Le carnet de croquis - École Nationale Supérieure d`Architecture de

Transcription

Le carnet de croquis - École Nationale Supérieure d`Architecture de
Cours de dessin d’observation, première année, enseignante Y. Brès
Le carnet de croquis :
Cultiver le lien entre réalité et projet
Lorsqu’on commence son premier carnet de croquis, on n’en connait pas
vraiment la finalité. Si on est très jeune on a le sentiment que la mémoire est
infaillible, que le monde est dans notre esprit de toute éternité, que noter est
une manie de vieillard, que la photo est bien plus précise. On peut aussi y
voir une certaine prétention, comme si les images que l’on rencontrait
n’avaient pas une importance si grande qu’il fallût les immortaliser. Si on le
commence c’est donc dans un certain doute. Et il arrive que l’expérience
tourne court...
Beaucoup continuent un temps, soutenus par l’image d’Epinal de l’architecte,
du peintre, de la bourgeoise du XIXème siècle (qui ne se déplace jamais sans
son carnet et ses aquarelles) comme une image culturelle flatteuse, qui
continue de les séduire un temps. Pour d’autres, c’est la simple continuation
d’un journal intime qui dure ce que dure l’adolescence. Dans tous les cas,
l’intuition puis l’expérience de la perte, de l’oubli, reste un moteur efficace.
Mais ceux qui continuent toute une vie durant, ceux-là ont d’abord eu
confiance, soit par une habitude reçue de leurs parents, soit par admiration,
en un professeur qui leur a fait comprendre un jour que le carnet était l’outil
idéal pour intérioriser le monde. Et l’entretien de ce carnet est devenu une
part de soi. Contrairement à la photographie, le croquis est une
reconstruction intérieure de la réalité, pas seulement une
représentation technologique (où le raisonnement est externalisé, comme
les emplois). Pour pouvoir représenter l’objet, on en recherche la
composition. On fait donc un travail de projet inversé, à partir de la réalité on
remonte au projet. Et cette aptitude intellectuelle et manuelle à la fois, de
va-et-vient incessant entre réalité et dessin que constitue la pratique du
croquis, se trouve à la fois recueillie et attendue par la présence du carnet.
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, novembre 2011
Cours de dessin d’observation, première année, enseignante Y. Brès
Bâton de mémoire
Le carnet de croquis constitue une chronique au jour le jour, qui recense nos
impressions, nos esquisses et ce que nous avons retenu des gens, des objets, des
livres et des endroits rencontrés. Tout ce qui nous a paru digne d’être retenu y est
consigné chronologiquement. C’est un système de classement simple, dont la
hiérarchie se fait instantanément, par le dessin et les mots.
Une société réécrit l’histoire en permanence, dans le but de justifier ses choix et
ses modes de vies actuels : les hommes politiques cherchent dans les archives des
raisons de soutenir telle politique Keynésienne, ou au contraire telle rigueur
budgétaire. (cf « La fabrique de l’histoire » tous les matins de la semaine de 9h à
10h, sur France-Culture, émission produite et présentée par Emmanuel Laurentin)
Les architectes font la même chose, ils puisent dans leurs carnets des
compositions, qui vont inspirer de nouveaux projets. Une photographie donnera un
vernis de réalité, mais peu d’outil pour s’en inspirer. En voyant un croquis, un plan
ou une coupe et quelques cotes, on aura un appui beaucoup plus fertile.
La place des mots
Je vois dans vos carnets des dessins muets, comme s’ils devaient se suffire à euxmêmes : vous semblez considérer les indications écrites comme des béquilles
indignes…
Or justement, c’est par les mots que votre esprit va ouvrir des tiroirs, (ou ajouter
des informations dans des tiroirs existants) que vous pourrez venir consulter quand
le besoin s’en fera sentir.
Au tiroir « poutre » vous avez déjà rangé plafond, bois, maison, solives, muraillères,
feu de bois, la poutre dans l’œil du voisin, plancher, béton armé, solidité, etc…
Mais tous les dessins dans lesquels vous allez dessiner des poutres vont venir
s’ajouter aux évocations déjà accumulées dans le tiroir.
Ce dont on ne connait pas le nom a beaucoup plus de mal à se frayer un chemin
jusqu’à notre conscience. Prenons la dégustation d’un vin. Si personne ne vous à
ouvert l’attention par les mots sur les différents goûts qui se succèdent et se
mêlent au moment de la dégustation, vous serrez incapable de rappeler ce goût à
votre mémoire. Pour les formes architecturales, c’est pareil. Le carnet de croquis
sert aussi à recueillir tout un vocabulaire, spatial, urbanistique, architectural,
pictural, qui sera la culture générale de l’architecte.
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, novembre 2011
Cours de dessin d’observation, première année, enseignante Y. Brès
Pour tirer profit au mieux de son carnet : (pour information : le mot profit tire une part de son sens du latin proficere, progresser)
Carnet
1. Sur chaque page : la date et le lieu ou le sujet (par exemple, 12 novembre 2011, d’après photo, La Joconde, ou 13 novembre 2011, place aux
herbes, Grenoble)
2. Pour chaque représentation d’un lieu extérieur : un petit plan dans un coin, avec une cote générale
3. Pour chaque représentation d’un lieu intérieur : un plan et une coupe, avec au moins une côte.
4. Pour chaque représentation d’un objet : au moins une côte
5. Pour chaque détail technique : le nom de chaque élément, (« Ce qui n’est pas nommable est innommable ! » ) et le matériau utilisé.
Croquis
1. Un trait a un début et une fin, les hachures sont des traits.
2. Tout rectangle dessiné doit être comparé au carré
3. On commence par la composition générale, et quand on en est bien sûr, on passe aux détails
4. Si on a peu de temps on fait un dessin petit, avec peu de détails, ou seulement un détail, mais situé (par les mots ou sur un plan ou une façade
simplifiée…)
5. Pour une perspective
Je commence par choisir un cadre dans la réalité pour délimiter la taille et la proportion de mon dessin, et je reproduis ce cadre sur ma
page.
Je situe mon point de fuite (là où vont fuir toutes les parallèles à mon regard) dans ce cadre.
6. Lorsqu’on ne s’en sort pas avec la forme, on essaye en valeur (pour une main, un visage, un arbre, par exemple)
7. Pour tout arc dessiné on fait apparaître par un trait de construction le plan de naissance.
Prises de cotes
Les 2/3 des projets sont des interventions sur de l’existant, il faut donc savoir en fournir une représentation fidèle (le relevé), sur laquelle
appuyer son projet. Dans le carnet on notera tous les éléments cotés nécessaire à cette représentation (plans, coupes, élévations).
1. Toujours prendre les cotes « en cumulé » (soit : en gardant le zéro au même endroit pour le plus de mesures possible, imaginer la mise au
propre : ce zéro sera l’emplacement de la pointe de votre compas, moins on déplace le compas, mieux c’est)
2. Toujours trianguler les mesures en plan, mesurer les 2 diagonales d’une pièce, mesurer plusieurs distances d’une pièce à l’autre pour pouvoir
raccorder les pièces ensembles.
3. Faire attention aux détails : situer l’emplacement des poutres maîtresses d’un plancher, observer leur emplacement par rapport aux
ouvertures, observer la situation de la menuiserie par rapport à la maçonnerie, ébrasements, arrières-linteaux, différences de niveau, etc…
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, novembre 2011

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