Aviva piégé par ses assurances vie permettant d`investir en Bourse

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Aviva piégé par ses assurances vie permettant d`investir en Bourse
Aviva piégé par ses assurances vie permettant d'investir en Bourse à
cours connus
Difficile d’attirer les épargnants sur des contrats d’assurance vie multisupports
quand leurs achats et ventes sont effectués à des cours inconnus. Pour y remédier,
les assureurs proposaient il y a une vingtaine d’années des contrats permettant
d’investir « à cours connus ». Un argument commercial qui s’est transformé en
piège pour l’assureur Aviva, au point d’inquiéter les souscripteurs de son fameux
contrat Afer.
Si Aviva capitalise sur l’image de l’Afer, dont elle gère le contrat, les misères d’Aviva
inquiètent les épargnants de l’Afer, plus qu’autre chose. (photo © GPouzin)
Quand on achète ou qu’on vend des actions en Bourse, on sait à quel cours on les
paye, on sait à quel cours on les revend. Avec les Sicav et fonds d’investissement, c’est
un peu différent. Les fonds de placements sont des portefeuilles collectifs, détenus par de
nombreux épargnants, et investissant dans de nombreux titres différents. Pour calculer la
valeur globale du portefeuille, et la part qui en revient à chaque épargnant, il faut tenir une
comptabilité méticuleuse. Autrefois, cette valorisation pouvait se faire une fois par semaine,
aujourd’hui elle est généralement quotidienne.
La date de valorisation n’est pas neutre pour le souscripteur d’un fonds. Car les
variations de cours ne sont pas intégrées en temps réel dans sa valorisation. Prenons
l’exemple d’un fonds en actions, le jour d’un krach où la Bourse perd 5%. Si un
souscripteur vend ses parts avant la prise en compte de cette baisse dans la
valorisation comptable suivante, il échappe à une perte. À l’inverse, il serait très
intéressant de pouvoir souscrire à un fonds à sa valorisation précédant une hausse
des actions le composant, plutôt qu’à la suivante,quitte à le revendre le surlendemain
si cela permet d’éviter une rechute pas encore prise en compte dans sa valorisation
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cours connus
suivante.
Ce problème est amplifié dans le cadre de l’assurance vie, en raison du délai
supplémentaire pour que l’assureur centralise et exécute les transactions de ses clients,
en souscrivant pour leur compte aux fonds choisis auprès des sociétés de gestion
spécifiées. Du coup, croire que l’on peut gérer activement un portefeuille de fonds
boursiers en assurance vie est un leurre. En achetant et en revendant des fonds « à
l’aveugle », sur la base de leur prochaine valorisation, on prend le risque d’acheter plus
cher que l’on pensait, et de vendre moins cher qu’on espérait.
Acheter avant la hausse pour revendre avant la baisse, la martingale des « cours connus » !
Conscients de ce handicap, la plupart des assureurs ont proposé dans les années 1990
des contrats d’assurance vie multisupports en « unités de compte » permettant de
souscrire et de revendre des fonds boursiers à « cours connu », c’est-à-dire sur la
base de leur dernière valorisation comptable. Belle affaire pour les clients opportunistes
qui ont vite compris le bénéfice que l’on pouvait tirer de cette « boule de cristal
rétroactive ». Une vraie martingale : en achetant un fonds avant sa hausse et en le
revendant avant qu’il rebaisse on gagne à tous les coups.
Qui n’a pas rêvé de connaître les cours à l’avance ? Avec les Sicav et fonds, les
transactions à cours connu sont interdites depuis longtemps, car on a compris
qu’elles portaient atteinte à l’égalité entre les porteurs des fonds : si un gros
investisseur entre et sort du fonds à des cours plus avantageux que les autres, c’est au
détriment de la communauté des épargnants. C’est d’ailleurs l’argument plaidé
aujourd’hui par les avocats des assureurs pour esquiver les poursuites de leurs clients
mécontents.
Sauf que la situation est très différente juridiquement. Dans le cas des contrats
d’assurance vie « à cours connus », c’est l’assureur qui prend à sa charge l’aléa lié à ces
opérations, par rapport aux souscriptions et ventes effectives de Sicav, qu’il effectue
pour le compte de ses clients auprès de la société de gestion sur la base de leur
prochaine valorisation, à cours inconnu.
En résumé, alors que les transactions à cours connu sont une question d’équité entre
porteurs au sein de Sicav et fonds, la clause de l’assureur, transformant les cours
inconnus en cours connus, est une affaire entre lui et l’assuré souscripteur du
contrat. Son coût financier relève d’ailleurs de la seule responsabilité de l’assureur qui
ne doit en aucun cas le faire payer aux autres assurés. Tant qu’il peut, bien sûr.
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Aviva piégé par ses assurances vie permettant d'investir en Bourse à
cours connus
Les assureurs systématiquement condamnés à indemniser les souscripteurs
Après quelques procès systématiquement perdus, la plupart des assureurs qui
avaient proposé des contrats à cours connu ont préféré indemniser leurs souscripteurs
pour mettre fin à cette clause périlleuse, à l’amiable. C’était le cas chez AXA, à la CNP
ou aux AGF. Dans le cas de ce dernier, sa prise de contrôle par Allianz a été décisive. Ne
souhaitant pas laisser une telle épée de Damoclès peser sur la tête de ses actionnaires,
l’assureur allemand a exigé la neutralisation des contrats à cours connus des AGF pour
mettre fin à ce risque juridique. Seul Aviva ferait encore de la résistance.
Juridiquement, la position de l’assureur est sans appel. Façon de parler. Car face à
l’avalanche de procès qu’ils perdaient, les assureurs poursuivis par leurs souscripteurs,
pour non exécution de tels contrats, ont fait appel. Ils sont même allés jusqu’en Cour
de cassation pour réclamer l’annulation de leurs condamnations systématiques, à
indemniser les souscripteurs du préjudice consistant à les priver de cette martingale.
Maîtres Hélène Feron-Poloni et Nicolas
Lecoq-Vallon, avocats du cabinet
LecoqValonFeronPoloni, ont obtenu en
Cour de cassation l’indemnisation des
souscripteurs de contrats « à cours
connus » par les assureurs souhaitant
interdire l’usage de cette clause. (photo
© GPouzin)
« Nous avons gagné trente procès de ce type jusque devant la Cour de cassation »,
expliquent Maîtres Hélène Feron-Poloni et Nicolas Lecoq-Vallon, avocats spécialistes
des litiges en assurance vie, qui continuent de plaider dans les rares affaires de ce type
encore non résolues, notamment contre Aviva. Les rebondissements d’une de ces affaire
a rallumé les projecteurs sur Aviva, face à l’activisme de Max-Hervé George.
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cours connus
Effet boomerang des contrats à cours connu : des millions d’euros de préjudice en jeu
En racontant dans Challenges, « L’erreur ahurissante d’Aviva qui met en péril l’argent
des assurés » dans son article du 24 février 2015, notre confrère Eric Tréguier a mis le
feu aux poudres avec le récit de l’offensive de Max-Hervé George. Par un arrêt de la
Cour de cassation du 11 septembre 2014 (*), ce jeune activiste de 24 ans, titulaire d’un
contrat à cours connu « Sélection internationale » souscrit par son père, a obtenu la
condamnation d’Aviva à lui verser 1,4 million d’euros en indemnisation de sa
« perte de chance ». Et il ne compte pas en rester là !
Selon ses propos rapportés par Challenges, « Le 27 août 2014, le Tribunal de Grande
Instance de Paris a homologué un rapport d’expertise qui chiffre le préjudice de [sa]
famille à plus de 9,5 millions d’euros ». Or, en extrapolant cette expertise de son
préjudice à toute la durée du contrat, il estime que « sur cette base d’un taux de
revalorisation de 68 % par an, Aviva devra encore verser 55 millions d’euros ». La
magie des intérêts composés étant leur progression géométrique, le préjudice du seul MaxHervé George pourrait même être évalué jusqu’à 1 millliard d’euros en 2020, si aucun
accord n’est trouvé d’ici là, selon son avocat Maître Nicolas Lecoq-Vallon.
L’ampleur que prend cette affaire a déclenché une vague d’inquiétude chez les
actionnaires d’Aviva, cotée à la Bourse de Londres, car elle fait peser une grave
incertitude sur le projet de rapprochement d’Aviva avec l’assureur Friends Life. La
reprise de l’article de Challenges par le Financial Times, le quotidien de la City, témoigne de
cette préoccupation.
Ce dernier dérapage des contrats à cours connus inquiète aussi les souscripteurs du
contrat phare d’Aviva en France : le fameux contrat d’assurance vie Afer souscrit par
les 700 000 adhérents de l’association française pour l’épargne et la retraite (Afer) qui y
ont placé plus de 40 milliards d’euros.
Lire la suite :
L’affaire des contrats perdants d’Aviva inquiète les épargnants de l’Afer
(*) Arrêt du 11 septembre 2014, Cour de Cassation, 2ème chambre civile, registre général
RG n°13-19497.
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