le_monde - 23 - Benoît Delbecq

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le_monde - 23 - Benoît Delbecq
LE MONDE / DIMANCHE 5 - LUNDI 6 DÉCEMBRE 2004 / 23
portrait
Benoît Delbecq, curieux bricoleur
de sons
Le pianiste a créé un univers original, ouvert à toutes les influences
et nourri d’expérimentations. Il sera en concert avec sa formation
The Recyclers, le lundi 6 décembre au Studio de l’Ermitage, à Paris
que avant de « faire le chanteur » dans un
groupe de pop, à l’adolescence. Son père
écoutait du jazz. Sa sœur aînée, musicienne, dirige un conservatoire. Son beau-frère
surtout, le compositeur de musique
contemporaine David Lacroix, lui a fait
découvrir Jimmy Hendrix, Chelsea, etc. De
« longues discussions » sur l’écriture, l’improvisation, l’ont décidé à prendre des
cours à l’IACP (Institute for Artistic and
Cultural Perception), à Paris, où il rencontre Didier Petit, Denis Colin, Steve Lacy…
Sous la « pression » des parents, il fait
des études d’ingénieur du son, en cours du
soir aux Arts et métiers, puis dans un « BTS
expérimental » qu’il quittera vite : « La droite l’a supprimé, à son retour au pouvoir en
1986 ». A 20 ans, il devient assistant réalisateur, puis mixeur de cinéma. Le déclic se
produit un soir où il insonorise un concert.
« J’ai compris que je n’avais plus envie d’être
derrière les machines, mais sur scène. » Il
s’inscrit au conservatoire de Versailles, en
classe d’écriture, avec Solange Ancona.
« le recyclage en musique »
Sa curiosité lui ouvre des portes. Au
début des années 1990, il a accepté un
rôle de pianiste, dans une pièce de théâtre
à Marseille. Un élu de la région lui a proposé un an de résidence à La Ciotat pour
composer. Il s’y est installé avec Guillaume Orti, Steve Argüelles et Joe Carver
(contrebasse) qui forment le groupe Kartet. Il en est sorti, en 1994, l’album Pression, salué dans la presse spécialisée. Un
an à répéter, à « macérer », c’est exceptionnel dans ce milieu où les disques, souvent, sont enregistrés en deux jours, voire
une journée, faute de moyens.
Sa façon de composer mérite quelques
lignes. Elle résulte d’influences très diverses. Tout d’abord, les mathématiques.
Benoît Delbecq les utilise depuis très longtemps pour réfléchir à son jeu. Cela donne de drôles de phrases de la part d’un
musicien : « Il m’arrive de mettre au point
des rythmiques en manipulant des nombres
complexes. » Ou encore : « Je peux regarder une formule chimique pendant une heu-
Je ne peux, en tant que président
du conseil général du Nord (…),
accepter que la décentralisation
soit mise en accusation à la suite
de dramatiques affaires qui révèlent des dysfonctionnements liés
en général à un manque de coordination entre les différents intervenants institutionnels (Le Monde du
22 novembre).
(…) Les départements ont investi, depuis 1984, des sommes considérables dans la prévention, dans
l’accompagnement social des
familles et dans la diversité des
modes de prise en charge des
enfants confiés au service de l’aide
sociale à l’enfance. (…) Les départements n’ont de cesse de développer (…) de nombreux dispositifs en
matière d’insertion sociale et professionnelle, d’accès au logement,
de prévention santé, de soutien à
la parentalité, grâce à un partenariat étroit et actif avec les acteurs
locaux et associatifs.
Je ne peux accepter que Mme Brisset remette en cause l’engagement, la mobilisation et le savoirfaire de l’ensemble des profession-
1966
Naissance
à Saint-Germainen-Laye.
f
1990
Rencontre avec
Steve Argüelles.
f
1994
Sortie de l’album
« Pression »
de Kartet (deux Z).
f
1997
Rencontre
avec Olivier Cadiot.
f
2004
« Phonetics »,
(Songlines).
f
Il s’est forgé une « boîte à outils » et un langage qui lui est propre :
il ébauche ses compositions en dessinant des signes qui ressemblent
à des calligrammes chinois, mais qu’il a lui-même inventés
aussi, et l’ont sensibilisé aux rythmes
« soumis à une règle, mais sans hiérarchie ».
Au final, Benoît Delbecq s’est forgé une
« boîte à outils » et un langage qui lui est
propre : il ébauche ses compositions en
dessinant des signes qui ressemblent à
des calligrammes chinois, mais qu’il a luimême inventés. La partition vient après.
« Tout ce travail de recherche m’a permis
d’accepter les influences, tout en construi-
re. Ça me fait fonctionner l’imaginaire. »
La linguistique le stimule également,
tout particulièrement le courant Oulipo,
basé sur la littérature contrainte (phrases
sans la lettre E, etc.). Tout récemment,
alors qu’il travaillait en studio, le batteur
Steve Adam lui a montré un morceau
qu’il avait fait jaillir pendant la nuit.
Après l’avoir lu, Benoît Delbecq a suggéré
d’enlever toutes les notes si… Les musiques africaines – pygmée, aka – l’inspirent
« Nu-Turn », étude pour piano et album manifeste
Nu-Turn (Songlines, 2002) est sans doute l’album qui résume le mieux les dix
dernières années de travail du pianiste
Benoît Delbecq. Interprété cet été au
Théâtre du Châtelet, à Paris, ce disque
solo est une sorte d’« étude pour piano », qui permet de découvrir toute la
subtilité de son jeu : les sons transformés, atténués parfois à la limite de
l’étouffement, les rythmes complexes,
hachés, faussement répétitifs. « C’est
comme si je tissais une toile avec des
motifs qui mutent et un fil dont la couleur même peut évoluer », explique cet
amoureux des tissus traditionnels
Kuba.
AU COURRIER DES LECTEURS
Protection décentralisée
de l’enfance
biographie
jean-françois joly
IL EST au piano mais, si l’on ferme les
yeux, le son mat, percussif, qui résonne,
évoque plutôt le balafon ou le marimba.
Parfois, le piano « revient » et se mêle aux
notes métalliques. Benoît Delbecq n’est
pas un illusionniste, il est pianiste. Simplement, il a créé un univers sonore très particulier. En concert, il lui arrive de se pencher au-dessus de son piano à queue pour
placer des bouts de bois entre les cordes.
Bois de rose, demi-pince à linge… Ces
petits objets font muter le son. C’est ce
qu’il appelle le « piano arrangé ».
Cette idée lui est venue un jour où il travaillait une composition de György Ligeti,
très complexe. Pour mieux marquer les
accents, il avait placé des morceaux de
gommes à certains endroits entre les cordes. La transformation sonore l’a séduit.
Adepte du sampler, Benoît Delbecq joue
aussi du piano « déclenché » à l’aide de
sons enregistrés, aux côtés du batteur Steve Arguëlles. Un ami qu’il a connu en 1990,
lors d’un stage à la BANNF, une école des
beaux-arts au Canada, située dans la province d’Alberta, où le saxophoniste Steve
Coleman enseignait. « A l’époque, Steve
Arguëlles était très investi dans la scène
anglaise, mais il commençait à tourner en
rond. Musicalement, nous nous sommes trouvés ; il est venu s’installer à Paris. »
Les deux complices jouent ensemble
dans plusieurs formations : Ambitronix,
Kartet ou encore The Recyclers, avec Christophe « Disco » Minck (basse), qui se produit le 6 décembre au Studio de l’Ermitage,
à Paris. Ce trio a fait des incursions dans la
pop et réalisé, entre autres, les arrangements de plusieurs albums du chanteur
Philippe Katerine, dont Huitième Ciel (Barclay, 2002), ou encore la musique du film
des frères Larrieu, Un homme, un vrai
(2003), avec Matthieu Amalric et Hélène
Fillières. Le groupe termine actuellement
un remix de Rokia Traoré. Côté jazz,
Benoît Delbecq vient de sortir son dernier
album, Phonetics (Songlines), auquel le
magazine Jazzman a décerné le prix Choc
de l’année 2004.
Entre les musiques improvisées, la pop,
l’électro, ce jeune homme curieux n’a pas
envie de choisir. Il préfère ouvrir ses écoutilles. Il a décidé de quitter le Collectif
Hask, qu’il avait créé en 1992 avec Steve
Argüelles et le saxophoniste Guillaume
Orti, etc. L’affaire devenait « trop institutionnelle » à ses yeux. Et la musique ne lui
« suffit plus ». Il a déjà composé pour le
théâtre, aux côtés d’Irène Jacob, dans un
spectacle intitulé Je sais qu’il existe aussi des
amours réciproques, d’après Gros-Câlin, de
Romain Gary (Emile Ajar). Il réfléchit à la
création d’une radio en ligne qui diffuserait des musiques (électroniques, improvisées) que les ondes françaises négligent,
pour ne pas dire ignorent. En attendant, il
écoute du jazz sur wnur.org, une radio de
Chicago.
Benoît Delbecq a étudié le piano classi-
cet effet-là de vertige que je recherche. »
Cet album a été composé lors d’un
séjour de six mois en Villa Médicis hors
les murs, au Canada. Il synthétise les
influences du musicien jusqu’au design
de la pochette réalisée par le photographe Roderick Packe : des stries multicolores et floutées en hommage, entre
autres, au philosophe Gilles Deleuze,
qui a développé des concepts sur le pli,
le strié, la territorialisation. Piano Book
(Plush, 2002) est un autre album (solo)
significatif, où Benoît Delbecq joue sans
arrangements.
A jouer ainsi,
Benoît Delbecq entre
dans
des
« transes »
qui lui font
« parfois
peur ». « On
me demande
souvent :
c’est rigoureux ce que
tu fais ? Je réponds que je cherche parfois l’accident. Comme quand on allume
la radio : un morceau est joué et on met
un moment à trouver la mesure. C’est
Photo : Nu-Turn. © D.R.
sant mes clés », résume-t-il. Cette façon
un peu vagabonde de trouver sa voie n’a
pas toujours été simple à assumer.
L’écrivain Olivier Cadiot, auteur notamment de Fairy Queen (P.O.L., 2002, 8,55 ¤),
l’a aidé à confirmer ses choix. Leur collaboration a démarré en 1997, lors d’une lecture du Colonel des zouaves, au festival
Banlieues bleues. « Cadiot m’a beaucoup
appris. Il est dans la répétition-mutation
des mots. Il m’a permis d’assumer le recyclage en musique. » Ils ont encore joué
ensemble cet été, au Palais des papes,
pour la clôture du Festival d’Avignon, en
compagnie du guitariste et chanteur
Rodolphe Burger. Un souvenir « très puissant ». On ne s’étonnera pas d’apprendre
qu’il rêve maintenant de monter un spectacle « autour du langage ».
Clarisse Fabre
The Recyclers, le 6 décembre au Studio de l’Ermitage, à 20 h 30 ; 8, rue de l’Ermitage,
Paris-20e. Mo Ménilmontant. 10 ¤. Delbecq 4,
avec Michael Moore (sax alto et clarinettes),
Jean-Jacques Avenel (contrebasse) et Steve
Argüelles (batterie et électronique in situ), le
7 décembre au Studio de l’Ermitage à
20 h 30. 10 ¤.
Service public
nels de la protection de l’enfance,
qui travaillent encore trop dans
l’urgence et le curatif. (…) Il me
semble excessif de qualifier les travailleurs sociaux de « professionnels non aguerris » en matière
d’adoption.
Le rapport de la défenseure des
enfants ne pointe pas suffisamment la multitude des intervenants, la complexité des procédures, les difficultés de la coordination vécues au quotidien par les
professionnels de la protection de
l’enfance. (…) Il ne met pas plus en
évidence les insuffisances de
moyens des services sociaux scolaires de l’Etat, de la justice, de la protection judiciaire de la jeunesse,
des centres d’action médico-sociale précoce ou des services de
pédopsychiatrie.
L’amélioration du système de la
protection de l’enfance ne passe
pas par la création d’un énième
organisme indépendant qui placerait en quelque sorte « sous tutelle » les départements (…) en renforçant une suspicion que je ne peux
que qualifier de « malsaine ».
J’ai souhaité adresser à des amis
résidant dans une commune de l’agglomération avignonnaise un colis
de souvenirs ramenés d’Amérique
du Sud et destinés à leur jeune
enfant. (…)
Je me présente à l’agence postale
de mon quartier, et, à ma grande
surprise, le préposé me précise :
« Si vous voulez être sûr que votre
colis arrive à destination, il faut l’expédier en Colissimo recommandé remis
contre signature. » Pris de cours, je
donne mon accord et acquitte un
droit de 8,50 euros, soit, à peu près,
le coût des babioles que j’expédiais.
Est-il admissible d’entendre un
agent (…) remettre publiquement
en question le sérieux et la conscience professionnelle de ses collègues ?
Responsable syndical, j’ai exercé
durant quarante-deux années dans
une administration où j’ai été amené à assurer des fonctions d’encadrement. (…) Des comportements
comme celui rapporté ci-dessus
conduisent à se poser une question
qui m’est très douloureuse : « Le service public est-il encore à défendre ? »
Bernard Derosier
Michel Patin
Lille (Nord)
Avignon (Vaucluse)
LE GRAND
JURY
RTL - LE MONDE - LCI
>> DIMANCHE 5/12 À 18H30
INVITÉ VALÉRY GISCARD D’ESTAING
RUTH ELKRIEF
- PIERRE-LUC SÉGUILLON
- GÉRARD COURTOIS