Le charme discret du cabanon

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Le charme discret du cabanon
Les Acteurs de l’Immobilier
Les Acteurs de l’Immobilier
Le charme discret
du cabanon
La tendance est récente, mais elle compte chaque jour
de nouveaux adeptes. Si la résidence secondaire reste
un rêve puissant, elle ne signifie plus nécessairement
une maison à la campagne ou un chalet à la montagne.
Elle prend de plus en plus l’allure brute et dépouillée,
presque immatérielle mais profondément spirituelle,
d’un simple cabanon au milieu de nulle part.
La référence suprême: Le Corbusier.
3 photos du cabanon /pages 69 à 71:
Le Corbusier – Roquebrune-Cap-Martin: Cabanon 1951
Photographe: Olivier Martin Gambier – © FLC/ADAGP
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l aura décidément marqué son
époque: non seulement le XXe
siècle qu’il domine de la tête et
des épaules, mais aussi le XXIe siècle qu’il continue d’inspirer. Né à la
Chaux-de-Fonds en 1887 et décédé
en 1965, à 77 ans, lors d’une baignade tragique en Méditerranée, Le
Corbusier demeure plus que jamais
une sorte d’interlocuteur obligé et
de référence permanente. Architecture, ameublement, design: sa créativité paraît inépuisable, ses intuitions toujours vivantes.
Considéré à l’époque – c’était en
1952, dans une France qui rêvait de
grandes maisons et de confort moderne - comme une nouvelle bizarrerie à la limite de l’absurde, le célèbre
cabanon qu’il avait fait construire
sur les hauteurs de RoquebruneCap-Martin, avec vue plongeante
sur la Méditerranée, est en train de
devenir aujourd’hui l’exemple de la
maison à vivre. Un modèle de mini-
Preuve de son
admiration et de sa
tendresse pour le
maître, l’architecte
japonais Tadao Ando a
baptisé son petit chien
Le Corbusier.
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malisme et de pureté, de légèreté et
de retour aux sources.
Une approche qui n’a cessé d’enchanter, notamment, l’architecte
japonais Noriaki Okabe, qui admire
la force radicale de Le Corbusier et
considère que le cabanon représente comme la synthèse de son
œuvre. «Son cabanon est un carré
de 3,66 m de côté auquel il a ajouté une petite entrée qui fait 70 cm.
L’intérieur est minuscule, mais il
semble particulièrement agréable.
Les fenêtres sont toutes carrées
ou rectangulaires. C’est un espace
qui est la simplicité même, un espace minimal où l’on ressent une
profonde atmosphère spirituelle».
D’où l’hypothèse de Noriaki Okabe:
le cabanon est «le point de départ
qui permet la construction de l’espace essentiel».
Architecte mais aussi artiste
complet, Le Corbusier avait sans
doute créé, dans cet espace fort
et ramassé, un lieu qui refusait le
confort pour mieux aiguiser l’esprit
et mieux saisir le sens de la vie.
L’architecte japonais, pour sa part,
pense qu’il en avait fait une espèce d’interface entre «un monde
constitué par l’intérieur concentré
et un monde opposé à l’extérieur»,
c’est-à-dire entre ses méditations
et ses œuvres.
Comme le notait récemment «Le
Figaro», ce cabanon idéal parle
désormais aux «citadins en quête
d’une parcelle d’authenticité, d’un
espace de liberté, d’un lien direct
avec la nature». Un coin du monde
hors du monde. Un lieu de vie où
l’on réapprend à vivre. Un lieu qui
réhabilite et favorise, un peu comme la cellule d’un monastère, les
vraies valeurs de l’existence.
Signe de l’air du temps, un programme européen vient de proposer à tous les étudiants en architecture des Vingt-Cinq de plancher
sur «la conception d’une maison
minimale pour les loisirs au XXIe
siècle». Un exercice de style qui devra se dérouler dans un espace qui
ne devra pas dépasser 60m2. Les dix
meilleurs projets seront présentés
l’année prochaine, sous forme de
maquettes ou de prototypes, à la
Biennale d’architecture de Venise et
à la Biennale de l’habitat durable de
Grenoble. (www.competition.gaudiprogramme.eu) n
François Valle
A lire: «Le Corbusier et le Japon»,
ouvrage collectif sous la direction de
Gérard Monnier, Editions Picard.
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