Maurice Lévy Response_FR_Approved

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Maurice Lévy Response_FR_Approved
 Bonjour,
Les discussions* de la semaine dernière lors de la conférence 4A’s Transformation 2016 à Miami et le
débat plus large qui s’en est suivi sur les réseaux sociaux et dans la presse, appellent sans doute une
mise au point de ma part.
Lorsque je réponds à la question de Jim Rutenberg, je me suis concentré sur le problème de JWT, la
filiale de WPP, et les propos présumés racistes, antisémites et sexistes de son CEO, tels que
consignés dans la plainte déposée au tribunal par Erin Johnson (dossier 1:16-cv-01805 déposé le 10
mars 2016 auprès de la Cour américaine du District sud de New York : je vous encourage à lire la
plainte in extenso, c’est édifiant). Je les ai condamnés sans équivoque. Je dois dire que ces propos,
s’ils s’avèrent vrais, sont tellement énormes qu'ils représentent à mes yeux la faute, impardonnable,
d'un homme et non pas l'expression d'un mal gangrénant l’ensemble notre industrie. Sur ce point, je
maintiens ma position et j'ose espérer avoir raison: je n'imagine pas une seconde qu'il puisse être
commun dans notre industrie (et dans toute autre) de faire des blagues à tout bout de champ sur les
femmes, les noirs et les juifs, et de parler de viol comme cela est relaté dans la plainte d'Erin Johnson.
Si un tel cas devait être porté à notre connaissance dans notre Groupe, nous réagirions avec force et
sans délai.
Je ne suis pas naïf, et je suis bien conscient qu’un juste équilibre demandera encore bien des efforts.
A l’échelle de l’industrie, je mesure le chemin qu’il reste à parcourir, que ce soit en termes de
rémunération, de mobilité, de promotion, de responsabilité et de leadership, ou encore d’embauche.
En ce qui concerne l’égalité des sexes et la politique de diversité, Publicis, son fondateur et moimême faisons partie de ceux qui ont toujours été à l’avant-garde de la lutte pour le traitement
égalitaire, d'où notre mantra « Viva La Difference ». J'ai rappelé que la toute première femme CEO de
notre industrie avait été nommée par Marcel Bleustein-Blanchet en…1938. Cela peut paraître
anecdotique, mais est loin de l'être, onze ans avant la parution du monument de Simone de Beauvoir
Le Deuxième Sexe. Notre Conseil de Surveillance est paritaire et présidé par une femme, une
intellectuelle dont les écrits et prises de position féministes ne sont plus à rappeler. Nous avons 38%
de femmes dans les fonctions exécutives, même si je sais qu’il faut œuvrer pour qu’il y en ait
davantage, surtout tout en haut. D’où ma fierté que nos plus grosses entités soient dirigées par des
femmes. Notre engagement dans ce sens est complet et nous espérons bien être encore plus
exemplaires, à force de travail. D'où notre soutien à des opérations célébrant les femmes et la
diversité sous toutes ses formes notamment avec nos initiatives Viva Women ou Égalité (mouvement
LGBT) au sein du Groupe. D’où encore le Women’s Forum que nous soutenons financièrement et qui
permet de promouvoir l’égalité des sexes et d’aborder tous les problèmes sociétaux avec des regards
de femmes. Nous ne sommes pas parfaits, loin s'en faut, mais nous sommes déterminés à faire bien
plus, et aussi longtemps que nécessaire.
Quant aux propos de Sir Martin Sorrell, je dois dire qu'il a une fois de plus démontré son
extraordinaire degré d'hypocrisie. Enfin, quoi? Cette affaire est née dans son entreprise, dans une de
ses filiales les plus importantes, au sujet d’un CEO, quelqu'un devant par conséquent donner
l'exemple. Sa collaboratrice a fait des démarches pour être entendue, sans pouvoir l'être, y compris
de celle dont c'est le métier, la responsable des talents (Chief Talent Officer). Une affaire qui traîne
depuis un an, et la réponse du CEO du premier groupe mondial de publicité n'est rien d'autre qu'une
manœuvre dilatoire, en attaquant ad hominem un de ses confrères dans le cadre d'une importante
réunion interprofessionnelle, alors que mon nom n’est ni mentionné ni sous-entendu dans la question.
On aurait pu attendre un comportement plus digne de sa part, d'autant que durant mon intervention je
me suis bien gardé d'accabler WPP dont le comportement dans cette affaire est tout sauf glorieux.
Je sais que nous n'avons pas les mêmes valeurs, quel que soit l'angle sous lequel on prend nos
actions, témoins vivants de nos valeurs, que ce soit sur la conduite de nos affaires, nos valeurs
familiales, morales ou à l'endroit des réumerations. Rarement Sir Martin Sorrell aura autant mérité les
qualificatifs de David Ogilvy.
Les faits sont décidément têtus. Depuis des décennies, Publicis Groupe travaille sans relâche à
l’égalité des sexes et la diversité au sein de l’industrie, et nous avons la ferme intention de continuer.
Nos valeurs sont fortes et généreuses, incompatibles avec des comportements susceptibles de salir
notre industrie.
Maurice Lévy
*
Le 22 mars 2016, Maurice Lévy, Président du Directoire de Publicis Groupe, faisait la présentation d’ouverture de la
conférence 4A’s (American Association of Advertising Agencies) Transformation 2016. A la suite de sa présentation, il fut
interviewé par Jim Rutenberg du New York Times. Interrogé sur l’égalité des sexes dans l’industrie, en faisant notamment
référence au cas JWT, Maurice Lévy répondit « je ne crois pas que ce qui s’est passé chez JWT soit le reflet de ce qui se passe
dans notre industrie. C’est l’erreur d’un homme, une erreur monumentale, une faute monumentale, mais qui n’est pas la juste
représentation de notre secteur… ». Le lendemain, Sir Martin Sorrell, fondateur et CEO de WPP, fut interviewé par Ken Auletta,
journaliste pour The New Yorker. Interrogé sur sa perception d’une généralisation du sexisme, des stéréotypes et des préjugés
inconscients dans l’industrie de la publicité et du marketing, Sir Martin Sorrell évita la question et fit un parallèle injustifié avec
Maurice Lévy, alors qu’il n’était pas cité dans la question : « Et pour revenir à votre question originelle, sur Maurice Lévy, il a
une opinion différente. Selon lui, JWT/Gustavo est un cas isolé. Je ne suis pas d’accord. Si je devais être violent, je serais en
violent désaccord avec cette déclaration.»