Partir ou rester Recto Des matins pareils Ces matins où rien ne
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Partir ou rester Recto Des matins pareils Ces matins où rien ne
Partir ou rester Recto Des matins pareils Ces matins où rien ne parle Ces matins où les journées ne dessinent aucune éloquence, ces mêmes matins qui annoncent déjà la couleur du soir, de matin rempli de vide, ces matins qui me renvoi aux ailleurs, ailleurs du temps, ailleurs du lieu et ailleurs du corps. Ce sont exactement les mêmes matins qu’il ya trente ans avec les mêmes chants du coq, les mêmes gestes, les mêmes visages, les mêmes ennuis et les mêmes questions. Ce sont exactement des mêmes matins que ceux d’il ya trente ans où papa sors sa petite radio à pile, se place au coin de la parcelle, attends son café torse nu, tiens entre ses doigts son petit ballet à mouche, écoute la même fréquence avec la même attente depuis plus de trente ans. Ce sont exactement les nuits pareilles que celles d’il ya trente ans où je regardais cette même télé avec ce même présentateur du journal qui porte le même nom, garde son même accent mais plus la même tête , plus la même fierté, par contre lit avec la même éloquence l’ordonnance de nomination des nouveaux cadres, ministres et commissaires d’état avec les mêmes noms de ceux d’il ya trente ans , ceux là ce sont les mêmes de père en fils et de mère en fille . Ce sont exactement des matins pareils de ceux d’il ya trente ans où mourait papa , parti exactement comme ses collègues, avec les mêmes symptômes, les mêmes promesses non tenues, les mêmes roublardises, les mêmes détournements de salaires et fond de retraite, les mêmes crises de tension, les mêmes médicaments, les mêmes ordonnances, les mêmes factures faramineuses, les mêmes infirmiers avec les mêmes gestes de refus et de légèreté, les mêmes inattentions, les mêmes transfusions glucosées incompatibles, les mêmes réactions, les mêmes retards des urgences, les mêmes médecins et la même mort. Ce sont exactement les mêmes nuits que celles d’il ya trente ans où défilaient les mêmes rondeurs portant les mêmes couleurs avec la même extravagance buvant les mêmes bières. Ces filles et nous sommes dans ce bar pour les mêmes raisons qu’il ya trente ans. Ce sont exactement les mêmes nuits que celle d’il y a trente ans que le noir n’arrive plus à combler le vide du néant , qu’aucune parole n’atteint plus le cœur, qu’aucune lumière n’ éblouit les yeux, qu’aucun bruit n’est audible, qu’aucune mort ne suscite des larmes, qu’aucune tristesse ne se justifie, qu’aucune injustice ne trouve réparation, qu’aucune valeur ne trouve abri et qu’aucun bébé ne porte son prénom Ca fait exactement trente ans que l’existence n’offre plus à personne l’occasion d’être lâche ou héros. Verso Ca fait exactement trente ans que le froid frigorifie mes mains, que le poids amortit mon dos et que les bases besognes ramollissent mes reins au point de faire de moi un cocu Mais le mythe du paradis lui persiste depuis…. Ca fait exactement trente que je n’ai pas vu maman, trente ans qu’elle souffre de rhumatisme, et trente ans que Papa est décédé de la tension artérielle Ca fait exactement trente ans qu’il me traite en étranger malgré que nous fréquentons les mêmes magasins, lisons les mêmes journaux, prenons place à bord de mêmes bus, de mêmes trains, de mêmes trames et de mêmes métros. Mais le mythe lui continue à exciter depuis …. Ca fait exactement trente ans qu’il me dise la même phrase en hiver, avec exactement le même faux sourire « dis donc, il doit bien faire chaud chez toi, ce n’est pas pareil ici t’as vu ! Hein » Mais le désir lui continue à enflammer depuis… Ca fait exactement trente ans que je me réveille avant le levé du jour, cours dans le froid, grimpe au métro, trime au boulot et flippe au dodo Et pourtant le mythe lui continue à faire saliver depuis … Ca fait exactement trente ans que je partage ce palier avec cette dame qui hésite toujours de se retrouver avec moi dans l’ascenseur Et pourtant l’ailleurs lui continue à séduire depuis … Ca fait plus de trente ans que ca dure, que le temps me parait monotone, que le « ici » me déplait, que le « là bas » me manque, que le « comment » m’inquiète, que le pourquoi me tourmente, que le sentiment que « l’alternative pouvait être meilleur » Me ronge Et pourtant ca fait exactement trente ans que l’existence n’offre plus à personne l’occasion d’être lâche ou héros Et tous les matins c’est pareil. Papy Maurice Mbwiti France/Limoges/Sept 2011