L`Union Libérale Israélite de France 1907–2007 cent ans d`histoire(s)
Transcription
L`Union Libérale Israélite de France 1907–2007 cent ans d`histoire(s)
L’Union Libérale Israélite de France 1907 – 2007 cent ans d’histoire(s) L’Union Libérale Israélite de France 1907–2007 Cent ans d’histoire(s) Né au milieu du XIXe siècle en Allemagne, le judaïsme libéral se situe, dans le judaïsme français, non pas comme un mouvement révolutionnaire ni comme une secte dissidente mais comme une tendance religieuse du judaïsme moderne, soucieuse avant tout de redonner vie à l’esprit des grands prophètes tout en laissant à chacun la libre appréciation de la pratique des mitzvot (commandements). Il propose aux juifs de notre temps de découvrir un judaïsme qui, dans la pensée comme dans les actes, véhicule une vision dynamique de l’histoire, de la relation de l’homme à l’homme et, par elle, de l’homme à Dieu. Restant fidèle à son passé, affrontant les problèmes du présent, tourné vers l’avenir, il n’hésite pas à libérer le judaïsme de certaines pratiques devenues anachroniques pour mieux montrer que le message de la Torah, toujours d’actualité, demeure l’expression d’une exigence éthique non encore réalisée. Face à la montée d’une certaine forme de rigorisme religieux, et à l’imperméabilité aux influences extérieures d’un nombre de ses coreligionnaires, le judaïsme libéral présente une alternative. Tolérance et ouverture au monde sont les valeurs qu’il a toujours placées au cœur de ses préoccupations, sans pourtant jamais renier les principes fondamentaux de son passé ni ses traditions millénaires. Le 1er décembre 1907 dans le XVIe arrondissement de Paris la première synagogue libérale de France voit le jour, l’Union Libérale Israélite (ULI) qui deviendra l’Union Libérale Israélite de France (ULIF) en 1980. Aujourd’hui, avec environ 1 200 communautés et plus d’1,7 million adhérents à travers le monde, le judaïsme libéral représente la tendance majoritaire. Il compte une quinzaine de communautés réparties dans toute la France. ––––– « Fermement attachés aux principes fondamentaux de la religion juive, mais, en même temps, persuadés de la nécessité de mettre les formes extérieures du culte et l’esprit de l’enseignement religieux en harmonie plus complète avec les conditions de la société et de la pensée modernes, nous avons constitué l’Union Libérale Israélite. […] Nous poursuivons une œuvre, non de séparation et de bouleversement, mais de rénovation spirituelle, destinée à donner au Judaïsme un regain de vigueur et de jeunesse, à mieux accuser son caractère de doctrine toujours vivante de vérité et de vertu morale. » Le Comité de l’ULI, 1907 Les grandes dates de l’ULIF 1895 1907 1921 1922 1924 1939 1941 1946 1949 1951 1954 1955 1969 1970 1976 1977 1980 1982 1991 1992 1997 2005 2007 Création d’un groupe de réflexion sur l’introduction de réformes qui prendra le nom d’Union Libérale Israélite (ULI). Inauguration de la synagogue rue Copernic par le rabbin Louis-Germain Lévy, le dimanche 1er décembre, premier jour de Hanouka, fête des lumières. Acquisition de l’immeuble 24 rue Copernic à Paris XVIe, aujourd’hui encore siège et lieu d’accueil de la communauté de l’ULIF. Aimé Pallière devient prédicateur adjoint au rabbin. Fondation de la JLI, mouvement de la « Jeunesse Libérale Israélite ». Pendant la guerre, les ministres du culte ayant quitté Paris, l’immeuble sert de centre culturel et de bibliothèque. 3 octobre : Actes terroristes contre plusieurs synagogues parisiennes. Une bombe détruit en partie l’édifice. Décès de Louis-Germain Lévy. Le rabbin André Zaoui relance la vie intellectuelle et communautaire, et le hazan (chantre) Emile Kaçmann donne un nouveau souffle à la liturgie et à la musique synagogale. Débuts d’une communauté libérale à Nice. Lancement de la Revue de la Pensée Juive. Colette Kessler prend la direction du Talmud Torah (cours d’instruction religieuse pour les enfants). Pour la première fois, une jeune fille de treize ans célèbre seule un office de Bat-mitzvah (majorité religieuse). Inauguration du Centre Hillel au Quartier Latin, centre de réunion des étudiants juifs. Fondation de l’Institut International d’Etudes Hébraïques (IIEH), séminaire libéral de formation de rabbins francophones. Création d’une communauté libérale en banlieue parisienne, à Vigneux. Le rabbin Nissim Gabbay, premier diplômé de l’IIEH, remplace le rabbin André Zaoui parti faire son Alyah (installation en Israël). Arrivée du rabbin Daniel Farhi, diplômé de l’IIEH. Arrivée du rabbin Michael Williams, diplômé du Leo Baeck College de Londres, qui dirige encore à ce jour la communauté. Le rabbin Farhi et Colette Kessler quittent l’ULI pour créer le Mouvement Juif Libéral de France (MJLF). Liliane Rosenthal et Denise Zubicki prennent la direction du Talmud Torah. L’ULI devient l’Union Libérale Israélite de France, ULIF. 3 octobre : Attentat contre la synagogue : 4 personnes tuées et de nombreux blessés. Manifestations de soutien à l’échelle nationale et internationale. Inauguration de l’ULIF Marseille, communauté florissante et dynamique qui regroupe aujourd’hui environ 200 familles. Construction d’un Mikve (bain rituel) à la synagogue rue Copernic. Le hazan Armand Benhamou succède à Emile Kaçmann qui prend sa retraite. Ariane Bendavid prend la direction du Talmud Torah. Création d’un nouveau groupe des Eclaireurs Israélites de France au sein de l’ULIF. Ouverture de l’Ecole Juive Moderne en association avec l’ULIF, le MJLF et la communauté Massorti (traditionaliste) d’Adath Shalom. ––––– L’Allemagne : berceau du judaïsme moderne et du mouvement réformé Ed. Wayne State University Press Moïse Mendelssohn (1729–1786), chef de file de la Haskala (mouvement juif des Lumières qui préside à l’émancipation des communautés occidentales), pose les premiers jalons de ce qui deviendra le judaïsme réformé, bien qu’il soit lui-même Abraham Geiger toujours resté fidèle à la Halakha (loi juive). Traducteur de la Bible en allemand, il incite ses disciples à moderniser l’éducation religieuse et à étudier les matières profanes. Foi et Leopold Zunz Moïse Mendelssohn raison, ses maîtres mots, ouvrent la voie à la Science du judaïsme (Wissenschaft des Judentums) qui prend forme au début du XIXe siècle en Allemagne et dont Leopold Zunz (1794–1886) est l’une des figures de proue. A la même époque, des dirigeants laïcs comme Israël Jacobson (1768–1828) expriment leur volonté de moderniser le culte synagogal : liturgie allégée, introduction de l’orgue, récitation de prières en allemand et sermons porteurs d’enseignements moraux. Le rabbin, théologien et orientaliste Abraham Geiger (1810–1874) Israël Jacobson prend la tête de la Réforme et commence la mise en œuvre d’un courant libéral. En soumettant la Bible et le Talmud à une analyse critique, il cherche à démontrer que l’essentiel du judaïsme ne se situe pas dans un rituel figé mais dans l’esprit qui le soustend. Il est à l’origine des premières conférences rabbiniques qui permettent au mouvement de la Réforme d’exprimer ses idées sur la nécessaire adaptation du judaïsme à la modernité. La France intègre à la fin du XIXe siècle les principes fondamentaux de ce courant qui aboutit en 1907 à la création de la synagogue de l’Union Libérale Israélite à Paris. ––––– Hochschule für die Wissenschaft des Judentums (Université pour la Science du Judaïsme), Berlin La préhistoire du judaïsme libéral : une réforme à la française ? L’idée de moderniser le judaïsme accompagne dès le début du XIXe siècle les différentes étapes de l’entrée des juifs dans la société civile et les changements politiques et sociaux qui en sont le reflet. Issue de l’émancipation, une première génération de Juifs va penser les formes de la rencontre entre judaïsme et modernité. Un courant se forme autour de Samuel Cahen, traducteur de la Bible en français et fondateur des Archives Israélites de France. A ses côtés, Elie Halévy, Gerson-Lévy ou Albert Cohn repensent le rôle de la religion dans l’histoire. Il s’agit de pérenniser l’existence du judaïsme dans la société par le biais d’une importante réforme pédagogique permettant à la fois de lutter contre l’affaiblissement des liens communautaires et de définir à une piété morale et politique. Les origines intellectuelles : la « Science du judaïsme » Pour les érudits venus d’Allemagne en France, il s’agit, à partir des années 1840, de reformuler le visage du judaïsme en modernité et de le faire entrer à l’Université. Pour Salomon Munk, Joseph Derenbourg ou Adolphe Franck, le judaïsme apparaît comme un universalisme rationnel, inspiré de la lecture de Maïmonide. Le messianisme politique de James Salomon Munk Darmesteter achève dans les années 1890 la mue de ce judaïsme à travers la définition d’une morale universelle. Ce mouvement se prolonge dans la création de la Revue des Etudes juives en 1880 autour de personnalités comme le grand rabbin Zadoc Kahn, Théodore et Salomon Reinach ou Sylvain Lévi. Théodore Reinach La création de la première synagogue libérale en 1907 représente une rupture vis à vis de la Science du judaïsme, et dans l’esprit et dans la forme. Cette rupture trouve en partie sa source dans la transformation de la notion de religion à travers l’essor des sciences humaines, mais aussi dans la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat et dans l’avènement d’une religion de l’intériorité proche de la morale républicaine. ––––– Les Prophètes d’Israël James Darmesteter Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris La religion de l’avenir 1895–1907 Le grand rabbin Zadoc Kahn En 1895, un mouvement réformateur juif libéral embryonnaire voit le jour à Paris, protégé par le grand rabbin du Consistoire central Zadoc Kahn (1889–1905). Ce dernier accorde à ses membres un oratoire séparé dans l’enceinte de la synagogue de la rue de la Victoire et les fait participer aux « Conférences du Dimanche », une tentative discrète du grand rabbin pour ajouter un office supplémentaire un jour férié afin de permettre à ceux, nombreux à cette époque, qui travaillent le samedi de pouvoir assister aux offices, et de favoriser la fréquentation des synagogues devenue inexistante. Il fait appel pour le seconder à des rabbins de province dont le jeune réformateur Louis-Germain Lévy (1870–1946), actif au sein des Congrès des Religions et qui propose en 1904 de moderniser le judaïsme en publiant Une Religion rationnelle et laïque. La Religion du XXe siècle. ––––– Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris Invitation à l’office d’inauguration Ed. PUF Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris En 1905, après la mort du grand rabbin Zadoc Kahn, les israélites conservateurs refusent la pratique du culte réformé dans l’enceinte de la synagogue de la Victoire et l’Union Libérale Israélite se constitue alors en association cultuelle indépendante à la faveur de la Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat. Les véritables initiatrices de ce projet sont des femmes de la haute société parisienne actives au sein du groupe de réflexion libéral, Clarisse Eugène-Simon et Marguerite Brandon-Salvador, par ailleurs mécènes et philanthropes. Le 1er décembre 1907, premier jour de Hanouka, un service inaugural est célébré dans un ancien atelier de peintre rénové. La synagogue de la rue Copernic est née. Les élèves du séminaire israélite en 1891. En haut : Louis-Germain Lévy Couverture du livret de l’office d’inauguration Un judaïsme moderne 1907–1924 Le programme de l’ULI en 1907 tient en quelques points essentiels : • A l’exception du Chema et de la Amida, les prières ne sont plus récitées en hébreu mais en français. • Les offices sont de courte durée (une heure) autour d’une prédication centrale. • Un office du dimanche matin, supplémentaire à celui du Shabbat, permet à tous de fréquenter le temple. • Une solide instruction religieuse des enfants est privilégiée avant la Bar-mitzvah (majorité religieuse). • La séparation des hommes et des femmes à la synagogue est abolie. Ainsi s’ouvre une époque nouvelle pour la place des femmes dans le judaïsme. Premier livre de prières de l’ULI annoté par le rabbin Louis-Germain Lévy Fondation de la Mémoire Contemporaine, Bruxelles Le premier recueil de prières Des Ailes à la Terre est imprimé. Le Rayon, organe mensuel de l’ULI, paraît à partir de 1912. Permis de séjour de Salvador Lévi La guerre de 1914–1918 voit le rabbin partir au front comme aumônier et ambulancier. Le président, Salvador Lévi, assume l’intérim avec difficulté, supprimant l’office du samedi. A son retour du front, tout à sa volonté d’ouverture, le rabbin Louis-Germain Lévy accepte les mariages mixtes et n’exige pas la circoncision lors des conversions, ce qui fait scandale. En 1923, l’atelier de peintre ne suffit plus et l’architecte Lemarié est sollicité pour dessiner les plans de la synagogue actuelle. ––––– Plan de Lemarié, 1923 Archives Nationales Aimé Pallière (1868–1949) est invité à seconder le rabbin en tant que prédicateur adjoint. Catholique, juif de cœur mais jamais converti sur le conseil du rabbin Elie Benamozegh de Livourne, il joue le rôle de négociateur avec le Consistoire de Paris afin de trouver un accord. En 1924, tout en gardant son autonomie, « l’ULI fait désormais partie de la communauté de Paris au même titre que les autres associations cultuelles israélites n’appartenant pas administrativement à l’Association Consistoriale ». L’office du Shabbat est rétabli, les mariages mixtes sont supprimés et la circoncision est exigée. Succès et expansion 1924–1939 Deux prédicateurs renommés, des conférenciers brillants, de grandes fêtes religieuses où l’assistance déborde dans la rue, un hazan (chantre) Monys-Levy, à la voix superbe, le succès de la synagogue libérale est incontestable même s’il ne s’étend pas en dehors du XVIe arrondissement. La JLI avant la guerre Mais la pratique familiale reste inexistante et les libéraux tentent de dynamiser le culte grâce à : • la « ligue du Shabbat ». Dès octobre 1921 Aimé Pallière propose une réunion régulière de membres de l’ULI, incitant les familles à pratiquer le Shabbat et à assister aux offices. • les « heures de méditation ». Inaugurées en 1929 : le samedi après midi, les heures de méditation permettent aux jeunes juifs de retrouver une foi profonde dans le judaïsme. On invite à la synagogue des catholiques et des ecclésiastiques tant est vif le désir de maintenir la rencontre de toutes les âmes religieuses. Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris Ramener les jeunes vers le judaïsme devient la priorité et en novembre 1924, le mouvement de la Jeunesse Libérale Israélite (JLI) est fondé à Copernic avec sa troupe de scouts et son journal Le Petit Rayon. Des pratiques religieuses abandonnées sont réintroduites comme : • la Havdalah, cérémonie marquant la fin du Shabbat • la présentation des nouveau-nés pour qu’ils soient bénis devant l’Arche Sainte • la prière Hagomel dite par ceux qu’une grave maladie Aimé Pallière a tenu éloignés • les prières pour les malades et les personnes en deuil • la Birkat cohanim, bénédiction de la communauté par les Cohen. De nouvelles mitzvot sont créées comme l’enroulement de la mappa (tissu qui enveloppe la Torah) par une femme. ––––– La guerre 1939–1945 A partir de mai 1940, le Consistoire central israélite de France organise l’évacuation du corps rabbinique non mobilisé. Louis-Germain Lévy part à Lyon avec sa femme. Il est chargé par le grand rabbin Liber de rédiger des rapports pour le Consistoire central. Des membres de Copernic sont mobilisés. Certains, comme Marcel Greilsammer, futur président, sont faits prisonniers; d’autres, notamment Colette Kessler, passent l’Occupation à Paris en portant l’étoile jaune. Un grand nombre part vers le Sud de la France ou même à l’étranger. Aimé Pallière s’installe à Nice. Certains sont déportés mais reviennent, d’autres sont assassinés dans les camps : notamment André Baur, le président, sa femme et ses quatre enfants. Claude Gutmann, Président de la Jeunesse Libérale Israélite, devient commissaire des Eclaireurs Israélites de France sur la région lyonnaise ; engagé dans la Résistance, il sera déporté vers Auschwitz. Les synagogues de Paris deviennent la cible d’actes terroristes. Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1941, des attentats aux explosifs ont lieu contre sept synagogues parisiennes dont celle de la rue Copernic qui est partiellement détruite. En décembre 1941, André Baur, accepte d’être vice-président de l’Union Générale des Israélites de France (UGIF). Grâce à son influence, la synagogue reste ouverte. A partir de novembre 1942, “Copernic” sert de bibliothèque et de foyer intellectuel pour les juifs qui n’ont plus accès à l’école ni aux bibliothèques publiques. Un comité de soutien aux familles des intellectuels juifs organise le 21 décembre 1942 un concert dont les bénéfices leur reviennent. L’ULI devient ensuite un centre de reclassement d’adultes juifs au chômage et à partir de 1944, un centre d’hébergement. L’ULI est l’un des rares lieux publics à Paris où les juifs peuvent se rassembler. ––––– La synagogue et la rue Copernic après l’attentat du 3 octobre 1941 Archives de la Préfecture de Police, Paris André Baur et sa famille Colette Kessler portant “l’étoile jaune” La reconstruction après la Shoah 1945–1969 Le rabbin Zaoui s’adresse au congrès de la WUPJ. À gauche Lily Montagu, à droite le rabbin Leo Baeck Après la guerre, l’Union Libérale Israélite se reconstruit grâce à l’aide financière et au soutien moral de la WUPJ – World Union for Progressive Judaism (Union mondiale du Judaïsme Libéral) et à son propre mouvement de jeunesse, la Jeunesse Libérale Israélite (JLI), vivier de membres très actifs et de futurs dirigeants de la communauté. Les membres de l’ULI participent aux conférences de la WUPJ à Londres et Amsterdam à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Le rabbin Louis-Germain Lévy, de retour de clandestinité, revient à la synagogue au printemps 1945 et relance la vie communautaire sous la présidence de Maurice Lehmann. A son décès en 1946, le rabbin André Zaoui lui succède et jusqu’en 1969, donne à l’ULI l’impulsion qui lui permet de se développer considérablement. En 1946, à son retour des camps, le hazan (ministre officiant) Emile Kaçmann intègre l’ULI. Il y restera 45 ans. Marcel Greilsammer, président de 1948 à 1970, forme avec eux un Délégués de l’ULI triumvirat qui, en compagnie du secré- au congrès de la WUPJ taire général Jean Birmant, permet à de 1952 la communauté de trouver un nouvel essor. Parallèlement, Colette Kessler prend en charge la direction du Talmud Torah dont le nombre d’enfants augmente rapidement. Elle est secondée par Liliane Rosenthal et Denise Zubicki. Cérémonie d’initiation religieuse Première promotion d’initiation religieuse, 1947 De gauche à droite : le hazan Emile Kaçmann, un scout, J-L Trèves, le rabbin André Zaoui À l’initiative du rabbin Zaoui, la communauté se dote d’un organe intellectuel, la Revue de la pensée juive et publie à nouveau Le Rayon. En 1954, l’ULI ouvre au Quartier Latin le Centre Hillel, foyer et bibliothèque, où se retrouvent des étudiants juifs. De même, en 1955, l’Institut International d’Etudes Hébraïques, séminaire rabbinique libéral ouvre ses portes à Paris et contribue au développement du mouvement en Europe. À la fin des années 60, l’arrivée des juifs d’Afrique du Nord et l’alyah du rabbin Zaoui suivies de la fermeture du séminaire rabbinique conduisent à de nouveaux changements dans la vie communautaire de l’ULI. ––––– Le judaïsme libéral en France depuis 1969 Après le départ du rabbin Zaoui, la première génération de rabbins formés dans des séminaires libéraux prend le relais : Nissim Gabbay (1962–1970), Daniel Farhi (1970–1977), Colin Eimer (1971–1974), Michael Williams depuis 1976. Avec eux une nouvelle époque commence. ULIF Marseille François Van Deth En 1972, l’achat de locaux permet d’agrandir la synagogue devenue trop exiguë. En 1977 le rabbin Farhi, Colette Kessler et quelques familles de fidèles créent une deuxième communauté libérale, le Mouvement Juif Libéral de France, MJLF, dans le XVe arrondissement de Paris. En octobre 1980 un attentat meurtrier perpétré contre la synagogue marque la communauté dans son ensemble et De gauche à droite : Claude Bloch, entraîne une vague de soutien national et international. le rabbin Williams, Robert Badinter, L’ULI devient ULIF (Union Libérale Israélite de France). Félix Mosbacher, David Kessler En 1982, avec le soutien moral et financier de l’ULIF, une synagogue libérale est inaugurée à Marseille. Comme dans les pays anglo-saxons depuis de nombreuses années, la France offre un choix aux fidèles du judaïsme libéral : à Paris, l’ULIF, communauté mère, reste plus traditionnelle, tandis que le MJLF propose une nouvelle approche, donnant une plus grande place aux femmes, dans la célébration des offices. Il existe aujourd’hui quinze synagogues libérales en France. Cinq sont à Paris, dont la Communauté Juive Inauguration de la CJL à Paris. De gauche Libérale (CJL) dirigée par Pauline Bebe, première à droite : les rabbins Garaï, Jonathan femme rabbin en France, trois sont en banlieue pari- François Magonet, Michael sienne : Vigneux, Saint-Germain-en-Laye et Sceaux et Williams, Pauline Bebe, Tom Cohen, le hazan sept dans les grandes villes de province : Marseille, Armand Benhamou La synagogue de l’ULIF Marseille Lyon, Strasbourg, Toulouse et Montpellier. EJM La première Ecole Juive Moderne a ouvert ses portes à la rentrée 2007, sous l’égide de l’ULIF, du MJLF et d’Adath Shalom, communauté Massorti (traditionaliste) du rabbin Rivon Krygier. L’enseignement juif qu’elle dispense est fondé sur les valeurs essentielles des trois communautés. ––––– Une classe de l’Ecole Juive Moderne Marguerite Brandon-Salvador dans sa calèche, arrivant à l’Hospitalité de Ballan Miré. En haut : Clarisse Eugène-Simon 1892 : La Conférence Centrale des Rabbins Américains (CCAR) déclare les femmes éligibles aux conseils d’administration des synagogues. Elles peuvent désormais être shaliah tsibour, c’està-dire, diriger les offices. 1922 : La CCAR approuve en théorie l’ordination des femmes. 1926 : En Angleterre, Lily Montagu est à l’origine de l’Union Mondiale du Judaïsme Libéral (WUPJ). 1935 : A Berlin, Regina Jonas est la première femme de l’histoire juive à être nommée rabbin. 1972 : Sally Priesand est la première femme ordonnée rabbin aux Etats-Unis. 1974 : En Angleterre, Jackie Tabbick est ordonnée par le Leo Baeck College. Ed. Hentrich & Hentrich François Van Deth Lors d’une conférence rabbinique à Breslau (Allemagne) en 1846, le thème de l’égalité de la femme est abordé : « C’est un devoir sacré d’exprimer avec grande emphase la totale égalité religieuse du sexe féminin ». Ce principe est progressivement appliqué dans les synagogues libérales de par le monde. Le rabbin Pauline Bebe Le rabbin Regina Jonas En France, il faut attendre 1990 pour que Pauline Bebe, élève du Talmud Torah de l’ULIF et de Colette Kessler, soit ordonnée rabbin par le Leo Baeck College de Londres. Aujourd’hui on compte plus de huit cents femmes rabbins dans le monde. Dès l’origine, les femmes occupent une place centrale à l’ULIF, pour preuve les deux fondatrices et premières vice-présidentes Clarisse Eugène-Simon et Marguerite BrandonSalvador. Dès 1951, les jeunes filles sont accueillies au Talmud Torah pour y étudier le judaïsme au même titre que les garçons et célébrer, comme eux, la Bat-mitzvah. Le Talmud Torah de Copernic a toujours été dirigé par des femmes. De nombreuses femmes ont été et continuent à être très actives au sein du conseil d’administration. Elles participent également à l’action sociale, à l’enseignement et à la vie communautaire. ––––– Bibliothèque Marguerite Durand Jusqu’au début du XXe siècle, la femme n’a pas réellement sa place au sein de la synagogue. Son rôle se limite généralement à l’éducation des enfants et à la tenue de son foyer. Très peu de jeunes filles ont accès à l’étude, réservée aux garçons. Mais le rôle grandisLily Montagu entre Leo Baeck sant des femmes dans la société bouleverse et Martin Buber tout naturellement cette situation et la femme est associée à la vie synagogale, prenant place aux côtés des hommes. Mairie de Ballan Miré American Jewish Archives La femme dans le judaïsme libéral Les rabbins Louis-Germain Lévy (Paris, 1870–1946) Grand intellectuel, titulaire de deux doctorats, diplômé de l’Ecole rabbinique de la rue Vauquelin à Paris, il est notamment l’auteur, en 1904, d’Une Religion Rationnelle et Laïque. La Religion du XXe siècle, véritable manifeste pour une rénovation du judaïsme. Rabbin à Dijon de 1901 à 1907, il est le premier rabbin de l’Union Libérale Israélite et le reste jusqu’à son décès en 1946. Brillant orateur, très engagé, il est le pivot de l’histoire du judaïsme libéral en France dans l’entre-deuxguerres. Il est également, avec les britanniques Claude G. Montefiore, Lily Montagu et Israel Mattuck, l’un des fondateurs de la World Union for Progressive Judaism. André Zaoui (Oran, 1916) Licencié en philosophie et diplômé de l’Ecole rabbinique de la rue Vauquelin, il est rabbin à Sidi-Bel-Abbès de 1940 à 1943. Il succède en 1946 au rabbin Louis-Germain Lévy et donne une impulsion nouvelle à l’ULI d’après-guerre. Il réintroduit l’hébreu dans les prières, relance le Talmud Torah, et encourage les idées sionistes. Il fonde la Revue de la Pensée juive, milite au sein de l’Amitié judéochrétienne, participe à la création du Centre Hillel et fonde l’Institut International d’Etudes Hébraïques (IIEH) où ont été formés entre 1955 et 1969 les cadres et les rabbins libéraux de France, Suisse et Belgique. A 53 ans André Zaoui fait son alyah et devient rabbin de la communauté libérale de Jérusalem Har-El. Nissim Gabbay (Marrakech, 1928 – Paris, 2004) Formé dans les écoles de l’Alliance Israélite Universelle, il est bibliothécaire au Centre Hillel et suit les cours de l’IIEH dont il est le premier rabbin diplômé en 1960. Il est rabbin à l’ULI de 1962 à 1970. Daniel Farhi (Paris, 1941) Membre, dès l’enfance, de la communauté de l’ULI où il célèbre sa Bar-mitzvah, il étudie à l’IIEH et devient rabbin en 1966. Il se partage entre les synagogues de Vigneux et de Copernic avant de succéder au rabbin Gabbay en 1970. En 1977, il quitte Copernic et fonde le Mouvement Juif Libéral de France (MJLF) où il sert jusqu’à aujourd’hui. Homme engagé dans le combat pour la mémoire de la Shoah, il s’est illustré dans la poursuite des anciens nazis et participe depuis plus de quarante ans au dialogue inter-religieux. Colin Eimer (Londres, 1945) Diplômé du Leo Baeck College de Londres, il arrive en France en 1971 et seconde le rabbin Farhi jusqu’en 1974. Très actif auprès des jeunes, il anime notamment un groupe d’étude d’où émergeront de nombreux responsables des communautés libérales françaises. Il est aujourd’hui rabbin d’une communauté libérale à Londres. Michael Williams (Londres, 1944) Diplômé de l’Université d’Oxford, il a d’abord enseigné l’histoire avant d’entreprendre des études au Leo Baeck College de Londres d’où il sort diplômé rabbin. Arrivé en France en 1976, il devient rabbin de l’ULIF Copernic, communauté à laquelle il se consacre encore aujourd’hui. Elevé dans la communauté juive traditionnelle de Londres, formé par un institut rabbinique libéral, cette double formation lui a permis de bâtir un pont entre tradition et modernité. Homme d’une grande culture générale, doté d’une personnalité très charismatique, il a donné un nouvel essor à la communauté qui rassemble environ mille quatre cents familles à ce jour. ––––– de haut en bas : Louis-Germain Lévy André Zaoui Nissim Gabbay Daniel Farhi Colin Eimer Michael Williams Les hazanim (chantres) Monys Lévy Premier ministre officiant formé par Aimé Pallière, il est hazan à l’ULI de 1924 jusqu’à la guerre. Emile Kaçmann (Budapest, 1914 – Paris, 2001) Elève à l’Ecole Lucien de Hirsch, puis enfant de chœur à la synagogue de la rue Buffault, il est remarqué pour la beauté de sa voix par Léon Algazi, Directeur de la musique des synagogues consistoriales et de l’Ecole liturgique de la rue Vauquelin à Paris. Sur ses conseils, il entreprend des études de hazan à l’Ecole rabbinique. Arrêté par la Gestapo en mars 1944, il est interné au camp de Drancy avant d’être envoyé à Auschwitz. Il survit aux « marches de la mort ». De retour à Paris, il est engagé à l’ULI et prend en charge la partie liturgique des offices. Il prépare des centaines d’enfants à la Bar-mitzvah, organise des concerts de chœurs d’enfants de Copernic et enseigne également, à l’Institut International d’Etudes Hébraïques, la technique du chant et la liturgie aux futurs rabbins libéraux. Il est le hazan de Copernic de 1946 à 1991. Armand Benhamou (Oran, 1941) Il entre à quatorze ans au Séminaire Israélite de France où il suit une formation de hazan. Son diplôme lui est décerné en 1965 par le Grand Rabbin Schilli, directeur du Séminaire et par Léon Algazi. Nommé deuxième ministre officiant de la grande synagogue de la Victoire en 1963, il devient le hazan de la synagogue consistoriale parisienne rue Chasseloup-Laubat en 1966 et reçoit le premier prix du Conservatoire de Paris. En 1988, il exerce son ministère au Luxembourg. En 1992, il rejoint la synagogue de la rue Copernic où il exerce toujours. ––––– La musique liturgique à l’ULIF L’ULIF est un des rares lieux en France où la musique « consistoriale » est maintenue à tous les offices du Shabbat et des fêtes. Cette musique savante, de transmission écrite, est liée aux mouvements réformateurs du judaïsme au XIXe siècle. Accompagnée par l’orgue et par des chœurs, elle est l’un des éléments essentiels de la réforme du culte. Elle se répand au XIXe siècle en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, grâce à des musiciens – chantres et compositeurs de grand talent – tels qu’Israël Lovy, Louis Lewandowski ou Samuel Naumbourg. Le Consistoire l’inclut dans sa modernisation du culte dès 1856 à l’initiative du grand rabbin de France Salomon Ullman. L’ULIF perpétue cette tradition – disparue de l’enseignement du séminaire de la rue Vauquelin – grâce à ses hazanim. ––––– Un mouvement de jeunesse libérale : la JLI Sous l’égide de l’Union Libérale, le groupement de la JLI (Jeunesse Libérale Israélite) est fondée en 1924 : « Son objet sera de grouper la jeune génération autour d’un judaïsme régénéré, pour le présenter au monde dans un nouvel éclat […] ». Denise Lévy-Bauer, future Madame Greilsammer, préside la JLI jusqu’à la guerre. Des conférences et des réunions sont organisées régulièrement le mardi soir. Des offices spéciaux pour la jeunesse sont célébrés chaque premier dimanche du mois. La JLI a de nombreuses autres activités : soirées dansantes, sorties, camps de vacances, etc. Elle organise même en 1933 un voyage en Allemagne et participe au congrès du judaïsme libéral à Londres en juillet de la même année. La guerre interrompt ses activités. A la sortie de la guerre il était important de recréer une structure d’accueil pour la jeunesse souvent très marquée par les terribles événements qu’elle venait de vivre. Dès octobre 1945, Denise Greilsammer reconstitue la Jeunesse Libérale Israélite, reprenant le même schéma qu’avant guerre. Des équipes de travail se forment, organisant des activités multiples et variées auxquelles des personnalités comme Edmond Fleg, André Chouraqui ou Leo Baeck participent. Pendant 25 ans, la JLI continue ses activités sur ce principe, avec notamment des groupes d’étude autour du rabbin Zaoui et du Hazan Kaçmann. Elle participe aussi aux réunions du groupe de jeunes de la WUPJ (Union Mondiale du Judaïsme Libéral) et organise des voyages dont le premier en Israël. Au fil du temps les activités de la JLI se poursuivent sous des formes diverses. La grande réussite du mouvement a été notamment de permettre à de jeunes juifs de milieux assimilés de prendre conscience de leur judaïsme, de s’impliquer dans la communauté et plus tard d’en devenir des dirigeants. ––––– Premier voyage de la JLI en Israël, 1953 Week-end au château de la Versine, 1955 Fête de Pourim, fin des années 50 European Jewish Liberal Youth Conference, 1950, Dorking, Grande-Bretagne Annonce parue dans Le Rayon en 1939 L’Institut International d’Études Hébraïques Famille Gabbay L’Institut International d’Etudes Hébraïques (IIEH) est destiné à remplacer les séminaires libéraux d’Europe détruits pendant la guerre. Avec le soutien de la World Union for Progressive Judaism, de la Conference on Jewish Material Claims Against Germany, de l’American Jewish Joint Distribution Committee et de généreux donateurs, l’IIEH ouvre ses portes 20 rue Servandoni à Paris en 1955, sous la présidence du rabbin André Zaoui et la direction de Suzanne Daniel, universitaire hébraïsante et helléniste. Sa mission essentielle consiste à former des rabbins libéraux francophones et des enseignants et enseignantes du judaïsme libéral. Son programme sur cinq ans comprend : • l’enseignement des fondements traditionnels du judaïsme : Bible, Talmud, midrash, mishna, guemara, liturgie, • des cours d’hébreu biblique et moderne, d’histoire juive, de littérature, de philosophie et de pensée juive. Les étudiants sont d’origines sociales et culturelles très diverses et viennent de France comme de l’étranger. L’IIEH accueille des professeurs et des conférenciers qui sont des intellectuels de grande renommée tels que Martin Buber, Gershom Scholem, Leo Baeck… Diplôme du rabbin Nissim Gabbay En 1960, l’Institut remet la semikha (l’ordination) à son premier remis par l’IIEH, 1960 rabbin, Nissim Gabbay. Liliane Rosenthal est la première femme diplômée professeur d’hébreu. Entre 1955 et la fin des années 60, une dizaine de rabbins reçoivent la semikha de l’IIEH. Son influence se fait encore sentir aujourd’hui en Europe, notamment à Paris, Genève et Bruxelles où les rabbins Daniel Farhi, François Garaï et Albert Dahan, formés par l’IIEH, ont fondé et dirigent des communautés libérales. Avec la fermeture de l’IIEH et l’alyah du rabbin Zaoui à la fin des années 60 s’achève une époque de l’Union Libérale Israélite. ––––– Cours du rabbin Zaoui dans la bibliothèque de l’Institut American Jewish Archives, Jacob Rader Marcus Center Le rabbin Zaoui et Walter Eytan, ambassadeur d’Israël en France, entourés d’élèves et d’enseignants devant le 20 rue Servandoni Retour vers la synagogue A la fin du XIXe siècle, les juifs de Paris sont largement intégrés dans la société française. Cette intégration recouvre pour certains une autre réalité : assimilation, déjudaïsation, voire abandon total de la pratique religieuse. Le grand rabbin Zadoc Kahn déplore en 1900 « l’absence presque complète de vie religieuse dont souffre un trop grand nombre de nos familles ». En 1903, l’éditeur Félix Alcan publie A travers les Moissons, une anthologie de textes juifs religieux, signée par Marguerite Brandon-Salvador. Celle qui est une des fondatrices de l’ULI et dont la sœur s’est convertie au protestantisme révèle, à travers ce livre, sa redécouverte des sources spirituelles du judaïsme. Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris Pourtant, la poussée de l’antisémitisme durant l’Affaire Dreyfus réveille la conscience des juifs assimilés et va inciter certains d’entre eux à redécouvrir leur histoire et leur religion. Les conférences du dimanche matin à la synagogue de la Victoire suivies par la création de l’ULI avec ses offices recueillis et adaptés vont attirer ces juifs en recherche identitaire et spirituelle. Arnold Schoenberg Center, Vienne, Autriche L’histoire retient également le retour travers les Moissons, d’Arnold Schoenberg le 24 juillet 1933 AMarguerite Brandon-Salvador à la synagogue de la rue Copernic. Ce compositeur, qui avait embrassé la religion protestante, revient vers la tradition juive sous l’égide du rabbin Louis-Germain Lévy. Ses témoins sont le docteur Dimitri Marianoff, gendre d’Albert Einstein et le peintre Marc Chagall. Jusqu’à nos jours, des enfants issus de mariages mixtes, des enfants et petits-enfants de ceux qui ont abandonné le judaïsme à cause de la Shoah, ainsi que des juifs assimilés reviennent vers le judaïsme par la porte de la synagogue libérale. ––––– Lettre du rabbin Louis-Germain Lévy attestant du retour au judaïsme d’Arnold Schoenberg Transmission du judaïsme Talmud Torah En 1951, le rabbin Zaoui confie à Colette Kessler l’éducation religieuse des enfants. Sous sa direction, le Talmud Torah se développe rapidement et dès 1960 un deuxième centre est ouvert, Rive gauche, dans les locaux de l’Institut de la rue Servandoni. À cette époque, le Talmud Torah de l’ULI est intégré dans les différents organismes éducatifs juifs français. Après le départ de Colette Kessler en 1977, la direction en est assurée par Liliane Rosenthal et Denise Zubicki, puis par Ariane Bendavid depuis 1997. Il compte aujourd’hui plus de 400 élèves ; une vingtaine d’enseignants préparent quelque 150 garçons et filles par an à la Bar et Bat-mitzvah (majorité religieuse). L’une des particularités du Talmud Torah libéral est la place qu’il accorde aux jeunes filles qui ont accès à pleine égalité à l’instruction religieuse, célèbrent leur Bat-mitzvah au même titre que les garçons et participent activement à l’office du Shabbat. Dans les années 60, sous l’impulsion d’Émile Kaçmann, les jeunes post Bar-mitzvah célèbrent eux-mêmes un office le samedi soir qui attire beaucoup de monde. Le principe de notre Talmud Torah est que l’étude doit susciter chez les enfants l’amour du judaïsme et du peuple d’Israël, sans pour autant les enfermer dans un particularisme étroit. Par l’apprentissage de la Bible, de l’histoire, des prières, des fêtes juives et de l’hébreu, il a pour objectif de faire apprécier la richesse de la pensée juive et de ses valeurs, dans un esprit d’ouverture et de respect du pluralisme. Colette Kessler et des élèves du Talmud Torah au début des années 50 Notre enseignement s’attache notamment à dégager, à partir des textes anciens et des traditions, leur étonnante actualité et leur pleine conformité avec les valeurs de la laïcité et de la République. L’éthique placée au-dessus du rituel est le fondement de l’enseignement libéral. Le dialogue inter-religieux est également au centre de nos préoccupations, et dans ce but, l’ULIF reçoit régulièrement des jeunes catholiques ou musulmans désireux de mieux connaître notre histoire et nos traditions. ––––– Armand Benhamou et des élèves du Talmud Torah à la fin des années 90 Une jeune Bat-mitzvah dans les années 60 Yom Hashoah, commémoration de la Shoah Lecture publique des noms des déportés juifs de France. L’une des manières de commémorer la Shoah et ses victimes en France a été initiée par le Mouvement Juif Libéral de France (MJLF) en 1991. Il s’agit d’une lecture publique, ininterrompue, de 24 heures, des noms des quelque 76 000 juifs français qui, entre mars 1942 et août 1944, furent déportés en 79 convois de Drancy vers Auschwitz et dont, à la fin de la guerre, seulement 2 500 revinrent. Cette lecture, organisée à partir de l’ouvrage Mémorial de la déportation des juifs de France édité par l’association Fils et filles des déportés juifs de France et son président Serge Klarsfeld, est menée par des fils et filles de déportés, des petits-enfants (voire arrière petits-enfants) et d’autres descendants des victimes, parfois par des anciens déportés survivants eux-mêmes. À l’instar de la Torah, la lecture est « contrôlée » par un shomer qui vérifie qu’aucun nom n’est omis ou déformé. Elle commence par une cérémonie officielle et se termine par les prières El malé rahamim et Kaddish. Elle réunit toutes les composantes de la communauté juive de France. Jusqu’en 2005, cette cérémonie s’est déroulée près de l’emplacement de l’ancien « Vel’ d’Hiv ». Depuis, elle a lieu au Mémorial de la Shoah. ––––– La Megilat Hashoah Il y a plusieurs années, le 27 Nissan a été choisi comme date “officielle” de commémoration de Yom Hashoah. Diverses tentatives pour concevoir une liturgie appropriée se sont ensuite succédé. Notre tradition permet en effet de comprendre qu’une date ne peut être suffisante à l’accomplissement de ce «devoir de mémoire». Pour ancrer le passé dans la mémoire collective du peuple juif, il faut aussi des rites et surtout des livres. En 2003, une audacieuse tentative de ritualisation du Yom Hashoah a vu le jour. Sous le titre de Megilat Hashoah, rouleau de la Shoah, l’Assemblée Rabbinique du mouvement conservateur des Etats-Unis a publié un petit ouvrage réunissant prières et méditations commémoratives, ainsi qu’une histoire en six chapitres relatant les événements endurés par le peuple juif durant la Shoah. En 2005, l’ULIF s’est doté de ce nouveau rouleau de la Shoah, écrit par un Sofer. Cette Megilat Hashoah trouve sa place aux côtés du rouleau d’Esther dans la tradition liturgique. La lecture de ce récit sera-t-elle la clé d’une pérennisation de la transmission de la Shoah ? ––––– L’attentat Le 3 octobre 1980, pendant l’office du Shabbat et de Souccot, une bombe placée dans la sacoche d’une moto garée contre le mur de la synagogue explose, faisant quatre morts et de nombreux blessés. C’est le premier attentat antisémite d’une telle ampleur en France depuis la guerre. Il suscite de nombreuses réactions de soutien et de solidarité aux niveaux national et international. Jacques Zelter Boccon-Gibod / SIPA AFP Delmas / AFP AFP ––––– Le judaïsme libéral dans le monde Ed. Wayne State University Press ÉTATS-UNIS – La première synagogue libérale voit le jour à Charleston (Caroline du Sud) en 1820. Avec l’arrivée des juifs allemands pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, de nombreuses synagogues libérales vont apparaître. En 1873, Isaac Mayer Wise (1819-1900) fédère ces communautés en un mouvement : l’Union of American Hebrew Congregations (devenue Union of Reform Judaism). Dès 1875 le Hebrew Union College, séminaire libéral de formation rabbinique, est créé à Cincinnati. Une association rabbinique la Central Conference of American Rabbis (CCAR) est formée en 1889. Aujourd’hui, il y a plus de neuf cents synagogues libérales aux EtatsLes rabbins de la CCAR autour Unis. Le Hebrew Union College compte trois lieux d’étude d’Isaac Mayer Wise formant rabbins, hazanim (chantres) et éducateurs du judaïsme libéral. Isaac Mayer Wise GRANDE BRETAGNE – Il y a deux mouvements libéraux dans ce pays : le Movement for Reform Judaism dont la première synagogue, West London Synagogue, fut fondée en 1840 et le Liberal Judaism, dont la première synagogue, Liberal Jewish Synagogue le fut en 1911. Ensemble, ils fédèrent plus de 70 synagogues avec environ 45 000 membres ce qui fait de la Grande Bretagne la plus importante communauté libérale d’Europe. Les deux mouvements parrainent le Leo Baeck College, un séminaire rabbinique libéral, créé à Londres en 1956. La Grande-Bretagne West London Synagogue est également le berceau de la World Union for Progressive Judaism (Union Mondiale du Judaïsme Libéral) fondée à Londres en 1926 par le rabbin Israel Mattuck, Lily Montagu et Claude Montefiore, à laquelle L’ULI adhère à sa création. ALLEMAGNE – Avec plus d’une vingtaine de communautés et un séminaire rabbinique à Potsdam l’Abraham Geiger Kolleg, inauguré en 2000, le mouvement libéral contribue au renouveau de la vie juive religieuse dans le pays de sa naissance. L’Allemagne connaît actuellement une croissance importante de sa population juive grâce à l’arrivée de plus de 200 000 émigrés juifs de l’ex-URSS. WUPJ ISRAËL – Il y a plus de 24 communautés libérales et une cinquantaine de rabbins libéraux dans le pays. Grâce à des décisions de la Cour suprême israélienne, le mouvement et ses rabbins ont davantage de liberté d’expression malgré l’opposition du rabbinat orthodoxe officiel. Le Hebrew Union College à Jérusalem est le centre de formation de rabbins et d’enseignants. Depuis 1973, le siège international de la World Union for Progressive Judaism se trouve à Jérusalem. Cette union est l’organisation juive religieuse la plus importante au monde avec plus d’1,7 million membres répartis dans quarante-deux pays. ––––– Siège de la World Union for Progressive Judaism à Jérusalem L’ULIF aujourd’hui Plus qu’une synagogue, plus qu’une simple communauté, l’ULIF est une institution à part entière dont la devise est « tradition, dialogue, ouverture ». L’ULIF aujourd’hui c’est : • 1 400 familles adhérentes • 400 enfants inscrits aux cours d’instruction religieuse du Talmud Torah • 150 Bar et Bat-mitzvah par an • environ 70 mariages par an • près de 4 300 fidèles réunis pour les grandes fêtes de Tichri au Palais des Congrès et à la synagogue rue Copernic • 1 groupe d’Eclaireurs et Eclaireuses Israélites de France • 2 communautés affiliées, à Marseille et Vigneux • 1 revue trimestrielle : Hamevasser (Le Messager) • 1 site internet : www.ulif.com Au-delà de sa fonction première, sa mission consiste à : • bâtir la communauté de demain avec un Talmud Torah qui fasse apprécier aux enfants la richesse de leur héritage tout en leur donnant un esprit d’ouverture, de tolérance et de respect du pluralisme • éduquer les fidèles de tous âges par des cours, conférences, etc... • former les candidats à la conversion en leur donnant un enseignement solide mettant l’accent sur la connaissance, le sens et le symbole ; leur permettre d’accéder à une pleine conversion avec un Beth Din (tribunal rabbinique) et un mikvé (bain rituel) • apporter des réponses aux questions que pose notre société moderne tout en respectant les valeurs traditionnelles du judaïsme ; démontrer que fidélité n’est pas incompatible avec modernité • rappeler que le respect de la différence des opinions et des coutumes est un enrichissement de l’homme et le socle même du dialogue • fournir une aide sociale aux familles en difficulté • rémunérer des étudiants de familles modestes pour qu’ils apportent un soutien scolaire à des enfants de familles défavorisées • participer aux actions des institutions sociales de la communauté • soutenir des organismes caritatifs et culturels en Israël ainsi que des projets universitaires, notamment avec l’Université de Haïfa Consciente du rôle important qu’elle doit jouer au sein du judaïsme français, l’ULIF participe activement aux actions menées par les principales institutions juives de France avec lesquelles elle entretient des relations suivies, notamment avec le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France). ––––– Publié à l’occasion de l’exposition L’Union Libérale Israélite de France, 1907–2007, cent ans d’histoire(s) qui a été inaugurée du 5 au 11 décembre 2007 à la mairie du XVIe arrondissement, Paris. Coordination de l’exposition, recherches iconographiques : Isabelle Williams Rédaction des textes : Ariane Bendavid Rabbin Stephen Berkowitz Rabbin Daniel Farhi Laura Hobson-Faure Colette Kessler Rabbin David Meyer Catherine Poujol Perrine Simon-Nahum Isabelle Williams ULIF COPERNIC Union Libérale Israélite de France 1907 – 2007 Photographies : Sauf mention contraire : collections privées et archives de l’ULIF. Droits réservés. Conception graphique : Alain Choukroun Remerciements : Patrick Altar Odette Chertok Nathalie Moock Isabelle Pleskoff Danielle Roch ––––– ULIF 24, rue Copernic 75116 Paris tél : 01 47 04 37 27 www.ulif.com