Article 55 Si la vente est valablement conclue sans que le prix des

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Article 55 Si la vente est valablement conclue sans que le prix des
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Recueil analytique de jurisprudence concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises
Article 55
Si la vente est valablement conclue sans que le prix des marchandises vendues ait été
fixé dans le contrat expressément ou implicitement ou par une disposition permettant de
le déterminer, les parties sont réputées, sauf indications contraires, s’être tacitement
référées au prix habituellement pratiqué au moment de la conclusion du contrat, dans la
branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues dans des circonstances comparables.
INTRODUCTION
1. Comme le font apparaître les travaux préparatoires de
la Convention, l’interaction entre les articles 14 et 55 est
l’une des questions les plus délicates soulevées par la
Convention1.
PRIORITÉ DE L’INTENTION DES PARTIES
2. Dans leurs décisions et sentences, les instances judiciaires et arbitrales ont régulièrement considéré que, pour
déterminer l’applicabilité de l’article 55 (comme d’autres
dispositions de la Convention), il importe de se référer
avant toute autre chose à l’intention des parties. L’article 55 ne donne pas à un juge ou à un arbitre le pouvoir
d’établir un prix lorsque le prix a déjà été déterminé2, ou
peut être déterminé par les parties contractantes3. L’article 55 de la Convention ne s’applique pas non plus lorsque
les parties ont conclu leur contrat sous réserve de s’entendre ultérieurement sur le prix4.
RECONNAISSANCE DE LA VALIDITÉ D’UN
CONTRAT NE FIXANT PAS DE PRIX
3. Un tribunal a conclu qu’une proposition de vente de
moteurs d’avion ne satisfaisait pas aux termes de l’article 14 de la Convention, car elle ne comportait pas le prix
de tous les types de moteurs d’avion parmi lesquels l’acheteur aurait pu choisir dans le cadre de cette proposition, et
que le contrat résultant prétendument de la proposition
n’était donc pas valable5. Cette décision laisse penser que
l’article 55 ne permet pas de donner effet à un contrat
frappé de nullité du fait de l’absence d’une clause de prix
et que l’article 14 de la Convention prévaut par conséquent
sur son article 55. En application de cette interprétation de
l’article 55, cette disposition n’est applicable que si le
contrat de vente avait été valablement conclu même sans
indication de prix, et l’article 14 de la Convention peut
exiger une clause de prix comme condition de la validité
d’un contrat.
4. En revanche, un tribunal a invoqué l’article 55 pour
déterminer le prix de vente de matières premières alors
que celui-ci n’avait pas fait l’objet d’un accord préalable
par les parties6. Des arbitres, confrontés aux difficultés
présentées par les articles 14 et 55, ont aussi fait prévaloir ce dernier sur l’article 14 et manifesté leur volonté
d’établir le prix non déterminé afin de donner effet au
contrat7.
DÉTERMINATION DU PRIX EN
APPLICATION DE L’ARTICLE 55
5. Lorsque l’article 55 s’applique, les parties sont réputées s’être référées au “prix habituellement pratiqué au
moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues
dans des circonstances comparables”. La mise en œuvre de
cette disposition ne devrait pas être particulièrement difficile lorsque les marchandises sont des matières premières
ou des articles semi-finis. La situation change lorsque le
contrat concerne des articles manufacturés. Ainsi, la Cour
suprême d’un État est parvenue à la conclusion que le prix
de moteurs d’avion ne pouvait être déterminé en vertu de
l’article 55 car il n’existait pas de prix du marché pour ces
marchandises8. Il a aussi été décidé qu’un prix courant aux
fins d’obtenir des dommages-intérêts en vertu de l’article 76 pouvait être fixé en s’appuyant sur la méthodologie
de l’article 55 pour déterminer le prix dans un contrat qui
ne le fixe ni expressément ni implicitement, ni ne stipule
de quelle manière le fixer9.
Notes
1
Conférence diplomatique de Vienne de 1980, comptes rendus analytiques des séances de la Première Commission, huitième séance,
lundi 17 mars 1980. Voir aussi le Précis, article 14, paragraphes 13 à 16.
2
CNUDCI, Décision 343 [Landgericht Darmstadt, Allemagne, 9 mai 2000]; CNUDCI, Décision 151 [Cour d’appel, Grenoble, France,
26 février 1995].
Troisième partie. Vente de marchandises
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3
Tribunal d’arbitrage de la CCI, sentence n° 8324, Journal du droit international, 1996, 1019; CNUDCI, Décision 106 [Oberster
Gerichtshof, Autriche, 10 novembre 1994].
4
CNUDCI, Décision 139 [Arbitrage — Tribunal d’arbitrage commercial international de la Chambre de commerce et d’industrie de
la Fédération de Russie, Fédération de Russie, sentence dans la décision n° 309/1993 du 3 mars 1995].
5
CNUDCI, Décision 53 [Legfelsóbb Biróság, Hongrie, 25 septembre 1992].
6
CNUDCI, Décision 215 [Bezirksgericht St. Gallen, Suisse, 3 juillet 1997]. Voir au sujet de cette décision le Précis, article 14,
n° 16.
7
Voir Tribunal arbitral de la CCI, 1999, sentence n° 9187, Bulletin de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, 2001, 60 (“Les
ventes sans détermination préalable du prix sont communes dans le commerce international, comme le montre la Convention de Vienne
du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (article 55) [. . .]”).
8
CNUDCI, Décision 53 [Legfelsóbb Biróság, Hongrie, 25 septembre 1992].
9
CNUDCI, Décision 595 [Oberlandesgericht München, Allemagne, 15 septembre 2004].

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