ne permet plus de laisser la place aux improvisations, d’autant plus qu’« avec l’acier, la thermique a, pendant longtemps, été secondaire », précise Denis Lehnen. Ce mode constructif ne pouvait donc pas échapper au programme RAGE 2012 qui « vise à revoir l’ensemble des règles de construction afin de réaliser des économies d’énergies dans le bâtiment et de réduire les émissions de gaz à effets de serre ». Dans ce cadre, les professionnels, sous l’égide du CTICM*, se sont attelés à la rédaction de recommandations professionnelles visant les bardages en acier protégé et en acier inoxydable. Ce texte de plus de 250 pages devrait paraître avant l’été. Il s’applique aux bardages métalliques simple peau, double peau, à peaux multiples et rapportés en acier, dans le neuf comme en rénovation. Ne sont pas visés les cassettes, P E R FOR M AN C E É N E R G É T I QU E D OSSIER 35 © Rockwool © Soprema B AR DA G E. INF O # 05 M AI 2 01 4 03 01 Avec RAGE 2012, les performances thermiques des bardages double peau passent au premier plan. 02 Les progrès en matière d’isolant ont fait progresser les performances thermiques des bâtiments en acier. 03 02 écailles, lames et clins, les panneaux sandwiches (ils font également l’objet d’un document RAGE) ainsi que les plaques pré-cintrées ou cintrées in situ ou encore les sur-bardages sur bardages existants. mISES à jOuR « Ce nouveau référentiel réunit, pour la première fois dans un même document, les techniques pratiquées depuis plus de 20 ans », souligne David Piantino, directeur marketing et développement pour le groupe Fila. C’est pourquoi il intègre également des préconisations sur des dispositions constructives jamais mentionnées auparavant, « comme par exemple les bardages horizontaux et les systèmes avec écarteurs verticaux ou posés en biais », cite Valérie Prudor, déléguée générale du SNPPA**. Des modifications importantes concernent également la lame d’air ventilée. Le document RAGE rappelle que sa présence est liée à la nature et à la pose de la peau extérieure. Ainsi, elle n’est pas nécessaire avec un parement en pose verticale. En revanche, dans le cas d’ouvertures (baies) dans la paroi à des hauteurs supérieures à 50 m, une lame d’air ventilée d’au moins 20 mm est requise. De même, dans le cas d’une peau en pose horizontale, une lame d’air ventilée ou non d’au moins 20 mm est exigée. Par ailleurs, le texte précise que toute autre lame d’air constructive continue, autre que celle située du côté extérieur de la paroi, est proscrite. « Le document fait cohabiter les anciens systèmes décrits Les raccordements aux menuiseries vont faire l’objet de recommandations précises pour limiter les ponts thermiques. dans les RP de 1981 et ceux qui se sont développés depuis pour s’adapter aux évolutions techniques et réglementaires », indique David Piantino. Il ne s’agit donc pas de révolutionner les techniques de mise en œuvre mais de rédiger clairement et de la manière la plus exhaustive possible les solutions connues et considérées comme efficaces à ce jour. L’objectif : être accessible à tous, tout en amenant les acteurs du secteur à privilégier les pratiques les plus efficaces actuellement. Les recommandations RAGE rappellent ainsi que la pose d’isolant en un lit en fond de plateaux ne permet pas de traiter les ponts thermiques intégrés au système. Ce type de mise en mise en œuvre a pour objet unique de réduire les phénomènes de condensations sur la paroi et reste, dès lors, réservé aux locaux non chauffés au sens de la RT. tRaItEmEnt DES pOntS thERmIquES Parallèlement, le document décrit un certain nombre de solutions pour améliorer le traitement des ponts thermiques notamment au niveau des liaisons. « Des fiches techniques décrivent les dispositions constructives applicables par exemple aux jonctions façade / longrine, façade / menuiserie, façade / toiture… », explique Valérie Prudor. Pour chaque configuration, le document donne ses caractéristiques thermiques. En annexe, une série de tableaux présente également les valeurs de performances thermiques de bardage double peau en fonction de l’épaisseur * centre technique Industriel de la construction métallique ** Syndicat national du profilage des produits plats en acier 36 DOS S IER P ER FO RM A NC E É N E R G É T I QU E BAR D AG E . IN F O #0 5 MA I 2 014 « La performance de perméabilité à l’air du bâtiment est assurée par tous les composants du clos couvert et de leurs jonctions. La continuité de l’étanchéité à l’air de tous ces ouvrages (bardages, toitures, menuiseries) doit être assurée. » de l’isolation, de sa mise en œuvre, en deux ou trois lits, et des écarteurs en Z ou Oméga. Des éléments qui reprennent et complètent les solutions des règles Th-bât de la RT 2012. « Ce qui compte c’est le coefficient Up de la paroi. Ce dernier inclut les ponts thermiques intégrés, souligne Amor Ben Larbi, directeur Projets de recherche au CTICM. Les solutions proposées dans les recommandations permettent d’obtenir des coefficients Up entre 0,2 et 0,3 W/m².K, ce qui correspond bien au standard de la RT 2012, voire au-delà ». Précision importante : ces recommandations visent uniquement les solutions dites traditionnelles. Autrement dit, les bardages double peau utilisant des vis entretoises à double filet associées à des isolants rainurés ne sont pas traités dans le document. Pour ces systèmes, il faudra se reporter soit aux valeurs données par les règles Th-Bât, soit aux avis techniques des produits. DES SOlutIOnS pOuR maÎtRISER l ’ É ta n c h É I t É à l ’ a I R Le nouveau référentiel s’attaque également à une problématique plus récente : la perméabilité à l’air. Signe de l’enjeu : un chapitre du document et une annexe de 35 pages de bonnes pratiques sont dédiés à ce sujet alors qu’auparavant, aucune règle écrite n’existait malgré les exigences croissantes en la matière. « Si rien n’a été inscrit dans les DPM, et si aucune mesure n’a été prise pour réduire la perméabilité à l’air, il ne faut pas s’attendre à de bonnes performances dans ce domaine », rappelle Amor Ben Larbi. Pour atteindre les valeurs fixées par la réglementation thermique, les recommandations proposent, sous la forme de fiches, différentes solutions de traitement en ayant recourt à l’une des dispositions suivantes : - un calfeutrement des joints entre plateaux ainsi que des calfeutrements des joints entre structure et plateaux ; - un système de membrane d’étanchéité à l’air de type HPV (Haute Perméabilité à la Vapeur ; sd < 0.1 m s’il est mis en œuvre sur la face extérieure de l’isolant) ; - un pare-vapeur qui réalise la fonction de plan d’étanchéité à l’air intégré au complexe de bardage côté intérieur de la paroi ; perméabilité à l’air : exemples de solutions La perméabilité à l’air au niveau des jonctions entre plateaux peut se traiter par la mise en œuvre de calfeutrement entre plateaux (a) ou par la mise en œuvre d’un film pare-air (b). a b - un doublage côté intérieur (hors cadre de ce document). « La performance de perméabilité à l’air du bâtiment est assurée par tous les composants du clos couvert et de leurs jonctions, précise l’expert du CTICM. La continuité de l’étanchéité à l’air de tous ces ouvrages (bardages, toitures, menuiseries) doit être assurée ». EuROcODES Enfin, les Eurocodes font également, pour la première fois, leur entrée dans un référentiel destiné aux bardages en acier. Les recommandations continuent toutefois de prendre en compte le référentiel NV 65. Des fiches techniques propres à chaque référentiel ont été prévues ainsi que des annexes permettant de calculer les actions du vent, sachant qu’on ne peut pas mélanger NV 65 et Eurocodes. « Les calculs restent très complexes, poursuit David Piantino. La collaboration entre industriels et entreprises de pose reste indispensable pour déterminer les besoins d’un bâtiment et répondre à ces obligations. » Les acteurs de la mise en œuvre des bardages double peau auront bientôt toutes les clés en main pour réaliser des enveloppes efficaces énergétiquement et pérennes dans le temps. Si, pour certains, il s’agira d’intégrer de nouvelles compétences, des perspectives de développement pourront également se dessiner avec notamment la conquête de marchés tels que le tertiaire, ou même le logement. ●