Biographie succincte Ses derniers instants (extrait des Cahiers de
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Biographie succincte Ses derniers instants (extrait des Cahiers de
Alexis-Félix Arvers est un poète et dramaturge français né à Paris le 23 juillet 1806 et décédé dans la même ville le 7 novembre 1850, devant toute sa réputation à son Sonnet, l'une des pièces poétiques les plus populaires de son siècle. Biographie succincte Il était le fils d'un marchand de vins de la ville de Cézy, où résidait sa famille. Etudiant en droit avant de devenir clerc de notaire, il poursuivait pourtant déjà ardemment le désir de se faire écrivain. Cédant un jour radicalement à ce qu'il croyait être sa vocation, il parvint à faire jouer une douzaine de comédies légères, le genre de comédies dont raffolait le public petit-bourgeois de Paris . Ces larges succès lui permirent de mener une existence "de dandy", familier des boulevards et des coulisses des petits théâtres, et il se mit à fréquenter le Cénacle de l'Arsenal, fréquentant notamment Alfred Tattet et Alfred de Musset, dont il semble avoir été très proche. A quarante-quatre ans, il décéda d'une maladie de la moelle épinière, pauvre et oublié. L'oubli dans lequel ont plongé ses pièces, pourtant fameuses en leur temps, n'est pas sans rappeler le destin des tragédies de Voltaire. Il taquinait la Muse et publia un recueil de poèmes intitulé Mes Heures perdues (1833). Perdues surtout, a-t-on fait remarquer, pour son employeur, Me Marcelin-Benjamin Guyet-Desfontaines, notaire, chez qui il avait débuté en qualité de sixième clerc ; mais cet excellent homme, ami des belles-lettres et des poètes romantiques, savait fermer les yeux. Ses derniers instants (extrait des Cahiers de Malte Laurids Brigge, de Rilke) « D'ailleurs, je comprends parfaitement que l'on conserve au fond de son portefeuille le récit d'une heure d'agonie, tant d'années durant. Il ne serait même pas nécessaire qu'elle fût particulièrement choisie. Elles ont toutes quelque chose de presque rare. Ne peut-on par exemple se représenter quelqu'un qui copierait un récit de la mort de Félix Arvers ? Il était à l'hôpital. Il mourut doucement et paisiblement, et la religieuse le croyait peut-être plus avancé qu'il n'était en réalité. Elle cria très fort un ordre quelconque vers le dehors en indiquant où se trouvait tel ou tel objet. C'était une nonne illettrée et assez simple ; elle n'avait jamais écrit le mot "corridor" qu'à cet instant elle ne put éviter ; il arriva ainsi qu'elle dit "collidor" parce qu'elle croyait qu'il fallait prononcer ainsi. Alors Arvers repoussa la mort. Il lui semblait nécessaire d'éclaircir d'abord ceci. Il devint tout à fait lucide et lui expliqua qu'il fallait dire "corridor". Puis il mourut. C'était un poète, et il haïssait l'à peu près ; ou encore il était fâché de devoir remporter comme dernière impression que le monde continuait de vivre si négligemment. Il ne sera sans doute plus possible de trancher ces questions. Mais qu'on ne croie pas surtout qu'il agit ainsi par pédanterie. Sinon, le même reproche atteindrait aussi saint Jeande-Dieu qui sursauta en pleine agonie et arriva juste à temps pour détacher au jardin l'homme qui venait de se pendre et dont l'acte avait pénétré d'étrange façon dans la tension intérieure de son agonie. A lui aussi la vérité seule importait. » Le Sonnet d'Arvers, paru en 1833 dans le recueil poétique Mes heures perdues de Félix Arvers, est sans aucun doute l'un des sonnets les plus populaires du XIXe siècle. Le sonnet Historique Félix Arvers était reçu aux soirées de l'Arsenal organisées par Charles Nodier, et c'est sur le cahier de sa fille Marie, devenue madame Mennessier, qu'il écrivit les quatorze vers qui devaient assurer sa gloire. Le poème Mon âme a son secret, ma vie a son mystère : Un amour éternel en un moment conçu. Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su. Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire, Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre, N'osant rien demander et n'ayant rien reçu. Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre, Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d'amour élevé sur ses pas ; À l'austère devoir pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle : « Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas. Le mystère de la dédicataire Aujourd’hui on a du mal à trouver quelques personnes qui connaissent encore le nom de l’auteur et on a de la peine à penser qu’au XIXe siècle non seulement ce poème était sur toutes les lèvres, mais on ne cessait de s’interroger sur l’identité de la femme mystérieuse ; fallait-il, avec Blaze de Bury, n’y voir qu’une allégorie pure et simple ? « Le sonnet d'Arvers, écrivait-il, ne vise pas telle ou telle personne de la société ; il vise la femme, être essentiellement réfractaire aux choses de la poésie quand son amour-propre n'y est pas intéressé, et qui ne comprend vos vers et vos hommages que le jour où votre gloire les lui renvoie et que vous avez «fait d'elle une Elvire » ; fallait-il penser au contraire à Marie Nodier, à madame Victor Hugo ? Théodore de Banville, quant à lui, trouvait sacrilège une telle quête : « Comme elle n'a pas deviné l'amour chaste et résigné du poète, comme elle ne lui a donné ni une consolation ni un sourire, il faut aussi qu'elle ne marche jamais sur le tapis triomphal qu'il avait étendu devant ses pieds dédaigneux.» Un tel avertissement ne découragea pas les chercheurs. Les uns estimaient que la femme n'existait pas réellement et qu'il ne s'agissait que d'un badinage ; l'édition imprimée ne portait-elle pas la mention : « Traduit de l'italien » ? Sainte-Beuve inclinait pour cette solution mais ne donnait aucune référence et des décennies de recherche n'ont pas permis de retrouver l'original. D'autres voyaient dans cette mention un stratagème, destiné à égarer les soupçons d'un mari jaloux ; ne présentait-on pas la femme comme restant : À l'austère devoir pieusement fidèle ? et l'on cherchait cette mystérieuse créature. Ch. Glinel, auteur de la première biographie un peu détaillée d'Arvers, penchait pour Mme Mennessier : « Une personne, digne de toute créance m'a redit une confidence que l'éditeur Hetzel lui avait faite comme la tenant d'Arvers lui-même, c'est que le poète, en composant son fameux sonnet, avait pensé à Marie Nodier. » Un poète franc- comtois, Edouard Grenier, confirme l'explication et Adolphe Racot ajoute que la précision « Traduit de l'italien » ne figurait pas sur le cahier de Mme Mennessier qu'il a eu en main. Ne serait-ce pas qu'elle savait parfaitement à quoi s'en tenir ? Abel d'Avrecourt proteste contre une pareille solution : « Rien de plus naturel - le sonnet était alors dans toutes les bouches - que la femme lettrée ait demandé à l'ami d'en inscrire sur ses tablettes une copie durable de sa main. D'ailleurs, pourrait-on croire qu'un homme, épris d'une femme dont l'honnêteté est au-dessus de toute atteinte, ait choisi son propre album pour y déposer un hommage indiscret dans sa discrétion ? » Et un certain Poullain, légataire universel d'Arvers partage cet avis. Des esprits fins ont remarqué que l'inconnue pourrait bien être madame Victor Hugo, et ils s'appuient sur deux rimes du dernier tercet : « fidèle » et « d'elle » qui feraient écho au prénom « Adèle ». C'était l'opinion du général Arvers, cousin du poète, qui répétait l'explication que son père lui avait donnée plusieurs fois. Malgré cette notoriété, Félix Arvers est inconnu du Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, pourtant contemporain. Le Nouveau Larousse illustré donne intégralement le fameux Sonnet, mais en intervertissant "ma vie" et "mon âme" dans le premier vers. L'ordre y fut rétabli en 1914. Pastiches et reprises Quoi qu'il en soit, le triomphe de ce sonnet fut, bien sûr, de se voir pasticher au-delà du possible. Il y eut des réponses de la femme : Ami, pourquoi nous dire, avec tant de mystère, Que l'amour éternel en votre âme conçu, Est un mal sans espoir un secret qu'il faut taire, Et comment supposer qu'Elle n'en ait rien su ? Non, vous ne pouviez point passer inaperçu, , Et vous n'auriez pas dû vous croire solitaire. , Parfois les plus aimés font leur temps sur la terre, N'osant rien demander et n'ayant rien reçu. Pourtant Dieu mit en nous un cœur sensible et tendre, Toutes dans le chemin, nous trouvons doux d'entendre Un murmure d'amour élevé sur nos pas. Celle qui veut rester à son devoir fidèle Est émue en lisant ces vers tout remplis d'elle, Elle avait bien compris... mais ne le disait pas. Une autre, plus dévergondée, n’hésitait pas à dire : Mon cher, vous m'amusez quand vous faites mystère De votre immense amour en un moment conçu. Vous êtes bien naïf d'avoir voulu le taire, Avant qu'il ne fût né je crois que je l'ai su. Pouviez-vous, m'adorant, passer inaperçu, Et, vivant près de moi, vous sentir solitaire ? De vous il dépendait d'être heureux sur la terre : Il fallait demander et vous auriez reçu. Apprenez qu'une femme au cœur épris et tendre Souffre de suivre ainsi son chemin, sans entendre L'ami qu'elle espérait trouver à chaque pas. Forcément au devoir on reste alors fidèle ! J'ai compris, vous voyez, « ces vers tout remplis d'elle. » C'est vous, mon pauvre ami, qui ne compreniez pas. Une demi-mondaine n’y allait pas par quatre chemins : Montre enfin au grand jour, loin d’en faire mystère, Ce désir d’être aimé par tout homme conçu ! Mal d’amour, mon chéri, ne devrait pas se taire : Pouvais-je le guérir avant de l’avoir su ? Jamais un beau garçon ne passe inaperçu… Tu n’es pas né pour vivre et languir solitaire. Viens trouver dans mes bras le bonheur sur la terre, Et ne t’en prends qu’à toi si tu n’as rien reçu. Tu verras que je suis bien faite, ardente et tendre, Ni prude, ni bégueule et prête à tout entendre, Sachant par le menu ce que c’est qu’un faux pas. Elle ne jure point de te rester fidèle, Cette folle amoureuse ! Un jour, tu diras d’elle : « Quelle fille c’était ! »... mais ne l’oublieras pas ! Et un séducteur, beaucoup plus sûr de lui, affirmait tranquillement : Je n’aurai pas longtemps laissé dans le mystère Mon amour insensé subitement conçu. Plein de désir, d’espoir, je ne pouvais me taire ; Celle dont je suis fou du premier jour l’a su. Jamais je n’ai passé près d’elle inaperçu. A ses côtés comment se croire solitaire ? Pour moi j’aurai goûté le bonheur sur la terre, Osant tout demander, d’avoir beaucoup reçu. Dieu ne l’avait pas faite en vain jolie et tendre. Elle a dans son chemin trouvé très doux d’entendre Les aveux qu’un amant murmurait sur ses pas. À l’austère devoir, j’en conviens, peu fidèle, Elle saura, lisant ces vers tout remplis d’elle, Le nom de cette femme... et ne le dira pas. Dans la deuxième moitié du XXe siècle ce sonnet eut encore les honneurs de Roland Bacri, ce collaborateur du Canard enchaîné qui parlait si naturellement en vers que ses amis furent obligés de lui offrir un Dictionnaire des mots qui ne riment pas. Cette fois-ci le soupirant appartenait à un sexe surnuméraire et - faut-il le dire ? - il n'était pas amoureux d'une dame puisque le poème s'appelait Le garçonnet d’Arvers. Après nous avoir appris que : Le mâle est sans espoir... le sonnet se terminait, comme on devine, par cette chute (de reins) : Quel est donc cet infâme ? et ne comprendra pas. D'autres pasticheurs, enfin, oubliaient complètement le thème et ne voyaient plus dans le poème qu'un prétexte à bouts-rimés. On a par exemple : Mon cadre a son secret, ma toile a son mystère : Paysage éternel en un moment conçu, Suis-je un pré ? suis-je un lac ? Hélas je dois le taire Car celui qui m'a fait n'en a jamais rien su. Hélas, j'aurai passé sur terre inaperçu, Toujours assez coté mais pourtant solitaire, Et mon auteur ira jusqu'au bout de la Terre Attendant la médaille et n'ayant rien reçu. Le public, quoique Dieu l'ait fait gobeur et tendre, Passera devant moi, rapide, sans entendre, Malgré mon ton criard mes appels sur ses pas. Au buffet du salon pieusement fidèle,y Il va dire, en buvant son verre rempli d'ale : « Quels sont ces épinards ? » et ne comprendra pas. N'oublions pas, bien sûr, Serge Gainsbourg, qui n'en était pas à sa première poésie et chantera ce sonnet au début des années 60. Pour le commentaire… Ce sonnet présente un intéressant exercice d’interprétation. C’est ce que nous allons essayer de démontrer. En effet nous sommes en quelque sorte conditionnés par nos études scolaires. Nous abordons nos lectures l’esprit bridé par des préjugés dont l’un des moindres est de considérer les écrivains "reconnus" (surtout ceux qui appartiennent aux siècles passés) comme des êtres à part. En d’autres termes, ces personnages seraient par essence des gens "sérieux" peu susceptibles de se commettre dans des entreprises tortueuses et inavouables. Par principe, les textes soumis à l’étude des lycéens auraient une garantie de normalité, une possibilité de lecture univoque. Nous sommes ici conduits par des schémas interprétatifs convergents : Le paratexte nous renvoie au début du XIXe siècle, période marquée par le romantisme. Cette forme de sensibilité littéraire et artistique est dans notre esprit liée aux passions de préférence impossibles, à l’envahissement du moi et au destin malheureux (surtout celui du poète incompris). De fait, tous les ingrédients sont présents et s’entrelacent étroitement. Nous avons donc toutes les bonnes raisons de déposer nos trouvailles dans le dossier romantisme éploré, maladie d’amour, passion malheureuse. Notre lecture pourrait en être sclérosée. Donc, si nous creusons la veine traditionnelle, nous ferons remarquer que ce poème est bâti sur une série d’oppositions et de parallélismes. Il prend la forme d’une confession à demi-mots : Arvers y révèle un amour secret pour une femme mariée (« À l’austère devoir, pieusement fidèle »). C’est un poème d’inspiration romantique dans une forme classique, appartenant à la veine élégiaque. Félix Arvers a donc écrit un sonnet pour confier à ses lecteurs le secret douloureux de son existence : un amour caché pour une femme inconnue. Il y exprime une expérience douloureuse de la passion dans le registre lyrique élégiaque, et s’inscrit dans une tradition particulière de l’amour et de la femme. C’est effectivement le "moi" romantique qui déborde ici, l’affectivité de l’individu, particulièrement dans ses manifestations douloureuses : « Mon âme a son secret… ». Cette affirmation du moi est intimement liée à la conscience d’un destin particulier : « …ma vie a son mystère ». L’amoureux romantique qui se confie à sa page se veut unique. Cette haute idée de sa singularité explique l’abondance des pronoms personnels et des adjectifs possessifs de la première personne. Cette valorisation de "l’ego" est caractéristique du romantisme, elle constitue en outre une revanche du mal-aimé, une sorte de consolation dans la contemplation narcissique de ses propres mérites, la confirmation de son "génie" dans la fidélité au silence et au rejet. L’idée de souffrance y est intimement mêlée : « Le mal est sans espoir… », « Hélas ! », « solitaire… ». Le poète romantique est marqué au sceau d’un destin maudit. Si l’amoureux qui souffre prend la plume, c’est parce que la douleur est la plus forte. De plus cette même douleur est une muse certaine. Musset, l’ami d’Arvers, en a d’ailleurs énoncé le principe dans le distique suivant : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. » La souffrance est d’autant plus atroce qu’elle semble recouvrir d’un voile mortuaire la vie entière du poète. La commotion fatale appartient à un passé éloigné : « un amour éternel en un moment conçu. » Depuis le poète n’en a éprouvé que longues souffrances, « puisqu’elle n’en a jamais rien su » ; de plus, l’avenir est sans espoir car il ne débouche que sur la triste mort : « Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre / N’osant rien demander et n’ayant rien reçu. » La souffrance exprimée ici est donc celle de l’homme seul et incompris de celle qu’il aime. C’est un thème lyrique et élégiaque particulièrement poignant. Mais pourquoi cette souffrance ? Le poète romantique est un élu du destin. Le poète est un être délicat, à la sensibilité exacerbée, destiné à être éprouvé par « Un amour éternel en un moment conçu ». Cette passion est une véritable pathologie incurable, puisque « Le mal est sans espoir ». Pourquoi donc devoir souffrir en silence ? La femme aimée, la muse du poète en aime un autre, avec lequel elle est mariée. L’amant s’est donc réfugié dans le silence et la réserve par respect et par grandeur d’âme dans l’exercice du devoir moral : « …aussi j’ai dû le taire ». Cette soumission au devoir fait du poète un héros tragique qui s’inscrit dans la longue lignée des amants malheureux. Comme un héros romantique prenant la pose, il se voit condamné par un destin contraire qui le grandit. L’avenir ne peut déboucher que sur la mort : « Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre ». Les deux tercets sont consacrés tout entiers à l’évocation de la bien-aimée, de l’inspiratrice : c’est une créature idéale, issu du monde divin, « douce et tendre », elle ressortit à la cohorte des anges. Elle est toute vertu pour l’édification de son soupirant (mais aussi pour son dépit : une fausse note dans le portrait !) « à l’austère devoir pieusement fidèle ». Leurs deux vies auront connu des chemins parallèles. Le chemin de la femme angélique est lié au monde de la musique ou du ruisseau pur que peut évoquer le « murmure d’amour ». Cet être qui semble appartenir à un autre monde ne peut recevoir en retour une déclaration sans équivoque. Le destin de l’amant incompris est d’autant plus poignant qu’il ne pourra jamais répondre à la question qu’elle posera sans doute : « Quelle est donc cette femme ? » Marqué par le destin, le poète se situe dans la tradition courtoise du dévouement absolu à la dame. Cette femme appartient à un autre monde, celui de l’idéal inaccessible. Cet ange, qu’il faut garder des souillures par la réserve et le silence, devient alors muse inspiratrice et objet d’art sous la plume de son amant. Le poète transmue sa douloureuse passion en vers lyriques et élégiaques, afin d’immortaliser celle qui l’a inspirée. Arvers s’inscrirait donc dans la tradition italienne pétrarquisante. Voilà pour l’analyse traditionnelle ! Il existe pourtant une autre grille d’analyse… Ce poème recèle peut-être une ironie discrète, une revanche sur l’aimée pour le moins peu perspicace et figée dans son rigorisme moral. Il aurait fallu percevoir l’acrostiche du premier quatrain, repris par les derniers mots du sonnet. Dans ce cas, l’interprétation générale serait très différente. Au lieu de la plainte d’un amant incompris, il s’agirait en quelque sorte d’une « vacherie » littéraire (bien qu’il s’agisse d’un terme peu convenable pour une « mule »). On pourrait m’objecter que cet acrostiche est fortuit. Il me semble que cette position est difficilement défendable pour plusieurs raisons : • D’abord sa place : les acrostiches, dans les poèmes, sont toujours disposés depuis le début. • Ensuite, le mot dessiné verticalement MULE correspond à la critique émise : le manque de perspicacité et l’entêtement. • Enfin le dépit apparaît sur le tard : il ternit le portrait final avec la concession « quoique » et l’« austère devoir ». Le doute sur l’intuition féminine révélée par la pointe du sonnet va dans le même sens. Dans cette hypothèse, Arvers serait moins le continuateur de la tradition du sonnet pétrarquisant qu’un annonciateur de Baudelaire par ce mélange d’adoration et d’ironie Sources : http://www.etudes-litteraires.com/sonnet-arvers.php http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9lix_Arvers http://www.poemes-amour.fr/Felix-Arvers/ http://www.bacdefrancais.net/sonnet.php