L`IVG à domicile

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L`IVG à domicile
REVU ES GEN ERALES
P Interruption de grossesse
1
L’IVG à domicile
P. FAUCHER
Service de Chirurgie Gynécologique,
Maternité Aline de Crépy,
Hôpital Bichat-Claude Bernard, PARIS.
L’interruption de grossesse par procédés
médicamenteux est réalisable en France
depuis 1988. Les drogues utilisées sont
l’association de 200 ou 600 mg de mifépristone
per os et de 400 µg de misoprostol per os
jusqu’à un terme de 7 semaines d’aménorrhée.
Les contre-indications de la méthode sont
très rares, son efficacité (définie par l’absence
de révision utérine) se situe autour de 97 %
et sa sécurité est excellente avec
des complications hémorragiques
rarissimes (< 1 %).
Une supervision médicalisée en établissement
de soins ne s’imposant plus systématiquement,
l’avortement médicamenteux est désormais
réalisable en ville par des médecins ayant passé
une convention de collaboration avec un centre
hospitalier référent prêt à accueillir à tout
moment les patientes nécessitant des soins
urgents ou devant bénéficier d’une révision
utérine chirurgicale.
e terme “IVG à domicile”, largement employé par les médias, désigne en fait
une interruption de la grossesse par procédés médicamenteux (association de
mifépristone et de misoprostol) sans hospitalisation [1]. Cette absence d’hospitalisation systématique pour un avortement médicamenteux permet désormais à
un praticien installé dans un cabinet de ville de réaliser des interruptions volontaires
de grossesse (IVG dite “en ville”). Depuis le vote de la Loi n° 2001-588 du 4 juillet
2001 révisant les modalités de l’interruption volontaire de grossesse et la parution
du décret d’application concernant la pratique des IVG hors établissement de soins
en mai 2002 [2], il aura fallu attendre plus de 2 ans pour que tous les textes officiels
paraissent [3-5] et que la loi puisse ainsi s’appliquer.
L
❚❚ UN PREALABLE : L’HOSPITALISATION SYSTEMATIQUE
N’EST PLUS JUSTIFIEE
La décision de garder les femmes en observation après la prise de misoprostol
était prévue dans le protocole initial du fait de la dangerosité cardiaque de la
prostaglandine utilisée (sulprostone) au début des études cliniques et de la
crainte d’une complication hémorragique. L’utilisation du misoprostol qui ne
présente pas d’effet délétère sur les coronaires ne justifie plus cette hospitalisation. Concernant la crainte d’une hémorragie, plusieurs études [6-9] ont
montré que cet accident, quand il survenait, se situait au-delà des 3 heures
d’hospitalisation. Quant aux exceptionnelles et gravissimes
Précautions pour utiliser le misoprostol
complications infectieuses récemment observées aux Etatsà domicile (ANAES 2001)
Unis, elles n’auraient pas pu être évitées par une hospitalisation
car elles sont survenues bien au-delà du délai de 3 heures après
● Distance entre le domicile de la patiente et le centre hospitalier référent limitée (délai de transport de l’ordre de 1 heure)
la prise des comprimés de misoprostol [10]. En conséquence, le
et possibilité de le joindre et/ou de s’y rendre 24 h/24.
rapport de l’ANAES sur l’interruption volontaire de grossesse
● Choix du lieu laissé à la patiente.
publié en 2001 [11] donne implicitement la possibilité aux
● Patiente accompagnée par un proche à domicile.
femmes de prendre le misoprostol à la maison avec cependant
● Précautions particulières d’information de la patiente, notamquelques précautions (encadré).
ment sur la conduite à tenir en cas d’hémorragie.
●
Evaluation médicopsychosociale des patientes éligibles.
●
Limitation à 7 SA.
L’évaluation médicopsychosociale des patientes éligibles renvoie aux contre-indications de l’avortement médicamenteux. Il
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s’agit d’abord des très rares contre-indications aux drogues
utilisées : allergie à la mifépristone ou au misoprostol, porphyrie héréditaire, insuffisance hépatique ou rénale, insuffisance surrénale chronique, asthme sévère non équilibré. En
aucun cas l’âge, le tabagisme, les affections cardiovasculaires
ne sont des contre-indications à l’avortement médicamenteux, contrairement hélas aux informations données dans les
notices des médicaments. Il s’agit ensuite des contre-indications de la méthode : troubles hémorragiques, traitement anticoagulant, anémie profonde, DIU en place, patiente ne comprenant pas les explications fournies, patiente ambivalente
(délai de réflexion), mauvaise tolérance psychologique,
patiente sans hébergement.
❚❚ LES FEMMES CONSULTANT A L’HOPITAL PEUVENT
CHOISIR D’ETRE OU NON HOSPITALISEES
Depuis 2001 et grâce au rapport de l’ANAES, de nombreuses
équipes hospitalières proposent à leurs patientes de ne pas être
hospitalisées et de prendre le misoprostol chez elles. La
patiente reçoit, au moment de la prise de la mifépristone, les
comprimés de misoprostol qu’elle prendra 48 heures plus tard
chez elle, ainsi qu’une ordonnance d’antalgiques et une
contraception. Une feuille d’information détaillée et les numéros de téléphone pour joindre le Planning familial et les
urgences hospitalières lui sont remis. Une étude française a
montré la très bonne acceptabilité pour les patientes de la prise
du misoprostol à domicile [12]. Des problèmes administratifs
se posent cependant aux équipes qui veulent laisser le choix
aux femmes de rester chez elles, car la seule tarification existante comprend une hospitalisation, qui devient dans ce cas
“fictive”. Les textes réglementaires disponibles ne précisent
toujours pas quelle doit être la tarification pour une IVG médicamenteuse pratiquée dans un établissement de soins public ou
privé, mais sans hospitalisation. Certaines équipes continuent
de facturer aux patientes (et à l’Assurance Maladie !) le seul
forfait existant de 257,91 € ; d’autres équipes utilisent la nouvelle tarification de la T2A avec le code JNJP001 qui correspond à l’évacuation médicamenteuse d’un utérus gravide (soit
57,6 €) ainsi que deux consultations pré- et post-IVG.
❚❚ LA CONSTITUTION D’UN RESEAU DE SOINS
AVEC DES PRATICIENS DE VILLE
Un praticien de ville ne peut pas décider seul du jour au lendemain de pratiquer des IVG médicamenteuses. Il doit se mettre
en lien avec un établissement de soins pratiquant des IVG
médicamenteuses qui devra assurer sa formation et qui permettra une continuité des soins en organisant la prise en charge des
patientes 24 h/24 en cas de problèmes ou de complications. Il
appartient donc aux centres d’IVG publics ou privés d’établir
des liens avec des praticiens motivés exerçant aux alentours.
Etant donné qu’aucun financement particulier n’a été attribué à
la constitution de ces réseaux, leur mise en place repose sur la
bonne volonté des équipes hospitalières. Il faut remarquer
cependant qu’en Ile-de-France un dossier promoteur de réseau
de soins a été déposé et accepté en 2004 par l’URCAM et la
DRASS et est né grâce au financement attribué à l’association
REVHO. La mission principale de REVHO1 est de permettre
la réalisation d’IVG en ville. Il assure un soutien logistique aux
centres d’IVG, organise la formation des médecins de ville,
fournit documents, base de données, renseignements, aide juridique et administrative… Les praticiens de ville intéressés par
la pratique de l’avortement médicamenteux peuvent donc
contacter le réseau afin d’avoir des informations.
En 2006, il faut cependant constater que la signature de conventions entre médecins de ville et centres d’IVG ne s’est pas généralisée et reste l’apanage de centres “historiquement” très actifs
pour la défense du droit à l’IVG ou d’individus fortement
impliqués dans la pratique de l’orthogénie. Pourtant, une étude
publiée en 2004 a montré que la surcharge de travail pour les
professionnels hospitaliers était très modérée puisque seulement 5 % des femmes prises en charge en ville viennent consulter aux urgences ou au Planning familial et qu’une aspiration
chirurgicale ne sera nécessaire que dans 6,2 % des cas [13].
❚❚ LA PRATIQUE DES IVG MEDICAMENTEUSES
EN VILLE
1. – Les formalités administratives
Lorsque le praticien a trouvé un centre hospitalier qui a mis sur
pied un réseau avec la ville pour la pratique de l’IVG, il doit
signer une convention avec ce centre. Cette convention précise
les modalités de la collaboration entre le praticien de ville et le
centre hospitalier. Ce document est indispensable pour pouvoir pratiquer des IVG médicamenteuses en ville. Une copie
de cette convention est d’ailleurs adressée à plusieurs orga1 L’association REVHO
Réseau Entre la Ville et l’Hôpital pour l’Orthogénie
Hôpital Saint-Vincent-de-Paul
82, avenue Denfert-Rochereau – 75014 Paris
Tél./Fax : 01 40 48 86 93 – e-mail : [email protected]
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nismes : l’agence régionale de l’hospitalisation, la direction
départementale des affaires sanitaires et sociales, le conseil
départemental de l’ordre des médecins, le conseil départemental de l’ordre des pharmaciens et la caisse primaire d’assurance
maladie sous le ressort de laquelle le praticien exerce. Le
centre hospitalier acceptera de signer avec le praticien de ville
lorsqu’il se sera assuré que celui-ci présente les compétences
professionnelles nécessaires pour pratiquer des IVG médicamenteuses. Généralement, une session de formation est organisée dans cet objectif et est suffisante devant la loi pour les
médecins présentant une qualification universitaire en gynécologie médicale ou en gynécologie obstétrique. Pour les
médecins généralistes, il faut, en plus de la formation théorique, pouvoir attester d’une pratique actuelle ou passée des
interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses dans
un établissement de santé. Pour les généralistes n’ayant jamais
pratiqué d’interruptions de grossesse, la pratique de stages
hospitaliers dans un centre d’IVG est tout à fait envisageable
dans cette optique et un certificat d’aptitude sera délivré au
terme de cette formation pratique. Grâce à cette convention, le
médecin de ville va pouvoir aussi se procurer en pharmacie
d’officine les produits nécessaires à l’interruption de grossesse. Cette commande rédigée sur une ordonnance précisera
le nom des médicaments et le nombre de boîtes commandées,
indiquera la mention “usage professionnel” ainsi que le nom
de l’établissement de santé avec lequel le praticien a conclu
une convention et la date de cette convention.
2. – L’information aux patientes
Il faut dans un premier temps aider la patiente à choisir entre
la méthode médicamenteuse et la méthode chirurgicale. Les
deux méthodes, médicamenteuse et instrumentale, sont efficaces et ont un taux de complications très bas dans les conditions sanitaires actuelles. Certaines femmes préfèrent un acte
chirurgical ponctuel, elles redoutent les saignements et les
douleurs induits par les médicaments. Pour d’autres, l’acte
chirurgical, même de très courte durée et fait sous anesthésie
locale, reste un geste invasif. Le tableau I résume la comparaison des deux méthodes [14].
Si la patiente choisit l’avortement médicamenteux, il faut lui
expliquer clairement le protocole à suivre. La première étape
est l’absorption orale de la mifépristone. Après cette prise, la
patiente peut mener ses activités normalement. De légers saignements peuvent survenir et l’expulsion à cette étape ne survient que dans 5 % des cas. Même si des saignements surviennent, la patiente doit prendre les comprimés de misoprostol 36
à 48 heures plus tard comme prévu. L’expulsion a lieu le plus
Avortement médicamenteux
Avortement chirurgical
A partir de 4 SA
A partir de 6-7 SA
Jusqu’à 7 SA
Jusqu’à 14 SA
N’est pas invasif
Technique invasive
Evite l’anesthésie
Anesthésie locale ou générale
Durée de l’évacuation :
de quelques heures
à quelques jours
Durée de l’évacuation rapide
Succès : 95-98 %
Succès : 99 %
Les complications sévères
sont rares
Les complications sévères
sont rares, mais peuvent inclure
des complications mécaniques
(plaie du col, perforation).
Durée du saignement :
10-13 jours
Durée du saignement :
8-10 jours
Douleur++
Douleur+
Suivi+++
Suivi+
La patiente a un meilleur
contrôle de la méthode
Le praticien a un meilleur
contrôle de l’acte
Tableau I.
souvent dans les 2 à 6 heures qui suivent la prise des comprimés ou plus rarement dans les 3-4 jours qui suivent. Lors de
l’expulsion, les saignements sont le plus souvent plus abondants que des règles et accompagnés de caillots. L’œuf est parfois visible sous la forme d’une petite boule blanche gélatineuse de 1 à 3 centimètres. Ces saignements s’accompagnent
de douleurs comme les règles ou plus fortes. Des nausées, des
vomissements, voire plus rarement diarrhée et frissons sont
présents. Tous ces symptômes sont de courte durée (2 à
3 heures). Si la douleur est trop importante, la patiente ne doit
pas hésiter à utiliser les antalgiques prescrits. Si à n’importe
quel moment de la procédure les saignements sont très abondants (plus de deux garnitures par heure pendant plus de deux
heures), si les douleurs ou une fièvre persistent plus de
24 heures, il est impératif de venir consulter aux urgences de
l’hôpital ou de la clinique. Des saignements d’abondance
modérée persisteront en moyenne 15 jours. Une visite de
contrôle est programmée 15 jours-3 semaines après la prise des
comprimés pour vérifier le succès de la méthode. En cas
d’échec (1-2 % de grossesses évolutives), une aspiration chirurgicale sera proposée. Pour optimiser le suivi du déroulement
de l’avortement, le médecin remettra donc à la patiente:
– un document écrit dans lequel est rappelé le déroulement
clinique de l’avortement ainsi que l’adresse précise et le
numéro de téléphone du service de l’établissement de santé
signataire de la convention et apte à prendre en charge la
patiente en cas de complications ou d’échec de la méthode,
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– une fiche de liaison, définie conjointement avec l’établissement de santé signataire de la convention, contenant les éléments
du dossier médical utiles en cas de consultation en urgence à
l’hôpital. Cette fiche de liaison sera également transmise au
centre hospitalier référent en fin de procédure. Cela permettra à
l’établissement de santé de surveiller le fonctionnement de son
réseau et d’établir des statistiques qui seront communiquées
chaque année au médecin inspecteur régional de Santé publique.
3. – Les documents nécessaires
– la convention type annexée au décret du 3 mai 2002 en
double exemplaire (pour le médecin et pour l’établissement
de soins),
– une copie des conventions adressée aux organismes de
tutelle,
– pour les médecins généralistes, une attestation d’expérience
de la pratique des IVG médicamenteuses,
– une attestation d’entretien social si la femme est mineure,
– une feuille d’information sur le déroulement de la méthode.
– une feuille de consentement à l’IVG,
– un document écrit dans lequel sont indiqués l’adresse précise et le numéro de téléphone du service concerné de l’établissement de santé signataire de la convention,
– une fiche de liaison remise à la patiente,
– une copie de la fiche de liaison adressée à l’établissement au
moment de la prise des médicaments et lors de la visite de
contrôle,
– les déclarations anonymisées des interruptions volontaires
de grossesse.
4. – Les “quatre” consultations
La circulaire du 26 novembre 2004 est venue préciser les
modalités pratiques de réalisation des IVG médicamenteuses
en ville, et le moins qu’on puisse dire est que le dispositif est
inutilement compliqué et parfois incohérent. Quatre consultations sont obligatoires pour faire l’IVG. Un forfait de
191,74 € (aucun dépassement d’honoraires n’est autorisé)
payable au moment de la prise de mifépristone couvre ces
quatre consultations. Le remboursement de l’Assurance
Maladie est fixé à 70 % si la codification FHV/FMV est utilisée sur les feuilles de soins ou par télétransmission. Les analyses de biologie et/ou les échographies éventuelles ne sont
pas comprises dans ce forfait. Ces quatre consultations comprennent la confirmation de la demande d’IVG après avoir
respecté le délai de 7 jours de réflexion, la prise de la mifépristone, la prise du misoprostol et la visite de contrôle 15 j3 semaines plus tard pour vérifier l’efficacité de la méthode.
P L’utilisation du misoprostol qui ne présente pas d’effet
délétère sur les coronaires ne justifie plus une hospitalisation systématique pour réaliser un avortement médicamenteux.
P Les deux méthodes d’IVG, médicamenteuse et instrumentale, sont efficaces et ont un taux de complications très bas
dans les conditions sanitaires actuelles.
P L’IVG médicamenteuse peut désormais être réalisée entièrement en ville par un gynécologue, un endocrinologue, un
médecin interniste ou un médecin généraliste.
P Le praticien de ville doit se mettre en lien avec un établissement de soins pratiquant des IVG médicamenteuses qui
devra assurer sa formation et qui permettra une continuité
des soins en organisant la prise en charge des patientes
24 h/24 en cas de problèmes ou de complications.
P Plusieurs questions doivent être encore résolues: révision de
l’AMM pour la dose utile de mifépristone, galénique du misoprostol, pratique des IVG médicamenteuses dans les centres
de santé et dans les centres de planification familiale.
Il faut remarquer que la consultation de confirmation de la
demande d’IVG est inexplicablement distincte de la consultation pour prendre la mifépristone (un va-et-vient en salle d’attente peut résoudre le problème !). La prévention de l’isoimmunisation Rhésus chez les femmes Rhésus négatif est
recommandée dans les 72 heures qui suivent la prise de la
mifépristone. Une ampoule de Rophylac 200 µg sera administrée en intraveineux ou en intramusculaire par le médecin
ou par une infirmière de ville. Il faut s’étonner aussi de l’obligation faite aux femmes de revenir voir le médecin pour
prendre le misoprostol sous ses yeux. Non seulement cette
obligation n’est pas conforme aux recommandations de
l’ANAES, mais elle risque de conduire certaines femmes à
expulser sur le trajet du retour à leur domicile… Cette obligation de prendre un médicament sous les yeux du médecin
n’existe pourtant pas pour des médicaments beaucoup plus
dangereux que le misoprostol, comme le Sildénafil (Viagra)
par exemple… Faut-il voir là une reviviscence de la contrition
morale faite aux femmes qui avortent ?
5. – Polémiques à propos des médicaments utilisés
Comme si les choses n’étaient pas assez compliquées, il existe
deux polémiques concernant les médicaments à utiliser dans le
cadre de ces IVG en ville. La première polémique concerne la
dose de mifépristone. Si on suit l’indication donnée dans
l’AMM du produit, il faut donner 3 comprimés de mifépristone (600 mg), tandis que si on suit les recommandations de
l’ANAES, il est équivalent de donner un seul comprimé
(200 mg). Le but d’une autorité comme l’ANAES étant d’indiquer aux médecins les bonnes pratiques, on ne voit pas ce
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POINTS FORTS
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qui empêcherait de suivre cette recommandation et pour quelle
raison on serait poursuivi pour avoir suivi son conseil… Rappelons que le prix de la boîte de trois comprimés de mifépristone (Mifégyne) que se procure le médecin en ville est fixé à
76,37 €. La deuxième polémique, plus délicate, concerne
l’utilisation du misoprostol qui existe en pharmacie sous deux
formes : le Gymiso dont le prix est de 15,37 € pour 2 comprimés et qui possède l’AMM pour l’interruption de grossesse
médicamenteuse et le Cytotec dont le prix est de 19,19 € pour
60 comprimés qui n’a pas l’AMM pour cette indication. Le
choix est vite fait si on raisonne en termes d’économie de santé
et de DCI, mais le souci vient du fait que deux circulaires
ministérielles indiquent que la spécialité à utiliser est le
Gymiso. Une grande première dans les textes officiels de la
République Française qui a fait crier certains au scandale alors
qu’il ne faut peut-être y voir qu’une énorme maladresse…
6. – Les centres de santé et de planification familiale
De façon très regrettable, les centres de santé et les centres de
planification et d’éducation familiale (CPEF) ont été oubliés
dans le dispositif de l’avortement médicamenteux en ville. Ces
structures situées au contact de la population et présentant du
personnel (médecins, infirmières, conseillères conjugales) et du
matériel (biologie, échographie) sont pourtant parfaitement
adaptées pour pratiquer des interruptions de grossesse. La situation est néanmoins susceptible d’évoluer si on examine
l’exemple de la Seine-Saint-Denis où, sous l’impulsion de la
responsable de la planification du département et de celle du
centre d’IVG de l’hôpital Delafontaine, les centres de planification familiale du département ainsi que les centres de santé peuvent désormais pratiquer des IVG médicamenteuses. En effet,
en mai 2005, le Conseil général de Seine-Saint-Denis a, après
délibération, autorisé la pratique de l’IVG médicamenteuse
dans les CPEF du département et approuvé la passation de
convention entre les médecins de ces centres et les établissements de santé pratiquant l’IVG. Une étude dans un des CPEF
[15] a montré la faisabilité et la sécurité de la méthode dans ce
cadre, et cela pour une population particulièrement précaire. Il
appartient donc aux responsables départementaux de la santé
reproductive de se mobiliser afin de faire évoluer les choses.
celle de la patiente aidée par l’information sur les avantages
et les inconvénients de chacune des méthodes. Certaines
femmes font le choix de l’avortement médicamenteux
qu’elles jugent plus “naturel”, préservant mieux leur intimité,
leur permettant d’avoir un contrôle sur ce qui leur arrive. La
possibilité donnée récemment aux médecins de ville de pratiquer des IVG médicamenteuses devrait faciliter aux femmes
l’accès à l’avortement médicamenteux car les consultations
hospitalières, où les gynécologues se raréfient, sont surchargées. Cela permet également d’intégrer l’acte d’avortement
dans le cadre des soins de la médecine de ville, le sortant ainsi
de “ghettos” où la réprobation morale et le désintérêt l’avaient
■
conduit à être enfermé.
Bibliographie
1. FAUCHER P, HASSOUN D. Interruption Volontaire de Grossesse médicamenteuse. Edition ESTEM 2005.
2. Décret n° 2002-796 du 3 mai 2002 fixant les conditions de réalisation des
interruptions volontaires de grossesse hors établissement de santé et modifiant le décret n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies à
usage intérieur.
3. Décret n° 2004-636 du 1er juillet 2004 relatif aux conditions de réalisation
des interruptions volontaires de grossesse hors établissements de santé.
4. Arrêté du 23 juillet 2004 relatif aux forfaits afférents à l’interruption volontaire de grossesse.
5. Circulaire n° DGS/DHOS/DSS/DREES/04/569 du 26 novembre 2004
relative à l’amélioration des conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse : pratique des IVG en ville et en établissements de santé.
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10. FISCHER M, BHATNAGAR J, GUARNER J, REAGAN S, HACKER JK, VAN
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sordellii after medical abortion. N Engl J Med, 2005 ; 353 : 2 352-60.
11. ANAES. Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge de
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12. DAGOUSSET I, FOURRIER E, AUBENY E, TAURELLE R. Use of Misoprostol
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❚❚ CONCLUSION
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patients. Gynecol Obstet Fertil, 2005 ; 33 : 220-7.
En France, les demandes d’interruption de grossesse sont
faites suffisamment tôt pour que, dans un grand nombre de
cas, le choix entre l’avortement chirurgical et l’avortement
médicamenteux soit possible. La décision finale doit être
15. HASSOUN D, PERIN I. L’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse dans un centre de planification familiale : l’expérience d’un réseau
ville-hôpital de Seine-Saint-Denis. J Gynecol Obstet Biol Reprod, 2006 ; 35 :
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14. FAUCHER P, HASSOUN D. L’interruption volontaire de grossesse hors établissement de santé par méthode médicamenteuse, en dix questions. Mises à
jour en Gynécologie et Obstétrique du CNGOF. Vigot Paris 2004.
Réalités en Gynécologie-Obstétrique • N° 114 • Octobre 2006