Ni sanctuaire, ni forteresse… des travailleurs

Transcription

Ni sanctuaire, ni forteresse… des travailleurs
Journal trimestriel
réalisé par la Fédération des syndicats
Sud éducation
Numéro de CPPAP : 0408 S 06443
éducation
L’école n’est pas
une entreprise
pas
L’éducation n’est
une marchandise
Prix : 1,5 euro, Abonnements : 10 euros
Directrice de la publication
Huguette Cordelier
Imprimerie Rotographie, Montreuil
Dépôt légal en cours
numéro 16
février-mars 2006
Expression des syndicats membres de la Fédération Sud éducation
réformes pages 2-3
international pages 4-5
au karcher pages 6-7
intercatégoriel page 8
Encart jeté en aléatoire pour certains destinataires
L
’école est souvent présentée comme un
monde à part, soit une “forteresse enseignante” qu’il s’agit de stigmatiser, soit un
sanctuaire qu’il faudrait isoler des remous
extérieurs. Elle est pourtant totalement
partie prenante de la vie sociale et des rapports de
forces qui la traversent.
Là où certains ne veulent voir que “les vacances
des profs”, il y a aussi ces milliers de personnels,
Atoss, Itarf, Atsem, qui pour certains commencent
leur carrière aux alentours de 1100 euros mensuels nets pour la finir quarante ans plus tard
1300 euros à peine. Et lorsqu’une manifestation
pour les salaires dans la Fonction Publique est
organisée, le 2 février, les personnels de l’Education nationale y ont leur place légitime, leur place
nécessaire aux côtés de tous les autres travailleurs
à qui l’on propose royalement 0,5% d’augmentation quand la Bourse progresse de presque 11%
dans le même temps.
Là où certains ne veulent voir que des “fonctionnaires” bien à l’abri de leur statut, il y a la
précarité des dizaines de milliers de personnels,
enseignants comme non-enseignants, employés
pour des contrats à durée très limitée, pour des
vacations de quelques heures, et renvoyés dès
qu’on n’a plus besoin d’eux. Celles et ceux qui ont
passé une grande partie de cet hiver à camper
devant le rectorat de Créteil auraient mérité plus
que quelques soutiens ponctuels, tant ils sont
emblématiques de l’ensemble des salariés livrés
au bon vouloir patronal (que ce patron soit l’Etat
ou un entrepreneur privé).
Une campagne insistante présente depuis plusieurs années l’école comme une institution sclérosée et où tout irait mal. Méthode connue : qui
veut noyer son chien l’accuse de la rage. La faute
est imputée tantôt à l’énormité d’un mammouth
qu’il faudrait dégraisser, tantôt à l’incurie des
parents, tantôt au laxisme des enseignants, tantôt
à telle méthode de lecture… cela permet opportunément de masquer les vraies causes de la situation de l’école. Ce n’est en effet ni par incompétence ni par hasard que le ministère ampute
encore le second degré de 2083 postes cette
année, qu’une académie comme celle de Lille
perd, tous niveaux confondus, 1523 postes en
2 ans, qu’on vide la Martinique (- 180 postes en
2 ans) pour donner si peu à la Guadeloupe (+ 11
postes). C’est qu’il applique à l’école le seul véritable principe libéral, le même qui vide les régions
de leurs services publics et de leurs entreprises :
«toujours plus de profit pour toujours moins de
solidarités.» Chaque poste que nous laissons supprimer est donc une défaite pour tous.
Là où d’aucuns aimeraient ne voir que des «violences scolaires», nous qui croyons à l’éducabilité des jeunes, nous voyons que les personnels
d’éducation —Maîtres d’Internat, Surveillants
d’Externat— ont été éliminés puis remplacés par
quelques emplois précaires et enfin par… des
caméras de surveillance. à l’école comme ailleurs,
Ni sanctuaire, ni forteresse…
des travailleurs solidaires !
les politiques sécuritaires subordonnent les
besoins humains à des intérêts économiques prétendument supérieurs.
Là où d’aucuns parlent de “lutte contre l’échec
scolaire”, nous voyons qu’un gouvernement
réinvente pour les enfants des catégories populaires l’exploitation patronale dès 14 ans et le
travail de nuit à partir de 15 ans. Et nous ne
pouvons pas l’admettre.
Et quand, après avoir inventé une nouvelle
forme de précarité avec le Contrat Nouvelle
Embauche, le gouvernement impose en
urgence le Contrat Première Embauche aux
jeunes, avec ses deux années à l’essai, sa
possibilité de licenciement sans justification
et ses “allègements de charges” pour les
patrons, si nous sommes en grève et dans la
rue, ce n’est pas pour “soutenir” les étudiants ou les lycéens. Mais c’est parce que
nous savons que le gouvernement ne peut
généraliser la précarité sans aussi y préparer la jeunesse, ce qui exige de réformer le
système scolaire pour l’adapter à «la nouvelle réalité du monde du travail».
Nous refusons cette régression éducative et son
cortège de sélections précoces, de dressage disciplinaire, de contenus appauvris, de moyens
diminués et de conditions de travail toujours plus
pénibles. C’est pourquoi nous faisons nécessai-
rement partie de tous les salariés, futurs, actuels
ou anciens, qui refusent la précarité et veulent
défendre le droit du travail et le droit au travail.
Oui, décidément, nous avons toute notre place
dans les luttes aux côtés des autres travailleurs, en
particulier quand ils sont privés d’emploi ou de
papiers, et ils ont toute leur place à nos côtés.
C’est cette communauté de situation, cette solidarité de classe qui fonde notre présence au sein
de l’Union Solidaires et notre refus de l’isolement corporatiste. Si nous combattons pour une
autre école, c’est aussi parce que nous avons tous
besoin d’une autre société. Il nous appartient,
par nos luttes, en organisant la résistance, ici,
partout, maintenant, de la construire. Ensemble.
Saint-Denis, le 08 février 2006