41-46 - Anne Kawala

Transcription

41-46 - Anne Kawala
Quand on dit conquête c’est d’abord la conquête de l’espace
(entendu
l’espace
extérieur
à
la
terre
(avec
majuscule) soit l’espace avec un grand
qu’est ce que l’espace (avec petit
grand
E
e
un
grand
T
E majuscule (mais
minuscule ou avec
majuscule ?) ? : l’espace ne reste-t-il pas le ciel
et l’espace, l’au-delà, l’inatteignable, le vide (alors dans
quoi l’un, vous, se meut-il ? car le mouvement se fait sur
T
(sur la terre avec un grand
majuscule) et non dans
E
(dans l’espace avec un grand
majuscule) : est-ce à dire
que pour qu’il y ait mouvement il y a nécessairement
surface ?)) car
e minuscule) peutterre (avec un grand T
l’espace (avec un petit
il désigner quelque chose sur la
e
majuscule), sur ?, l’espace (avec un petit
minuscule) ne
peut-il être que sur quand son référent est la terre (avec un
grand
T majuscule ) ?) Est-ce à dire qu’à portée de main,
offert sur la surface d’un plateau plat, nous avons un
inatteignable ?)). La conquête de l’espace, (dont on ne sait si
le premier homme sur la Lune n’est pas un mythe, non qu’il
soit ici mis en doute que des fusées parfois vont là-haut, mais
le 20 juillet 1969, qu’en était-il ?), de l’Infini a été fantasmé
par toute une clique d’écrivains dans de bons et moins
bons romans appartenant au genre dit de science-fiction
(il faut convoquer Asimov, bien sûr, mais faut-il en faire une
liste de tous ces écrivains chrétiens qui ont rêvé que l’eden
(avec
un
grand
E
majuscule)
se
trouve
dans l’inatteignable ?) , alors qu’y a-t-il encore à rajouter
dans (dedans pas sur) la fictionnalité de cet espace (avec un
E
grand
majuscule) à conquérir ? si on ajoute à cela le 2001
de Kubrick, c’est sûr, il n’y a plus que se taire quand à la
conquête de l’espace (avec un grand
E majuscule). Taisons-
nous et écoutons la musique du silence du vide de l’espace
(avec en même temps et un petit
majuscule).
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e minuscule et un grand E
MINUSCULE
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éculée l’idée / 5 / élitiste des / 5 / éblouissants et / 5 / aînés et innés / 5 / et inusités / 5 /
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5≠E
MAIS
E=3
DONC
5≠3
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Trois, c’est un triangle, un triangle et un œil c’est la franc-maçonnerie et c’est à peu près les deux tiers (deux sur
trois, deux angles d’un triangle) de l’organe judiciaire français, c’est aussi les deux tiers (même remarque) de l’organe
administratif français, la fonction dite supérieure, ceux qui sortent des grandes écoles, l’E.N.A, etc., vous voyez ?,
pas les scribouillards à la Dostoïevski. Cette histoire de franc-maçonnerie me fait penser à cet homme avec lequel
j’échangeai des emails car mon site érotique l’avait fait bander. Ah ! Ce site érotique je l’avais appelé ma machinerie ;
j’y racontais dans le détail ébats et fantasmes, l’expression est restée chez quelques-uns de mes proches : j’entends
parfois « et comment va votre machinerie ? » ; je me photographiais dans des poses langoureuses et je m’y exposais :
je suis exhibitionniste, au moins un peu, ce texte le prouve assez. C’est cette sorte de franchise et de candeur et
l’absence de signe paypal qui a été remarquée par lui, par d’autres, par un autre site, un site dit d’art, d’art numérique
peut-être ?, incident.net lors d’un appel à projet duquel le sujet était « le nu ». Cet homme, Adrien, et moi, avions
convenu d’un rendez-vous alors que je rentrais juste des États-Unis, en juin 2004 (quatre plus deux, six, soit trois fois
deux) dans un restaurant rive gauche, pas loin du musée d’Orsay, un lieu chic et huppé. Il voulait me sauter, il avait
60 (deux fois trois fois dix) ans, je ne voulais pas ; je crois qu’après cela nos mails ont cessé. Ce restaurant était – je
ne me souviens plus de son nom, ni de son adresse mais je pense être capable d’y retourner en flânant dans les rues
de ce côté-là – très beau dans le style luxueuse brasserie 1900 (trois fois trois deux fois plus un), velours rouge pour
les banquettes et les rideaux, dorures bien astiquées des barres laitonnées, box au secret, ça brillait, ça sentait le fric,
ostentatoire ?, je n’avais aucune raison de bouder ce plaisir du beau bourgeois et du bon manger, face à cet homme
qui m’invitait. Je commandai du poisson, le couteau plat était à gauche du couteau à viande, que le garçon a retiré
quand il a servi, très discret, le poisson à l’œil blanc, au milieu d’un lit de légumes verts ; la chair était fine, pas trop
cuite, pas cuite et recuite dans son court-bouillon. Tout était bien, tout était bon, tout était simple. Adrien, à peine plus
grand que moi quand nous étions debout, avait de beaux cheveux blancs, une raie sur le côté droit, son costume bleu
très sombre était bien coupé, je pensais à Maurice Chevalier. Il aurait pu porter un chapeau ; j’ai regretté que nous
ne soyons dans les années 60 (voir plus haut), où il aurait dû porter un chapeau, j’imaginais un feutre un peu mou,
pour ne pas paraître rustre. Si tout était aussi simple, cela tenait sans doute au fait qu’il fût trop âgé ; je ne pouvais
le désirer ; la conséquence n’est pas si évidente : sa galanterie fut charmante ; il eut ces mots à la fin : « j’ai dans
l’espoir de coucher avec vous, bien sûr ». Nous étions sortis, le temps était couvert, mais le soleil perçait parfois les
nuages gris, c’était un temps à averses. « J’ai dans l’espoir de coucher avec vous, bien sûr », nous nous vousoyions,
c’était bien la moindre des choses : ça reste, vous pouvez en penser ce que vous voulez, très chic, de donner du
vous dans notre société où le tu vient inféoder dans les petites et moyennes entreprises les employés en bas tout en
bas. La franc-maçonnerie, le cul, au milieu d’haïkus, il écrivait aïe-cul car il n’aimait pas ceux de Gloria Paradise, un
autre de mes sites internet, méli-mélo, furent nos sujets de conversation. Nous évoquions aussi, je m’en souviens
maintenant, la seconde guerre mondiale, il avait des origines juives, il me racontait comment il avait du se cacher. Il
me parlait des loges maçonniques et de celle dont il faisait partie ; il évoquait certaines loges réservées aux femmes ;
il disait l’intronisation. J’étais surprise de sa facilité à parler de cela, dans un contexte public – bien que le restaurant
s’y prêtait particulièrement : nous étions dans une alcôve d’où les conversations ne pouvaient filtrer vers d’autres
tables, aucun coude à coude, de l’espace, les garçons se tenant respectueusement à l’écart – je questionnais, il
me répondait avec un sourire ravageur, j’aurais dit « d’accord, trouvons un hôtel » si les phrases d’un amant ne
résonnaient : « il n’en veut qu’à votre cul ! » « pas vous ? » « mais il est vieux, il veut juste vous sauter ». « Vous
savez, ce n’est un secret pour personne », « j’ai dans l’espoir de coucher avec vous, bien sûr ». Ce n’est un secret
pour personne, pourtant quand on demande seul le silence répond, quand ce n’est pas une franche dénégation qui
coupe court. Il y a un mystère qui règne dans cette société plus ou moins secrète, cette société secrète qui marque
les papiers d’un petit symbole en bas des pages, alors que toute annotation ou signe, c’est bien spécifié par la loi
française, notamment sur les actes notariaux, est interdit. Ça me fait penser à Pâquerette. Pâquerette c’est une amie
de lycée, qui m’emmenait parfois en vacances, dans le sud de l’Ardèche, chez sa grand-mère qui avait une très
jolie maison, j’adorais sa grand-mère, Pâquerette, elles avaient le même prénom, cette grand-mère est morte il y a
trois ans ; lors du passage de la comète de Haley elle était sortie seule dans la nuit de la campagne ardéchoise pour
l’admirer et la suivre, en chemise de nuit. Je pense à Pâquerette parce que le père de Pâquerette est notaire, c’est
le notaire de mes parents. Il a désiré que son étude puisse être reprise par l’un de ses enfants. Le premier, Marin,
est devenu ingénieur, il travaille chez EDF, et a publié un premier roman au Diable Vauvert il y a quelques mois, un
policier je crois ; le second se prénomme Jean-Gabriel, qui est aussi ingénieur, mais ingénieur informatique, et puis il
y a Pâquerette qui est maman depuis quelques mois et qui reprendra probablement l’étude de son père. Les parents
de Pâquerette ont adopté trois autres enfants : Adèle, c’est le prénom de l’autre grand-mère, la mère du père de
Pâquerette, et puis il y a Marian et Nathan. Ça fait six (trois fois deux) enfants. Le compte est bon.
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