L`Union Libérale Israélite de France 1907–2007 cent ans d`histoire(s)

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L`Union Libérale Israélite de France 1907–2007 cent ans d`histoire(s)
L’Union Libérale Israélite
de France 1907 – 2007
cent ans d’histoire(s)
L’Union Libérale Israélite
de France 1907–2007
Cent ans d’histoire(s)
Né au milieu du XIXe siècle en Allemagne, le judaïsme libéral se situe, dans le judaïsme
français, non pas comme un mouvement révolutionnaire ni comme une secte dissidente
mais comme une tendance religieuse du judaïsme moderne, soucieuse avant tout de
redonner vie à l’esprit des grands prophètes tout en laissant à chacun la libre appréciation
de la pratique des mitzvot (commandements).
Il propose aux juifs de notre temps de découvrir un judaïsme qui, dans la pensée comme
dans les actes, véhicule une vision dynamique de l’histoire, de la relation de l’homme à
l’homme et, par elle, de l’homme à Dieu.
Restant fidèle à son passé, affrontant les problèmes du présent, tourné vers l’avenir, il
n’hésite pas à libérer le judaïsme de certaines pratiques devenues anachroniques pour
mieux montrer que le message de la Torah, toujours d’actualité, demeure l’expression
d’une exigence éthique non encore réalisée.
Face à la montée d’une certaine forme de rigorisme
religieux, et à l’imperméabilité aux influences extérieures d’un nombre de ses coreligionnaires, le
judaïsme libéral présente une alternative. Tolérance et
ouverture au monde sont les valeurs qu’il a toujours
placées au cœur de ses préoccupations, sans pourtant
jamais renier les principes fondamentaux de son passé
ni ses traditions millénaires.
Le 1er décembre 1907 dans le XVIe arrondissement de
Paris la première synagogue libérale de France voit le
jour, l’Union Libérale Israélite (ULI) qui deviendra
l’Union Libérale Israélite de France (ULIF) en 1980.
Aujourd’hui, avec environ 1 200 communautés et plus
d’1,7 million adhérents à travers le monde, le judaïsme
libéral représente la tendance majoritaire. Il compte
une quinzaine de communautés réparties dans toute
la France.
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« Fermement attachés aux
principes fondamentaux
de la religion juive, mais,
en même temps, persuadés
de la nécessité de mettre
les formes extérieures
du culte et l’esprit de
l’enseignement religieux
en harmonie plus complète
avec les conditions de
la société et de la pensée
modernes, nous avons
constitué l’Union Libérale
Israélite. […]
Nous poursuivons une
œuvre, non de séparation
et de bouleversement,
mais de rénovation spirituelle, destinée à donner
au Judaïsme un regain
de vigueur et de jeunesse,
à mieux accuser son
caractère de doctrine
toujours vivante de vérité
et de vertu morale. »
Le Comité de l’ULI, 1907
Les grandes dates de l’ULIF
1895
1907
1921
1922
1924
1939
1941
1946
1949
1951
1954
1955
1969
1970
1976
1977
1980
1982
1991
1992
1997
2005
2007
Création d’un groupe de réflexion sur l’introduction de réformes qui prendra
le nom d’Union Libérale Israélite (ULI).
Inauguration de la synagogue rue Copernic par le rabbin Louis-Germain Lévy,
le dimanche 1er décembre, premier jour de Hanouka, fête des lumières.
Acquisition de l’immeuble 24 rue Copernic à Paris XVIe, aujourd’hui encore
siège et lieu d’accueil de la communauté de l’ULIF.
Aimé Pallière devient prédicateur adjoint au rabbin.
Fondation de la JLI, mouvement de la « Jeunesse Libérale Israélite ».
Pendant la guerre, les ministres du culte ayant quitté Paris, l’immeuble sert
de centre culturel et de bibliothèque.
3 octobre : Actes terroristes contre plusieurs synagogues parisiennes.
Une bombe détruit en partie l’édifice.
Décès de Louis-Germain Lévy. Le rabbin André Zaoui relance la vie
intellectuelle et communautaire, et le hazan (chantre) Emile Kaçmann
donne un nouveau souffle à la liturgie et à la musique synagogale.
Débuts d’une communauté libérale à Nice. Lancement de la Revue de la Pensée Juive.
Colette Kessler prend la direction du Talmud Torah (cours d’instruction
religieuse pour les enfants).
Pour la première fois, une jeune fille de treize ans célèbre seule un office
de Bat-mitzvah (majorité religieuse). Inauguration du Centre Hillel
au Quartier Latin, centre de réunion des étudiants juifs.
Fondation de l’Institut International d’Etudes Hébraïques (IIEH), séminaire
libéral de formation de rabbins francophones.
Création d’une communauté libérale en banlieue parisienne, à Vigneux.
Le rabbin Nissim Gabbay, premier diplômé de l’IIEH, remplace le rabbin
André Zaoui parti faire son Alyah (installation en Israël).
Arrivée du rabbin Daniel Farhi, diplômé de l’IIEH.
Arrivée du rabbin Michael Williams, diplômé du Leo Baeck College de Londres,
qui dirige encore à ce jour la communauté.
Le rabbin Farhi et Colette Kessler quittent l’ULI pour créer le Mouvement
Juif Libéral de France (MJLF). Liliane Rosenthal et Denise Zubicki
prennent la direction du Talmud Torah.
L’ULI devient l’Union Libérale Israélite de France, ULIF.
3 octobre : Attentat contre la synagogue : 4 personnes tuées et de nombreux
blessés. Manifestations de soutien à l’échelle nationale et internationale.
Inauguration de l’ULIF Marseille, communauté florissante et dynamique
qui regroupe aujourd’hui environ 200 familles.
Construction d’un Mikve (bain rituel) à la synagogue rue Copernic.
Le hazan Armand Benhamou succède à Emile Kaçmann qui prend sa retraite.
Ariane Bendavid prend la direction du Talmud Torah.
Création d’un nouveau groupe des Eclaireurs Israélites de France au sein de l’ULIF.
Ouverture de l’Ecole Juive Moderne en association avec l’ULIF, le MJLF
et la communauté Massorti (traditionaliste) d’Adath Shalom.
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L’Allemagne : berceau
du judaïsme moderne
et du mouvement réformé
Ed. Wayne State University Press
Moïse Mendelssohn (1729–1786), chef de file de la Haskala (mouvement juif des Lumières qui préside à l’émancipation des communautés occidentales), pose les premiers jalons de ce qui deviendra
le judaïsme réformé, bien qu’il soit lui-même
Abraham Geiger
toujours resté fidèle à la Halakha (loi juive).
Traducteur de la Bible en allemand, il incite ses
disciples à moderniser l’éducation religieuse et à
étudier les matières profanes. Foi et Leopold Zunz
Moïse
Mendelssohn
raison, ses maîtres mots, ouvrent la voie
à la Science du judaïsme (Wissenschaft des Judentums) qui
prend forme au début du XIXe siècle en Allemagne et dont
Leopold Zunz (1794–1886) est l’une des figures de proue.
A la même époque, des dirigeants laïcs comme Israël Jacobson
(1768–1828) expriment leur volonté de moderniser le culte synagogal : liturgie allégée, introduction de l’orgue, récitation de prières
en allemand et sermons porteurs d’enseignements moraux.
Le rabbin, théologien et orientaliste Abraham Geiger (1810–1874) Israël Jacobson
prend la tête de la Réforme et commence la mise en œuvre d’un courant libéral. En
soumettant la Bible et le Talmud à une analyse critique, il cherche à démontrer que
l’essentiel du judaïsme ne se situe pas dans un rituel figé mais dans l’esprit qui le soustend. Il est à l’origine des premières conférences
rabbiniques qui permettent au mouvement de la
Réforme d’exprimer ses idées sur la nécessaire
adaptation du judaïsme à la modernité.
La France intègre à la fin du XIXe siècle les principes fondamentaux de ce courant qui aboutit en
1907 à la création de la synagogue de l’Union
Libérale Israélite à Paris.
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Hochschule für die
Wissenschaft des Judentums
(Université pour la Science
du Judaïsme), Berlin
La préhistoire du judaïsme
libéral : une réforme
à la française ?
L’idée de moderniser le judaïsme accompagne dès le début du XIXe siècle les différentes
étapes de l’entrée des juifs dans la société civile et les changements politiques et sociaux
qui en sont le reflet. Issue de l’émancipation, une première génération de Juifs va penser
les formes de la rencontre entre judaïsme et modernité. Un courant se forme autour de
Samuel Cahen, traducteur de la Bible en français et fondateur des Archives Israélites de
France. A ses côtés, Elie Halévy, Gerson-Lévy ou Albert Cohn repensent le rôle de la religion
dans l’histoire. Il s’agit de pérenniser l’existence du judaïsme dans
la société par le biais d’une importante réforme pédagogique
permettant à la fois de lutter contre l’affaiblissement des liens
communautaires et de définir à une piété morale et politique.
Les origines intellectuelles : la « Science du judaïsme »
Pour les érudits venus d’Allemagne en France, il s’agit, à partir des
années 1840, de reformuler le visage du judaïsme en
modernité et de le faire entrer à l’Université. Pour
Salomon Munk, Joseph Derenbourg ou Adolphe
Franck, le judaïsme apparaît comme un universalisme rationnel, inspiré de la lecture de
Maïmonide. Le messianisme politique de James Salomon Munk
Darmesteter achève dans les années 1890 la mue de ce judaïsme à travers
la définition d’une morale universelle. Ce mouvement se prolonge dans la
création de la Revue des Etudes juives en 1880 autour de personnalités comme
le grand rabbin Zadoc Kahn, Théodore et Salomon Reinach ou Sylvain Lévi.
Théodore Reinach
La création de la première synagogue libérale en
1907 représente une rupture vis à vis de la
Science du judaïsme, et dans l’esprit et dans la
forme. Cette rupture trouve en partie sa source
dans la transformation de la notion de religion à
travers l’essor des sciences humaines, mais
aussi dans la loi de Séparation de l’Eglise
et de l’Etat et dans l’avènement d’une
religion de l’intériorité proche de la
morale républicaine.
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Les Prophètes d’Israël
James Darmesteter
Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris
La religion de l’avenir
1895–1907
Le grand rabbin Zadoc Kahn
En 1895, un mouvement réformateur juif libéral embryonnaire voit
le jour à Paris, protégé par le grand rabbin du Consistoire central
Zadoc Kahn (1889–1905). Ce dernier accorde à ses membres un
oratoire séparé dans l’enceinte de la synagogue de la rue de la
Victoire et les fait participer aux « Conférences du Dimanche », une
tentative discrète du grand rabbin pour ajouter un office supplémentaire un jour férié afin de permettre à ceux, nombreux à cette époque,
qui travaillent le samedi de pouvoir assister aux offices, et de favoriser la fréquentation des synagogues devenue inexistante. Il fait
appel pour le seconder à des rabbins de province dont le jeune réformateur Louis-Germain Lévy (1870–1946), actif au sein des Congrès
des Religions et qui propose en 1904 de moderniser le judaïsme en
publiant Une Religion rationnelle et laïque. La Religion du XXe siècle.
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Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris
Invitation à l’office d’inauguration
Ed. PUF
Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris
En 1905, après la mort du grand rabbin Zadoc Kahn, les israélites conservateurs refusent
la pratique du culte réformé dans l’enceinte de la synagogue de la Victoire et l’Union
Libérale Israélite se constitue alors en association cultuelle indépendante à la faveur de la
Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat. Les véritables initiatrices de ce projet sont des
femmes de la haute société parisienne
actives au sein du groupe de réflexion
libéral, Clarisse Eugène-Simon et
Marguerite Brandon-Salvador, par
ailleurs mécènes et philanthropes.
Le 1er décembre 1907, premier jour
de Hanouka, un service inaugural
est célébré dans un ancien atelier
de peintre rénové. La synagogue de
la rue Copernic est née.
Les élèves du séminaire israélite en 1891.
En haut : Louis-Germain Lévy
Couverture du livret
de l’office d’inauguration
Un judaïsme moderne
1907–1924
Le programme de l’ULI en 1907 tient en quelques points essentiels :
• A l’exception du Chema et de la Amida, les prières ne sont plus récitées en hébreu mais
en français.
• Les offices sont de courte durée (une heure) autour
d’une prédication centrale.
• Un office du dimanche matin, supplémentaire à celui
du Shabbat, permet à tous de fréquenter le temple.
• Une solide instruction religieuse des enfants est privilégiée avant la Bar-mitzvah (majorité religieuse).
• La séparation des hommes et des femmes à la synagogue est abolie. Ainsi s’ouvre une époque nouvelle pour
la place des femmes dans le judaïsme.
Premier livre de prières de l’ULI annoté
par le rabbin Louis-Germain Lévy
Fondation de la Mémoire Contemporaine, Bruxelles
Le premier recueil de prières Des Ailes à la Terre est imprimé.
Le Rayon, organe mensuel de l’ULI, paraît à partir de 1912.
Permis de séjour
de Salvador Lévi
La guerre de 1914–1918 voit le rabbin partir au front comme aumônier et ambulancier. Le président, Salvador Lévi, assume l’intérim
avec difficulté, supprimant l’office du samedi. A son retour du front,
tout à sa volonté d’ouverture, le rabbin Louis-Germain Lévy accepte
les mariages mixtes et n’exige pas la circoncision lors des conversions, ce qui fait scandale.
En 1923, l’atelier de peintre ne suffit plus et l’architecte Lemarié est
sollicité pour dessiner les plans de la synagogue actuelle.
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Plan de Lemarié, 1923
Archives Nationales
Aimé Pallière (1868–1949) est invité à seconder le rabbin en tant que prédicateur adjoint.
Catholique, juif de cœur mais jamais converti sur le conseil du rabbin Elie Benamozegh
de Livourne, il joue le rôle de négociateur avec le Consistoire de Paris afin de trouver un
accord. En 1924, tout en gardant son autonomie, « l’ULI fait désormais partie de la
communauté de Paris au même titre que les autres associations cultuelles israélites n’appartenant pas administrativement à l’Association Consistoriale ». L’office du Shabbat est
rétabli, les mariages mixtes sont supprimés et la circoncision est exigée.
Succès et expansion
1924–1939
Deux prédicateurs renommés, des conférenciers brillants, de grandes fêtes religieuses où
l’assistance déborde dans la rue, un hazan (chantre) Monys-Levy, à la voix superbe, le
succès de la synagogue libérale est incontestable même s’il ne s’étend pas en dehors du
XVIe arrondissement.
La JLI
avant la guerre
Mais la pratique familiale reste inexistante et les libéraux tentent
de dynamiser le culte grâce à :
• la « ligue du Shabbat ». Dès octobre 1921 Aimé Pallière propose
une réunion régulière de membres de l’ULI, incitant les familles
à pratiquer le Shabbat et à assister aux offices.
• les « heures de méditation ». Inaugurées en
1929 : le samedi après midi, les heures de
méditation permettent aux jeunes juifs de
retrouver une foi profonde dans le judaïsme.
On invite à la synagogue des catholiques et des
ecclésiastiques tant est vif le désir de maintenir
la rencontre de toutes les âmes religieuses.
Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris
Ramener les jeunes vers le judaïsme
devient la priorité et en novembre
1924, le mouvement de la Jeunesse
Libérale Israélite (JLI) est fondé à
Copernic avec sa troupe de scouts et
son journal Le Petit Rayon.
Des pratiques religieuses abandonnées sont
réintroduites comme :
• la Havdalah, cérémonie marquant la fin du Shabbat
• la présentation des nouveau-nés pour qu’ils soient bénis
devant l’Arche Sainte
• la prière Hagomel dite par ceux qu’une grave maladie
Aimé Pallière
a tenu éloignés
• les prières pour les malades et les personnes en deuil
• la Birkat cohanim, bénédiction de la communauté par les Cohen.
De nouvelles mitzvot sont créées comme l’enroulement de la mappa (tissu qui enveloppe
la Torah) par une femme.
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La guerre
1939–1945
A partir de mai 1940, le Consistoire central israélite de France organise l’évacuation du
corps rabbinique non mobilisé. Louis-Germain Lévy part à Lyon avec sa femme. Il est chargé
par le grand rabbin Liber de rédiger des rapports pour le Consistoire central.
Des membres de Copernic sont mobilisés. Certains, comme Marcel Greilsammer,
futur président, sont faits prisonniers; d’autres, notamment Colette Kessler, passent
l’Occupation à Paris en portant l’étoile jaune. Un grand nombre part vers le Sud de la
France ou même à l’étranger.
Aimé Pallière s’installe à Nice.
Certains sont déportés mais reviennent, d’autres sont assassinés dans les camps : notamment André Baur, le président, sa femme et ses quatre enfants. Claude Gutmann, Président
de la Jeunesse Libérale Israélite, devient commissaire des Eclaireurs Israélites de France
sur la région lyonnaise ; engagé dans la Résistance, il sera déporté vers Auschwitz.
Les synagogues de Paris deviennent la cible d’actes terroristes. Dans la nuit du 2 au 3
octobre 1941, des attentats aux explosifs ont lieu contre sept synagogues parisiennes dont
celle de la rue Copernic qui est partiellement détruite.
En décembre 1941, André Baur, accepte d’être vice-président de l’Union Générale des
Israélites de France (UGIF). Grâce à son influence, la synagogue reste ouverte.
A partir de novembre 1942, “Copernic” sert de bibliothèque et de
foyer intellectuel pour les juifs qui n’ont plus accès à l’école ni aux
bibliothèques publiques. Un comité de soutien aux familles des
intellectuels juifs organise le 21 décembre 1942 un concert dont les
bénéfices leur reviennent. L’ULI devient ensuite un centre de
reclassement d’adultes juifs au chômage et à partir de 1944, un
centre d’hébergement. L’ULI est l’un des rares lieux publics à Paris
où les juifs peuvent se rassembler.
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La synagogue
et la rue Copernic
après l’attentat
du 3 octobre 1941
Archives de la Préfecture de Police, Paris
André Baur
et sa famille
Colette Kessler
portant “l’étoile jaune”
La reconstruction
après la Shoah
1945–1969
Le rabbin Zaoui s’adresse au congrès
de la WUPJ. À gauche Lily Montagu,
à droite le rabbin Leo Baeck
Après la guerre, l’Union Libérale Israélite se reconstruit grâce
à l’aide financière et au soutien moral de la WUPJ – World
Union for Progressive Judaism (Union mondiale du Judaïsme
Libéral) et à son propre mouvement de jeunesse, la Jeunesse
Libérale Israélite (JLI), vivier de membres très actifs et de futurs
dirigeants de la communauté. Les membres de l’ULI participent aux conférences de la WUPJ à Londres et Amsterdam à la
fin des années 1940 et au début des années 1950.
Le rabbin Louis-Germain Lévy, de retour de clandestinité, revient
à la synagogue au printemps 1945 et relance la vie communautaire sous la présidence de Maurice Lehmann. A son décès en
1946, le rabbin André Zaoui lui succède
et jusqu’en 1969, donne à l’ULI l’impulsion qui lui permet de se développer
considérablement. En 1946, à son retour
des camps, le hazan (ministre officiant)
Emile Kaçmann intègre l’ULI. Il y restera
45 ans. Marcel Greilsammer, président
de 1948 à 1970, forme avec eux un
Délégués de l’ULI
triumvirat qui, en compagnie du secré- au congrès de la WUPJ
taire général Jean Birmant, permet à de 1952
la communauté de trouver un nouvel essor.
Parallèlement, Colette Kessler prend en charge la
direction du Talmud Torah dont le nombre d’enfants augmente rapidement. Elle est secondée
par Liliane Rosenthal et Denise Zubicki.
Cérémonie d’initiation
religieuse
Première promotion
d’initiation religieuse, 1947
De gauche à droite :
le hazan Emile Kaçmann,
un scout, J-L Trèves,
le rabbin André Zaoui
À l’initiative du rabbin Zaoui, la communauté se dote d’un organe intellectuel, la Revue de
la pensée juive et publie à nouveau Le Rayon. En 1954, l’ULI ouvre au Quartier Latin le
Centre Hillel, foyer et bibliothèque, où se retrouvent des étudiants juifs. De même, en
1955, l’Institut International d’Etudes Hébraïques, séminaire rabbinique libéral ouvre ses
portes à Paris et contribue au développement du mouvement en Europe.
À la fin des années 60, l’arrivée des juifs d’Afrique du Nord et l’alyah du rabbin Zaoui
suivies de la fermeture du séminaire rabbinique conduisent à de nouveaux changements
dans la vie communautaire de l’ULI.
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Le judaïsme libéral
en France depuis 1969
Après le départ du rabbin Zaoui, la première génération de rabbins formés dans des séminaires libéraux prend le relais : Nissim Gabbay (1962–1970), Daniel Farhi (1970–1977), Colin
Eimer (1971–1974), Michael Williams depuis 1976. Avec eux une nouvelle époque commence.
ULIF Marseille
François Van Deth
En 1972, l’achat de locaux permet d’agrandir la synagogue
devenue trop exiguë. En 1977 le rabbin Farhi, Colette
Kessler et quelques familles de fidèles créent une deuxième
communauté libérale, le Mouvement Juif Libéral de
France, MJLF, dans le XVe arrondissement de Paris. En
octobre 1980 un attentat meurtrier perpétré contre la synagogue marque la communauté dans son ensemble et
De gauche à droite : Claude Bloch,
entraîne une vague de soutien national et international.
le rabbin Williams, Robert Badinter,
L’ULI devient ULIF (Union Libérale Israélite de France).
Félix Mosbacher, David Kessler
En 1982, avec le soutien moral et financier de l’ULIF, une
synagogue libérale est inaugurée à Marseille.
Comme dans les pays anglo-saxons depuis de
nombreuses années, la France offre un choix aux fidèles
du judaïsme libéral : à Paris, l’ULIF, communauté mère,
reste plus traditionnelle, tandis que le MJLF propose
une nouvelle approche, donnant une plus grande place
aux femmes, dans la célébration des offices.
Il existe aujourd’hui quinze synagogues libérales en
France. Cinq sont à Paris, dont la Communauté Juive Inauguration de la CJL
à Paris. De gauche
Libérale (CJL) dirigée par Pauline Bebe, première à droite : les rabbins
Garaï, Jonathan
femme rabbin en France, trois sont en banlieue pari- François
Magonet, Michael
sienne : Vigneux, Saint-Germain-en-Laye et Sceaux et Williams, Pauline Bebe,
Tom Cohen, le hazan
sept dans les grandes villes de province : Marseille, Armand Benhamou
La synagogue de l’ULIF
Marseille
Lyon, Strasbourg, Toulouse et Montpellier.
EJM
La première Ecole Juive Moderne a ouvert ses portes à la rentrée 2007, sous l’égide de
l’ULIF, du MJLF et d’Adath Shalom, communauté Massorti (traditionaliste) du rabbin
Rivon Krygier. L’enseignement juif qu’elle dispense est fondé sur les valeurs essentielles
des trois communautés.
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Une classe de l’Ecole Juive Moderne
Marguerite Brandon-Salvador dans sa calèche, arrivant à
l’Hospitalité de Ballan Miré. En haut : Clarisse Eugène-Simon
1892 : La Conférence Centrale des Rabbins Américains (CCAR)
déclare les femmes éligibles aux conseils d’administration des
synagogues. Elles peuvent désormais être shaliah tsibour, c’està-dire, diriger les offices.
1922 : La CCAR approuve en théorie l’ordination des femmes.
1926 : En Angleterre, Lily Montagu est à l’origine de l’Union
Mondiale du Judaïsme Libéral (WUPJ).
1935 : A Berlin, Regina Jonas est la première
femme de l’histoire juive à être nommée rabbin.
1972 : Sally Priesand est la première femme
ordonnée rabbin aux Etats-Unis.
1974 : En Angleterre, Jackie Tabbick est ordonnée
par le Leo Baeck College.
Ed. Hentrich & Hentrich
François Van Deth
Lors d’une conférence rabbinique à Breslau
(Allemagne) en 1846, le thème de l’égalité de la
femme est abordé : « C’est un devoir sacré d’exprimer avec grande emphase la totale égalité
religieuse du sexe féminin ». Ce principe est
progressivement appliqué dans les synagogues
libérales de par le monde.
Le rabbin Pauline Bebe
Le rabbin Regina Jonas
En France, il faut attendre 1990 pour que Pauline Bebe, élève du Talmud Torah de l’ULIF
et de Colette Kessler, soit ordonnée rabbin par le Leo Baeck College de Londres. Aujourd’hui
on compte plus de huit cents femmes rabbins dans le monde.
Dès l’origine, les femmes occupent une place centrale à l’ULIF, pour preuve les deux
fondatrices et premières vice-présidentes Clarisse Eugène-Simon et Marguerite BrandonSalvador. Dès 1951, les jeunes filles sont accueillies au Talmud Torah pour y étudier le
judaïsme au même titre que les garçons et célébrer, comme eux, la Bat-mitzvah. Le Talmud
Torah de Copernic a toujours été dirigé par des femmes. De nombreuses femmes ont été
et continuent à être très actives au sein du conseil d’administration. Elles participent également à l’action sociale, à l’enseignement et à la vie communautaire.
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Bibliothèque Marguerite Durand
Jusqu’au début du XXe siècle, la femme n’a pas réellement
sa place au sein de la synagogue. Son rôle se limite généralement à l’éducation des enfants et à la tenue de son foyer.
Très peu de jeunes filles ont accès à l’étude,
réservée aux garçons. Mais le rôle grandisLily Montagu entre Leo Baeck
sant des femmes dans la société bouleverse
et Martin Buber
tout naturellement cette situation et la
femme est associée à la vie synagogale, prenant
place aux côtés des hommes.
Mairie de Ballan Miré
American Jewish Archives
La femme dans
le judaïsme libéral
Les rabbins
Louis-Germain Lévy (Paris, 1870–1946) Grand intellectuel, titulaire de deux doctorats, diplômé de l’Ecole
rabbinique de la rue Vauquelin à Paris, il est notamment l’auteur, en 1904, d’Une Religion Rationnelle et
Laïque. La Religion du XXe siècle, véritable manifeste pour une rénovation du judaïsme. Rabbin à Dijon de
1901 à 1907, il est le premier rabbin de l’Union Libérale Israélite et le reste jusqu’à son décès en 1946.
Brillant orateur, très engagé, il est le pivot de l’histoire du judaïsme libéral en France dans l’entre-deuxguerres. Il est également, avec les britanniques Claude G. Montefiore, Lily Montagu et Israel Mattuck, l’un
des fondateurs de la World Union for Progressive Judaism.
André Zaoui (Oran, 1916) Licencié en philosophie et diplômé de l’Ecole rabbinique de la rue Vauquelin,
il est rabbin à Sidi-Bel-Abbès de 1940 à 1943. Il succède en 1946 au rabbin Louis-Germain Lévy et donne
une impulsion nouvelle à l’ULI d’après-guerre. Il réintroduit l’hébreu dans les prières, relance le Talmud
Torah, et encourage les idées sionistes. Il fonde la Revue de la Pensée juive, milite au sein de l’Amitié judéochrétienne, participe à la création du Centre Hillel et fonde l’Institut International d’Etudes Hébraïques
(IIEH) où ont été formés entre 1955 et 1969 les cadres et les rabbins libéraux de France, Suisse et Belgique.
A 53 ans André Zaoui fait son alyah et devient rabbin de la communauté libérale de Jérusalem Har-El.
Nissim Gabbay (Marrakech, 1928 – Paris, 2004) Formé dans les
écoles de l’Alliance Israélite Universelle, il est bibliothécaire au
Centre Hillel et suit les cours de l’IIEH dont il est le premier rabbin
diplômé en 1960. Il est rabbin à l’ULI de 1962 à 1970.
Daniel Farhi (Paris, 1941) Membre, dès l’enfance, de la communauté de l’ULI où il célèbre sa Bar-mitzvah, il étudie à l’IIEH et
devient rabbin en 1966. Il se partage entre les synagogues de
Vigneux et de Copernic avant de succéder au rabbin Gabbay en
1970. En 1977, il quitte Copernic et fonde le Mouvement Juif
Libéral de France (MJLF) où il sert jusqu’à aujourd’hui. Homme
engagé dans le combat pour la mémoire de la Shoah, il s’est illustré
dans la poursuite des anciens nazis et participe depuis plus de
quarante ans au dialogue inter-religieux.
Colin Eimer (Londres, 1945) Diplômé du Leo Baeck College de Londres, il
arrive en France en 1971 et seconde le rabbin Farhi jusqu’en 1974. Très
actif auprès des jeunes, il anime notamment un groupe d’étude d’où émergeront de nombreux responsables des communautés libérales françaises.
Il est aujourd’hui rabbin d’une communauté libérale à Londres.
Michael Williams (Londres, 1944) Diplômé de l’Université d’Oxford, il a d’abord
enseigné l’histoire avant d’entreprendre des études au Leo Baeck College de
Londres d’où il sort diplômé rabbin. Arrivé en France en 1976, il devient rabbin
de l’ULIF Copernic, communauté à laquelle il se consacre encore aujourd’hui.
Elevé dans la communauté juive traditionnelle de Londres,
formé par un institut rabbinique libéral, cette double formation
lui a permis de bâtir un pont entre tradition et modernité.
Homme d’une grande culture générale, doté d’une personnalité
très charismatique, il a donné un nouvel essor à la communauté qui rassemble environ mille quatre cents familles à ce jour.
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de haut en bas :
Louis-Germain Lévy
André Zaoui
Nissim Gabbay
Daniel Farhi
Colin Eimer
Michael Williams
Les hazanim (chantres)
Monys Lévy
Premier ministre officiant formé par Aimé Pallière, il est hazan à l’ULI de 1924 jusqu’à la guerre.
Emile Kaçmann (Budapest, 1914 – Paris, 2001)
Elève à l’Ecole Lucien de Hirsch, puis enfant de chœur à la synagogue de
la rue Buffault, il est remarqué pour la beauté de sa voix par Léon Algazi,
Directeur de la musique des synagogues consistoriales et de l’Ecole liturgique de la rue Vauquelin à Paris. Sur ses conseils, il entreprend des
études de hazan à l’Ecole rabbinique. Arrêté par la Gestapo en mars 1944,
il est interné au camp de Drancy avant d’être envoyé à Auschwitz. Il survit
aux « marches de la mort ». De retour à Paris, il est engagé à l’ULI et
prend en charge la partie liturgique des offices. Il prépare des centaines
d’enfants à la Bar-mitzvah, organise des concerts de chœurs d’enfants de
Copernic et enseigne également, à l’Institut International d’Etudes
Hébraïques, la technique du chant et la liturgie aux futurs rabbins libéraux. Il est le hazan de Copernic de 1946 à 1991.
Armand Benhamou (Oran, 1941)
Il entre à quatorze ans au Séminaire Israélite de France où il suit une formation de
hazan. Son diplôme lui est décerné en 1965 par le Grand Rabbin Schilli, directeur
du Séminaire et par Léon Algazi. Nommé deuxième ministre officiant de la grande
synagogue de la Victoire en 1963, il devient le hazan de la synagogue consistoriale
parisienne rue Chasseloup-Laubat en 1966 et reçoit le premier prix du Conservatoire
de Paris. En 1988, il exerce son ministère au Luxembourg. En 1992, il rejoint la synagogue de la rue Copernic où il exerce toujours.
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La musique liturgique à l’ULIF
L’ULIF est un des rares lieux en France où la musique « consistoriale » est maintenue à tous les offices du
Shabbat et des fêtes. Cette musique savante, de transmission écrite, est liée aux mouvements réformateurs
du judaïsme au XIXe siècle. Accompagnée par l’orgue et par des chœurs, elle est l’un des éléments essentiels de la réforme du culte. Elle se répand au XIXe siècle en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord,
grâce à des musiciens – chantres et compositeurs de grand talent – tels qu’Israël Lovy, Louis Lewandowski
ou Samuel Naumbourg. Le Consistoire l’inclut dans sa modernisation du culte dès 1856 à l’initiative du
grand rabbin de France Salomon Ullman. L’ULIF perpétue cette tradition – disparue de l’enseignement du
séminaire de la rue Vauquelin – grâce à ses hazanim.
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Un mouvement
de jeunesse libérale : la JLI
Sous l’égide de l’Union Libérale, le groupement de la JLI (Jeunesse Libérale Israélite) est
fondée en 1924 : « Son objet sera de grouper la jeune génération autour d’un judaïsme
régénéré, pour le présenter au monde dans un nouvel éclat […] ».
Denise Lévy-Bauer, future Madame Greilsammer, préside la JLI jusqu’à la guerre. Des
conférences et des réunions sont organisées régulièrement le mardi soir. Des offices
spéciaux pour la jeunesse sont célébrés chaque premier dimanche du mois. La JLI a de
nombreuses autres activités : soirées dansantes, sorties, camps de vacances, etc. Elle organise même en 1933 un voyage en Allemagne et participe au congrès du judaïsme libéral à
Londres en juillet de la même année. La guerre interrompt ses activités.
A la sortie de la guerre il était important de recréer une structure d’accueil pour la
jeunesse souvent très marquée par les terribles événements qu’elle venait de vivre. Dès
octobre 1945, Denise Greilsammer reconstitue la Jeunesse Libérale Israélite, reprenant le
même schéma qu’avant guerre. Des équipes de travail se forment, organisant des activités
multiples et variées auxquelles des personnalités comme Edmond Fleg, André Chouraqui
ou Leo Baeck participent.
Pendant 25 ans, la JLI continue ses activités sur ce principe, avec notamment des
groupes d’étude autour du rabbin Zaoui et du Hazan Kaçmann. Elle participe aussi aux
réunions du groupe de jeunes de la WUPJ (Union Mondiale du Judaïsme Libéral) et organise des voyages dont le premier en Israël. Au fil du temps les activités de la JLI se poursuivent sous des formes diverses.
La grande réussite du mouvement a été notamment de permettre à de jeunes juifs de
milieux assimilés de prendre conscience de leur judaïsme, de s’impliquer dans la communauté et plus tard d’en devenir des dirigeants.
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Premier voyage de la JLI
en Israël, 1953
Week-end au château
de la Versine, 1955
Fête de Pourim,
fin des années 50
European Jewish Liberal Youth Conference,
1950, Dorking, Grande-Bretagne
Annonce parue dans Le Rayon
en 1939
L’Institut International
d’Études Hébraïques
Famille Gabbay
L’Institut International d’Etudes Hébraïques (IIEH) est destiné à remplacer les séminaires
libéraux d’Europe détruits pendant la guerre. Avec le soutien de la World Union for
Progressive Judaism, de la Conference on Jewish Material Claims Against Germany, de
l’American Jewish Joint Distribution Committee et de généreux donateurs, l’IIEH ouvre ses
portes 20 rue Servandoni à Paris en 1955, sous la présidence du rabbin André Zaoui et la
direction de Suzanne Daniel, universitaire hébraïsante et helléniste. Sa mission essentielle
consiste à former des rabbins libéraux francophones et des enseignants et enseignantes
du judaïsme libéral.
Son programme sur cinq ans comprend :
• l’enseignement des fondements traditionnels du judaïsme :
Bible, Talmud, midrash, mishna, guemara, liturgie,
• des cours d’hébreu biblique et moderne, d’histoire juive, de
littérature, de philosophie et de pensée juive.
Les étudiants sont d’origines sociales et culturelles très diverses
et viennent de France comme de l’étranger.
L’IIEH accueille des professeurs et des conférenciers qui sont
des intellectuels de grande renommée tels que Martin Buber,
Gershom Scholem, Leo Baeck…
Diplôme du rabbin Nissim Gabbay
En 1960, l’Institut remet la semikha (l’ordination) à son premier remis par l’IIEH, 1960
rabbin, Nissim Gabbay. Liliane Rosenthal est la première
femme diplômée professeur d’hébreu. Entre 1955 et la fin des années 60, une dizaine de
rabbins reçoivent la semikha de l’IIEH. Son influence se fait encore sentir aujourd’hui en
Europe, notamment à Paris, Genève et Bruxelles où les rabbins Daniel Farhi, François
Garaï et Albert Dahan, formés par l’IIEH, ont fondé et dirigent des communautés libérales.
Avec la fermeture de l’IIEH et l’alyah du rabbin
Zaoui à la fin des années
60 s’achève une époque de
l’Union Libérale Israélite.
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Cours du rabbin Zaoui
dans la bibliothèque de l’Institut
American Jewish Archives, Jacob Rader Marcus Center
Le rabbin Zaoui et Walter Eytan,
ambassadeur d’Israël en France,
entourés d’élèves et d’enseignants
devant le 20 rue Servandoni
Retour vers la synagogue
A la fin du XIXe siècle, les juifs de Paris sont largement intégrés dans la société française.
Cette intégration recouvre pour certains une autre réalité : assimilation, déjudaïsation, voire
abandon total de la pratique religieuse. Le grand rabbin Zadoc Kahn déplore en 1900 « l’absence presque complète de vie religieuse dont souffre un trop grand nombre de nos familles ».
En 1903, l’éditeur Félix Alcan publie
A travers les Moissons, une anthologie
de textes juifs religieux, signée par
Marguerite Brandon-Salvador. Celle
qui est une des fondatrices de l’ULI et
dont la sœur s’est convertie au protestantisme révèle, à travers ce livre, sa
redécouverte des sources spirituelles
du judaïsme.
Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle, Paris
Pourtant, la poussée de l’antisémitisme durant l’Affaire Dreyfus réveille la conscience des
juifs assimilés et va inciter certains d’entre eux à redécouvrir leur histoire et leur religion.
Les conférences du dimanche matin à la synagogue de la Victoire suivies par la création
de l’ULI avec ses offices recueillis et adaptés vont attirer ces juifs en recherche identitaire
et spirituelle.
Arnold Schoenberg Center, Vienne, Autriche
L’histoire retient également le retour
travers les Moissons,
d’Arnold Schoenberg le 24 juillet 1933 AMarguerite
Brandon-Salvador
à la synagogue de la rue Copernic. Ce
compositeur, qui avait embrassé la religion protestante, revient vers la tradition juive sous
l’égide du rabbin Louis-Germain Lévy. Ses témoins sont le docteur Dimitri Marianoff,
gendre d’Albert Einstein et le peintre Marc Chagall.
Jusqu’à nos jours, des enfants issus de mariages mixtes, des
enfants et petits-enfants de ceux qui ont abandonné le judaïsme
à cause de la Shoah, ainsi que des juifs assimilés reviennent
vers le judaïsme par la porte de la synagogue libérale.
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Lettre du rabbin Louis-Germain
Lévy attestant du retour
au judaïsme d’Arnold Schoenberg
Transmission du judaïsme
Talmud Torah
En 1951, le rabbin Zaoui confie à Colette Kessler l’éducation religieuse des enfants. Sous sa
direction, le Talmud Torah se développe rapidement et dès 1960 un deuxième centre est
ouvert, Rive gauche, dans les locaux de l’Institut de la rue Servandoni. À cette époque, le
Talmud Torah de l’ULI est intégré dans les différents organismes éducatifs juifs français.
Après le départ de Colette Kessler en 1977, la direction en est assurée par Liliane Rosenthal
et Denise Zubicki, puis par Ariane Bendavid depuis 1997. Il compte aujourd’hui plus de
400 élèves ; une vingtaine d’enseignants préparent quelque 150 garçons et filles par an à
la Bar et Bat-mitzvah (majorité religieuse).
L’une des particularités du Talmud Torah libéral est la place qu’il accorde aux jeunes filles
qui ont accès à pleine égalité à l’instruction religieuse, célèbrent leur Bat-mitzvah au même
titre que les garçons et participent activement à l’office du Shabbat. Dans les années 60,
sous l’impulsion d’Émile Kaçmann, les jeunes post Bar-mitzvah célèbrent eux-mêmes un
office le samedi soir qui attire beaucoup de monde.
Le principe de notre Talmud Torah est que l’étude doit susciter chez les enfants l’amour du
judaïsme et du peuple d’Israël, sans pour autant les enfermer dans un particularisme
étroit. Par l’apprentissage de la Bible, de l’histoire, des prières, des fêtes juives et de l’hébreu, il a pour objectif de faire apprécier la richesse de la pensée juive et de ses valeurs,
dans un esprit d’ouverture et de respect du pluralisme.
Colette Kessler et des élèves
du Talmud Torah au début des années 50
Notre enseignement s’attache notamment à dégager, à
partir des textes anciens et des traditions, leur étonnante
actualité et leur pleine conformité avec les valeurs de la
laïcité et de la République. L’éthique placée au-dessus du
rituel est le fondement de l’enseignement libéral. Le
dialogue inter-religieux est également au centre de nos
préoccupations, et dans ce
but, l’ULIF reçoit régulièrement des jeunes catholiques
ou musulmans désireux de
mieux connaître notre histoire
et nos traditions.
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Armand Benhamou et des élèves du Talmud Torah
à la fin des années 90
Une jeune Bat-mitzvah
dans les années 60
Yom Hashoah,
commémoration
de la Shoah
Lecture publique des noms des déportés juifs de France.
L’une des manières de commémorer la Shoah et ses victimes en France a été initiée par le
Mouvement Juif Libéral de France (MJLF) en 1991. Il s’agit d’une lecture publique, ininterrompue, de 24 heures, des noms des quelque 76 000 juifs français qui, entre mars
1942 et août 1944, furent déportés en 79 convois de Drancy vers Auschwitz et dont, à la
fin de la guerre, seulement 2 500 revinrent.
Cette lecture, organisée à partir de l’ouvrage Mémorial de la déportation des juifs de France
édité par l’association Fils et filles des déportés juifs de France et son président Serge Klarsfeld,
est menée par des fils et filles de déportés, des petits-enfants (voire arrière petits-enfants) et
d’autres descendants des victimes, parfois par des anciens déportés survivants eux-mêmes.
À l’instar de la Torah, la lecture est « contrôlée » par un shomer qui vérifie qu’aucun
nom n’est omis ou déformé. Elle commence par une cérémonie officielle et se termine
par les prières El malé rahamim et Kaddish. Elle réunit toutes les composantes de la
communauté juive de France.
Jusqu’en 2005, cette cérémonie s’est déroulée près de l’emplacement de l’ancien
« Vel’ d’Hiv ». Depuis, elle a lieu au Mémorial de la Shoah.
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La Megilat Hashoah
Il y a plusieurs années, le 27 Nissan a été choisi comme date
“officielle” de commémoration de Yom Hashoah. Diverses
tentatives pour concevoir une liturgie appropriée se sont
ensuite succédé. Notre tradition permet en effet de
comprendre qu’une date ne peut être suffisante à l’accomplissement de ce «devoir de mémoire». Pour ancrer le passé
dans la mémoire collective du peuple juif, il faut aussi des
rites et surtout des livres.
En 2003, une audacieuse tentative de ritualisation du Yom
Hashoah a vu le jour. Sous le titre de Megilat Hashoah,
rouleau de la Shoah, l’Assemblée Rabbinique du mouvement conservateur des Etats-Unis a publié un petit ouvrage
réunissant prières et méditations commémoratives, ainsi
qu’une histoire en six chapitres relatant les événements
endurés par le peuple juif durant la Shoah.
En 2005, l’ULIF s’est doté de ce nouveau rouleau de la
Shoah, écrit par un Sofer. Cette Megilat Hashoah trouve sa
place aux côtés du rouleau d’Esther dans la tradition liturgique. La lecture de ce récit sera-t-elle la clé d’une pérennisation de la transmission de la Shoah ?
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L’attentat
Le 3 octobre 1980, pendant l’office du Shabbat et de Souccot, une bombe placée dans la
sacoche d’une moto garée contre le mur de la synagogue explose, faisant quatre morts et
de nombreux blessés. C’est le premier attentat antisémite d’une telle ampleur en France
depuis la guerre. Il suscite de nombreuses réactions de soutien et de solidarité aux niveaux
national et international.
Jacques Zelter
Boccon-Gibod / SIPA
AFP
Delmas / AFP
AFP
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Le judaïsme libéral
dans le monde
Ed. Wayne State University Press
ÉTATS-UNIS – La première synagogue libérale voit le jour à Charleston (Caroline du Sud)
en 1820. Avec l’arrivée des juifs allemands pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, de
nombreuses synagogues libérales vont apparaître. En 1873,
Isaac Mayer Wise (1819-1900) fédère ces communautés en un
mouvement : l’Union of American Hebrew Congregations (devenue
Union of Reform Judaism). Dès 1875 le Hebrew Union College,
séminaire libéral de formation rabbinique, est créé à
Cincinnati. Une association rabbinique la Central Conference
of American Rabbis (CCAR) est formée en 1889. Aujourd’hui,
il y a plus de neuf cents synagogues libérales aux EtatsLes rabbins
de la CCAR autour
Unis. Le Hebrew Union College compte trois lieux d’étude
d’Isaac Mayer Wise
formant rabbins, hazanim (chantres) et éducateurs du
judaïsme libéral.
Isaac Mayer Wise
GRANDE BRETAGNE – Il y a deux mouvements libéraux dans
ce pays : le Movement for Reform Judaism dont la première synagogue, West London Synagogue, fut fondée en 1840 et le Liberal
Judaism, dont la première synagogue, Liberal Jewish Synagogue le
fut en 1911. Ensemble, ils fédèrent plus de 70 synagogues avec
environ 45 000 membres ce qui fait de la Grande Bretagne la
plus importante communauté libérale d’Europe. Les deux
mouvements parrainent le Leo Baeck College, un séminaire
rabbinique libéral, créé à Londres en 1956. La Grande-Bretagne
West London Synagogue
est également le berceau de la World Union for Progressive
Judaism (Union Mondiale du Judaïsme Libéral) fondée à Londres en 1926 par le rabbin
Israel Mattuck, Lily Montagu et Claude Montefiore, à laquelle L’ULI adhère à sa création.
ALLEMAGNE – Avec plus d’une vingtaine de communautés et un séminaire rabbinique
à Potsdam l’Abraham Geiger Kolleg, inauguré en 2000, le mouvement libéral contribue au
renouveau de la vie juive religieuse dans le pays de sa naissance. L’Allemagne connaît
actuellement une croissance importante de sa population juive grâce à l’arrivée de plus de
200 000 émigrés juifs de l’ex-URSS.
WUPJ
ISRAËL – Il y a plus de 24 communautés libérales et une cinquantaine de rabbins libéraux
dans le pays. Grâce à des décisions de la Cour suprême israélienne, le mouvement et ses
rabbins ont davantage de liberté d’expression malgré l’opposition du rabbinat orthodoxe
officiel. Le Hebrew Union College à Jérusalem est le centre de formation de rabbins et d’enseignants. Depuis 1973, le siège international de la
World Union for Progressive Judaism se trouve à
Jérusalem. Cette union est l’organisation juive religieuse la plus importante au monde avec plus d’1,7
million membres répartis dans quarante-deux pays.
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Siège de la World Union for
Progressive Judaism à Jérusalem
L’ULIF aujourd’hui
Plus qu’une synagogue, plus qu’une simple communauté, l’ULIF est une institution
à part entière dont la devise est « tradition, dialogue, ouverture ».
L’ULIF aujourd’hui c’est :
• 1 400 familles adhérentes
• 400 enfants inscrits aux cours d’instruction religieuse du Talmud Torah
• 150 Bar et Bat-mitzvah par an
• environ 70 mariages par an
• près de 4 300 fidèles réunis pour les grandes fêtes de Tichri au Palais des Congrès
et à la synagogue rue Copernic
• 1 groupe d’Eclaireurs et Eclaireuses Israélites de France
• 2 communautés affiliées, à Marseille et Vigneux
• 1 revue trimestrielle : Hamevasser (Le Messager)
• 1 site internet : www.ulif.com
Au-delà de sa fonction première, sa mission consiste à :
• bâtir la communauté de demain avec un Talmud Torah qui fasse apprécier aux enfants
la richesse de leur héritage tout en leur donnant un esprit d’ouverture, de tolérance
et de respect du pluralisme
• éduquer les fidèles de tous âges par des cours, conférences, etc...
• former les candidats à la conversion en leur donnant un enseignement solide mettant
l’accent sur la connaissance, le sens et le symbole ; leur permettre d’accéder à une
pleine conversion avec un Beth Din (tribunal rabbinique) et un mikvé (bain rituel)
• apporter des réponses aux questions que pose notre société moderne tout
en respectant les valeurs traditionnelles du judaïsme ; démontrer que fidélité
n’est pas incompatible avec modernité
• rappeler que le respect de la différence des opinions et des coutumes
est un enrichissement de l’homme et le socle même du dialogue
• fournir une aide sociale aux familles en difficulté
• rémunérer des étudiants de familles modestes pour qu’ils apportent un soutien
scolaire à des enfants de familles défavorisées
• participer aux actions des institutions sociales de la communauté
• soutenir des organismes caritatifs et culturels en Israël ainsi que des projets
universitaires, notamment avec l’Université de Haïfa
Consciente du rôle important qu’elle doit jouer au sein du judaïsme français, l’ULIF participe
activement aux actions menées par les principales institutions juives de France avec
lesquelles elle entretient des relations suivies, notamment avec le CRIF (Conseil
Représentatif des Institutions Juives de France).
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Publié à l’occasion
de l’exposition
L’Union Libérale Israélite
de France, 1907–2007,
cent ans d’histoire(s)
qui a été inaugurée du
5 au 11 décembre 2007
à la mairie du XVIe
arrondissement, Paris.
Coordination de l’exposition,
recherches iconographiques :
Isabelle Williams
Rédaction des textes :
Ariane Bendavid
Rabbin Stephen Berkowitz
Rabbin Daniel Farhi
Laura Hobson-Faure
Colette Kessler
Rabbin David Meyer
Catherine Poujol
Perrine Simon-Nahum
Isabelle Williams
ULIF COPERNIC
Union Libérale Israélite de France
1907 – 2007
Photographies :
Sauf mention contraire :
collections privées
et archives de l’ULIF.
Droits réservés.
Conception graphique :
Alain Choukroun
Remerciements :
Patrick Altar
Odette Chertok
Nathalie Moock
Isabelle Pleskoff
Danielle Roch
–––––
ULIF
24, rue Copernic
75116 Paris
tél : 01 47 04 37 27
www.ulif.com

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