«Au nom du Dieu clément et miséricordieux! Grâces soient rendues

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«Au nom du Dieu clément et miséricordieux! Grâces soient rendues
«Au nom du Dieu clément et miséricordieux!
Grâces soient rendues au Dieu grand et
glorieux! Car l’adoration approche l'homme de
la divinité et la reconnaissance envers elle lui
attire de nouveaux bienfaits.»
Université d’Ispahan
Faculté des Langues Etrangères
Département de la langue et de la littérature françaises
Master II
La moralité et les personnages dans les Fables de La Fontaine et
Gulistan de Saadi.
Sous la direction de:
Dr. Majid Youssefi Behzadi
Professeur consultant:
Dr. Mohammad Djavad Shokrian
Par:
Zahra Hadâéghi
Octobre 2010
Mes sincères remerciements s'adressent à
Monsieur le docteur Youssefi Behzadi pour son
aide sans laquelle ce travail n'aurait pu être
réalisé et dont le soutien m’accompagne tout au
long de cette étude. Je souhaite présenter mes
remerciements
aux
autres
professeurs
de
l’université d’Ispahan qui m’offrent gentiment
leur savoir.
Je souhaite en outre remercier les
professeurs de l’université Ferdowsi pour toutes
les connaissances acquises pendant 4 ans, celles
qui ouvre de nouveaux horizons, dans ma vie.
Je tiens à dédier cet humble travail à mes
parents; au regard de mon père qui m’encourage
et qui me soutient et au sourire de ma mère qui
me donne la vie.
Résumé
L’homme d’aujourd’hui, tenté de trouver les similitudes et les ressemblances qui
existent entre les diverses cultures par le biais d’un langage commun afin de s’approcher
davantage de ses semblables. C’est ce qui lui permet de se connaître par autrui et
découvre les autres avec cohérence. Dans le domaine littéraire, la comparaison ouvre de
nouveaux horizons aux chercheurs et aux spécialistes. Puisque la littérature est le miroir
de la société où les mœurs apparaissent comme un instrument efficace pour apprécier la
condition humaine réellement. Dans cette étude, on envisage de bien analyser les
messages mystiques de La Fontaine et de Saadi à travers leurs ouvrages très connus, Les
Fables et Gulistan. Les préceptes moraux présentés sont basées sur de riches sources
culturelles. Dans ses fables, l’auteur français crée un monde animalier où la diversité des
caractères remonte à un goût fécond. Les bêtes sont personnifiées à l’image des hommes,
tout en jouant un rôle pour pouvoir leur donner des leçons morales de manière les
orienter vers le salut. Quant aux historiettes de Gulistan, tirées des voyages nombreux de
Saadi, elles dessinent un vif tableau de la vie sociale des Iraniens. Mais l’auteur met
l’accent sur les messages éducatifs de ses récits afin de corriger les mœurs des individus
en créant une image nette de la laideur et de la bonté. Enracinés dans l’histoire, les
Français et les Iraniens peuvent bien montrer les principes culturels de deux contrées,
Occident et Orient. La ressemblance et la similitude évoquées dans l’analyse des œuvres
de nos deux poètes désignent l’importance de cette entreprise. Les protagonistes des
Fables et de Gulistan participent activement à montrer aux hommes le bon chemin et
aussi le but commun de La Fontaine et de Saadi dans leur productions poétiques. Le
thème de la morale est présent chez des auteurs orné d’un regard satirique et parfois
ironique sur l’homme et sur la société.
Mots clés:
Moralité- l’anecdote- la concession- justice- générosité
Abstract
The man of today, tried to find similarities and similarities between different cultures
through a common language in order to get closer to his fellows. This is what allows him
to know by others and discovers the other consistently. In literature, the comparison
opens new horizons for researchers and specialists. Since literature is a mirror of society
where manners appear to be an effective tool to assess the actual human condition.
In this study, it is intended to thoroughly analyze the mystical messages of La Fontaine
and Saadi through their well-known works, The Fables and Gulistan. The moral precepts
are presented based on rich cultural resources. In his fables, the French author creates a
world where animal diversity of the characters back to a fruitful taste. The animals are
personified in the image of men, while playing a role in order to give them moral lessons
so as orient them towards salvation. As for the stories of Gulistan, taken many trips to
Saadi, they paint a vivid picture of the social life of Iranians. But the author focuses on
the educational messages of his stories in order to correct the morals of individuals by
creating a clear image of the ugliness and goodness. Rooted in history, the French and the
Iranians may well show the cultural principles of two regions, West and East. The
similarity and the similarity mentioned in the analysis of works of our two poets
designate the importance of this undertaking. Fables of the protagonists and actively
participate in Gulistan show men the right path and also the common goal of La Fontaine
and Saadi in their poetic productions. The theme of morality is present in authors
decorated with a satirical and sometimes ironic look on man and society.
Keywords:
Morality- story- concession- justice- generosity
Table des matières
Titre
Page
Introduction…………………………………………………………………..c
Chapitre1: Saadi et la situation sociale de son temps
1-1-
La critique sociale…………………………………………...2
1-2-
Perspective didactique de Gulistan……….………...……….8
1-3- Choix de personnages……………………………………….13
1-4-
De la moralité apparente à la littérature didactique ………18
1-5-
Caractéristique du langage de Saadi………………………..22
Conclusion partielle……………………………………..……....…27
Chapitre2: La Fontaine face aux événements sociaux
2-1-
Notion de justice chez la Fontaine……………………....….30
2-2-
L’univers social vu dans le comportement des animaux...…36
2-3-
Caractéristiques morales des personnages………………….41
2-4-
Globalité du ton satirique de la Fontaine…………….….......47
2-5-
Moralité comme une polémique sociale……………….....…52
Conclusion partielle…………………………………………...........57
Chapitre3: Aux sources des idées similaires de la Fontaine et de Saadi
3-1-
Esprit commun dans l’écriture réaliste…………...……....…60
3-2-
Confrontation du message didactique dans quelques récits
sociaux……………………………………………..…….....65
3-3-
Du goût critique à la morale sociale; observation et
société……………………………………………….….….70
Titre
Page
3-4-
Vers une originalité socioculturelle……………..…….........75
3-5-
Comparaison analytique des personnages et leur
efficacité……………………………………………….….81
Conclusion partielle……………………………...………….….….85
Conclusion générale…………………………………………….………......86
Bibliographie……………………………………………………..……....…95
Introduction
Les œuvres littéraires, selon leur forme et leur contenu, sont placées dans les
différents genres. La poésie et la prose offrent aux écrivains les divers principes qui
rendent, chacune à sa manière, leurs paroles attirantes et agréables chez les lecteurs. La
poésie versifiée, vise à suggérer quelques choses au moyen de combinaisons de mots, de
l’harmonie des sonorités et des images. La prose, dépourvue des limites métriques, ouvre
de nouvelles voies aux écrivains. Qu’il soit en prose ou en poème, un ouvrage est bien
identifié d’après son contenu et son but. Il peut être didactique sous forme des genres
comme épique, théâtral voire narratif.
Connus dans le monde entier comme chefs-d’œuvre de la littérature, depuis leur
parution, Gulistan de Saadi et Les Fables de La Fontaine, en prêchant un but didactique,
attirent les gens de tout groupe social. En représentant un genre dont les auteurs se
proposent d’instruire leurs lecteurs, la fable et l’historiette (hikâyât) exposent des
connaissances ou des préceptes convenables pour bien vivre. Selon la définition du
dictionnaire Le Robert, le mot «didactique» dérivé du grec «διδακτικός» signifie "propre
à instruire". Mais les œuvres qui se rangent dans le genre didactique ne se caractérisent
pas toujours par une simple fonction informative, c’est de ce point de vue qu’elles font
partie de la littérature. Certes, on fait entrer dans cette catégorie des textes dont le but est
d’instruire mais par des formes toutes diverses. La plupart des littératures offrent des
œuvres destinées à présenter, sous les ornements littéraires, des conseils relatifs à la
morale, à la religion et aux techniques. Le genre peut impliquer différentes formes: la
satire, la fable, l’épître morale, les théogonies etc.
La fable désigne un récit allégorique dont on tire une moralité insérée
explicitement ou implicitement dans le texte. D’une autre façon on peut dire que la fable
est un récit, en prose ou en vers, qui cache une moralité sous le voile d’une fiction où les
animaux sont les protagonistes. Mais cette définition apparaît incomplète car ses
personnages sont parfois les objets, les arbres ou autres. Sur l’originalité des fables se
trouvent souvent des hypothèses abondantes. Mais ce qui est plus réelle comme source
convenable est celle d'une réalité qui englobe à la fois le conte et la fable. Le plus ancien
recueil d’apologues connu est encore le Pantchatantra. Cette source indienne, en
contenant la plupart des fables et des contes qui parcourent le monde entier, se montre
comme une observation pure et simple des faits embellis par les procédés littéraires. Le
Pantchatantra et ses dérivés comme Hitopadeça, Calila et Dimna et le Livre des lumières
sont attribués aux diverses personnes comme Bidpaï. Ce recueil est subdivisé en
plusieurs livres: livre I, la Brouille des amis; livre II, l'Acquisition des amis; livre III,
Guerre des corbeaux et des hiboux; livre IV, la Perte de ce qu'on a acquis; livre V,
Danger des actions irréfléchies. Cet ensemble constitue un traité compliqué de politique
et de morale. Chaque livre de ce recueil comprend un apologue principal qui contient à
sont tour une série de fables récitées par les personnages de la fable principale. On trouve
certaines fables de ce livre reproduites dans Les Fables de La Fontaine entre autre les
Animaux malades de la peste, Tortue et les deux Canards, le Lion et le Rat, Lion et du
Moucheron, les Membres et l’Estomac, ainsi que le Chat, la Belette et le Petit Lapin et
l’Ane vêtu d’une peau du lion.
Les fables ésopiques trouvées chez les grecs comme celles d’Hésiod, assimilent à
des éléments significatifs autonomes, maximes de prudence ou de morale surgies d’un
simple récit. Empruntant certaines composantes aux cultures de l’Asie Mineure et de
l’Egypte, la fable s’ouvre une place dans la littérature ainsi que dans la philosophie
grecque. Socrate versifie dans sa prison quelques récits d’Esope et Aristote insère la fable
parmi ses arguments oratoires.
Les romans ne modifient pas la fable empruntée aux grecs. On connaît chez
Horace les fables ésopiques reproduites plus tard par La Fontaine comme la Belette
entrée maigre dans un grenier, le Cerf et le Cheval, le Rat de ville et le rat des champs,
dans ses livres: Epîtres ainsi que Satire. Mais parmi les écrivains latins, c’est Phèdre qui
compose un recueil de fables. Après les auteurs grecs et latins, le Moyen âge voit la suite
des créations dans le genre: l’un des plus connus appartient à Marie de France. Le Moyen
âge manifeste un fort goût pour la fable. Dépassant le cadre de la fable, le fameux Roman
de Renard, c’est une épopée animalière et aussi une satire mordante et spirituelle du
monde féodal. Viennent ensuite les Ysopets (petits Esope) qui en langue vulgaire
continuent la tradition gréco-latine. En vers huit syllabes et à rimes plates, ils expriment
le moindre détail des mœurs du temps ou les événements contemporains. C’est alors que
vit le premier fabuliste français, Marie de France qui fait introduire un caractère de
personnalité dans ces récits, ce qu’on ne voit pas dans les recueils populaires.
Tout comme en Europe, les auteurs persans choisissent de différents genres en vue
de glorifier en commun le genre humain. Simultanément à l’épanouissement indéniable
de la poésie en Iran, les genres prosaïques sont développés lentement dans les directions
les plus distinctes. Pour mieux expliquer leur pensée, les écrivains se consacrent à des
formes favorables. Les récits courts s’apprêtent au traitement des questions mystiques,
philosophiques et morales, qu’elles soient en prose comme Asrar al-Tawhid ou en poésie,
comme Masnavi de Rûmi. Donc durant des siècles, leur forme et leur contenu ont
changés, se sont enrichis et se sont adaptés aux besoins des lecteurs.
Dans la littérature persane, il s’agit des chefs-d’œuvre dans lesquels, l’auteur tente
de donner des leçons sur les diverses difficultés que ce dernier rencontre dans la société.
Entre autres on peut citer Le livre des rois de Ferdowsi, Siasset namèh de Nezam al-mulk,
Khamsé de Nizami, Bustan et Gulistan de Saadi et bien d’autres qui relatent de manière réaliste
et parfois symbolique la conscience, la pensée et les expériences des Iraniens au cours de
l’histoire. Ces recueils destinés à orienter les gens dans la bonne voie, malgré leur
complexité de messages, attirent toujours les lecteurs de goûts variés.
Avant le XIIIe siècle où vit Saadi, d’autres écrivains tentent de présenter des
enseignements sur la conduite. Siasset namèh est le livre le plus ancien connu dans ce domaine.
Il consiste à un traité de gouvernement, écrit au Xe siècle par Nizam al-mulk. Vers la même époque,
Unsur al-Ma`âlî Qâbûs ben Wuchmagîr écrit à son fils, désormais roi, un recueil des
règles de conduites, Qâbûs Nâmeh. Nasihat al-muluk est rédigé par Ghazali le siècle
suivant. Mais certes, le livre le plus connu reste Kelileh va Demneh qui a une origine
indienne. Nasrollah monshi le traduit de l’arabe mais il n’est pas seulement un traducteur,
il y ajoute des remarques et y applique son style. Avec les livres comme Chahar Maqaleh
de Nizami Arudhi Samarqandi et le recueil d'anecdotes intitulé Jawami ul-Hikayat de
Zahiriddin Nasr Muhammad Aufi l’écriture des récits courts est poursuivie.
En fait, C’est le XIIIe siècle et la rédaction de Gulistan par Saadi, qui bouleverse
les styles excessifs fréquents à l’époque. Désormais, sont créés des recueils à l’imitation
de ce livre de Saadi comme Bîmâristân de Djami et les ouvrages d’Obeid Zakani entre
autre Resaleh-ye Delgosha, Akhlaq al-Ashraf ("Éthique de l’aristocratie") et la célèbre
fable humoristique Masnavi Mush-O Gorbeh ("La souris et le chat"), qui est une satire
politique.
Comme il est déjà signalé tous les livres, caractérisés sous le nom de la littérature
didactique cherche un but: instruire des gens, mais les procédés de chacun sont divers. La
majorité des préceptes enseignés est commune mais, les personnages, l’action, la manière
de la narration et la forme du récit sont bien divers. Des personnages, de caractères
dissemblables, expriment les leçons applicables.
Quant à La Fontaine, certains le considèrent comme un copieur qui n’a rien
inventé, mais il est certain que sans sa contribution, les noms d’Esope et de Phèdre,
n’auraient pas le retentissement qu’ils ont maintenant. Certes, La Fontaine se laisse
inspirer par des fables anciennes, mais il les améliore, renouvelle et les réécrit dans une
langue agréable à lire.
Son œuvre marquée en grande partie par l’inspiration libertine, comprend du
théâtre et des odes. Elle met en scène les plaisirs raffinés et cultivés parfois
mélancoliques, apportés par l’amitié, l’amour, la nature, l’art et le découlement du temps.
L’auteur sensible au plaisir des lecteurs, applique le charme et la variété des formes
littéraires. Les Fables donnent l’image d’un monde âpre où le fabuliste développe une
philosophie du bonheur qui doit autant au stoïcisme qu’à l’épicurisme.
La morale qui vise l’orientation de l’homme vers le Bien, est rendue plaisante par
le pittoresque d’un récit qui met en scène des animaux, images symboliques des hommes.
La Fontaine y insère une perspective sociale avec une tonalité ironique et satirique. La
justesse, la générosité et la concession sont les thèmes abordés dans les discours
didactiques mais c’est la manière de traiter ces sujets qui distingue La Fontaine des autres.
L’autre auteur abordé dans cette recherche c’est Saadi évoqué plus haut. Le poète
iranien, vit au XIIIe siècle. Grand voyageur, il évoque dans ses livres tous les milieux
visités afin d’enrichir ses récits dans le cadre d’un enseignement moral par des
cheminements imaginaires et réels. Il est difficile de distinguer les vraies expériences du
poète qui renvoient à la vie de ce dernier, des histoires inventées.
Sa réputation de son vivant, même souligne son importance culturelle et sociale:
les peuples voisins le connaissent et savent par cœur ses vers, ce qui est rare dans le
monde littéraire.
Le livre le plus lu et le plus connu de Saadi dans le monde entier, c’est Gulistan ou
Le jardin des roses, composé de récits moraux, sociaux et de maximes. Son talent surgit
autant dans la prose, comme on peut le voir dans Gulistan, que dans la poésie de Boustan
et ses odes lyriques. Ce qui différencie Saadi des autres poètes c’est sa langue ornée d’un
goût parfait. Toujours exemple de l’éloquence et de la beauté de la langue, Gulistan attire
encore aujourd’hui les lecteurs qui utilisent ses mots comme proverbes qui reflètent la
société. Rédigé dans une langue très musicale, ce livre rappelle les poèmes didactiques de
Saadi par sa finesse et son harmonie. Divisé en huit chapitres, "les faits des rois", "le
caractère des ermites", "les bienfaits de l’économie", "les bienfaits du silence", "l’amour
et la jeunesse", "la faiblesse et la vieillesse", "l’influence de l’éducation" et "l’art de
discourir", le poète y profite des anecdotes pour illustrer la morale qu’il vulgarise. Son
habilité dans les règles de la rhétorique, de la poésie persane ou arabe, sa connaissance
des mœurs et de la religion lui offrent une originalité inimitable. Il observe les domaines
variés de la vie humaine et fait de lui un témoin fidèle de son temps.
Dans la littérature persane nombreuse sont les livres qui suivent les démarches de
Gulistan; le plus connu reste Baharestan de Djami. Dès la traduction du livre en français
par André Ryer, en Allemand par Ochsenbach, il exerce une grande influence. Les
Européens le lisent et l’aiment. Saadi est l’écrivain persan le plus connu en Europe.
Avec la réception forte de Gulistan autant en Iran qu’en dehors des frontières
culturelles de ce pays, nous pouvons bien estimer la valeur de ce livre dans la littérature
et la morale universelle. D’autre part les Fables de La Fontaine suscitent beaucoup de
jugements sur les préceptes et les exemples qui y sont présentés. Malgré sa très grande
réussite depuis sa parution, il est parfois contrarié à ce qu'il voulait mettre en usage dans
la société de son temps. Au XVIIIe siècle, Rousseau y trouve des immoralités. Dans son
Emile, il déconseille la lecture de ce livre, jugé plein de messages contre la morale, aux
enfants. Au XIXe siècle, Lamartine le qualifie à son tour néfaste à l’orientation et à
l’information des jeunes.
Cette recherche tente d’identifier et de vérifier dans ces deux livres, Gulistan et
Les Fables, les préceptes qui orientent l’homme vers la perfection. La confrontation de
ces deux ouvrages s’accomplit dans le but de connaître les thèmes similaires améliorant
les conditions de la vie humaine par une analyse pertinente de leur contenu.
Cette étude comparative des préceptes et des personnages cherche à ouvrir de
nouveaux horizons qui donnent l’accès à l’appréciation des valeurs culturelles communes
chez les Français et les Iraniens. La variété des moyens d’exprimer les messages édifiants
dans ces deux livres ainsi que les sujets identiques qui provoquent des points de vue
opposés ou similaires seront élargis dans les chapitres concernés, tout en facilitant le
chemin de la perfection des connaissances littéraires des auteurs en question.
Pour aboutir à nos fins, on divise le travail en trois chapitres subdivisés euxmêmes en cinq parties. Dans le premier, nous traitons Saadi, ses caractéristiques
littéraires et la situation de son temps dans l’idée de le présenter davantage dans Gulistan.
Dans le second, nous aborderons la position de La Fontaine face aux événements sociaux
par lesquels il s'efforce de créer la satire sociale dont les reflets se voient chez ses
protagonistes. Dans le dernier, nous examinerons les idées similaires de La Fontaine et de
Saadi afin de mettre en évidence leurs points similaires et d'en faire la synthèse qui
pourrait être le pivot de toute évolution littéraire. L'exemple de Saadi et de La Fontaine
est là pour le prouver.
Chapitre 1
Saadi et la situation sociale de son temps
Pour une meilleure connaissance de la particularité des idées mystiques de Saadi,
il est possible de se référer à une période particulière où ce dernier apparaît comme une
figure centrale de son temps.
Ayant vécu en pleine invasion des mongoles, Saadi en est bien influencé. Les
historiettes de Gulistan, chacune à son tour, nous dévoile les manières de vivre du peuple
et des gouverneurs. La société brossée dans le livre est un reflet fidèle de la réalité de
l’époque, une vie dominée par l’injustice de la monarchie mongole sous laquelle les vices
et les vertus se vulgarisent ensemble. Afin d’orienter les gens au bon chemin, Saadi, par
les récits courts cherche à en montrer les effets les plus efficaces pour acheminer ses
personnages vers la vie réelle.
1-1
Critique sociale
Bien que Saadi soit un poète mystique, mais son goût pour la critique sociale
demeure au sein de toute pensée progressive un élan vers la perfection morale.
Dans son livre intitulé Essai sur le poète Saadi, Henri Massé écrit:
«Si le poète, en Saadi, reste somme toute inferieur à un épique
tel que Firdousi, à un lyrique tel que Hafiz, à un mystique tel que
Jalal ed Din, en revanche il les dépasse par sa fine observation de la
vie contemporaine. Kholmogorow, qui connaissait le Perse, ne s’y
est point trompé, lorsqu’il écrit dans son ouvrage pourtant si
superficiel (P.145): "Saadi exprime la vie populaire, aussi on le lit
toujours."» (Henri Massé, 1919: 222)
Ces quelques lignes montrent bien l’importance de l’observation de la vie sociale
par Saadi qui pendant son long voyage, observe minutieusement tout. Il fréquente toutes
les couches sociales, tous les hommes en tout âge. Il transmet ces chères expériences dans
ses livres, en particulier Gulistan. A travers ce dernier qui dans l’ensemble de ses récits
forment un tout représentant de la société humaine avec toutes ses variétés, nous pouvons
connaître la mentalité, les habitudes, les manières de vivre et les réactions des Perses
devant les événements arrivés, au treizième siècle; l’image nette de la Perse à l’époque.
Les vrais protagonistes du livre sont les gens ordinaires. Voici quelques anecdotes
remarquables: sur les routes, nous rencontrons les voleurs qui font craindre les voyageurs
dans l’absence de surveillance de l’Etat, même il arrive parfois qu’un poète écrit quelques
lignes en adorant le chef des voleurs. Un commerçant riche mais très avide rêve toujours
de longs voyages pour vendre de choses rares dans les villes dont il connaît bien des
besoins. Un derviche invité chez un roi mange, par ruse, moins que son habitude et prie
plus afin d’acquérir la grâce du monarque. Un vieux épouse une jeune fille ou un père est
arrêté par la vice de son fille. Mais en même temps il existe des hommes qui vivent
charitablement: un derviche tout pauvre ne demande aide à personne, même au plus
généreux. La vie pénible des hommes pendant la sécheresse, le déplacement à l’intérieur
du désert, la ruse des commerçants, l’injustice des gouverneurs, la bonté des uns et la
cruauté des autres, la corruption des officiers, tout est exposé. Si l'on dit quelques notions
présentées dans le livre de Saadi immorales, cela justifie que certaines habitudes de
l'époque n'étaient pas à la visibilité des autres, et que Saadi a été apte à les montrer
réellement. Comme exemple nous pouvons parler de l’amour du narrateur d’un des récits
pour un très beau garçon. La description réelle de tous les aspects de la vie nous fait
connaître les problèmes sociaux et personnels qui empêchent les hommes d’atteindre le
bonheur. La présentation de ces problèmes très communs partout et tout le temps
occupant la majorité de Gulistan, rend ce dernier satirique et éternel.
La vie de tous les groupes sont visée. Les rois et leurs manières dissemblables sont
indiqués; un roi, en tourmentant ses sujets par ses extorsions, ne cesse pas d’étendre la
main de l’iniquité sur leurs biens ou un autre apportait de la négligence dans
l’administration de l’Etat et traitait âprement l’armée, alors qu’un roi juste, comme
Noûchirévân, ordre à son esclave de prendre du sol en payant, pour non pas vulgariser la
tyrannie. Quant aux vizirs, nous distinguons la même façon: l’un conseille le roi d’être
bon pour que les gens l’aiment et qu’ils l’aident au moment de la difficulté de la guerre et
l’autre, par contre, suggère au roi, Amr, fils de Léïs, de tuer un esclave enfui.
En outre, nous nous intéressons à citer encore une remarquable anecdote qui
confirme davantage le langage pur de Saadi. Ainsi devant un roi passant:
«un derviche, voué au célibat, était assis dans les sables. […]
Le derviche, en raison de l’insouciance qui est l’apanage de la
modération des désirs, ne leva point la tête et ne prêta point
attention. Le roi, à cause de l’orgueil attaché à la souveraineté,
ressent un sentiment de colère et dit: "cette race d’homme qui
revêtent le froc n’a ni humilité, ni politesse." Le vizir s’approcha
alors du derviche: "O derviche, le monarque de la surface de la
terre est passé près de toi; pourquoi ne lui as-tu pas rendu hommage
et n’as-tu pas accompli le devoir de la politesse, qui est de saluer?"
–Dis au roi, répondit le derviche: on attend l’hommage d’une
personne qui espère recevoir des bienfaits. Et sache que les rois sont
établis pour protéger leurs sujets, et non pas les sujets pour obéir
aux rois.» (Toussaint, 1913: 323)
Ce court récit apparaît bien riche; le comportement indépendant du derviche
devant tous même le plus importent se définit comme le modèle des gens spirituellement
élevés. Face à lui, la fierté et l’orgueil royal est bien représenté par le roi. Le vizir évoque
les courtisans ne pensant qu’à s’adopter au plaisir du monarque. Par la mise en opposition
de ces types humains, Saadi accentue la différence dans les points de vue et donc dans les
manières de vivre des gens appartenant aux diverses classes sociales. De la bouche de ce
derviche, la perception courante qui exprime la nécessité de l’hommage et de
l’obéissance totale envers le roi, est mise en cause. Les relations entre le monarque et les
sujets sont signifiées comme mutuelles.
La description minutieuse des différents gens renforce bien satire sociale dont la
correction est visée par Saadi. Dans cette société régnée par le désordre et par l’injustice,
Saadi cherche à montrer la dépendance réciproque de l’Etat et du peuple. Le roi fournit
les moyens du bonheur de ses sujets et en revanches ces derniers gardes les bases du
pouvoir royal. Cela ne peut pas être possible que par domination de la bonté dans la
société. A travers ces récits, le poète persan annonce les vices de la société de son temps.

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