Le combat et l`espérance: Bonus

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Le combat et l`espérance: Bonus
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Le combat et l’espérance: Bonus
Avant-propos
Ce film est né en 1973 de la rencontre amicale d’un groupe de Nîmois et de Montpelliérains
dont les noms sont au générique. Parmi nous, notre ami Pierre Vincent, passionné à l’époque de
cinéma amateur, a été sans nul doute l’instigateur de l’affaire lorsqu’il m’a sollicité pour traiter
ensemble des sujets taurins à définir. Un premier essai tourné en super-8 en 1971 sur le retour de
Luis-Miguel Dominguin aux arènes cette année-là nous avait valu le "Prix de la ville de
Montpellier" à l’édition de 1972 du « Festival International du Film Taurin Amateur », une
manifestation importante et assez prestigieuse de l’intersaison taurine régionale organisée à l’époque
par le club La Montera de Montpellier.
Stimulés par ce succès, nous avons choisi pour l’édition suivante un sujet d’actualité dont je
revendique personnellement la proposition: l’aventure des toreros français, dont nous pensions qu’il
était légitime de la soutenir..
Après contact pris avec les toreros d’alors et le courant de sympathie étant passé entre nous
tous ― encouragés par ailleurs par le cinéaste d’origine gardoise Jean Malige, nous nous sommes
confrontés avec un brin d’anxiété au format 16 mm dans notre chasse aux images tout au long de la
saison 1972. En octobre nous avons entrepris le montage au Studio Auditorium du Languedoc, à
Clapiers près de Montpellier. En mars 1973 nous obtenions la "Montera d’Or", récompense suprême
du festival montpelliérain et de surcroît le "Prix de l’Association des Critiques Taurins de France".
Au nom de tous mes amis de l’équipe du film, qu’il me soit permis ici de saluer la mémoire
de Jean Malige, décédé en 1998, technicien, créateur et remarquable pédagogue, qui a mis
bénévolement ses installations à notre disposition et nous a fait bénéficier de ses conseils éclairés. Je
veux aussi remercier publiquement Béatrice Malige-Dufrenne, qui a assuré le montage: je dis encore
une fois que, sans son talent professionnel et son investissement personnel tout au long de l’hiver
72-73, Le Combat et l’Espérance n’aurait jamais existé.
Nos remerciements vont également aux toreros acteurs et à ceux d’entre eux qui ont participé
à la création de la bande son et au choix des séquences de toreo: Simon Casas, Frédéric Pascal, le
regretté Jaquito et surtout Alain Montcouquiol qui a largement coopéré dans le long terme à la
promotion de notre travail commun.
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La chanson originale de Yves Daunès, chanteur-compositeur-interprète basé à Saint-Jean-deVédas près de Montpellier, est partie intégrante du film dont elle scande le mouvement. Elle est si
intrinsèque de l’argumentaire et de l’émotion qu’on ne sait si elle donne son titre au film ou si c’est
le film qui lui donne son titre. Nous ne saurons jamais assez gré à Yves Daunès d’avoir réussi cette
symbiose.
Enfin, et toujours au nom de tous les participants à l’aventure, j’adresse à Jacques-Alain
Raynaud et à Scope 2 toute notre gratitude pour avoir accepté pour la deuxième fois en dix ans la
production et la mise en place de la distribution de notre film, parallèlement à ses propres œuvres,
notamment du long-métrage « Du Rouge dans le Noir », le grand roman de la tauromachie
française.
Après la première édition en 1997 en cassette VHS, voici maintenant Le Combat et
l’Espérance en DVD, dont nous espérons tous qu’il permettra par ce moyen de diffusion
contemporain le rappel d’un moment désormais historique car fondateur de la tauromachie
d’aujourd’hui en France.
La perspective historique
La tauromachie espagnole a périodiquement suscité des vocations parmi les jeunes français
des régions taurines du sud-est et du sud-ouest. Mais le succès professionnel de deux ou trois
exceptions, du début du vingtième siècle aux années soixante avait toujours confirmé la règle
d’exclusivité des ibériques et des sud-américains dans ce domaine, confinant ainsi à l’époque nos
compatriotes toreros dans un estimable mais strict statut d’amateur.
Or, au cours de ces années soixante, pour la première fois et principalement à Nîmes, surgit
progressivement la revendication intense d’un groupe de jeunes gens passionnés et souvent
talentueux portée par deux pionniers charismatiques: Alain Montcouquiol "El Nimeño" et Bernard
Dombs "Simon Casas".
L’enjeu de l’affaire est clairement affiché: il s’agit, envers et contre tous les conservatismes
des milieux taurins français et espagnols, de créer en France des structures professionnelles et
d’apprentissage permettant à ceux qui en seront capables de se faire une place au soleil des arènes
— des structures dont les deux aînés et d’autres après eux avaient si cruellement manqué.
Le combat mené par ces iconoclastes ambitieux contre les idées reçues fait alors avancer les
choses. On commence à organiser, modestement, des courses pour les apprentis.
On voit alors éclore de jeunes talents intéressants dont les premiers en piste sont justement
les acteurs de ce film. Au sein du groupe, on assiste bientôt à la montée en puissance d’un garçon
discret mais impressionnant de force et de détermination, Christian Montcouquiol "Nimeño II", dont
on ne sait pas encore qu’il est en marche vers son destin et sa légende.
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D’autres, nombreux, suivront au fil des ans, avec des qualités certaines et des fortunes
diverses, mais eux aussi toujours en butte aux obstacles et aux difficultés de tous ordres.
Tourné en 16mm couleurs et sorti à l’issue de la saison tauromachique 1972 dont il présente
les images, Le Combat et l’Espérance, film militant, insolite, dérangeant, a fait sien le combat des
toreros français en leur donnant la parole et l’espérance d’être entendus.
Il est illustré par une chanson originale de Yves Daunès intitulée LE COMBAT ET
L’ESPERANCE: HOMMAGE AUX TOREROS FRANÇAIS, dont l’émouvante simplicité illumine
superbement le rêve et la réalité de l’aventure.
Souvent présenté au cours des années en projections publiques ou privées, il a été édité en
1997 en cassettes VHS. Il assume depuis lors son statut de document historique et a contribué sans
nul doute à fixer notre mémoire collective.
Cette nouvelle édition en DVD que nous présentons en cette année 2007, celle du trentième
anniversaire de l’alternative de "Nimeño II", permettra de rappeler aux anciens et dire aux nouvelles
générations combien il a été si longtemps si difficile aux Français de devenir torero malgré leurs
qualités devant le toro.
Aujourd’hui, quarante années d’un combat obstiné ont réalisé l’espérance : après "Nimeño",
le premier des grands, sans doute le plus grand, héros mythique brisé en vue du sommet de sa
carrière, après Richard Milian, artiste-né à la gràce andalouse contraint à devenir un belluaire de
devoir au courage indomptable, après Stéphane Fernandez Meca au métier et à la détermination sans
faille année après année, après Denis Loré, héritier de Nimeño pour la rigueur de sa muleta et la
loyauté de son épée, voici enfin acquise la confirmation au plus haut niveau international, y compris
et surtout en Espagne, de Sébastien Castella et Jean-Baptiste Jalabert "Juan Bautista". Le premier a
été le numéro 1 de la temporada 2006 et le second vient de sortir en triomphe des arènes de Madrid
le 6 octobre 2007 !
Devenus étoiles de la tauromachie contemporaine, ils savent ce qu’ils doivent à leurs
prédécesseurs en France, dont une quarantaine d’entre eux depuis les années 70 ont pris l’alternative
à des niveaux divers, tandis que d’autres sont devenus subalternes, certains de haut niveau, tels
Michel Bouix et André Floutié "Fritero", les plus anciens parmi les picadors, ou de nombreux et
souvent brillants banderilleros ; citons l’un des tout meilleurs d’entre eux, le plus médiatisé grâce à
sa carrière exceptionnelle, Jean-Marie Bourret, le petit débutant du film, qui a accompli onze saisons
dans la cuadrilla de la vedette espagnole Enrique Ponce.
N’oublions pas les toreros à cheval dont les premiers ont été Jacques Bonnier, Luc Jalabert,
Gérald Pellen et la très populaire Marie Sara. Ils ont tous alterné à l’époque avec les meilleurs
cavaliers ibériques.
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Maintenant, derrière Sébastien Castella et Jean-Baptiste Jalabert "Juan Bautista", il y a Julien
Miletto, Julien Lescarret, Mehdi Savalli et tous les novilleros qui montent.
Au même moment Denis Loré vient de se retirer, vétéran recru d’épreuves et de malchance,
sans avoir eu les occasions de la carrière qu’il aurait dû faire. Il avait pourtant lui aussi l’étoffe d’un
"torero pour Madrid". Ainsi, le 16 septembre dernier, jour de sa "despedida", il a été acclamé par sa
ville de Nîmes dans un élan de bouleversante ferveur tandis que sur la piste ovale le souvenir de
"Nimeño" flottait dans les mémoires. C’était la fin d’une époque.
Pensons alors à tous ceux qu’il est impossible de nommer ici, à tous ces français qui au long
de ces quarante années se sont mis "devant les toros" sans pouvoir aller au bout de leurs rêves, et
formons un vœu avec Alain Montcouquiol, pionnier entre les pionniers: comme il le dit en
conclusion du film Du Rouge dans le Noir de Jacques Alain Raynaud, le roman de la tauromachie
française, espérons que désormais, parmi nos jeunes compatriotes, il n’y aura plus de Mozart
assassiné.
Jacques Boyer
Automne 2007
Hommage aux disparus
"JAQUITO": UN JEUNE HOMME D’ESPRIT ET DE CŒUR
Il s’appelait Jacques Brunet, mais se faisait appeler Jaquito: "Nous, les toreros français,
expliquait-il un jour, nous essayons d’espagnoliser notre nom. Ça nous aide dans l’arène".
C’était il y a dix ans, quand il essayait, comme ses compagnons de lutte, de se faire une place au
soleil.
C’est donc ce nom de guerre rugueux et sonore comme lui qu’il avait choisi d’illustrer, d’abord
dans une aventure de "novillero" valeureux et sincère, puis après avoir reçu l’"alternative" en
Espagne, en 1976, dans une trop brève carrière de "matador de toros".
L’occasion majeure pour lui, qu’il devait d’ailleurs à un succès remarqué en octobre 77 dans sa
ville de Nîmes, aurait pu être une somptueuse "corrida de feria"de la Pentecôte nîmoise de 1978. Or
il en fut frustré de cruelle et inimaginable façon.
Ce jour-là, en effet, dans l’amphithéâtre ovale plein à craquer jusqu’en haut, un extraordinaire
lot de toros roux de "Torrestrella" à la bravoure ardente fit le triomphe du "Niño de la Capea" et la
débâcle désolante de Paco Alcalde, saisi ce jour-là d’une peur insurmontable, tandis que le
malheureux Jaquito, pour avoir eu l’orgueil insensé et admirable de ne pas lâcher sa cape accrochée
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d’entrée de jeu par la corne, chutait sur le sable où le toro sur son retour le blessait gravement à la
jambe: tout était fini pour lui avant d’avoir seulement commencé.
"C’est comme si je m’étais cassé la jambe dans l’escalier"disait-il le lendemain à ses amis
venus le saluer dans sa chambre d’hôpital et navrés de le voir payer si cher un instant d’imprudente
fierté. Mais sous sa gouaille habituelle et souriante, ne pensait-il pas, au fond de lui, aux grands
toros clairs d’Alvaro Domecq qui lui était destinés et que d’autres que lui avaient toréés? Quel était
le secret de son rêve brisé?
Après ce drame personnel, il était revenu aux arènes et notamment à Nîmes cueillir quelques
jolis succès lors de journées de plus modeste renommée, puis il avait renoncé à l’épée pour devenir
banderillero: un autre métier de toros à apprendre après celui de matador et de moindre prestige,
mais toujours devant les toros. Qui dira l’insondable de l’âme humaine, l’exaltation des espoirs de
jeunesse et, vers l’âge mûr, le déchirement désespéré des renoncements? « Toreros, quel est votre
mystère? », chante Yves Daunès dans Le Combat et l’Espérance.
Il formait avec Frédéric Pascal ce qu’on peut appeler la deuxième génération des toreros
français, apparue à l’orée de la décennie soixante-dix après celle d’Alain El Nimeño et Simon Casas
vers la fin des années soixante. Il n’était plus un enfant lorsqu’il commença à vivre sa passion
taurine, une passion à la hauteur de son personnage peu commun. Il savait déjà analyser lucidement
l’infinie difficulté de l’art de toréer. Toujours dans le film : "au moment du paseo, on se dit:
aujourd’hui, je vais me jouer la peau! Mais cela ne suffit pas: l’aficionado veut aussi qu’on
torée bien. Et quand on est obsédé par cette nécessité de se jouer la peau, peut-être alors qu’on
oublie de bien toréer! Et c’est quelque chose de terrible…".
Il était comme cela, sincère, carré, voire bourru. Mais il savait aussi être délicat et généreux
envers ceux qu’il appréciait. Il était toujours chaleureux et optimiste et il aimait la vie. C’était un
jeune homme d’esprit et de cœur.
Il est mort tragiquement, banalement, bêtement, comme son frère avant lui, dans un accident de
la route, lundi dernier au soir, entre Arles et Nîmes. Il avait 38 ans. Il laisse une épouse et un enfant.
Nous nous étions rencontrés ce lundi-là devant les arènes d’Arles, quelques minutes avant la
corrida à laquelle il allait assister en spectateur après sa participation à celle de la veille dans la
"cuadrilla" du matador arlésien Curro Caro. Avec les plaisanteries qu’il aimait et des gestes de
sympathie cordiale, nous avions parlé du temps qui passe et des enfants qui grandissent et de la vie
qui va.
Nous étions quatre à rire ensemble ― quatre tous différents d’âge, de passé, d’expériences et
d’incertitudes. Le soleil éclatant de ce lundi de Pâques nous inondait d’une chaleur bienfaisante et
exaltait de sa lumière intense le visage hâlé de Jacques Brunet, la vivacité joyeuse de son regard.
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Lequel d’entre nous aurait pu imaginer qu’il vivait là son dernier jour et que dans l’ombre de la
nuit prochaine était inscrite l’heure de sa mort ?
Jacques Boyer
La Marseillaise, lundi 16 avril 1982
NIMEÑO POUR L’HISTOIRE
L’inoubliable corrida des Guardiola à Nîmes le 10 mai 1989 fut le jour le plus glorieux de la
carrière de Nimeño dans sa ville. Laissé seul en piste lors de ce mano a mano par la blessure
d’entrée de jeu de Victor Mendes, devant six toros de feu et d’enfer et dans les bourrasques d’un
mistral fou, il imposa définitivement non seulement son courage au-delà de l’imaginable, mais
encore la lucidité, la technique, les recours du professionnel accompli qu’il était depuis longtemps. Il
fit taire cet après-midi-là les derniers détracteurs qui dans le milieu taurin local et régional
cherchaient encore à le critiquer de façon souvent stupide et quelquefois ignoble. Le public, lui,
l’admirait et l’aimait depuis ses débuts.
Il faut rappeler en effet que ce matador de toros français, pionnier à son époque et à son niveau,
n’a pas toujours eu le parcours facile. Quel combat ce fut pour lui, passées l’euphorie de l’alternative
et la nouveauté médiatique, de s’imposer dans la durée notamment en Espagne où le mundillo ne le
laissa jamais faire ses preuves, surtout en Andalousie. Entre ignorance et ostracisme, malchance et
occasions manquées, blessures et contretemps, scepticisme et mise à l’écart, rien ne lui fut épargné.
Alors que patiemment, courageusement, obstinément, il cherchait sans cesse à approfondir son
métier, à affermir et affirmer son professionnalisme dans l’épanouissement d’un incontestable talent
et l’exemple permanent qu’il donnait de la loyauté de son engagement devant le toro. Seule
l’Amérique lui a rendu justice en l’accueillant et le traitant à sa juste valeur.
On aurait tendance à oublier tout cela de nos jours alors que, après sa disparition tragique,
l’unanimisme autour de son nom et l’évocation de ses exploits exalte son souvenir et, au fil des
années, façonne sa légende.
Il s’était fait jadis à lui-même le pari d’être un jour le meilleur: à la fin de l’été 1989, il voyait le
sommet devant lui, à sa portée. La corne trop longue de Pañolero a brisé son rêve avec son corps. On
sait la suite et la fin. Aucun de ceux qui l’ont connu ne s’en consolera.
Avant qu’on ferme son cercueil, Federico, son valet d’épée, l’a revêtu pour la dernière fois de la
chaquetilla du costume ciel et or. La cérémonie funèbre à la cathédrale Saint-Castor de Nîmes
rassembla une foule immense d’amis et d’admirateurs connus et inconnus. Ils étaient venus de
partout, certains du fin fond du sud-ouest qui firent ainsi mille kilomètres. La plupart des gens ne
purent accéder à la cathédrale et restèrent bloqués au coude à coude dans les rues du centre ville
avant de repartir le cœur serré.
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Lorsque le cercueil sortit sur la place après l’office, une extraordinaire ovation s’éleva,
poignante, faite de chagrin, mais aussi d’admiration et de fierté, en un moment de ferveur collective
rarement vécu par une ville.
Christian repose au cimetière Saint-Baudile de Nîmes — Nîmes qui n’est pas sa ville natale à
cause des hasards des résidences familiales, mais qui est tellement sa vraie ville, celle de son
enfance, celle de sa courte vie dans l’accomplissement qu’il avait choisi jadis de lui-même.
Une place lui a été faite au cœur du vieux cimetière, près de la chapelle, à côté de pierres
centenaires où le temps a quelquefois effacé les noms et les dates. La lumière intense de l’été, de la
saison des toros, tranche avec l’ombre noire du grand cyprès voisin glissant vers la fin de la matinée
sur la dalle où s’inscrit sa photo. Les plaques-souvenirs des amis proches ou lointains sont groupées
au pied de la tombe avec les fleurs souvent renouvelées. Les fleurs ont illuminé sa vie et
l’accompagnent dans la mort.
En ville, sur la place des Arènes, on peut voir souvent et pas seulement pendant les ferias, des
gerbes multicolores ou de modestes bouquets déposés discrètement dans la cape de bronze de sa
statue, témoignages émouvants d’une vraie fidélité populaire à sa mémoire. Le passant ému les
contemple puis lève les yeux vers le visage à jamais immobile dans sa sérénité attentive. La montera
se détache sur la symphonie architecturale au fond de la place: il entend alors, comme s’il y était
encore, s’élever de la double rangée des arches obscures des clameurs qui se sont tues depuis
longtemps, depuis que Nimeño radieux parcourait la piste ovale les bras chargés de fleurs.
Lorsque l’été revient sur la baie d’Aigues-Mortes, surgissent les souvenirs des années soixantedix à leur début, quand des adolescentes enthousiastes se glissaient au soir tombant dans les
plantations municipales pour y cueillir des brassées de lauriers-roses qu’elles allaient lancer tout à
l’heure, dans les arènes du Grau-du-Roi ou de Palavas, pendant son tour d’honneur, à un novillero
dont le sourire d’enfant sage nimbait d’innocence et d’émotion le talent naissant et la détermination
absolue dont il faisait déjà preuve.
Nous ne ferons jamais notre deuil du sort qui l’a privé d’aller au bout de son chemin.
Aujourd’hui, sa mémoire est inscrite au firmament des mythes fondateurs de notre identité taurine
régionale.
Au-delà de son destin d’homme, de sa vie et de sa mort, il est désormais — inoubliable —
Nimeño pour l’Histoire
Jacques Boyer
Revue Plaza Nîmes, numéro spécial mai 2007
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Photo-souvenir
La photographie (œuvre du photographe taurin nîmois Christian Mouraret) qui illustre le
recto de la jaquette rappelle un moment important dans l’histoire des toreros français. Elle
représente en effet, avant le paseo, les six acteurs, tous nîmois, de la première novillada avec
picadors exclusivement française, puisque les toros-novillos provenaient de chez Yonnet et
Pourquier, deux des "ganaderias" les plus anciennes et les plus réputées de bétail de sang espagnol
né et élevé en France (en Camargue et aux alentours).
Cette novillada a été célébrée le dimanche 28 mai 1972 dans les arènes de Lunel et fait
l’objet de plusieurs séquences du film.
On reconnaît de droite à gauche sur le cliché:
Alain Montcouquiol "El Nimeño" (né en 1945)
Frédéric Pascal (né en 1948)
Lucien Orlewski "Chinito" (né en 1953)
Chistian Montcouquiol "Nimeño II" (1954-1991)
Jacques Brunet "Jaquito" (1944-1982)
Bernard Dombs "Simon Casas"(né en 1947)
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Ce film est dédié aux toreros français, à ceux d’hier qui ont mené le combat, à ceux
d’aujourd’hui qui ont conquis leur place, à ceux de demain qui devront défendre notre antique
culture taurine.
Il est également dédié à la foule anonyme des aficionados, au sensible et chaleureux public
de nos arènes qui a compris depuis longtemps, et quelquefois plus vite que certains "connaisseurs" et
autres "notables" du mundillo que, comme le disait déjà Luis-Miguel Dominguin dès les années
cinquante, la France serait, elle aussi, l’avenir de la corrida: c’est désormais évident dans nos régions
de tradition et de culture taurines autochtones du Midi et du Sud-Ouest.
A ceux qui n’ont jamais ricané, jamais répété bêtement "qu’il fallait être espagnol" — à tous
ceux qui ont encouragé nos toreros, les ont aidés, ont partagé leur espérance.
A tous ceux qui les ont aimés.
Jacques Boyer
Automne 2007

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