1 LIMITER LES INTERVENTIONS CHIMIQUES DANS UN GAZON
Transcription
1 LIMITER LES INTERVENTIONS CHIMIQUES DANS UN GAZON
LIMITER LES INTERVENTIONS CHIMIQUES DANS UN GAZON Article réalisé en collaboration avec C. Van Daele - Centre Technique Horticole de Gembloux Sources principales : 1. Cahier Technique des Gazons. Collectif. Société Française des Gazons. 2005. 2. Green Magazine n° 23, août 2008. « Les matières organiques fabriquées par les gazons ». Hervé Eric Cochard. P28 à 40. 3. Articles techniques Gazon du Centre Technique Horticole de Gembloux, disponible sur www.cthgx.be 4. Mr CHAUVEL G., 2006. « Interactions des pratiques culturales et des maladies des gazons ». 5. G. Chauvel, 2008. « Lombrics sur gazon à vocation sportive et gazon de placage : moduler la lutte ». PHM-revue horticole, N°500, pp.28-33. 6. Fiches techniques BIOBEST, disponibles sur www.biobest.be 7. Sources photos : Biobest et Adalia Le mode d’entretien d’un gazon varie en fonction de son utilisation et aura aussi une influence sur le développement de certains ravageurs et maladies. 1. HAUTEUR ET FRÉQUENCE DES TONTES La hauteur et la fréquence des tontes peuvent agir sur la résistance des graminées aux maladies. Des tontes courtes affaiblissent les plantes et limitent le développement racinaire et donc l’encrage et l’absorption des racines. Figure 1 : Effet de la hauteur de tonte sur le système racinaire chez le pâturin des prés. Schéma d’après photo. Source : Cahier Technique des Gazons. Le végétal. P17. Collectif. Société Française des Gazons. 2005. 1 Toutefois, les tontes courtes sont plus facilement acceptées par les graminées en période de végétation, de croissance active. A l’inverse, durant les périodes de sécheresse, ou si le piétinement est fréquent, ou encore, en cas de carence, les tontes courtes sont à éviter. Les zones ombragées sont également à tondre plus haut (5 à 7cm): de cette manière, la plus grande surface foliaire compense le manque de lumière. La hauteur de tonte est fonction de l’espèce de graminée : Hauteur de tonte minimale Hauteur de tonte optimale Nom latin Nom français Lolium perenne Ray Grass anglais 2,5 cm 5 à 7,5 cm Fétuque Festuca rouge rubra commutata. gazonnante 1,3 cm 5 à 7,5 cm 1,3 cm 5 à 7,5 cm 1,3 cm 5 à 7,5 cm ? ? Festuca rubra rubra Fétuque rouge traçante Fétuque Festuca rouge ½ rubra traçante trichophylla Fétuque Festuca élevée arundinacea Pâturin des Poa prés pratensis Agrostis stolonifera Agrostide stolonifère 1,5 cm 0,3 cm Particularités Sensibilité moyenne au fil rouge. Installation rapide, supporte le piétinement. Sensibilité moyenne au fil rouge et à la rouille noire. Mauvais comportement à la sécheresse Bon aspect hivernal. Supporte mal le piétinement. Sensible au fil rouge et à l’helmintosporiose, Bonne résistance à la rouille noire. Sensible au fil rouge. Résiste à la sécheresse. Supporte le piétinement. Supporte très bien le piétinement. Tolérance moyenne au piétinement. Bonne résistance à l’arrachement. Production de feutre élevée, croissance soutenue. 0,6 à 2,5 cm Installation rapide, supporte le piétinement. 5 à 7,5 cm Dès que l’on s’écarte de la hauteur de tonte optimale, le gazon est soumis à un stress important favorisant l’apparition des maladies. Pour un bon fonctionnement physiologique, supprimez plus d’1/3 de la longueur du feuillage. Par exemple, une tonte à 5 cm est à renouveler au plus tard lorsque le gazon atteint 7,5 cm. Les maladies du gazon se développent plus ou moins facilement selon la hauteur de tonte. Le champignon Rhizoctonia solani, apprécie une hauteur de tonte élevée, d’autant plus si la température diurne avoisine les 30°C avec une humidité élevée et si la température nocturne tourne autour des 20°C avec des périodes d’humectation excédant 10 h. Il faut ajouter à ces conditions, une fertilisation azotée élevée. 2 Les déchets de tonte peuvent également être une source de contamination. L’absence de ramassage est favorable aux Pythium. Quant au Rhizoctonia solani, il peut survivre plus de 4 mois dans les déchets de tonte. Les maladies tels que les pythium, les fusarioses, les rhizoctonioses,… apprécient l’humidité. Une période d’humectation prolongée (par exemple 9 h de suite dans le cas du Rhizoctonia) et des arrosages répétés favorisent le développement de ces champignons. Alors qu’un manque d’eau est favorable à la rouille du pâturin des prés. Le tableau ci-dessous, proposé par Mr CHAUVEL G. (DRAF-SRPV Midi-Pyrénées) lors d’une intervention intitulée : « Interactions des pratiques culturales et des maladies des gazons », reprend les différentes mesures à mettre en place pour limiter le développement des maladies : Maladie Conseils-traitements Évitez l’accumulation d’eau en surface. Bien positionner l’irrigation pour limiter la durée d’humectation Maintenir le sol acide en évitant les amendements calcaires Réaliser une fertilisation modérée en azote pendant les conditions favorables au champignon. Apportez une fertilisation équilibrée N-P-K-Fe à libération Pythium sp. lente Évitez de tondre en conditions humides. Tondre les parties contaminées en dernier lieu et nettoyer (désinfecter) les tondeuses après chaque emploi. Pour limiter les Fusarioses estivales, évitez le stress hydrique (en période chaude et sèche). Apportez une fumure en azote équilibrée au printemps et enlever les déchets de tonte. Pour limiter les fusarioses hivernales, évitez les excès d’azote à l’automne et apportez une fumure équilibrée. Fusarioses et Drainez le terrain pour éviter une humidité trop importante, tout en évitant les Typhula spp. stress hydriques. Aérer le sol, augmenter la hauteur de tonte et enlever les déchets de tonte. Maintenir le pH<6,5. Typhula se développe sous la neige et sur sol non gelée. Il faut donc enlever la neige en hiver et de bien drainer le sol. Évitez une durée d’humectation trop longue (irrigation en 2ème partie de nuit et Sclerotinia essorage mécanique de la rosée le matin). homeocarpa Réalisez des irrigations plus importantes mais moins fréquentes. Aérer le sol (Dollar Spot) et augmenter la hauteur de tonte. Évitez la fumure azotée au printemps, allongez la hauteur de tonte à 50 mm, Helminthosporioses enlevez les déchets de tonte et réalisez un défeutrage si nécessaire. spp. Évitez également les stress hydriques. Défeutrez et évitez les excès en eau (le rhizoctonia est favorisée si la période d’humectation est supérieure à 12 h et si la t° est d’au moins 18°C la nuit et de 30°C en journée). Rhizoctonia sp. Diminuer le temps d’humectation et les tontes trop hautes. Maintenir une fumure azotée non excessive en été pour freiner un peu la croissance des plantes. 3 Maladie Anthracnose Rouilles Oïdium Conseils-traitements Apportez une nutrition équilibrée avec P-K. Défeutrez si nécessaire et irriguer en évidant des trop longues périodes d’humectation durant les périodes chaudes. Aérer le sol. Fertilisation azotée modérée fin août-début septembre. ? Évitez les tontes trop hautes, augmentez la fréquence de tonte, enlevez les déchets de tonte, défeutrez et limiter le temps d’humectation. Évitez les apports en azote et une irrigation trop importante. Évitez l’ombrage et facilitez l’aération. 2. RÉDUIRE L’IMPACT DES RAVAGEURS Le gazon a également ses ravageurs. Ainsi le hanneton et la tipule sont particulièrement dommageables. Toutefois, des moyens de lutte biologique existent. 2.1. Lutte contre le hanneton C’est la larve de hanneton, appelée plus couramment le ver blanc, qui pose problème en se nourrissant des racines des graminées. Dégâts sur pelouse Larves de hanneton commun Le hanneton commun, Melolontha melolontha, est un coléoptère de grosse taille (25 à 30 mm). Sa tête et son thorax sont noir et recouverts de poils courts. Les élytres sont rougeâtres. La larve est un gros asticot et est de couleur blanc, sauf l’extrémité de l’abdomen qui est noir. Au fur et à mesure des années passées dans le sol, la larve grandi : elle mesure entre 10 et 20 mm en 1ère année et entre 40 et 45 mm en 3ème année. Cycle dure 3 ans, réparti sur 4 années civiles, dont environ 3 ans sous forme larvaire dans le sol. Le vol des adultes a lieu généralement à la mi-avril, début mai. L’adulte n’occasionne pas vraiment de dégâts importants. Par contre, la larve se nourrit des organes souterrains de nombreuses plantes provoquant leur flétrissement. Au niveau d’une pelouse, on remarque la présence des larves d’hanneton par le jaunissement de l’herbe par plaques. Celles-ci se détachent alors facilement. 4 Lutte : La lutte contre les hannetons est axée sur les larves en réalisant des traitements à base du nématode Heterorhabditis bacteriophora. Ce nématode parasite et tue les larves de hanneton. Conditions d’utilisation : - Le sol doit être humide durant les 5 semaines qui suivent le traitement - La température du sol > à 12°C La dose est de 1 million de nématodes pour 2 m² par arrosage ou pulvérisation (basse pression). Ce produit est vendu dans une formulation d’argile, contenant 50 ou 500 millions de nématodes, à diluer dans l’eau. 2.2. Lutte contre la tipule Il faut distinguer la tipule des prairies (Tipula paludosa) et la tipule des jardins ou du potager (Tipula oleracea). Cette dernière étant moins fréquente chez nous. La tipule appartient à la même famille que les moustiques, mais il n’a pas de trompe pour se nourrir. Le mâle mesure entre 16-18 mm et la femelle, 19-25 mm. Il possède un corps étroit, une paire d’aile et 3 longues paires de pattes qui se cassent facilement. La larve possède un corps cylindrique, elle est apode, de couleur grise et mesure entre 3 et 4 cm. Larve de tipule Elle s’attaque à de très nombreuses plantes (pois, céréales,…) et au gazon. En se nourrissant de graines en germination et de racines de graminées, la larve provoque des dégâts dans les prairies : plantes qui jaunissent et meurent par plaque. Lutte : Il n’y a pas (en Belgique) de produit homologué pour lutter contre les tipules. Cependant, il est possible de limiter préventivement l’infestation d’un futur gazon. Les femelles déposent leurs œufs en septembre-octobre toujours dans les terrains couverts de végétation. La préparation du terrain doit impérativement être réalisée en juillet-août, afin d’émietter les mottes qui peuvent abriter les larves présentes et d’autre part, ne pas attirer les femelles pondeuses. 2.3. Lutte contre les vers de terre L’excès nuit en tout. Cela s’applique bien au ver de terre qui, s’il est utile et nécessaire pour une bonne aération du sol et à la décomposition de la matière organique, peut aussi se révéler très dommageable dans un gazon de prestige s’il devient trop abondant. 5 Si son éradication n’est donc pas souhaitable, on peut mettre en œuvre différentes pratiques culturales pour limiter son développement et ainsi limiter l’apparition de turricules (matière fécale résultant du passage du mélange de matière organique et de terre dans le tractus digestif des vers et rejetée à la surface du sol). Ces turricules, s’ils sont trop nombreux nuisent à l’esthétique du gazon et limite la pratique de certains sports (golf,…). Ils peuvent aussi provoquer des nécroses des limbes de graminées et une réduction des possibilités de drainages de surface en cas de fortes pluies. Lutte : Les méthodes présentées ci-dessous ont une efficacité limitée (source : G. Chauvel, 2008. « Lombrics sur gazon à vocation sportive et gazon de placage : moduler la lutte ». PHM-revue horticole, N°500, pp.28-33). Il est donc conseillé de les mettre en place ensemble, tout en prenant garde aux autres problèmes (surtout fongiques) pouvant survenir suite à des modifications de pratiques culturales. - La modification du pH : un pH de 6,5 – 7 est idéal pou le développement du ver de terre. Il faut donc baisser légèrement le pH en-dessous de cette valeur. L’idéal étant d’obtenir cette acidité sur une profondeur de plusieurs centimètres. Mais attention au sol trop acide ! - Réduire la disponibilité en nourriture : cette méthode ne porte pas toujours ses fruits, mais certains essais ont montré que le ramassage régulier des déchets de tonte est défavorable aux vers de terre. - Modification de la structure du sol par un sablage adéquat peut réduire les populations de vers de terre. Une étude de Backman et al. (2002) a montré que 6 applications de 6 mm ou de 3 mm de sable sur un fairway au cours de l’été ont réduit de respectivement 66 et 44% le nombre de turricules par m² sur une année. La taille et la forme des grains ont beaucoup moins d’impacts que la quantité. 3. RÉDUIRE L’APPORT DE FERTILISANTS TOUT EN LIMITANT L’APPARITION ET LE DÉVELOPPEMENT DU FEUTRE, DES ADVENTICES ET DES MOUSSES Il est possible de combiner économie et écologie selon le mode d’entretien de son gazon. Différentes techniques permettent en effet de joindre ces deux intérêts apparemment incompatibles. 3.1. Tonte mulching Les déchets de tonte se compostent mal car trop riche en eau (90%) et pourrissent au lieu de fermenter. De plus la teneur en différents éléments n’est pas équilibrée. La tonte mulching allie de nombreux avantages : pas d’évacuation, donc gain de temps pendant et après la tonte. Pas de gestion des déchets donc un intérêt écologique. Cependant pour qu’une tonte mulching puisse se faire dans de bonnes conditions, plusieurs principes doivent être respectés : ¾ La fréquence des tontes doit être importante : deux fois par semaine à certaines périodes. Les tontes se feront sur base de la règle du ¼ (c'est-à-dire, ne pas couper plus de ¼ de la longueur totale des feuilles). ¾ Les déchets doivent être finement hachés et répartis de manière homogène sur la largeur de tonte. 6 ¾ Tondre sur du feuillage sec, de sorte à limiter la formation des paquets d’herbes qui s’agglomèrent. La dégradation n’en sera que plus rapide. Dans certains cas cependant, on veillera à évacuer les déchets de tonte dans les zones humides notamment, au début et en fin de saison, lors des très fortes pousses. Les déchets de tonte laissés sur place sont bénéfiques à plus d’un titre. Dans des conditions normales, la totalité des déchets laissés sur places sont entièrement minéralisés en 6 mois. Ils entretiennent une activité biologique favorable à la dégradation des matières organiques. La biomasse microbienne est fortement stimulée par la nourriture (azote et sucres solubles) régulièrement apportée et limite donc l’apparition du feutre Des études menées par le professeur Beard à l’université du Michigan ont démontré que la restitution du gazon représentait, selon les cas, pas moins de 75 à 100 unités azote (P & K en proportion) par hectare ! Habituellement, et suivant les usages, un gazon reçoit de 150 à 200 unités azote. La tonte mulching représente donc une économie de l’ordre de 50 % au niveau des engrais. La restitution des gazons est bénéfique pour l’azote, mais aussi pour K et Mg. Les apports d’engrais qui complètent les besoins seront appliqués en 3 fractions : ¾ Au début du printemps, pour lancer la croissance à un moment où l’activité microbienne ne permet pas d’avoir suffisamment de minéralisation. ¾ En été, pour faciliter la récupération en période de stress (chaleur, sécheresse). ¾ A l’automne, pour prolonger la croissance racinaire notamment. Contrairement aux idées reçues, la tonte mulching n’augmente pas le feutre, au contraire ! La différence vient des espèces, de leur entretien et bien sûr du milieu biologiquement très différent (climat très froid et vie microbienne ralentie, teneur en lignine des espèces…). Une faible épaisseur de feutre est bénéfique, elle protège les pieds des poacées et apporte de la souplesse au terrain. Mais l’équilibre est difficilement contrôlable lorsque le feutre dépasse 8 à 10 mm. 3.2. Scarification La scarification est une opération préventive et curative qui tranche le sol et permet d’extirper les matières organiques mortes et la mousse. De cette manière, le gazon est aéré et débarrassé de la matière organique excédentaire, les échanges gazeux et aqueux à la surface du sol sont rétablis. De plus, la scarification répétée au moment de pleine croissance, à raison de 2 à 3 passages en début de saison (d’avril à juin) et en fin de saison (de mi-août à début octobre), élimine la majorité des adventices. En effet, seuls les poacées pour gazon supportent ce stress régulier et ont la capacité de recoloniser rapidement les espaces. Si nécessaire, un regarnissage ou un sursemis sera effectué en début ou fin de saison, après avoir passé la zone à regarnir au scarificateur 2 fois. Après le semis, il faut passer au rouleau. 7