Le charme discret du cabanon
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Le charme discret du cabanon
Les Acteurs de l’Immobilier Les Acteurs de l’Immobilier Le charme discret du cabanon La tendance est récente, mais elle compte chaque jour de nouveaux adeptes. Si la résidence secondaire reste un rêve puissant, elle ne signifie plus nécessairement une maison à la campagne ou un chalet à la montagne. Elle prend de plus en plus l’allure brute et dépouillée, presque immatérielle mais profondément spirituelle, d’un simple cabanon au milieu de nulle part. La référence suprême: Le Corbusier. 3 photos du cabanon /pages 69 à 71: Le Corbusier – Roquebrune-Cap-Martin: Cabanon 1951 Photographe: Olivier Martin Gambier – © FLC/ADAGP 68 N u m é r o 9 s e p t e m b r e – n o v e m b r e 2 0 0 7 69 Les Acteurs de l’Immobilier I l aura décidément marqué son époque: non seulement le XXe siècle qu’il domine de la tête et des épaules, mais aussi le XXIe siècle qu’il continue d’inspirer. Né à la Chaux-de-Fonds en 1887 et décédé en 1965, à 77 ans, lors d’une baignade tragique en Méditerranée, Le Corbusier demeure plus que jamais une sorte d’interlocuteur obligé et de référence permanente. Architecture, ameublement, design: sa créativité paraît inépuisable, ses intuitions toujours vivantes. Considéré à l’époque – c’était en 1952, dans une France qui rêvait de grandes maisons et de confort moderne - comme une nouvelle bizarrerie à la limite de l’absurde, le célèbre cabanon qu’il avait fait construire sur les hauteurs de RoquebruneCap-Martin, avec vue plongeante sur la Méditerranée, est en train de devenir aujourd’hui l’exemple de la maison à vivre. Un modèle de mini- Preuve de son admiration et de sa tendresse pour le maître, l’architecte japonais Tadao Ando a baptisé son petit chien Le Corbusier. 70 N u m é r o 9 Les Acteurs de l’Immobilier malisme et de pureté, de légèreté et de retour aux sources. Une approche qui n’a cessé d’enchanter, notamment, l’architecte japonais Noriaki Okabe, qui admire la force radicale de Le Corbusier et considère que le cabanon représente comme la synthèse de son œuvre. «Son cabanon est un carré de 3,66 m de côté auquel il a ajouté une petite entrée qui fait 70 cm. L’intérieur est minuscule, mais il semble particulièrement agréable. Les fenêtres sont toutes carrées ou rectangulaires. C’est un espace qui est la simplicité même, un espace minimal où l’on ressent une profonde atmosphère spirituelle». D’où l’hypothèse de Noriaki Okabe: le cabanon est «le point de départ qui permet la construction de l’espace essentiel». Architecte mais aussi artiste complet, Le Corbusier avait sans doute créé, dans cet espace fort et ramassé, un lieu qui refusait le confort pour mieux aiguiser l’esprit et mieux saisir le sens de la vie. L’architecte japonais, pour sa part, pense qu’il en avait fait une espèce d’interface entre «un monde constitué par l’intérieur concentré et un monde opposé à l’extérieur», c’est-à-dire entre ses méditations et ses œuvres. Comme le notait récemment «Le Figaro», ce cabanon idéal parle désormais aux «citadins en quête d’une parcelle d’authenticité, d’un espace de liberté, d’un lien direct avec la nature». Un coin du monde hors du monde. Un lieu de vie où l’on réapprend à vivre. Un lieu qui réhabilite et favorise, un peu comme la cellule d’un monastère, les vraies valeurs de l’existence. Signe de l’air du temps, un programme européen vient de proposer à tous les étudiants en architecture des Vingt-Cinq de plancher sur «la conception d’une maison minimale pour les loisirs au XXIe siècle». Un exercice de style qui devra se dérouler dans un espace qui ne devra pas dépasser 60m2. Les dix meilleurs projets seront présentés l’année prochaine, sous forme de maquettes ou de prototypes, à la Biennale d’architecture de Venise et à la Biennale de l’habitat durable de Grenoble. (www.competition.gaudiprogramme.eu) n François Valle A lire: «Le Corbusier et le Japon», ouvrage collectif sous la direction de Gérard Monnier, Editions Picard. s e p t e m b r e – n o v e m b r e 2 0 0 7 71