Les emblèmes - Droit international humanitaire - Croix

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Les emblèmes - Droit international humanitaire - Croix
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DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
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des emblèmes ont ainsi de nouveau eu lieu lors de la Conférence diplomatique de 1949 devant
aboutir à l’adoption des quatre Conventions de Genève actuelles. Les États ont finalement décidé
de maintenir les trois emblèmes existants reconnus depuis 1929 (Art. 38 de la CG I).
FICHE 2.3.3 LES EMBLEMES
1. Les emblèmes : un besoin d’universalité
Les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge sur fond blanc sont utilisés depuis le XIXe
siècle comme symboles universels du secours aux victimes des conflits armés et des catastrophes
naturelles. Ils apportent une protection aux services de santé des armées ainsi qu’aux travailleurs
humanitaires en période de conflit armé. En outre, dans chaque pays, les emblèmes sont également
utilisés, à des fins d’identification, par les Sociétés nationales du Mouvement de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge.
Depuis le 14 janvier 2007, date d’entrée en vigueur du Troisième Protocole additionnel aux
Conventions de Genève (signé le 8 décembre 2005), relatif à l’adoption d’un signe distinctif
additionnel, trois emblèmes sont reconnus par le DIH et utilisés au sein du Mouvement : la croix
rouge, le croissant rouge et le cristal rouge. 1
Ces emblèmes symbolisent la neutralité, l’impartialité et l’indépendance des services de secours.
Un mot d’histoire...
La résolution de faire porter par les infirmiers volontaires envoyés sur les champs de bataille, un
« brassard blanc avec une croix rouge comme signe distinctif uniforme » fut adoptée lors de la
Conférence internationale de Genève d’octobre 1863 (voir fiche 1.3 Historique du DIH / point 2).
Dans l’esprit des fondateurs du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, pour garantir
son efficacité comme signe protecteur des services de secours, l’emblème devait être unique,
universel, facilement reconnaissable et connu de tous. La croix rouge répondait à ces finalités. Cet
emblème a été par la suite intégré dans la Convention de Genève de 1864 pour l’amélioration du
sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne. Ce n’est que lors de l’adoption
de la nouvelle convention pour l’amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en
campagne, le 6 juillet 1906, qu’une explication plus officielle a été donnée a posteriori sur le choix
de cet emblème : « Par hommage pour la Suisse, le signe héraldique de la croix rouge sur fond
blanc, formé par interversion des couleurs fédérales, est maintenu comme emblème et signe
distinctif du service sanitaire des armées. » Cette explication a été reprise dans la CG I de 1949
actuellement en vigueur (Art. 38). Il n’y avait donc dans ce choix aucune orientation religieuse.
Le débat sur les emblèmes n’était pas clôturé pour autant, Israël tentant à plusieurs reprises de
faire reconnaître le bouclier de David rouge. Le problème non résolu de l’emblème n’était pas sans
conséquences : les services sanitaires des forces armées ne pouvaient apposer un emblème qui
n’était pas prévu par les CG et la Société nationale israélienne ne pouvait être reconnue par le CICR
au sein du Mouvement, une des conditions de reconnaissance étant l’utilisation d’un emblème prévu
par les CG. (Voir fiche 6.3.3 La FICR et les Sociétés nationales / Point 2.2)
On ne pouvait toutefois accepter la reconnaissance de nouveaux emblèmes, la multiplication des
emblèmes ne pouvant que nuire à leur effet protecteur. Il fallait dès lors trouver un symbole
complètement dégagé de toute connotation religieuse. Ce n’est que le 8 décembre 2005 avec
l’adoption du Troisième Protocole additionnel aux CG, qu’une solution globale et durable face à la
prolifération des emblèmes, a été trouvée par la création d’un emblème additionnel. Ce signe
distinctif additionnel « est composé d’un cadre rouge, ayant la forme d’un carré posé sur la pointe,
sur fond blanc » (PA III, art.2, §2).
Ce nouvel emblème permet aux Sociétés nationales (SN) en attente d’être reconnues, et pour
lesquelles l’usage des emblèmes préexistants est problématique, d’adhérer au Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En juin 2006, la XXIXème Conférence
internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a adopté la dénomination de «cristal rouge»
pour cet emblème additionnel et a modifié les Statuts du Mouvement afin de l’intégrer dans les
conditions de reconnaissance des SN (Art. 4.5 révisé). En optant pour le cristal rouge comme
emblème protecteur, la Société nationale israélienne a ainsi pu être juridiquement reconnue par le
CICR et admise au sein de la FICR. (Notons qu’en vertu de l’article 3 §1 et §2 du PA III, la Société
nationale israélienne peut encore utiliser le bouclier de David rouge à titre indicatif et sous
certaines conditions).
Le cristal rouge ne remplace toutefois pas la croix ni le croissant rouges qui restent effectifs pour
les États et les SN qui les ont utilisés jusqu’ici. Les Etats et les SN peuvent en effet choisir de
conserver l’emblème qu’ils utilisaient jusque-là ou d’adopter le nouvel emblème. Il est également
possible aux Etats d’utiliser à titre temporaire, le cristal rouge, pour renforcer la protection des
services sanitaires ou du personnel religieux de leurs forces armées. Les SN peuvent aussi utiliser
temporairement cet emblème pour faciliter leur travail, en conformité avec leur législation
nationale et dans des circonstances exceptionnelles (PA III, art. 2, §4 et 3, §3).
Le cristal rouge est soumis aux mêmes conditions d’utilisation et de respect des emblèmes existants
et est protégé par les mêmes dispositions de prévention et de répression des usages abusifs (PA III,
art. 2 §3 et 6).
Toutefois, très vite des voix se sont élevées contre ce symbole que l’on ne pouvait totalement
dégager de la religion chrétienne et de la culture occidentale. En 1876, lors de la guerre d’Orient
entre la Russie et l’Empire ottoman, les autorités ottomanes estimèrent que le symbole de la croix
était offensant pour les soldats musulmans. Le CICR accepta, dans l’intérêt des victimes,
l’utilisation du croissant rouge pour identifier les services sanitaires ottomans.
Après la Première Guerre mondiale, à la demande de la Turquie, de la Perse et de l’Égypte, les
Conventions de Genève de 1929 reconnaissent deux nouveaux emblèmes à côté de la croix rouge :
le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge2.
2. Les usages de l’emblème
Il restait toutefois des pays qui ne pouvaient adhérer à aucun de ces symboles (Ex. : Israël qui
utilisait le bouclier de David rouge, le « Magen David Adom »). Des discussions sur la reconnaissance
Sont habilités à faire usage de l’emblème à titre protecteur, en situation de conflit armé :
•
les services sanitaires et religieux des forces armées et des groupes armés organisés;
•
les services sanitaires des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dûment
reconnus et autorisés par les États à assister les services sanitaires des forces armées;
•
les hôpitaux civils reconnus par les autorités de l’État et autorisés à utiliser l’emblème;
•
les unités et moyens de transport sanitaires civils reconnus et autorisés par les autorités de
l’État;
1
2
Aujourd’hui, plus de 150 Sociétés nationales utilisent la croix rouge et plus de 30 le croissant rouge.
L’emblème du lion-et-soleil rouge n’a été utilisé que par l’Iran. En 1980, l’Iran a déclaré qu’elle utiliserait
désormais comme symbole distinctif le croissant rouge, tout en se réservant le droit de retourner au lionet-soleil rouge si de nouveaux emblèmes étaient reconnus.
Les CG distinguent l’usage protecteur de l’emblème de l’usage indicatif (CG I, art. 44).
2.1.
Usage protecteur (CG 1, art. 39 à 44 ; CG II, art. 41 à 44 ; CG IV, art. 18)
En situation de conflit armé, l'emblème est principalement utilisé à titre protecteur et sera «aussi
grand que le justifient les circonstances » (Règlement sur l'usage de l'emblème de la croix rouge ou
du croissant rouge par les Sociétés nationales, 1991, art. 6). Il est la manifestation visible de la
protection accordée par les CG au personnel de secours et à ses biens en cas de conflit armé. Ce
n’est en effet pas l’emblème mais bien les textes qui fondent la protection et c’est d’ailleurs à ce
titre que les services de secours mal signalés doivent également être respectés.
-1Dossier thématique - Protection des personnes / Personnel et unités sanitaires / Les emblèmes - V 30.09.2014
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les autres sociétés de secours volontaires (autres que les SN de la Croix- Rouge et du CroissantRouge) reconnues et autorisées à assister les forces armées des États.
•
Lorsqu’il est utilisé à titre protecteur l’emblème doit être de grande taille et être visible de loin.
(Ex.: grande croix sur le toit d’un hôpital visible d’avion ou dossard d’un personnel soignant).
2.2. Usage indicatif (CG I, art.44)
En temps de paix comme en temps de conflit armé, l’emblème est également utilisé pour indiquer
le lien qui existe entre une personne, ou un bien, et le Mouvement.
Afin d’éviter toute confusion avec celui utilisé à titre protecteur, l’emblème utilisé à titre indicatif
sera de dimension relativement réduite par rapport au bien ou à la personne qui le porte,
habituellement accompagné d’informations complémentaires (comme les initiales de la Société
nationale concernée), et ne pourra être apposé ni sur un brassard ni sur une toiture3.
Sont habilités à utiliser l’emblème à titre indicatif :
•
les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
•
la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et
•
le CICR.
En temps de paix, à titre exceptionnel et avec l'autorisation expresse de la SN, les ambulances et
postes de premiers secours ayant pour tâche exclusive de soigner gratuitement les blessés et
malades peuvent également faire usage de l’emblème à titre indicatif, conformément à la
législation nationale.
En situation de troubles intérieurs, de tensions internes mais aussi de catastrophes naturelles, les
membres des SN ont souhaité arborer des signes indicatifs de grandes dimensions, et ce afin d’être
rapidement identifiés. Les CG et leurs Protocoles additionnels ne s’opposent pas à un tel procédé à
condition qu’il soit conforme à la législation nationale. Cependant dans ces situations les porteurs
du signe distinctif ne bénéficient pas pour autant de la protection conférée par le DIH, celui-ci ne
s'appliquant qu'en cas de conflit armé.
2.3
Les usages abusifs
L’emblème est protégé, et ce dès le temps de paix. Sa libre utilisation entamerait sévèrement sa
valeur, seule défense des secours sur le terrain. Il est dès lors primordial de réprimer les usages
abusifs que sont les imitations, les usurpations et les actes de perfidie. Ces derniers constituent par
ailleurs des violations graves du DIH ou des crimes de guerre s’ils sont commis intentionnellement et
causent la mort ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé (blessures graves) (PA I,
art. 85, §3, f; Statut de la CPI, art. 8, §2, b, vii et e, ix).
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de l'article 38
CG I, article 54 :
Les Hautes Parties contractantes, dont la législation ne serait pas dès à présent suffisante,
prendront les mesures nécessaires pour empêcher et réprimer en tout temps les abus visés à
l'article 53.
PA III, article 6 :
1. Les dispositions des Conventions de Genève et, le cas échéant, des Protocoles additionnels de
1977 qui régissent la prévention et la répression des usages abusifs des signes distinctifs
s'appliqueront de façon identique à l’emblème du troisième Protocole. En particulier, les Hautes
Parties contractantes prendront les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer, en tout temps,
tout abus des signes distinctifs mentionnés dans les articles 1er et 2 et de leur dénomination, y
compris leur usage perfide et l’utilisation de tout signe ou dénomination qui en constitue une
imitation.
2. Nonobstant le paragraphe 1 du présent article, les Hautes Parties contractantes pourront
autoriser les usagers antérieurs de l’emblème du troisième Protocole, ou de tout signe qui en
constitue une imitation, à poursuivre un tel usage, pour autant que cet usage ne puisse
apparaître, en temps de conflit armé, comme visant à conférer la protection des Conventions de
Genève et, le cas échéant, des Protocoles additionnels de 1977, et pour autant que les droits
autorisant cet usage aient été acquis avant l’adoption du présent Protocole.
En application des dispositions prévues par les conventions de DIH, il existe en Belgique une loi du 4
juillet 1956 relative à la protection des dénominations, signes et emblèmes de la Croix-Rouge
(Moniteur belge, 11 juillet 1956)4. Elle prévoit ainsi des peines à l’égard de toute personne faisant
usage, en violation des conventions internationales qui en règlent l’emploi, en temps de paix et en
temps de guerre, des emblèmes ou de leurs dénominations protégés, ou d’emblèmes ou de
dénominations susceptibles d’en créer la confusion. En outre, l’article 136 quater, § 1er , 29°, du
Code pénal belge énonce parmi les actes de crimes de guerre : « le fait d'utiliser perfidement le
signe distinctif de la croix rouge ou du croissant rouge ou d'autres signes protecteurs reconnus par le
droit international humanitaire, à la condition que ce fait entraîne la mort ou des blessures graves
». Il s’agit ici d’assurer la mise en œuvre effective de l’article 85, § 3, f), du PA I et de l’article 8, §
2, b), vii), du Statut de la CPI.
Afin de prévenir ces abus, il importe, d'une part, que tous les acteurs concernés soient sensibilisés
aux enjeux du respect de l’emblème et, d'autre part, que les États incorporent dans leur législation
des mesures destinées à les réprimer, comme l’exige d’ailleurs les conventions de DIH. Il est
également important de souligner que ces conventions invitent à prévenir et réprimer non
seulement les usages abusifs des emblèmes mais également leurs dénominations.
CG I, article 53 :
L'emploi par des particuliers, sociétés ou maisons de commerce tant publiques que privées, autres
que ceux y ayant droit en vertu de la présente Convention, de l'emblème ou de la dénomination de
«croix rouge» ou de «croix de Genève», de même que de tout signe ou de toute dénomination en
constituant une imitation, sera interdit en tout temps, quel que soit le but de cet emploi et
quelle qu'ait pu être la date antérieure d'adoption.
(…)
L'interdiction établie par le premier alinéa de cet article s'applique également, sans effet sur les
droits acquis des usagers antérieurs, aux emblèmes et dénominations prévus au deuxième alinéa
3
Pour plus d’informations sur l’usage indicatif de l’emblème, voir les Commentaires de l’article 44 de la CG I,
pp. 369 et ss.,
http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Comment.xsp?viewComments=LookUpCOMART&articleUNID=48264D
BA0019977AC12563BD002BE689
-3Dossier thématique - Protection des personnes / Personnel et unités sanitaires / Les emblèmes - V 30.09.2014
4
Cette loi a été modifiée par la loi du 22 novembre 2013 (Moniteur belge, 20 décembre 2013) afin d’intégrer la protection de
l’emblème du Protocole III additionnel aux Conventions de Genève dénommé « cristal rouge ».
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