TENDINITE CALCIFIANTE DES MUSCLES LONG DU

Transcription

TENDINITE CALCIFIANTE DES MUSCLES LONG DU
Rachis, ] 997, vol. 9, n° 5 pp
FAIT CLINIQUE
TENDINITE CALCIFIANTE DES MUSCLES LONG DU COU
A propos d'un cas survenu après manipulation vertébrale
ACUTE CALCIFIC RETROPHARYNGEAL
TENDINITIS
Case report after chiropracter therapy
G. NOROTTE*, JC. CHAMPEY, P. AIMARD
'Service
de chirurgie orthopédique,
C. H. G. l, place A. Muret 05000 Gap.
RESUME
SUMMARY
Les auteurs rapportent le cas d'un homme de 40 ans ,vu
aux urgences pour cervicalgie aigue et dysphagie,
aggravées par une manipulation vertébrale. La radio et
le scanner confirment rapidement le diagnostic de
tendinite calcifiante des muscles long du cou, en
montrant un épaississement de l'espace retro pharyngé
en regard de CIC2, et surtout la calcification
prévertébrale
au niveau de l'insertion du muscle.
L'évolution sera favorable en quelques jours sous antiinflammatoire. Un scanner de contrôle, réalisé à un
mois, montre la disparition de la calcification. La revue
de la littérature récente montre une prédominance
féminine de cette affection contrairement à une notion
classiquement admise (égalité entre les sexes). La rareté
de cette pathologie explique les difficultés diagnostiques
et les prises en charge parfois invasives. En pratique,
son pronostic toujours bénin ne justifie probablement
pas d'hospitalisation. Le risque de récidive semble très
rare.
Authors report the case of a 40 years old man suffering of
acute cervicalgia and dysphagia, worsening after
chiropracter therapy. X rayon profile view noted swelling
of soft tissue in front of C1C2. Computed tomography,
show prevertebral calcification localized to the insertion
of an edematous tendon of longus colli muscle. The
diagnosis of acute calcifie retropharyngeal tendinitis was
done,antiinflammatory drug is ordered, and good pain
relief is obtained in few days. This uncommon disease
explain difficulties encountered in litterature concerning
diagnosis or treatment. Healing occurs in less than two
weeks and recurrence seems very rare.
Mots clés: Tendinite calcifiante des muscles long du cou.
Keys words : Acute tendinitis of the longus colli muscle.
237
G. NOROTTE,
JC. CHAMPEY,
P. AIMARD
Signalé pour la première fois (10) en 1964, la tendinite calcifiante des muscles long du cou est une affection rare, liées à
la présence de cristaux d'hydroxyapatite
au niveau de
l'insertion de ce muscle en CIC2. Sa symptomatologie,
parfois bruyante, peut poser un réel problème diagnostique
dans le cadre de "l'urgence". Aussi, le cas que nous rapportons sera surtout l'occasion de faire le point sur cette pathologie bénigne au vu des données de la littérature .
DESCRIPTION DU CAS
M. MAR ... , 40 ans, est admis aux urgences pour cervicalgie
aigue, irradiant à l'occiput et évoluant depuis deux jours.
Celle ci s'est aggravée après une manipulation vertébrale
cervicale et s'associe à une dysphagie sévère. L'examen
clinique retrouve une raideur cervicale globale, avec
contracture des muscles du cou limitant toute mobilité. Il
existe une odynophagie. On ne note aucun antécédent ORL,
ni syndrome infectieux, ou altération de l'état général.
L'examen neurologique est normal.
Les radios du rachis cervical (figure 1) montrent l'absence
de lésion ostéoarticulaire
ou discale et de calcifications
paravertébrales évidentes. On note par contre un élargissement des parties molles rétropharyngées en avant de CIC2.
Compte tenu du caractère" post-traumatique" (manipulation vertébrale) de la cervicalgie, le scanner (coupes axiales
de 1 mm sur la charnière CIC2 après injection) est réalisé
en urgence (figure 2). Il montre une formation osseuse en
bouton de chemise en avant de l'apophyse odontoïde et
située dans le muscle long du cou à gauche, d'environ 10
mm de diamètre, s'accompagnant d'un épaississement des
parties molles qui refoule l'œsophage et qui s'étend sur 20
mm de hauteur.
Figure 1:
Epaississement
Le diagnostic de tendinite calcifiante des muscles long du
cou ainsi porté, aucun autre examen biologique ou radiologique ne sera effectué. Un traitement anti-inflammatoire est
institué. Il sera suivi en 5 jours d'une disparition complète
des signes cliniques. Le scanner de controle 1 mois plus
tard (figure 3) montrera une disparition quasi complète de
la calcification des muscles long du cou. Les parties molles
ont une épaisseur normale. Aucune récidive n'est observée
à 6 mois.
de l'espace retropharyngé
en regard de CIC2 isolé.
vations: 3 cas (6), 5 cas (2,17), 6 cas (1), 7 cas (5). Malgré l' origine diverse de ces travaux (radiologues, rhumatologues,
orthopédistes,
otorhinolaryngologistes),
les principaux
aspects cliniques de cette affection sont univoques:
Le tableau clinique complet s'installe en 2 à 8 jours. Son
intensité variable amène toutefois les patients à consulter en
"urgence" le plus souvent.
La fourchette d'âge de 30 à 60 ans (extrêmes de 21 à 81 ans
(13»
regroupe la plupart des cas. Il n'y a pour Kaplan pas de
prédominance de sexe, pourtant cette revue de la littérature
récente (sur 38 cas) montre une nette prédominance féminine
(2/3 des cas) .
Lorsque le tableau clinique est complet, il associe:
- Une cervicalgie
qui est constante
mais d'il1tensité
variable. Bile irradie parfois vers l'occiput (16,17,18) ou peut
prédominer d'un coté (11,15).
- Elle s'accompagne d'une raideur rachidienne, limitant
tout ou partie des secteurs de mobilités, réalisant un torticolis hyperalgique. Des points douloureux retromandibulaires
DISCUSSION
En 1984, Kaplan (13) rapporte 5 observations et les compare
à 24 cas détaillés qu'il a retrouvé dans la littérature. Les
plus récents articles présentent le plus souvent des "cas
unique" (3,4,7,8,9,11,12.14.15,16,18,19)
ou regroupent quelques obser238
TEND[NITE
CALCIFJANTE
DES MUSCLES
LONG DU COU
et une sensibilité des muscles sternocleidomastoidiens sont
signalés (11.17).
- La dysphagie et ]' odynophagie sont le plus souvent présentes mais inconstamment rapportées (II). Lorsque]' examen ORL complet est fait (13,17), un aspect œdématié voir
érythèmateux de la paroi postérieure du pharynx, ainsi
qu'une douleur à la palpation de celui ci est parfois signalée. Il peut être normal (II).
- Une fièvre autour de 38°C accompagnée d'une élévation
de la YS avec une hyperleucocytose modérée, sont le plus
souvent retrouvées.
Figure 2:
Calcification
paramédiane
au niveau de l'insertion
La radio du rachis de profil montre toujours un épaississement des parties molles en regard de CIC2 s'étendant vers
le bas vers C4 au maximum. La calcification n'est, par
contre, pas toujours visible sur les clichés.
Le scanner est l'examen clé, car il est le seul à montrer la
calcification. Elle est soit en position médiane, ou plus souvent paramédiane sous l'arc antérieur de l'atlas en regard
de l'odontoïde. Elle s'accompagne d'un épaississement des
parties molles refoulant l'axe trachéo-œsophagien.
La RMN (5) permet de mieux voir]' extension vers le bas de
l'infiltration œdémateuses des tissus prévertébraux mais
pas d'individualiser la calcification. Elle sert à éliminer une
spondylodiciste débutante. L'injection de gadolinium entraîne un rehaussement du signal sans image d'abcès nettement individualisable.
du muscle long du cou.
Parmi les diagnostics différentiels (tumeur, infection, traumatisme), c'est celui d'abcès rétropharyngé qui est le plus
souvent évoqué (1,17), plus que celui de spondylodiscite.
Dans un contexte "post traumatique" (dont la manipulation
vertébrale), une fracture devra être éliminée. Bien qu'un
cas" post manipulation"
(14) ait été signalé,
la rapidité
d'installation de cette pathologie permet difficilement de
retenir un réel lien de causalité entre la manipulation et
]' aggravation du tableau clinique. Les signes cliniques négatifs (pas de troubles neurologiques, d'antécédents néoplasiques, ORL) prennent alors leur valeur. Le rare syndrome
de la dent couronnée pourrait être évoqué en ]' absence de
dysphagie (19). Les examens paracliniques (radio de profil
du rachis et surtout scanner en urgence) permettront d'établir rapidement le diagnostic positif. La seule image pouvant être discutée est une variante de la normale (ossicule
surnuméraire sous l'arc antérieur de l'atlas). Des biopsies
chirurgicales (afin d'éliminer une tumeur, ou un abcès) ont
été rarement rapportées (1,17) et demeurent inutiles. Elles ont
confirmés les dépots d'hydroxyapatites.
La guérison clinique est obtenue en moins de 15 jours dans tous les cas.
Le traitement anti-inflammatoire, prescrit pour soulager le
pé\tient, est efficace, mais ne semble pas raccourcir]' évolution spontanément favorable. La récidive est rarement
signalée (1,13) et reste discutable. Certains patients ont signalé
des épisodes de cervicalgies antérieures, qui ont été mis en
relation avec l'affection secondairement mais sans documentation réelle.
Figure 3:
Disparition de la calcification
1 mois après.
239
G. NOROTTE,
Je. CHAMPEY,
CONCLUSION
P. AIMARD
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Acute calcifying tendinitis of the musculus Longus colli Rofo.
Forsehritte
auf dem gebiete der rontgenstrahlen
und neuen
bildgebenden verfahren, 1991 aug, 155(2):189-90.
La tendinite calcifiante des muscles long du cou est une
affection bénigne et rare, dont le diagnostic clinique repose
sur une triade symptomatique
(raideur douloureuses du
rachis cervical, dysphagie ou odynophagie, fièvre). Son
apparition rapide et le caractère parfois bruyant du tableau
clinique amène souvent les patients à consulter en "urgence".
La rareté de cette affection explique alors les problèmes de
diagnostics différentiels ou les prises en charge thérapeutiques diverses que l'on rencontre dans la littérature. Le
diagnostic positif repose sur l'épaississement isolé des parties molles sur le clichés de profil du rachis en regard de
CIC2 et surtout le scanner qui montre la calcification.
L'évolution est favorable en moins de ] 5 jours.
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