Dear America - Madagascar

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Dear America - Madagascar
Dear America
Extrait du Madagascar-Tribune.com
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Dear America
- Editorial -
Date de mise en ligne : mercredi 4 juillet 2012
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Dear America
America, je t'écris cette lettre pour te souhaiter un excellent anniversaire. À 236 ans, tu es loin d'être une vieille
dame, et c'est peut-être avec un air blasé que tu accueillera une nouvelle déclaration d'amour à ton égard. Alors je
me contenterai timidement de t'exprimer toute ma reconnaissance pour les rêves que tu nous a inspiré et que tu
continue à nous inspirer, à mes compatriotes et à moi-même.
J'aurais préféré t'écrire directement dans ta langue. Tu le mériterais bien, ne serait-ce que par réciprocité envers les
volontaires du Peace Corps qui font l'effort d'apprendre la langue malgache et de vivre au coeur de la population
locale pendant deux ans. Il n'y a guère que quelques pasteurs norvégiens et quelques prêtres italiens qui maîtrisent
mieux qu'eux la langue malgache parmi ceux que nous appelons les Vazaha. Mais dans un premier temps, je
souhaiterai que mes lecteurs habituels puissent aussi comprendre ce que je t'écris. Et je suis forcé de constater que
pour ceux là, la langue majoritairement utilisée lorsqu'il s'agit de débattre est le français. Beaucoup de mes
compatriotes (et je dois m'inclure dans le lot) sont ainsi un peu devenus Vazaha. Ce constat pourrait être un peu
triste, surtout lorsqu'il est fait le jour où un nouvel ambassadeur de France remet ses lettres de créances à un
homme accusé de se maintenir au pouvoir par la force avec l'appui de l'ancien colonisateur.
Mais là encore, ton exemple est vivifiant et inspirant : ta tradition ne consiste pas à rejeter l'étranger ou une catégorie
particulière d'étrangers. Tu es suffisamment forte pour échapper aux tentations de repli identitaire, et garde au sein
de ton coeur les vers d'Emma Lazarus qui sont gravés sur la Statue de la Liberté et qu'ont lus des générations
d'immigrants :
Give me your tired, your poor,
Your huddled masses yearning to breathe free,
The wretched refuse of your teeming shore.
Send these, the homeless, tempest-tost to me,
I lift my lamp beside the golden door !
[1]
Cette aspiration à vivre libre, tu l'as certainement comprise. Mais je constate que dans mon pays, tu es un peu
embarrassée pour la défendre. Si j'ai un conseil à te donner, ce serait malheureusement de ne pas trop t'en mêler
pour le moment. Car tu aurais beaucoup de mal à comprendre. Notre fatalisme à nous Malgaches a sans doute de
quoi t'exaspérer, mais il faut que tu essaie au moins de comprendre que c'est celui de ceux qui n'ont pour l'instant
comme perspectives que le choix entre des gris très foncés et des gris très noirs. Or, avec ton optimisme naturel, tu
as semble-t-il presque constamment besoin d'identifier un bon et un mauvais. Et cela peut te jouer de sales tours.
Je lis par exemple les rapports que ton administration consacre à mon pays. Il y en a notamment un sur les droits
humains et un autre sur le trafic de personnes. L'on y trouve des choses très intéressantes, comme ces propos qui
pointent du doigt notre ministre de la Justice :
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Public officials' complicity in human trafficking remained a significant problem. In May 2011, one French
national resident paid and procured two girls for another French national resident of Madagascar and later
sold film footage of the girls engaged in sex acts. Despite public calls for the investigation of the case,
authorities apprehended only one suspect whose current location cannot be confirmed. Credible reports
indicate that the other suspect met with the de facto Minister of Justice, who assigned police officers to guard
his residence to prevent his arrest. In remote parts of Madagascar, local authorities reportedly procured
underage girls for sexual exploitation by visiting Malagasy dignitaries. Corrupt police permitted organized child
prostitution rings to operate, particularly in Nosy Be. Local police generally remained hesitant to pursue child
sex trafficking and child sex tourism offenses because of deep-rooted corruption, pressures from the local
community, or lack of knowledge of the anti-trafficking law.
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Malgré le travail d'investigation fait, je fais pourtant désormais partie de ceux qui doutent que les représentants de
ton Congrès puissent comprendre la situation d'un pays à travers de tels rapports [2]. Le passage précédent fait
certes comprendre que Madagascar ne ressemble pas au joyeux film d'animation homonyme ; en fait, on pourrait
avoir l'impression de lire le scénario d'un film de gangsters. Sauf que dans la réalité, il y a aussi beaucoup de
passivité, de fatalisme, et - disons le tout cru - de peur du Vazaha. Et cela, c'est parfaitement inimaginable pour toi,
et c'est à nous Malgaches de résoudre ce problème.
Voilà pourquoi je t'invite à ne pas trop t'en mêler. Car mon pays, c'est comme certains statuts Facebook : it's
complicated.
[1]
Donnez-moi vos pauvres, vos exténués
Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres,
Le rebut de vos rivages surpeuplés
Envoyez-les moi, les déshérités que la tempête m'apporte,
De ma lumière, j'éclaire la porte d'or !
[2] Il serait d'ailleurs possible de s'étonner que des rapports concernant l'année 2011 s'attardent beaucoup sur l'année 2009. Mais une année
2009 qui ne commencerait qu'au mois de Mars...
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