At the Gorge of Lu, the great waterfall plunges for thousands of feet
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Compte rendu du Comité des Prix Prince Claus 2016 Mai 2016 Les Prix Prince Claus Les Prix Prince Claus récompensent des réalisations exceptionnelles dans le domaine de la culture et du développement. Ces Prix sont attribués chaque année à des personnes individuelles, des groupes et des organismes dont les actions culturelles ont un effet positif sur le développement de leurs sociétés. Pour la Fondation Prince Claus, la culture est un besoin fondamental. Répondant à ce principe directeur, les Prix Prince Claus attirent l’attention sur d’importantes réalisations dans des régions où les possibilités d’expression culturelle, de production créatrice et de préservation du patrimoine culturel sont limitées. Procédure La Fondation Prince Claus invite des experts culturels de son réseau international à nominer des candidats pour les Prix. Le bureau de la fondation se charge des recherches et recueille des seconds avis sur toutes ces nominations. Le Comité international des Prix Prince Claus se réunit deux fois par an pour étudier les informations concernant les candidats nominés et par la suite présenter ses recommandations au conseil d’administration de la Fondation Prince Claus. Chaque année en décembre, le Grand Prix Prince Claus est remis au lauréat du Grand Prix ainsi qu’aux autres lauréats au cours d’une cérémonie qui a lieu au Palais royal d’Amsterdam en présence de membres de la famille royale des Pays-Bas et d’un public international. Les Prix Prince Claus sont également remis aux lauréats par les ambassadeurs des Pays-Bas au cours d’une cérémonie dans leurs pays respectifs. Comité des Prix Prince Claus 2016 Emile Fallaux (président), cinéaste et journaliste, Amsterdam, Pays-Bas Cheikha Hoor Al Qasimi, curateur et artiste visuel, Sharjah, Emirat de Sharjah Dinh Q Lê, artiste visuel, Hô-Chi-Minh-Ville, Vietnam Neo Muyanga, auteur-compositeur-interprète, Le Cap, Afrique du Sud Manuel de Rivero, architecte et urbaniste, Lima, Pérou Suely Rolnik, critique d’art et psychanalyste, São Paulo, Brésil Fariba Derakhshani est coordinatrice du programme des Prix et secrétaire du Comité des Prix. Formule spéciale pour les Prix à l’occasion du 20e anniversaire de la fondation Traditionnellement, la Fondation Prince Claus décerne un Grand Prix et dix Prix Prince Claus. En 2016, pour la célébration de son 20e anniversaire, la Fondation Prince Claus a opté pour une autre approche : un nombre restreint de lauréats de façon à optimiser l’impact de leur créativité. La fondation décerne donc cette année un Grand Prix et cinq Prix supplémentaires. Les lauréats de ces cinq Prix recevront un Prix Prince Claus en reconnaissance de l’excellence de leur contribution à la culture et au développement, et la possibilité sera donnée à chacun d’eux de soutenir un projet qui, à leur avis, renforcera et aura une influence positive sur l’extension et le renforcement de la créativité dans leur environnement. Données 2016 Pour les Prix Prince Claus 2016, la fondation a invité 350 personnes à proposer des nominations. Au total, le bureau de la Fondation a reçu et examiné 85 nominations. Le Comité des Prix Prince Claus s’est réuni les 3 et 4 décembre 2015 et a établi une pré-liste qui a été soumise à une recherche plus poussée et à des seconds avis d’experts et de conseillers. Lors d’une seconde réunion les 19, 20 et 21 mai 2016, le Comité des Prix Prince Claus a procédé à une évaluation approfondie des 37 candidats de la pré-liste et, conformément à la formule adoptée pour le 20e anniversaire de la fondation concernant les Prix, a sélectionné 6 lauréats pour les Prix Prince Claus 2016. Les recommandations du Comité des Prix ont été présentées au conseil d’administration de la Fondation Prince Claus en juin 2016. Programme et critères Pour la Fondation Prince Claus la culture est un concept large ouvert à toutes les disciplines intellectuelles et artistiques. Les Prix Prince Claus sont décernés à des artistes et des intellectuels en reconnaissance de l’excellence de leur travail et de l’impact de leurs activités culturelles sur le développement de la société. Les Prix sont attribués à des personnes individuelles, des groupes et des organismes établis principalement en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. La qualité du travail est une condition sine qua non pour recevoir un Prix Prince Claus. Cette qualité est évaluée dans le contexte professionnel et personnel des lauréats, et en fonction des répercussions positives de leur travail dans les domaines culturels et sociaux. Les Prix Prince Claus récompensent des qualités artistiques et intellectuelles, la recherche et l’innovation, l’audace et la ténacité. Ils visent à apporter un encouragement aux leaderships qui sont une source d’inspiration et à accroître les effets positifs de l’expression culturelle sur la société. Recommandations pour les Prix Prince Claus 2016 Le Grand Prix Prince Claus 2016 Apichatpong Weerasethakul Thaïlande Film / Audiovisuel Cinéaste et artiste audiovisuel, Apichatpong Weerasethakul (1970, Khon Kaen) nous fait voir une manière différente d’être au monde à travers des films fascinants, d’une grande force d’émotion et de très haute qualité esthétique et intellectuelle. Il utilise la lumière, le son et l’image de manière suggestive pour présenter une vision animiste du monde comme un ensemble vibrant où tout est interconnecté et suscite une prise de conscience que nous sommes anesthésiés par le paradigme rationaliste et le consumérisme. Rejetant radicalement les formules dramatiques et les conventions hollywoodiennes, Weerasethakul donne aux spectateurs l’occasion de vivre l’expérience d’un monde sensible plus profond et plus large. 2 Il traite des questions universelles en s’appuyant sur des faits de la vie quotidienne en Thaïlande. Grâce à d’étonnantes images et à un découpage du film en séquences non linéaires, il véhicule une vision complexe avec une grande subtilité. L’œuvre imposante de Weerasethakul – six longs métrages et plus de trente courts métrages - témoigne d’un sens aigu de la nature, du temps et du lieu. Centrée sur une expérience concrète de l’histoire et sur l’exploration poétique de situations et de personnages aux gestes retenus et vibrants d’émotion, elle provoque une prise de conscience chez le spectateur. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (2010) traite de la vie et de la mort, de la mémoire corporelle et de la présence du passé dans la vie de tous les jours. Dans les films de Weerasethakul, la fragilité du corps humain, la maladie et les hôpitaux sont les métaphores récurrentes des déséquilibres d’une nation, des divisions et de l’autoritarisme. Cemetery of Splendor (2015) explore la peur de la vérité, l’autocratie et l’escapisme à travers une délicate histoire de rapports humains : l’héroïne optimiste et patriote découvre progressivement la malveillance qui sévit autour d’elle. Bien que reconnus et primés à l’étranger, les films et les créations visuelles de Weerasethakul font l’objet de restrictions en Thaïlande. Le cinéaste travaille hors des circuits de l’industrie commerciale cinématographique thaïlandaise et refuse de s’autocensurer ou de couper ses films. Il soutient la production et la réalisation de films expérimentaux et indépendants dans sa compagnie Kick the Machine Films et a créé le Free Thai Cinema Movement. Lorsque Syndromes and a Century (2006) a fait l’objet d’une censure gouvernementale, il a d’abord refusé de modifier son film, puis il en a diffusé une version ostensiblement amputée, remplaçant les extraits supprimés par des séquences complètement noires et orientant les spectateurs vers un visionnage de ces fragments sur YouTube. Des Thaïlandais convaincus de l’importance politique et esthétique de l’œuvre de Weerasethakul pour le public local font circuler ses films clandestinement dans son pays natal. Le travail de Weerasethakul ne se limite pas à une seule forme d’art : il réalise également des installations et des performances. Ainsi l’installation Fireworks (Archives) avec ses flashs qui font vibrer des fragments de divinités, d’humains et d’animaux hybrides. Installé la nuit dans le temple Sala Keoku, elle traite de la mémoire politique, des différents états d’être et de la lumière comme un moyen de comprendre le monde. Sa performance Fever Room a été présentée pour la première fois en Corée du Sud en 2015 comme « projet en cours » et a séduit le public du Kunstenfestivaldesarts 2016 à Bruxelles. Le Prix Prince Claus est décerné à Apichatpong Weerasethakul pour la richesse de ses images, le lyrisme spirituel et la profondeur intellectuelle d’une œuvre provocante ; pour son analyse subtile mais non moins puissante des réalités thaïlandaises qui va bien au-delà de sa propre société ; pour sa création d’un langage cinématographique original qui permet de ressentir un vécu animiste, rétablissant une façon d’être connecté au monde qui se trouve paralysée par ces mécanismes occidentaux qui perturbent la capacité du corps à évaluer ce qui est bon pour la vie et ce qui ne l’est pas ; pour sa façon de faire de la création cinématographique quelque chose de beaucoup plus complexe et de grande portée, démontrant clairement que l’excellence artistique crée une expérience et est inséparable du social et du politique ; et pour la source d’inspiration qu’il représente pour beaucoup en refusant les compromis et restant fidèle à sa propre vision et à ses propres principes. Les autres Prix Prince Claus 2016 Kamal Mouzawak Liban Culture et développement Chef cuisinier et militant pour la sécurité alimentaire, Kamal Mouzawak (1969, Beyrouth) a transformé sa passion pour la cuisine libanaise et la production durable de denrées alimentaires en un organisme dynamique au service du bien-être et du développement social. En se déplaçant à travers le Liban en tant qu’écrivain culinaire et tout en enseignant l’alimentation macrobiotique, Mouzawak a acquis une compréhension profonde du savoir et des compétences des 3 communautés rurales, mais il a constaté également les difficultés rencontrées par les petits exploitants agricoles, en particulier leur incapacité à trouver des acheteurs. En 2004, il fonde Souk El Tayeb (« Le marché du bien »), le premier marché fermier de Beyrouth où l’on trouve de délicieux produits locaux, cultivés de manière éthique et vendus à des prix équitables et abordables. L’ambiance agréable de ce marché très animé attire des gens de tous âges, issus de tous les secteurs de la société libanaise et quelle que soit leur appartenance politique, leur classe sociale, leur religion ou leur origine ethnique. Mouzawak travaille en collaboration étroite avec les agriculteurs pour garantir une production de haute qualité respectueuse de l’environnement. Il propose des formations pour la préparation, le stockage, l’emballage et la commercialisation des denrées alimentaires, et des conseils sur l’amélioration des produits et la certification « produits biologiques ». Il a créé un programme d’échanges entre agriculteurs pour renforcer les liens entre producteurs et participé à la formation d’un organe représentatif pour les droits et les intérêts des exploitants agricoles. En 2009, Mouzawak ouvre Tawlet (« Table »), un restaurant coopératif où chaque jour un membre différent de la communauté Souk El Tayeb propose des plats authentiques de sa région. Beaucoup des cuisiniers sont des femmes du monde rural qui ont perpétué les traditions culinaires libanaises en cuisinant pour leurs familles, transmettant ainsi leur savoir de génération en génération. Tawlet propose également des cours de cuisine et organise des campagnes santé-environnement. Le restaurant a désormais des filiales dans la plaine de la Bekaa, dans les montagnes du Chouf et à Batroun. Parmi les autres initiatives de Souk El Tayed, on trouve : des programmes santé-écologie dans les écoles, une boutique coopérative, des festivals « Food and Feast » à travers le pays qui vantent les spécialités locales, des projets de formation cuisine avec des réfugiés syriens et palestiniens et un réseau de restaurants où les cuisiniers s’engagent à préparer un plat traditionnel de chaque région pour montrer la diversité du Liban. Le Prix Prince Claus est décerné à Kamal Mouzawak pour la réconciliation et le respect qu’il inspire entre les différentes communautés, jetant des ponts par-dessus les divisions ethniques, religieuses, politiques et sociales par le partage d’un besoin humain et le plaisir de la table ; pour la préservation et la promotion du riche patrimoine culinaire libanais au regard des générations futures ; pour le nouvel élan et l’encouragement apporté à l’économie alimentaire locale et à l’agriculture biologique au Liban ; pour sa façon de souligner de l’importance des communautés rurales et de la nécessité de les développer équitablement ; pour sa mise en évidence du besoin d’alternatives au système d’approvisionnement alimentaire à grande-échelle qui conduit à une dégradation de l’environnement et de la santé publique, et engendre des problèmes socioculturels ; et pour sa démonstration que notre façon de nous alimenter au quotidien peut avoir un impact positif ou négatif sur nos vies, sur les communautés locales et sur l’environnement. PeaceNiche | The Second Floor (T2F) Pakistan Culture et développement The Second Floor (2007, Karachi) est un espace multidisciplinaire axé sur le changement social et la résolution de conflits par le biais du dialogue et de l’engagement culturel. C’est un lieu accueillant où les gens peuvent se réunir, bavarder et rire, écouter de la musique et de la poésie, discuter politique en anglais, en ourdou et dans d’autres langues vernaculaires, ou simplement boire un café. Cet endroit somme toute banal est exceptionnel, une véritable source d’« oxygène social », dans un contexte où l’espace public se rétrécit de plus en plus et où des lois récentes réduisent la liberté d’expression. A la fois café, librairie et zone polyvalente, The Second Floor (T2F) réunit la culture de l’élite et la culture populaire, et ses portes sont ouvertes à tous. Des expositions d’art y sont proposées ainsi que des conférences scientifiques, des forums sur les droits de l’homme et les nouvelles lois, des rencontres avec des écrivains, des représentations théâtrales, des séances de cinéma, des soirées ouvertes aux amateurs et à la comédie stand up. Les spectacles musicaux y sont nombreux : des traditionnels qawwalî 4 mehfil et des cours de tablâ aux jam sessions et aux productions de musique électronique expérimentale. T2F organise également le festival populaire Creative Karachi Festival. Il dirige des programmes relatifs au bien-être affectif pour les écoles et propose des cours de formation sur la santé mentale. Tout récemment, il a initié le premier hackathon civique de la ville : les Karachites se sont réunis pour réfléchir ensemble à des solutions technologiques aux problèmes urbains. T2F attire un public très divers et établit des passerelles entre les générations et les classes sociales. Il répond aux préoccupations des minorités et des groupes marginalisés, et est un pôle de rencontre pour les intellectuels, les travailleurs sociaux et les artistes. Plateforme indépendante pour la participation, la contestation et la collaboration, il crée chez les jeunes la confiance dont ils ont besoin pour s’engager dans l’espace public, entreprendre, expérimenter, poser des questions et participer aux débats actuels. En 2015, T2F accueillait une centaine de visiteurs tous les jours et, à son exemple, des initiatives similaires ont vu le jour à Islamabad et à Lahore. Projet phare de PeaceNiche, une organisation non lucrative installée à Karachi, T2F a été créé par feu Sabeen Mahmud. Cette éminente militante pakistanaise des droits de l’homme a été abattue alors qu’elle venait d’assister à une soirée discussion à T2F sur la situation dans le Baloutchistan. Confrontés à cette grande perte, les amis et les sympathisants de T2F se sont immédiatement mobilisés et les activités du centre, désormais dirigé par Marvi Mazhar, continuent à revitaliser le paysage culturel de Karachi. Le Prix Prince Claus est décerné à T2F pour son courageux maintien de ce qui devrait être des activités urbaines normales ; pour la promotion de la parole démocratique, de la pensée progressiste et du débat critique dans une société de plus en plus polarisée ; pour la création d’un havre de tolérance, accueillant toutes les nuances d’opinion dans un cadre de paix et de laïcité ; pour sa façon de stimuler l’expression artistique dans les disciplines les plus diverses et d’encourager l’expérimentation qui remet en cause les conventions locales ; pour l’accompagnement et la plateforme de soutien qu’elle offre aux générations plus jeunes pour exercer leurs talents et exprimer leurs opinions. Bahia Shehab Egypte / Liban Design Graphiste, historienne, enseignante et artiste militante, Bahia Shehab (1977, Beyrouth) possède une formidable connaissance de la culture visuelle arabe dans tous ces domaines. Pour son grand projet en cours, elle collecte des exemples anciens de calligraphie arabe en vue de réaliser une encyclopédie. L’objectif de cette fastueuse encyclopédie de calligraphie arabe est de sensibiliser les designers, de les reconnecter avec leur patrimoine et d’inspirer des innovations. L’œuvre de 7x3,5m intitulée A Thousand Times No (2010) et basée sur cette recherche montre les innombrables mutations de deux lettres – lam et alif – depuis 1400 ans. Ces lettres ont été cousues, modelées, gravées et coulées, sur des vases, des pierres tombales, des manuscrits et des murs, dans des lieux qui vont de l’Espagne aux frontières de la Chine. Durant le Printemps arabe, cette archéologie du langage visuel s’est transformée en militantisme pratique. Mettant en avant le rôle du visuel dans les manifestations, Shehab a tagué et dessiné au pochoir le mot « non » dans les rues du Caire l’associant à des déclarations telles que « non à la violence » et « non au régime militaire ». Ce n’était pas de simples slogans puisqu’ils se rapportaient à des cas spécifiques d’abus de pouvoir. Parmi ses autres graffitis, l’emblématique « soutien-gorge bleu » qui suscita une réaction massive du public faisait référence à l’affaire d’une jeune femme déshabillée et battue par des policiers égyptiens. Dans sa pratique de l’art contemporain, Shehab combine l’histoire de l’art musulman avec les politiques arabes actuelles et un discours féministe : des interventions de rue fondées sur la littérature arabe à des installations comme Azaan, composée de peintures de minarets provenant de plusieurs régions du monde musulman et d’un environnement sonore de l’appel à la prière interprété par une femme. Shehab conçoit et organise également des expositions et des projets d’art communautaire au Caire. 5 Professeur associée au Département des arts de l’Université américaine au Caire (AUC), elle a élaboré et lancé le programme de design graphique de l’AUC qui propose des cours spécialisés sur la civilisation arabe, en particulier la calligraphie – une première dans le monde arabe. Engagée dans la revalorisation de l’éducation artistique en Egypte, Bahia Shehab encourage la création de nouvelles polices de caractères numériques pour la langue arabe si riche en signes. Elle est aussi un exemple actif pour ses étudiants car elle développe elle-même de nouvelles polices de caractères qu’elle utilise dans ses œuvres de rues. Le Prix Prince Claus est décerné à Bahia Shehab pour sa façon de transformer son exceptionnelle recherche sur la calligraphie arabe en matériel pour un activisme social et politique, de créer des œuvres d’art contemporain et d’en faire un usage commercial ; pour sa diffusion de la culture visuelle arabe du passé et sa démonstration de l’immense potentiel qu’elle représente pour les designers d’aujourd’hui ; pour son enseignement, son accompagnement et pour l’exemple féminin transnational qu’elle représente pour les générations plus jeunes ; pour sa façon d’établir des passerelles entre l’histoire et la modernité, l’université et le monde commercial, les rues et les galeries, l’Orient et l’Occident, l’art et la révolution. La Silla Vacía Colombie Media / Journalisme La Silla Vacía (LSV) – La Chaise Vide (2009, Bogota) est un portail interactif en ligne qui a acquis une grande réputation de fiabilité et maintient des normes journalistiques d’un très haut niveau. LSV s’intéresse tout particulièrement aux informations et aux récits concernant la façon dont le pouvoir s’exerce en Colombie, ainsi qu’aux stratégies et aux intérêts qui sous-tendent les grandes prises de décision dans le pays. Fondé par Juanita León (directrice) et géré par une petite équipe, LSV est une expression réellement indépendante dans un contexte où la majorité des médias traditionnels se trouve entre les mains d’entreprises privées travaillant avec des agendas politiques ou économiques. Ces dernières années, les médias classiques ont joué un rôle actif dans l’élaboration de coups d’Etat dans de nombreux pays d’Amérique latine. Les initiatives de presse qui ne s’alignent pas sur cet agenda ont donc un rôle de plus en plus important à jouer. Ni presse activiste « alternative » ni élément de l’establishment, LSV utilise un matériel strictement basé sur des données de recherche et sur des faits provenant de multiples sources. Son analyse rigoureuse offre un débat raisonné sur des questions que d’autres sont peu enclins à aborder, tel que le lien entre les politiques, les groupes paramilitaires et les scandales de corruption. LCV expérimente constamment de nouvelles stratégies numériques pour mobiliser le public. Elle excelle dans l’innovation journalistique, engageant souvent des artistes, des musiciens et des designers, et utilisant des cartes, des graphiques et des récits visuels pour transmettre les informations de manière claire et intéressante. LCV permet aux utilisateurs d’interviewer des politiques en temps réel sans l’intermédiaire de journalistes, accueille des conférences vidéo interactives et propose une rubrique où les leaders d’opinion répondent à « la question de la semaine » directement en ligne. Faisant usage de Facebook pour solliciter de nouvelles sources, lancer des forums et partager des débats, LSV édifie des bases de données accessibles sur des sujets spécifiques, couvre des événements en direct via Twitter et U-stream, et gagne une crédibilité supplémentaire par la publication d’informations brutes et de matériel en vertu de la loi sur l’accès à l’information (Freedom of Information Act) de façon à ce que les utilisateurs puissent se faire eux-mêmes leur opinion. LSV dirige également des projets pluridimensionnels à long terme qui assurent la visibilité des grandes questions sociales, ainsi Proyecto Rosa qui publie les récits de victimes d’expulsions forcées de terres agricoles. LSV couvre avec une attention tout particulière l’actualité régionale et propose des formations et des séminaires sur le journalisme d’investigation en Amérique latine et centrale. Avec une moyenne de 400 000 visiteurs uniques et de 1.200.000 pages consultées par mois, LSV est un modèle pour les médias numériques dans la région. Elle est d’ailleurs fréquemment citée par les autres médias et 6 des chroniqueurs très respectés. Le Prix Prince Claus est décerné à LSV pour sa formidable contribution à la citoyenneté et à la démocratie en Colombie ; pour son intégrité qui crée la confiance, et la transformation qu’elle opère dans la culture journalistique locale en proposant une approche analytique rigoureuse dans un contexte d’une grande complexité ; pour son observation attentive des structures du pouvoir en Colombie et l’aide apportée à la population pour déconstruire la désinformation et les jeux de pouvoir diffusés par les médias classiques ; et pour sa façon d’encourager la participation des citoyens au débat national en donnant la parole à chacun et en bâtissant une société civile bien informée. Vo Trong Nghia Vietnam Architecture Vo Trong Nghia (1976, Quang Binh Province) est un architecte dont les projets écologiques du XXIe siècle transforment les zones urbaines et les mentalités au Vietnam. Travaillant avec une équipe d’innovateurs - architectes, ingénieurs et artisans - dans le cabinet Vo Trong Nghia Architects (fondé en 2006), il met en œuvre des solutions pour contrecarrer le paradigme néolibéral qui transforme les villes en déserts de béton. Le fondement des projets de Vo, qui vont de structures grand public et d’équipements universitaires à des restaurants et des habitations, réside en l’utilisation d’éléments naturels pour créer des bâtiments fonctionnels qui s’enracinent dans la culture locale et conviennent aux climats tropicaux. A l’école de Binh Duong, les façades en lamelles et écrans perforés laissent la lumière naturelle entrer et l’air circuler librement ce qui permet d’éviter la climatisation électrique, coûteuse et dommageable pour l’environnement. Pour pallier à la perte de jardins provoquée par l’urbanisation rapide, à l’école Farming Kindergarten, les enfants font pousser des fleurs et des légumes sur le toit qui descend en pente jusqu’aux pelouses des terrains de jeu, l’énergie solaire chauffe l’eau et les eaux usées sont recyclées pour irriguer les plantes et alimenter les chasses d’eau des toilettes. Pour l’habitation Stacking Green, construite sur une parcelle de ces typiques maisons-tubes de 20 mètres de profondeur et de seulement 4 mètres de largeur - d’où habituellement des intérieurs sombres et humides durant la mousson – Vo s’est laissé influencer par la tradition locale de cultiver des plantes en pots sur toutes les surfaces disponibles. La maison possède une toiture végétalisée et des façades avant et arrière constituées de jardinières superposées qui offrent un éclairage naturel, une ventilation transversale, un filtrage des rayons du soleil et la préservation de la vie privée, tout en réduisant les nuisances sonores et en purifiant l’air. Des solutions similaires ont été appliquées pour de grands immeubles, avec un jardin terrasse sur le toit reliant les tours flanquées de balcons en bambous sur la façade avant. House for Trees est à l’inverse une habitation conçue comme une série de pots de fleurs géants plantés d’arbres qui au fil des ans se transforment en une voûte végétale. Vo défend avec force l’exigence impérative de 50 pour cent de toits « verts » pour les nouveaux aménagements. Dans ses interventions télévisées, ses séminaires et diverses manifestations, il engage le débat sur tous les aspects de l’espace bâti. Actuellement Vo travaille sur un prototype de logements à bas coûts et sur un master plan urbain pour Hô-Chi-Minh-Ville. Le Prix Prince Claus est décerné à Vo Trong Nghia pour son extraordinaire architecture qui respecte l’environnement et redynamise le paysage urbain du Vietnam ; pour la création d’un programme « vert » de pratiques rationnelles en matière d’espace, spécifique pour le Vietnam, qui concilie culture et nature et a un effet positif pour la vie de la collectivité ; pour sa façon de proposer des alternatives architecturales viables et durables qui démontrent aux résidents, aux officiels et aux développeurs qu’un tel changement est possible ; pour la façon dont il sensibilise et influence l’opinion publique sur le besoin d’améliorer les conditions de vie de millions de citadins ; et pour la promotion de l’architecture comme forme d’activisme pour le changement social et la propagation d’un avenir plus vert. 7