Dominique Gombert : une « negrita » amoureuse du bel afro

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Dominique Gombert : une « negrita » amoureuse du bel afro
Dominique Gombert : une « negrita » amoureuse du bel afro-cubain
J'ai rencontré « Negrita » - c'est ainsi que les cubains ont surnommé Domique Gombert en reconnaissance de son
intérêt pour leur culture - au stage d'été de Novalaise, dont elle est l'une des deux fondatrices avec Catherine
Pluzanski. Cela fait près de 20 ans maintenant qu'elle travaille à la diffusion de la culture afro-cubaine en France, à travers
d'organisation de stages et de spectacles. Entre deux cours de Rumba et de Rueda, je lui ai posé quelques questions
sur son parcours.Comment est né ton intérêt pour l'afro-cubain ?Je voudrais d'abord préciser que le mot « afro-cubain »
n'a pas la même signification ici et à Cuba. Ici, on pense que c'est tout ce qui vient de Cuba. A Cuba, on appelle « afrocubain » ce qui été apporté dans l'île par les esclaves noirs. Selon cette définition stricte, la Rumba, par exemple, ne
serait pas afro-cubaine car elle est née à Cuba. A Cuba, on distingue cinq folklores afro-cubains : le Yoruba (divinités
Orishas) ; l'Arara ; le Congo ; l'Abakua ; et l'Afro-cubano-haïtien (Tumba francese). Par contre, la Contredanse, le Danzon,
le Mambo, le Son et sa variante la Guarija, etc. sont classés dans la catégorie dite du "populaire cubain". Les complexes
de la rumba et des danses campesinas comme le Zapateo (d'origine essentiellement espagnole) constituent deux
groupes à part. Mon intérêt pour la culture afro-cubaine est né un peu par hasard. Au départ, j'étais professeur
d'éducation physique, option danse. J'ai pratiqué de nombreux styles de danse. J'ai fait du Modern Jazz, du folklore, et
beaucoup de danses brésiliennes comme la Samba. En 1993, je voulais partir au Brésil pour faire un stage, mais celuici a été annulé. Comme il restait aux mêmes dates des places disponibles pour Cuba, j'y suis partie avec l'association
Ritmacuba. Là-bas, j'ai fait la découverte d'un nouveau monde culturel, et j'ai dit : « C'est cela qui m'intéresse ». Et,
depuis, j'y suis retournée plus de 25 fois.Dès mon arrivée à Santiago, je me suis sentie comme si j'étais chez moi. J'ai
vécu là-bas de très nombreux moments magiques de partage et d'amitié. Par exemple, je me souviens m'être retrouvée
dans la rue, assise sur le trottoir, avec des chanteurs qui ont passé leur temps à me chanter des boléros a capella. J'ai
toujours été bien acceptée, car les gens étaient reconnaissants de l'intérêt que je portais à leur culture. Ces bons
souvenirs sont presque toujours liés à des moments improvisés, inattendus. Il y a 6 ou 7 ans, j'avais organisé des stages
à Cuba avec le ballet folklorique de Camaguey. A la fin du stage, les français ont voulu remercier les intervenants cubains
en leur chantant des chansons françaises. Et les cubains, très touchés, ont eux aussi chanté leurs chansons en
échange, sans instruments de musique. Tout cela a été improvisé en tapant dans les mains, dans les rues, à trois
heures du matin. Avec rien, on avait fait quelque chose de merveilleux. Comment ton activité s'est-elle ensuite
développée ?J'ai commencé par monter une première association, Ahi Na Ma, vers le milieu des années 1990. J'ai
aussi rencontré des musiciens français passionnés de musique cubaine et on a monté ensemble quelques stages de
danse et de musique Yoruba à Montpellier et à Martigues. Ensuite, nous avons monté un spectacle pour enfant, « Cœur
d'Afrique », associant musiques et danses africaines et afro-cubaines. Puis j'ai commencé à enseigner l'afro-cubain et la
Salsa. J'habitais alors en corse, mais je venais sur le continent deux fois par mois pour donner des cours et des stages.
J'ai aussi été à l'origine de quelques festivals dédiés à la culture cubaine. En 2000, j'ai créé le site web
www.afrocubadanse.com, où je présente les différentes danses populaires cubaines et afro-cubaines. Puis je me suis
mariée avec un artiste cubain et je suis revenue dans le village de mes parents à Fonvieilles, à côté d'Arles, où j'ai créé
l'association Oddara. Et j'anime actuellement des cours réguliers dans la région d'Arles. Quels sont tes meilleurs
souvenirs ?A Camaguey, j'ai découvert il y a quelques années la compagnie Arlequin, née d'un projet social pour les
enfants délaissés ou à problèmes, que l'on cherche à aider par la danse. Ils ont entre 5 et 15 ans et ils s'entraînent tous les
jours. Ils font des spectacles de grande qualité technique et théâtrale. J'ai été très émue par leur travail, et je n'étais
pas la seule : j'ai emmené à plusieurs reprises des stagiaires voir leur spectacle, et, à chaque fois, plusieurs d'entre eux
pleuraient à la fin. D'autres souvenirs sont liés à mes rencontres avec des artistes, et notamment avec le groupe Sierra
Maestra, qui a été un peu comme ma famille à la Havane. J'ai pu aussi rencontrer Ibrahim Ferrer chez qui j'ai passé un
matin de Noël en famille à boire du rhum, bien avant la sortie du film Buena Vista Social Club. J'ai aussi rencontré Lazaro
Ros, qui était venu participer au premier festival Olorun de Camaguey. Bien que déjà très fatigué - il mort un an plus tard
-, il était venu chanter avec le ballet folklorique de Camaguey. Il a aussi chanté a capella très simplement pour
l'inauguration d'une exposition d'arts plastiques que faisait mon mari. Je garde également en mémoire le souvenir d'une
rencontre avec Natalia Bolivar, un grand écrivain cubain qui a écrit l'appel des Orishas. Elle nous avait très simplement
invités chez elle à manger, et nous avons eu pendant toute une soirée des conversations passionnantes sur différents
aspects de la culture cubaine. Quel est actuellement l'écho de la culture afro-cubaine en France ? Je pense que son
audience progresse, mais très doucement. Evidemment, plus il y a d'associations de Salsa, plus les chances
augmentent qu'on parle de culture cubaine et d'afro-cubain. Il y a dans le milieu de la Salsa pas mal de gens qui veulent
aller vers la Rumba ou le Son. Mais les responsables d'associations n'ont pas toujours l'information nécessaire et ne
font pas systématiquement le lien entre la Salsa et la culture populaire. Quels sont tes conseils pour réussir un voyage à
Cuba ?Si l'on n'est jamais allé à Cuba, il vaut mieux partir avec une association, se renseigner soigneusement depuis la
France auprès de gens qui y sont déjà allés, et faire le tri en fonction de ce que l'on cherche. Si l'on s'est fixé un objectif
précis, par exemple de découvrir le folklore populaire, cela facilitera le contact avec les artistes qui seront sensibles à
votre démarche et vous ouvriront leur porte et celles de leurs amis. Par contre, il vaut mieux se méfier des personnes
qui vous abordent dans la rue : ce sont en général des professionnels de l'attrape-touriste. Les gens partent avec des
images toutes faites, par exemple avec l'idée que les cubains font la fête tous les soirs. Mais c'est faux. Parfois même,
l'espace n'existe pas pour cela, car il est accaparé par les touristes. J'ai constaté cette évolution au cours des années
récentes. Les touristes venaient dans les Casas de la Trova pour écouter de la musique, mais ils étaient demandeurs
d'un répertoire stéréotypé. Puis les Casas de la Musica sont devenues payantes en devises, et les cubains ne
pouvaient plus rentrer s'ils n'étaient pas invités par les touristes. Maintenant, ce sont les Casas de la Trova qui risquent
de disparaître car il n'y plus d'argent pour payer les orchestres. Au carnaval de Camaguey, cette année, il n'y avait plus
qu'un orchestre. L'essentiel de la musique était du reggaeton enregistré passé par un DJ. Quels sont tes
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projets ? Continuer le travail que je fais avec mon association, faire connaitre l'afro-cubain et la Rumba, organiser des
manifestations - festivals ou conférences - autour de la culture cubaine, faire venir des artistes de là-bas. Bref, créer une
dynamique. Mon site www.afrocubadanse.com est en cours de renouvellement et devrait être en ligne avec beaucoup
plus de contenu. Je suis également en train de mettre en place un travail approfondi sur l'afro-cubain pour la stage de
Novalaise de l'été 2011 (voir http://www.oddara-cuba.com/content/view/255/87/)Propos recueillis par Fabrice Hatem
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