Plasticité cristalline et transition d`échelle : cas du polycristal

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Plasticité cristalline et transition d`échelle : cas du polycristal
Plasticité cristalline et transition
d’échelle : cas du polycristal
par
Marc FIVEL
Agrégé de mécanique de l’École normale supérieure de Cachan
Docteur en mécanique - Chargé de recherches au CNRS
Institut national polytechnique de Grenoble
et
Samuel FOREST
Ingénieur civil de l’École des mines de Paris
Docteur en sciences et génie des matériaux - Chargé de recherches au CNRS
École nationale supérieure des mines de Paris
1.
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
Comportement du polycristal ..............................................................
Calcul d’agrégats multicristallins ...............................................................
Le polycristal : les différents niveaux d’hétérogénéité.............................
Modèles simplifiés et homogénéisation....................................................
Aspects numériques....................................................................................
Applications .................................................................................................
Limites actuelles ..........................................................................................
2.
2.1
2.2
2.3
2.4
Modélisation et simulation des effets d’échelle .............................
Lois d’échelles : effet de la taille des grains ..............................................
Durcissement associé à la courbure de réseau cristallin .........................
Modèles à gradient de variables internes .................................................
Applications .................................................................................................
Pour en savoir plus ...........................................................................................
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—
2
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2
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5
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8
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10
Doc. M 4 018
ans l’article [M 4 016], des lois de comportement élastoviscoplastique ont
été établies pour le monocristal à partir de changements d’échelles,
depuis l’atomistique jusqu’à la mécanique des milieux continus en passant par
la dynamique des dislocations. Elles sont utilisées dans ce second article pour
prévoir la réponse mécanique des polycristaux ainsi que les effets d’échelle
observés dans de nombreux alliages métalliques.
Dans un premier temps, des méthodes de simulation d’agrégats polycristallins ainsi que les principes fondamentaux des méthodes d’homogénéisation
sont présentés en détail. Les applications proposées concernent la modélisation de la distorsion des surfaces de charge, l’étude du comportement des
polycristaux sous chargements multiaxiaux et l’influence des joints de grain sur
les hétérogénéités de déformation intragranulaire.
Enfin, on montre les limites de l’approche continue classique lorsqu’il s’agit
de reproduire des effets d’échelle couramment observés en métallurgie physique. La dynamique des dislocations permet de rendre compte de nombre
d’entre eux, notamment l’effet Hall-Petch. Il est toutefois possible de décrire
certains de ces effets à l’aide d’une approche de type milieu continu généralisé,
par exemple en incorporant dans la modélisation la notion de courbure du
réseau cristallin et son effet sur l’écrouissage.
La plupart des grandeurs, notations et symboles utilisés dans cet article ont
été introduits et définis dans l’article [M 4 016].
D
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M 4 017 − 1
PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL ______________________________________________________________________
1. Comportement
du polycristal
tement les différences de comportement du revêtement lorsque le
rapport de la taille de grain dans le plan de la tôle et de l’épaisseur de
la couche, varie en fonction des traitements de recristallisation.
Dans ce paragraphe, on distinguera dans un premier temps le
cas de structures constituées de deux à quelques dizaines de
grains, avant d’aborder le problème du comportement mécanique
de l’élément de volume polycristallin (VER).
1.2 Le polycristal : les différents niveaux
d’hétérogénéité
1.1 Calcul d’agrégats multicristallins
Le calcul de la réponse mécanique de bi et multicristaux est
possible en attribuant à chaque grain les lois de la plasticité cristalline décrites dans l’article [M 4 016] et en attribuant à chacun son
orientation cristallographique précise. Des conditions de continuité
du déplacement et du vecteur traction sont imposées aux joints de
grain. Les joints de grain peuvent néanmoins être le siège d’un
comportement plus complexe qui sera abordé au paragraphe 1.5.4.
La différence d’orientation cristalline entre deux grains voisins
conduit à d’importantes incompatibilités de déformation qui se traduisent par le développement d’un champ complexe hétérogène de
déformation et de contrainte. Les techniques d’EBSD (Electron
Back-Scatter Diffraction ) permettent d’obtenir une cartographie des
orientations initiales et en cours de déformation des multicristaux
étudiés. Le maillage par éléments finis des grains individuels est
délicat car on ne connaît que les joints de grain débouchant sur les
faces de l’éprouvette. Si celle-ci ne contient qu’un à deux grains
dans l’épaisseur, la géométrie des grains peut être décrite de
manière approximative sans avoir besoin de détruire l’échantillon.
Le maillage de chaque grain doit comporter suffisamment d’éléments tridimensionnels pour garantir que la solution obtenue est
aussi proche que possible de la solution à convergence. Cela
conduit à nouveau à des tailles de problème non linéaire
élevées [54].
Les méthodes expérimentales disponibles fournissent un grand
nombre d’informations permettant de quantifier la qualité de la
simulation numérique à l’aide des modèles continus de monocristal. L’EBSD fournit les champs de rotation de réseau cristallin,
les méthodes de grilles ou de corrélation d’images livrent certaines
composantes du champ de déformation et la diffraction aux
rayons X permet d’accéder aux contraintes résiduelles locales si les
grains sont assez gros. Dans [55], l’utilisation du rayonnement synchrotron a permis de descendre à des échelles de mesure de déformation élastique locale de l’ordre de 20 µm. Une technique
d’imagerie a été développée pour déterminer une cartographie
complète au sein d’un grain du champ de déformation élastique et
de rotation de réseau.
La confrontation calcul/expérience tant au niveau global qu’au
niveau local confirme le pouvoir prédictif du modèle de plasticité
continue dans le cas d’éprouvettes bi ou multicristallines, au moins
lorsque la taille de grain ne descend pas au-dessous de quelques
centaines de micromètres [54] [55] [56] [57]
Ces résultats s’appliquent en particulier au cas des revêtements
multicristallins, dont la portée industrielle est beaucoup plus importante. Les revêtements de galvanisation au trempé des tôles d’acier,
par exemple, sont constitués de grains plats d’une largeur pouvant
atteindre 50 0 µm dans le plan pour une épaisseur de couche
d’environ 10 µm [58]. Le revêtement d’alliage de zinc est donc monocristallin dans l’épaisseur. Sa déformation est largement dictée par
celle du substrat lors de sollicitations mécaniques de traction ou
d’emboutissage et se distingue significativement du comportement
du zinc polycristallin massif par l’activation d’un plus grand nombre
de systèmes de glissement (glissement basal, pyramidal et
prismatique [59]). Le calcul par éléments finis d’un ensemble de
grains d’un tel revêtement, dont les orientations individuelles sont
déterminées par EBSD, rend bien compte de ces observations expérimentales. La modélisation permet en particulier de décrire correc-
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Le passage au polycristal massif nécessite une représentation tridimensionnelle de la morphologie polycristalline. Une mosaïque de
Voronoï comme sur la figure 1a est une bonne approximation de
grains issus de la solidification [60]. Une orientation cristalline est
attribuée de manière aléatoire à chaque cellule de Voronoï en
respectant toutefois une texture globale ou locale donnée. La représentativité de l’élément de volume donné dépend du nombre de
grains pris en compte dans la modélisation, du contraste de propriété entre les différentes familles de systèmes de glissement
(cissions résolues critiques du basal, pyramidal... pour la structure
hexagonale), de la texture, du chargement et des conditions aux
limites appliquées à ce volume. En métallurgie physique, on estime
qu’une section contenant une trentaine de grains est suffisante pour
atteindre un comportement homogénéisé de polycristal [61]. Des
calculs par éléments finis ont confirmé cette estimation dans le cas
de fils de cuivre en torsion [62]. Lorsque le nombre de grains dans
la section du fil est faible, la déformation a tendance à se localiser
dans une section affaiblie par des orientations plus favorables au
glissement.
■ Selon la théorie de l’homogénéisation, trois types de conditions
aux limites privilégiées peuvent être appliquées au bord de l’élément de volume polycristallin V considéré, comme celui représenté
figure 1a.
● Conditions de déformation homogène au contour :
∀x ∈ ∂V
ui = Eij xj ,
avec
E
∂V
u
(1)
champ de tenseur de déformation donné et uniforme,
contour du volume V,
déplacement du point matériel.
Il s’ensuit que la déformation moyenne au sein du volume sollicité est égale à E :
1
< > = ----V
dV = E
V
(2)
On définit alors la contrainte macroscopique par :
●
1
= ----V
Conditions de périodicité :
dV
V
ui = Eij xj + υi ,
∀x ∈ V
(3)
(4)
où la perturbation est périodique. Les vecteurs traction de deux
points homologues sur deux faces opposées du cube élémentaire
doivent être opposés pour garantir l’équilibre. Les relations (2) et (3)
sont valides dans ce cas aussi.
●
Conditions de contrainte homogène au contour :
σij ni = Σij nj , ∀x ∈ ∂V
avec
n
(5)
champ de tenseur de contrainte donné et uniforme,
normale extérieure en tout point du contour.
Cette condition implique que la moyenne des contraintes sur V
est égale à [équation (3)]. On définit alors la déformation
macroscopique par la relation (2).
Ces conditions ne représentent certainement pas les conditions
au bord réelles auxquelles est soumis le volume considéré au sein
de l’éprouvette sollicitée. Elles permettent toutefois d’imposer une
déformation ou contrainte moyenne à un élément de volume.
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______________________________________________________________________ PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL
a élément de volume constitué de 200 grains
c intensité du glissement pyramidal 2
(la couleur rouge correspond à
un glissement supérieur à 0,05 %)
b intensité du glissement basal
(la couleur rouge correspond à
un glissement supérieur à 1 %)
Lorsque le volume est assez grand, la réponse en contrainte ou
déformation ne dépend plus du type de conditions aux limites
choisies.
■ Trois niveaux d’analyse permettent d’exploiter ces calculs, révélant les différents niveaux d’hétérogénéités au sein de l’élément de
volume polycristallin [63].
●
Comportement moyen du polycristal
La courbe de traction moyenne d’un agrégat polycristallin de
200 grains (alliage INCO600, structure cfc) est donnée pour deux
types de conditions aux limites en déformation et contrainte imposée sur la figure 2. La texture est isotrope. Le comportement de chaque point au sein de chaque grain est décrit par des lois de
comportement élastoplastique cristallin. On constate que les deux
réponses sont quasi identiques, ce qui indique que le volume
considéré est représentatif, du moins pour l’essai de traction
considéré. On montre en effet que les conditions en déformation
(resp. contrainte) homogène au contour fournissent une borne
supérieure (resp. inférieure) des propriétés apparentes du volume
étudié [48]. Un nombre significativement plus grand de grains peut
être nécessaire pour d’autres matériaux, textures et chargement.
Cette courbe de traction macroscopique est comparée à la prédiction d’un modèle simplifié d’homogénéisation parmi ceux qui
seront évoqués au paragraphe 1.3.
●
Moyennes par grain
Les courbes de contrainte/déformation axiales moyennes par
grain donnent une image bien différente du polycristal (figure 3).
On voit que pour une contrainte (resp. déformation) macroscopique
de 400 MPa (resp. 1,5 %), les contraintes moyennes par grain
varient de 250 MPa (resp. 1,2 %) à 550 MPa (resp. 2 %). Si l’on rassemble tous les grains ayant une orientation voisine en une phase
cristallographique du polycristal et que l’on calcule la moyenne des
contraintes et déformations sur ces grains, on se rapproche des estimations des modèles simplifiés d’homogénéisation tels que le
modèle autocohérent. Une telle comparaison exige toutefois un
nombre plus important de grains dans la simulation.
●
Comportement intragranulaire
La dispersion des états de contrainte et déformation au sein d’un
même grain à un instant de chargement donné est tout à fait spec-
Contrainte axiale (MPa)
Figure 1 – Calcul d’un agrégat polycristallin de zinc allié soumis à une traction moyenne de 0,5 %
400
350
300
250
200
150
100
50
0
0
0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 0,012 0,014 0,016
Déformation axiale
modèle autocohérent
éléments finis : déformation homogène au contour
éléments finis : contraintes homogènes au contour
Les réponses obtenues pour deux types de conditions aux limites
différentes sont comparées à celle d'un modèle simplifié
d'homogénéisation
Figure 2 – Courbe de traction moyenne obtenue pour un agrégat
polycristallin contenant 200 grains de l’alliage INCO600
taculaire. Elle est illustrée dans le cas des deux grains de la figure 4
ayant des orientations différentes. Pour un niveau de déformation
axiale moyenne dans l’agrégat de 1,5 %, les états de contrainte
(resp. déformation) locale varient de 30 MPa (resp. 1 %) à 600 MPa
(resp. 2,6 %) pour le grain 1. On constate que la dispersion s’accroît
avec la déformation moyenne imposée. À noter que l’élasticité a été
prise isotrope localement par simplicité, de sorte que les hétérogénéités observées ne sont dues qu’aux incompatibilités plastiques
entre grains.
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Contrainte axiale (MPa)
Contrainte axiale (MPa)
PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL ______________________________________________________________________
600
500
400
300
800
700
600
500
400
300
200
200
100
100
0
0
0
0,005
0,01
0,015
0,02
0
0,025
0,005
0,01
0,015
0,02
La situation peut être plus complexe encore dans le cas d’autres
structures cristallographiques comme dans le cas de l’alliage de
zinc présenté sur la figure 1. Le système basal dont la cission résolue critique initiale est plutôt faible est largement activé dans la
plupart des grains, tandis que le système pyramidal Π2 n’est actif
que près des joints de grains (figures 1b et c ), ce que confirment
les observations expérimentales [59] [71].
1.3 Modèles simplifiés
et homogénéisation
Les calculs de VER (élément de volume polycristallin) permettent
de prévoir le comportement du matériau hétérogène sous des
chargements complexes, mais aussi l’influence de la morphologie
des phases sur sa réponse globale [64]. Toutefois l’usage de ces
modèles reste encore trop lourd pour une application directe au
calcul de structures. On peut passer par l’intermédiaire de l’identification d’une loi macroscopique purement phénoménologique à
partir de quelques réponses du VER. Une autre alternative consiste
à utiliser un modèle d’homogénéisation simplifié n’exigeant pas
explicitement un calcul de VER. De tels modèles sont développés
dans le cas non linéaire du polycristal depuis le début des années
1960 [65] [66]. Pour un exposé de quelques modèles simplifiés pour
le polycristal, on renvoie le lecteur à l’article [M 48] de ce traité [67].
Des applications à des problèmes industriels très importants, tels
que la prévision des évolutions de texture en grandes déformations,
y sont présentées. Ces classes de modèles cherchent à prévoir les
contraintes et déformations moyennes par phase cristallographique. Elles sont en mesure aussi de fournir une estimation de
la dispersion mais ne peuvent en aucun cas prévoir le spectre des
états locaux de contrainte et déformation présenté au paragraphe
précédent.
M 4 017 − 4
Contrainte axiale (MPa)
On peut remarquer, d’autre part, sur la courbe de la figure 4a,
que la courbe de réponse moyenne du grain 1 est en somme toute
proche de celle d’un grain isolé de même orientation soumis à la
même sollicitation moyenne que l’agrégat (hypothèse de Taylor).
Ce n’est, par contre, pas le cas du grain 2. L’origine de cette différence est sans doute liée à la taille des grains : le grain 1 est le plus
gros de l’agrégat considéré.
0,03
a
Les composantes de contraintes et de déformation représentées sont
prises dans la direction de sollicitation
Figure 3 – Courbes de traction moyenne des 200 grains
d’un agrégat polycristallin
0,025
Déformation axiale
Déformation axiale
800
700
600
500
400
300
200
100
0
0
0,005
0,01
0,015
0,02
0,025
0,03
Déformation axiale
b
réponse du monocristal isolé
contrainte moyenne dans le grain
0.5 %
1.0 %
1.5 %
Deux grains différents ont été choisis (grain 1 figure a, grain 2 figure b).
Chaque symbole indique l'état d'un point d'intégration du grain choisi,
tous les points d'intégration étant représentés.
Ces états sont comparés à la courbe de réponse moyenne du grain
ainsi qu'à la réponse d'un monocristal ayant la même orientation que le
grain choisi et soumis à la même sollicitation de traction moyenne que
l'agrégat.
Figure 4 – Ensemble des états de contrainte et déformation axiales
locales au sein d’un grain donné de l’agrégat polycristallin,
pour trois niveaux successifs de déformation moyenne imposée
Des règles explicites de changement d’échelle peuvent être
déduites dans certains cas des modèles précédents. Elles relient les
contraintes moyennes par phase cristallographique g au tenseur
des contraintes macroscopique . Une forme assez générale de
transition d’échelle dans le cas d’un comportement élastoplastique
du polycristal et d’un chargement macroscopique radial et monotone est la suivante :
= + C ( E p – p )
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(6)
______________________________________________________________________ PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL
Cette relation suppose toutefois l’homogénéité de l’élasticité de
sorte que la déformation plastique E p soit la moyenne des déformations plastiques des phases < p >. On se restreint en outre au
cas de l’élasticité isotrope pour simplifier. Selon la valeur du coefficient C, cette relation rend compte de trois modèles simplifiés principaux du polycristal.
■ Modèle statique
Lorsque C est pris égal à zéro, la contrainte est supposée homogène au sein des grains et égale à la contrainte macroscopique. On
utilise alors les lois de comportement du monocristal pour déduire,
de cette valeur de la contrainte, l’incrément de déformation plastique dans chaque phase puis, par opération de moyenne, pour
l’ensemble du polycristal. Ce modèle constitue une borne inférieure
du comportement élastoplastique équivalent du polycristal. Il décrit
en général assez mal la réponse des polycristaux de structures cfc,
mais s’est s’avéré pertinent dans le cas de certains alliages de structure hexagonale.
L’identification doit prendre en compte la courbe globale du polycristal mais aussi les réponses moyennes par phase cristallographique. Les paramètres M et m de restauration dynamique doivent
permettre une meilleure description du comportement viscoplastique du polycristal. Une fois les paramètres identifiés de la sorte,
ce modèle simplifié explicite peut être utilisé pour le calcul de
structures [72].
Nota : les paramètres m et M de l’équation (8) sont distincts des paramètres apparaissant dans la loi intragranulaire (41) de l’article [M 4 016] même si la forme des équations est
similaire.
On voit que le calcul d’agrégats polycristallins est en passe de
devenir le modèle de référence à partir duquel des schémas
simplifiés d’homogénéisation peuvent être validés et identifiés pour
une utilisation ultérieure en calcul de structures (composants en
service ou mise en forme).
1.4 Aspects numériques
■ Modèle de Taylor
Lorsque C est très grand, la déformation plastique par phase p
ne peut s’écarter beaucoup de la valeur macroscopique E p et l’on
se rapproche de l’hypothèse de Taylor stipulant l’homogénéité de
la déformation plastique au sein du polycristal. Les lois de
comportement du monocristal sont alors utilisées pour calculer la
contrainte dans chaque phase cristalline. Il s’agit d’une borne supérieure de la réponse élastoplastique du polycristal. Il est très utilisé
dans la pratique pour sa simplicité et son efficacité.
■ Modèle autocohérent
Il fournit une estimation plus précise du comportement du polycristal car il prend en compte, dans une certaine mesure, la morphologie polycristalline désordonnée [67]. Plus lourd à mettre en
œuvre, il existe sous différentes formes selon le schéma de linéarisation utilisé pour le comportement local. La formulation simplifiée proposée dans [68] correspond à une fonction C variant de µ à
µ /100 (ou µ est le module de cisaillement du polycristal dans le cas
isotrope) lorsque la déformation plastique augmente. Elle fournit
une excellente estimation de la réponse de l’agrégat polycristallin
calculée précédemment par la méthode des éléments finis, comme
on le voit sur la figure 2.
Le succès de ces modèles simplifiés se heurte en fait à une difficulté majeure qui est la méconnaissance du comportement local
du grain pour un polycristal donné, qui peut différer significativement de celui du monocristal isolé en raison, par exemple, de l’effet
Hall-Petch [95] de taille de grain. Les paramètres de la loi locale sont
en général identifiés par l’intermédiaire du modèle de polycristal
lui-même, ce qui ne permet donc pas de découpler comme il se doit
les aspects comportement local et règle de transition d’échelle.
Pour des comportements plus complexes de type élasto-viscoplastique, par exemple, et des chargements cycliques voire non proportionnels, des extensions du modèle autocohérent ainsi que
d’autres classes de modèles sont disponibles [69]. La règle de transition d’échelle (6) peut se généraliser de manière phénoménologique sous la forme :
= + C (B – )
B = 〈 〉 ,
(7)
.
β eq
.
.p .
= ε p – D ε eq – --------M
m
(8)
Des variables dites d’accommodation viscoplastique ont été
attribuées aux phases cristallographiques, dont l’évolution non
linéaire est décrite par la loi (8) [70]. L’indice eq indique une norme
du tenseur concerné (par exemple au sens de von Mises dans le
cas isotrope). Lorsque D = 0 et M = ∞, cette relation est identique
à (6). Plus généralement, les paramètres C (proche de µ ), D, M et
m peuvent être identifiés, indépendamment des paramètres des
lois de comportement local, à partir soit d’un modèle simplifié, ou,
idéalement, à partir de la réponse d’un VER de polycristal [48] [71].
La prise en compte des mécanismes de glissement des matériaux
étudiés et de distributions d’orientations cristallines réalistes exige
des calculs par éléments finis tridimensionnels. Une description
précise des états de déformations et de contraintes intragranulaires
est subordonnée à un raffinement suffisant des maillages. Si l’on
ajoute les conditions de représentativité des volumes polycristallins
considérés, on comprend que les calculs d’agrégats polycristallins
réalistes sont de taille considérable, de l’ordre du million de degrés
de liberté. C’est pourquoi le recours au calcul parallèle est
aujourd’hui incontournable pour aller vers plus de réalisme et de
précision. Les calculs présentés au paragraphe 1.2 ont été réalisés
sur un cluster de 8 PC sous Linux avec la méthode FETI de décomposition de la structure en sous-domaines. Elle consiste à découper
le maillage en sous-domaines et à confier la résolution sur chaque
sous-domaine à un processeur différent de manière indépendante.
Une procédure itérative est nécessaire ensuite pour restaurer la
compatibilité et l’équilibre aux interfaces entre sous-domaines.
Cette technique de parallélisation présente deux avantages
majeurs. D’une part, la communication entre processeurs est limitée
à la phase itérative. D’autre part, elle est indépendante du type de
comportement considéré, linéaire ou non linéaire. On renvoie aux
références [54] [73] [74] pour une description détaillée de ces méthodes. L’extension des techniques de calcul parallèle permettra, dans
un futur proche, de considérer plusieurs phases au sein des grains
comme dans le cas d’aciers austénoferritiques.
Les modèles simplifiés de polycristal posent, quant à eux,
d’autres difficultés de mise en œuvre numérique. Les méthodes
d’intégration applicables à ces modèles sont les mêmes que celles
présentées au paragraphe 3.4 de l’article [M 4 016] à la différence
près que le système différentiel considéré comporte un nombre
considérable d’équations différentielles à intégrer, en fait plusieurs
milliers (nombre d’orientations cristallines considérées pour représenter la texture multiplié par le nombre de variables internes intragranulaires). On comprend que l’évaluation de la matrice
jacobienne est un obstacle majeur à l’utilisation des méthodes
implicites. Toutefois, le calcul par éléments finis avec un modèle
polycristallin à chaque point d’intégration est tout à fait accessible
et représente un enjeu majeur du calcul de mise en forme des
métaux [72]. Là encore le calcul parallèle est un outil privilégié pour
le calcul de structures avec des modèles à grand nombre de variables internes [74].
1.5 Applications
On présente ici plusieurs applications du calcul de multi et polycristaux métalliques, ainsi que de l’utilisation de modèles de polycristaux homogénéisés. Une application importante des modèles
simplifiés issus de l’homogénéisation est la prévision des évolutions de texture en mise en forme. Elle n’est pas détaillée ici car elle
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M 4 017 − 5
Contrainte de von Mises (MPa)
PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL ______________________________________________________________________
360
σ12 (MPa)
180
0
1 500
1 400
Papillon
1 300
Cercle
1 200
1 100
Ellipse
1 000
Traction-compression
– 180
900
Torsion
800
– 360
– 720
700
– 360
0
360
720
σ11 (MPa)
Simulation à l'aide d'un modèle de polycristal homogénéisé présentant
un fort écrouissage isotrope au niveau intragranulaire (d'après [70])
σ11
σ12 contraintes
Figure 5 – Distorsion de la surface de charge initialement elliptique
(en tireté) après 1 % de déformation en traction (ronds cyan) suivie
d’un changement inversé jusqu’à – 1 % (ronds noirs)
est traitée dans l’article [M 48] de ce traité [67]. Les deux premiers
exemples peuvent être traités à l’aide d’un modèle de polycristal
homogénéisé tandis que les deux derniers illustrent des phénomènes locaux et exigent donc des calculs complets d’agrégats polycristallins.
1.5.1 Distorsion de surface de charge
On décrit traditionnellement l’évolution du domaine d’élasticité
dans le cadre de l’approche macroscopique phénoménologique
classique par des variables internes d’écrouissage isotrope et cinématique caractérisant l’expansion et la translation du domaine
initial. En réalité, la surface de charge subit aussi une distorsion qui
lui fait perdre son éventuelle forme elliptique initiale dans l’espace
des contraintes déviatoriques [48]. Les approches macroscopiques
peinent à décrire cette évolution. Au contraire, dans les modèles
issus de l’homogénéisation, la surface de charge n’est pas décrite
de manière explicite mais résulte de l’activation ou non de l’ensemble des systèmes de glissement pour les orientations cristallines
considérées. Cette formulation implicite multicritère s’avère très
bien adaptée pour suivre l’évolution de la forme complexe du
domaine d’élasticité pour des trajets complexes de déformation.
Sur la figure 5, on voit qu’un modèle polycristallin homogénéisé de
la famille autocohérente prévoit qu’une surface initialement elliptique devient pointue dans la direction de sollicitation tandis qu’elle
s’aplatit dans la direction opposée, conformément aux observations
expérimentales [75].
Une description précise de l’évolution de la forme de la surface
de charge est importante lorsque l’on s’intéresse aux trajets
complexes de déformation, en particulier dans le cas cyclique et
multiaxial avec changement de trajet (traction suivie de torsion,
par exemple). S’il est toujours possible de construire un critère de
plasticité unique faisant appel à des fonctions des invariants des
contraintes respectant la symétrie de la surface à un instant donné,
M 4 017 − 6
0
30
60
90
120
Déformation plastique cumulée (%)
Le niveau de déformation totale équivalente au sens
de von Mises est de 0,5 %
Figure 6 – Courbes d’écrouissage cyclique de l’alliage Waspalloy
pour divers chargements uni et multiaxiaux, torsion,
traction-compression et traction-torsion combinées selon des trajets
elliptique, circulaire et papillon (d’après [70])
décrire son évolution reste presque hors de portée. C’est pourquoi
l’approche multicritère à grand nombre de variables internes dont
les modèles polycristallins font partie est beaucoup plus efficace et
proche des mécanismes physiques de déformation.
1.5.2 Plasticité cyclique sous chargement
multiaxial
Certains alliages métalliques de structure cfc présentent des capacités d’écrouissage cyclique exceptionnelles sous chargement multiaxial. La figure 6 présente les courbes d’écrouissage cyclique du
superalliage polycristallin à base de nickel Waspalloy sollicité en
traction/compression et torsion combinées à déformation totale
imposée :
ε 11 = ε 0 sin (qωt ), ε 12 = ε 0 sin (ωt – ϕ )
(9)
Les essais sont réalisés à déformation équivalente :
ε eq =
2
4 2
ε 11 + ----- ε 12
3
constante [70].
Lorsque ϕ ou q sont non nuls, les trajets sont dits non proportionnels. Un trajet circulaire dans l’espace des déformations correspond à (q = 1, ϕ = 90o). Le trajet (q = 2, ϕ = 90o), dit « papillon », est
représenté sur la figure 7 et est à l’origine du surécrouissage maximal par rapport aux autres trajets. On notera que ce surécrouissage est considérable (figure 6). L’adoucissement cyclique qui suit
la phase d’écrouissage est lié au cisaillement progressif des précipités de phase γ ′. La réponse en contrainte au trajet papillon est
donnée sur la figure 8. Les modèles purement phénoménologiques sont incapables de prévoir ce surécrouissage. Au contraire,
un modèle de polycristal homogénéisé du type (8) identifié simplement en traction/compression rend compte correctement de la
complexité de la boucle d’hystérésis. La clef du modèle est en fait
la capacité d’écrouissage contenue dans la matrice d’interaction
hsr. Les chargements non proportionnels ont tendance à activer
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crouissage important, contrairement à l’aluminium et à l’INCO 718
par exemple. Ces exemples montrent un lien entre énergie de faute
d’empilement et l’existence ou non d’un surécrouissage en non
proportionnel [70]. Il reste que d’autres mécanismes peuvent
accentuer ces effets, comme le micromaclage ou la formation de
structures de dislocations marquées. On voit que la dynamique des
dislocations devra aussi être mise à contribution pour mieux déterminer les causes et l’ampleur de ces phénomènes.
0,008
ε12
0,004
1.5.3 Effets de joint de grain et de surface libre
0
– 0,004
– 0,008
– 0,008
– 0,004
0
0,004
0,008
ε11
Figure 7 – Trajet de déformation « papillon » dans l’espace
des déformations axiale et de cisaillement, imposé pour un essai
de traction-torsion combinées
800
σ12 (MPa)
400
0
– 400
– 800
– 1 600 – 1 200 – 800
– 400
0
400
800
1 200
σ11 (MPa)
Comparaison entre les résultats expérimentaux et la simulation
grâce à un modèle de polycristal homogénéisé
Les calculs d’agrégats polycristallins présentés au paragraphe 1.2
sont en mesure de nous renseigner sur l’hétérogénéité intragranulaire induite par la présence des joints de grain. La zone proche du
joint de grain est-elle plus dure ? Le nombre de systèmes actifs plus
grand ? Jusqu’à ce que de tels calculs deviennent possibles, ces
soupçons sur le comportement spécifique près des joints de grain
résultent d’observations microscopiques systématiques et de
mesures de champs [57]. L’analyse statistique d’un grand nombre
de grains (les 200 grains des simulations présentées) montre en fait
que, dans le cas du matériau cfc étudié, le pourtour du grain n’est
en moyenne ni plus dur, ni plus mou, à savoir que les contraintes
et déformations moyennes se distinguent peu des valeurs
moyennes globales. Par contre, si l’on trace les états de contrainte
et de déformation atteints localement en fonction de la distance au
joint de grain le plus proche, on s’aperçoit que le joint de grain est
une source formidable de dispersion. Alors que les valeurs atteintes
au cœur des grains restent autour de la moyenne sur le grain, une
variance de l’ordre de 30 % en déformation équivalente est observée lorsque l’on s’approche d’un joint de grain. On notera toutefois
que ce résultat est obtenu dans le cadre d’un modèle de plasticité
continue classique et ne s’applique donc que pour des grains de
taille suffisante. Il sera peut-être mis en défaut pour des grains de
taille micronique grâce à la dynamique des dislocations capable de
rendre compte des empilements de dislocations pouvant se former
aux joints de grain.
On fait souvent remarquer que les observations au microscope
du développement de la plasticité (lignes de glissement, mesures
de champs) sont faites à la surface libre du matériau et que, par
conséquent, on a peu d’information sur le comportement en
volume des grains d’un polycristal. On peut mettre cette assertion
à l’épreuve des simulations numériques d’agrégats polycristallins.
Pour cela, on compare dans [63] l’évolution de la contrainte
moyenne dans un plan parallèle à une surface libre du cube en
fonction de la distance à cette surface. On trouve en fait que l’effet
purement mécanique induit par la condition de vecteur traction nul
à la surface est très limité : une baisse de la contrainte moyenne,
une augmentation de la déformation moyenne et une diminution
du nombre de systèmes actifs de l’ordre de 1 à 2 % sur une distance n’excédant pas une taille de grain sont observées. Cette analyse ne prend bien sûr pas en compte l’influence des forces images
sur les dislocations près de la surface et de l’éventuelle attraction
qui en résulte ou, au contraire, l’accumulation des dislocations si la
surface est oxydée. Ces effets devront être analysés à l’aide de la
dynamique des dislocations.
1.5.4 Glissement et rupture intergranulaires
Figure 8 – Réponse en contrainte axiale et cisaillement pour l’essai
de traction-torsion combinées suivant le trajet « papillon »
plus de systèmes de glissement dans les grains en raison des
changements de trajets. Un fort écrouissage latent intragranulaire
est à l’origine du surécrouissage [70] [76].
Lorsque l’obtention de monocristaux n’est pas possible, les
essais non proportionnels représentent donc un excellent moyen
de mettre en évidence l’importance de l’écrouissage latent au sein
des grains. Le cuivre, les aciers austénitiques présentent un suré-
L’intérêt majeur des simulations d’agrégats polycristallins réside
dans la prévision d’états de contrainte locaux susceptibles de provoquer l’amorçage de l’endommagement du matériau sous chargements monotones ou cycliques. L’endommagement et la rupture ne
sont en effet pas pilotés par les contraintes moyennes par phase
cristalline que décrivent correctement les modèles d’homogénéisation du polycristal mais plutôt par les concentrations locales. Le
calcul de microstructures couplé à l’endommagement en vue de
prévoir l’amorçage et la propagation de fissures en est à ses
balbutiements, même si de nombreux résultats sont acquis dans le
cas de la décohésion de fibres dans les composites par exemple.
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M 4 017 − 7
PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL ______________________________________________________________________
Concernant les milieux cristallins, la rupture intergranulaire, le
clivage et la déchirure ductile sont les principaux mécanismes à
intégrer dans la simulation. Le traitement du problème couplé est
extrêmement délicat en raison de la non-linéarité accrue du calcul.
Le cas de la rupture intergranulaire au sein des agrégats polycristallins est abordé dans [77] en attribuant au joint de grain un
comportement spécifique viscoplastique endommageant. Plusieurs
stratégies sont possibles pour rendre compte d’un comportement
spécifique du joint de grain. On peut d’une part considérer un
modèle cohésif de l’interface, c’est-à-dire une loi liant la force
appliquée au joint et saut éventuel du déplacement correspondant
à l’ouverture ou au glissement relatif du joint. L’autre stratégie
consiste à attribuer une épaisseur fictive au joint de grain de façon
à y introduire de véritables lois de comportement endommageable
liant contraintes et déformations au sein du joint [77]. Les possibilités des lois de comportement introduites sont alors plus grandes.
Cette modélisation permet aussi de traiter les problèmes de glissement intergranulaire lors de la déformation à chaud, par exemple.
Les forces motrices sont les composantes normale et tangentielle
du vecteur traction en un point donné du joint de grain. Ces simulations doivent permettre d’identifier les ingrédients nécessaires à
des modèles plus macroscopiques d’amorçage et de fissuration,
voire de calibrer les modèles existants de durée de vie.
1.6 Limites actuelles
Les limites numériques actuelles du calcul d’agrégats polycristallins ne se chiffrent pas aujourd’hui en termes de nombres de
grains considérés. En effet le résultat dépend du nombre d’éléments
finis attribués à chaque grain. Dans de nombreuses simulations, un
grain est décrit par un élément, ce qui se traduit par une estimation
trop rigide des propriétés effectives proches de celles prédites par
un modèle de Taylor. Ce modèle numérique permet une estimation
rapide mais honorable des évolutions de texture par exemple. Dans
ce cas, plusieurs milliers de grains peuvent être considérés. Lorsque
l’on cherche à rendre compte des champs de déformations intragranulaires et, par conséquent, à améliorer l’estimation précédente,
on a vu qu’environ 1 000 points d’intégration par grain sont nécessaires pour s’approcher de la solution convergée. Les calculs de VER
les plus gros traitent 1 000 000 de degrés de liberté soit un cube de
110 000 éléments briques à 20 nœuds et 27 points d’intégration, soit
environ 3 000 grains. Ce nombre semble petit puisqu’il ne permet
pas de considérer l’ensemble des orientations possibles ni tous les
voisinages de grains possibles. Toutefois, dans le cas de la structure
cfc, on a vu qu’un nombre plus petit de grains fournit une bonne
estimation du comportement homogénéisé. La notion de VER pour
un milieu aléatoire est aujourd’hui une notion bien établie [78] mais
demande à être déterminée précisément de manière numérique
pour différentes textures morphologiques et cristallographiques et
différentes familles de systèmes de glissement.
Le calcul de structures à l’aide de modèles polycristallins homogénéisés apparu il y a près de 10 ans ne s’est pas encore généralisé dans les applications. Le calcul parallèle encore une fois
devrait permettre ce transfert dans les prochaines années.
2. Modélisation et simulation
des effets d’échelle
La simulation des effets d’échelles en plasticité cristalline pose
des problèmes spécifiques à l’approche mécanique continue. En
effet, on remarque que, si l’on exprime l’équation (37) de l’article
[M 4 016] avec la variable ρb 2, les coefficients n’ont plus la dimension d’une longueur, de sorte que cette loi n’introduit pas de longueur caractéristique réelle dans la modélisation et est donc
M 4 017 − 8
incapable de rendre compte d’effet d’échelle observés expérimentalement (effet de taille de grain ou de cellules de dislocations). De
même les calculs de multi et polycristaux présentés au paragraphe 1 ne dépendent pas de la taille absolue des grains mais seulement des rapports de taille entre grains voisins. Autrement dit,
l’unité (m, mm, µm...) des coordonnées des nœuds des maillages
utilisés ne joue aucun rôle : à une même déformation moyenne
imposée correspondra le même champ de contrainte quelle que soit
la dimension absolue des grains. Ce n’est pas le cas de la simulation
par dynamique des dislocations puisqu’elle intègre naturellement la
longueur caractéristique associée au vecteur de Burgers des dislocations, à la source même des effets d’échelle évoqués. On montre
dans la suite comment l’approche continue peut, jusqu’à un certain
point, être enrichie pour en rendre compte.
2.1 Lois d’échelles :
effet de la taille des grains
Les relations d’écrouissage établies dans le paragraphe 1.3
modélisent le fait que, en se multipliant, les dislocations entravent
mutuellement leurs mouvements. Les joints de grain sont également des obstacles au glissement des dislocations et apportent
donc leur contribution à la limite d’élasticité du cristal. Cet effet,
connu sous le nom de loi de Hall et Petch [95] est décrit par la loi
puissance :
kj
σ el = σ 0 + --------d
(10)
avec d taille de grain.
Fort de cette constatation, on peut dès lors imaginer se servir du
levier microstructural plutôt que de la composition chimique pour
optimiser des propriétés d’usage telles que la limite d’élasticité et
de nouveaux procédés basés sur les hyperdéformations ont été
développés pour élaborer des matériaux à microstructure fine :
citons les procédés comme l’ECAE (extrusion coudée à aires
égales), l’ARB (Accumulative Roll-Bonding ), le conshearing et le
RCS (Repetitive Corrugation and Straightening ).
Nota : le conshearing (ou cocisaillement) consiste à cisailler un matériau, par exemple
en le laminant entre 2 rouleaux qui ne tournent pas à la même vitesse.
La relation de Hall et Petch, couramment utilisée en métallurgie,
est d’une remarquable robustesse. Une modélisation de cet effet
est fondée sur l’empilement de dislocations sur un joint de grain
(cf. figure 9). Des dislocations rectilignes infinies s’empilent sur un
joint de grain sous l’effet d’un cisaillement appliqué. On considère
que le seuil de plasticité est franchi lorsque la contrainte exercée
sur la dislocation de tête de l’empilement atteint une valeur critique nécessaire au franchissement de cet obstacle, ou à la nucléation d’une nouvelle source dans le grain voisin.
De nombreuses études portant sur des matériaux à microstructure fine (essentiellement des couches minces) ont montré que,
au-dessous d’une certaine taille de grain, la loi de Hall-Petch n’était
plus valable. Des saturations en limite d’élasticité voire des adoucissements ont ainsi été observés, par exemple par des mesures de
dureté sur des multicouches (figure 10). Plusieurs explications ont
été proposées pour rendre compte de cette déviation de l’effet de
Hall et Petch. L’une d’entre elles repose sur l’influence croissante de
la tension de ligne lorsque la taille des grains diminue. En effet, une
dislocation empilée sur les bords d’un grain possède un rayon de
courbure dont l’ordre de grandeur est directement imposé par la
taille du grain. Cette courbure locale induit une force de rappel sur
la ligne de dislocation qui sera d’autant plus importante que la taille
du grain sera faible. Plus généralement, on peut invoquer un changement de la nature de l’interface lorsque la taille des grains devient
trop faible : la valeur de la contrainte critique de franchissement de
* est modifiée lorsque l’on varie la taille des grains et
l’obstacle τ jdg
l’on compare des mécanismes différents.
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d’un élément de volume dV dans la configuration courante du
monocristal [voir équation (18) de l’article [M 4 016]], le défaut de
fermeture résultant vaut [79] :
Franchissement si
τtête = τcritique
τ
τtête
τTL
τcritique
Source
E
Γ
–1
⋅ t dΓ = –
(rot E
S
= rot ( e + e ) ,
τTL µb /R µb /d
b Cas 3D : prise en compte de
la tension de ligne τTL
Dureté (GPa)
7
7
6
6
4
5
Cu/Nb
5
3
2
4
Cu/Ni
1
3
α ij = jkl ε ik,l + ω ik,l e
e
(12)
où la composante ijk vaut 1 (resp. – 1) si (i, j, k ) est une permutation positive (resp. négative) de (1, 2, 3) et est nulle pour toutes
les autres combinaisons. On peut également relier à la déformation plastique en utilisant les relations de compatibilité : est
aussi l’opposé du rotationnel de la transformation plastique. Ces
expressions impliquent que div = 0, ce qui constitue la version
continue de la loi des nœuds pour les dislocations. La théorie
continue des dislocations se donne alors pour objectif de calculer
les champs de contraintes internes pour une distribution donnée
de dislocations .
Comment introduire dans les lois de comportement du
monocristal ? On peut remarquer que le tenseur densité de dislocations est relié au gradient de la déformation plastique par l’intermédiaire de la relation précédente, et donc indirectement au second
gradient du déplacement. C’est de là que vient l’idée d’introduire
dans la modélisation le gradient de la déformation plastique ou,
plus généralement, d’avoir recours à une théorie du second
gradient [80]. On notera que le second gradient du déplacement a
la dimension de l’inverse d’une longueur et c’est par ce biais que
l’on introduit des longueurs caractéristiques dans la théorie
continue. On renvoie à la référence [81] pour une description des
lois de comportement d’une théorie du second gradient de la plasticité cristalline.
12 Å
25 Å
35 Å
50 Å
200 Å
1 000 Å
Figure 9 – Empilement de dislocations sur un joint de grain
8
⋅ ndS , soit = –rot E –1 (11)
Si l’on s’en tient aux petites déformations et petites rotations,
cette relation devient :
R
a modélisation 2D classique :
les dislocations sont infinies
–1 )
avec t vecteur tangent à la ligne Γ.
S
Joint
de grain
B=
2
On peut encore donner une autre interprétation sans doute
moins abstraite du tenseur densité de dislocations. Tout tenseur
Cu
1
×
antisymétrique peut être représenté par un vecteur axial :
0
0
0,05
0,1
0,15
0,2
0,25
0,3
0,35
1/ h (Å)
h épaisseur de la couche
×
×
1
ω i = – ----- ijk ω jk , ω ij = –ijk ω k , tel que
2
où × est le produit vectoriel de l’espace.
×
⋅ x = × x , ∀x (13)
On définit maintenant le vecteur rotation de réseau tel que
×
Figure 10 – Effet de taille et déviation de la loi de Hall et Petch
dans le cas de matériaux multicouches
Quelle que soit la raison physique de la dépendance de la limite
d’élasticité avec la taille de grain, les modèles de dynamique des
dislocations sont particulièrement bien adaptés pour rendre
compte de cet effet. C’est une des raisons de la récente implication
de l’industrie électronique dans le développement de ce type
d’outils numériques.
2.2 Durcissement associé à la courbure
de réseau cristallin
Les lois de comportement du monocristal décrites au paragraphe 3 de l’article [M 4 016] ne font appel qu’aux densités de dislocations ρ s dites statistiquement distribuées et ne prennent pas en
compte le tenseur densité de dislocations défini par l’équation (12)
de l’article [M 4 016]. On revient un instant sur la cinématique du
monocristal pour mieux comprendre la signification physique de ce
tenseur. Si l’on trace un circuit Γ délimitant une surface S autour
Φ = e et le tenseur de courbure-torsion du réseau κ ij = Φ i,j . En
négligeant les contributions dues à la déformation élastique, on
obtient, grâce à l’équation (12), la relation de Nye liant courbure de
réseau et tenseur densité de dislocations [82] :
α ij = κ ji – κ mm δ ij
(14)
avec κ mm trace du tenseur de courbure,
δ ij
composantes du tenseur identité.
On voit qu’un réseau de dislocations coins comme sur la
figure 9c de l’article [M 4 016] correspond à une courbure/flexion
de réseau, tandis qu’une torsion de réseau selon un axe donné
comme sur la figure 9d de l’article [M 4 016] est obtenue en
considérant un réseau plan de deux familles de dislocations vis
ayant des vecteurs de Burgers orthogonaux. Un modèle intégrant
explicitement le tenseur courbure de réseau dans le cadre d’une
théorie de Cosserat de la plasticité cristalline est alors une alternative à la théorie du second gradient mentionnée plus haut [83] (cf.
figure 10b de l’article [M 4 016]).
Un milieu de Cosserat se caractérise par la donnée d’un champ
de déplacements des points matériels et d’un champ de rotations
d’une microstructure sous-jacente, considérés comme des degrés
de liberté supplémentaires indépendants [84]. Le tenseur de courbure K est alors le gradient du champ de rotations et se décompose
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M 4 017 − 9
PLASTICITÉ CRISTALLINE ET TRANSITION D’ÉCHELLE : CAS DU POLYCRISTAL ______________________________________________________________________
en une partie élastique K e et une partie plastique K p. Dans le cas
du monocristal, la courbure plastique coïncide avec la courbure du
réseau cristallin κ liée par l’équation (14) au tenseur densité de dislocations.
L’intérêt de ce lien explicite entre densité de dislocations et courbure de réseau est que les techniques de MET et, à une autre
échelle, d’EBSD permettent d’obtenir expérimentalement des cartographies des rotations de réseau dans un grain et donc de mesurer
le champ de courbure correspondant. Il s’agit là d’une mesure
directe du champ de tenseur densité de dislocations.
a état initial
y
À quel genre d’écrouissage le tenseur densité de dislocations
peut-il bien être associé ? La version la plus simple est la suivante :
τc = µ b ρ + ρ G
(15)
pour le cas simplifié d’un seul système de glissement [84]. On a fait
apparaître la densité de dislocations d’accommodation géométrique ρ G à la place d’une composante de ou du tenseur courbure
de réseau en la distinguant de la densité scalaire ρ. Un modèle de
ce type appliqué localement à des assemblages de grains de taille d
permet d’obtenir au niveau macroscopique des effets d’échelle en
1 ⁄ d [83] [85] [86]. On insiste sur le fait que la loi de Hall-Petch
par exemple est purement macroscopique et ne saurait être appliquée localement dans la loi de comportement du monocristal. Elle
est au contraire le résultat macroscopique de l’application de lois
locales de type Cosserat ou second gradient au sein des grains.
2.3 Modèles à gradient de variables
internes
Tous les effets d’échelles ne sont pas dus au développement
d’une courbure de réseau. La formation de structures de dislocations dont la taille est typiquement inversement proportionnelle à
la contrainte appliquée ne s’accompagne pas nécessairement de
variations d’orientation cristalline car les murs sont essentiellement
constitués de dipôles. Les modèles du paragraphe précédent sont
donc incapables de rendre compte de la formation de telles structures. Une solution consiste à introduire dans la modélisation
continue le gradient de la densité de dislocations grad ρ comme
dans le modèle d’Aifantis, qui au niveau du critère de plasticité, se
traduit par [87] :
τ = τ c – c∆ρ
(16)
avec ∆ opérateur laplacien,
c paramètre matériau ayant la dimension d’une contrainte
multipliée par une longueur au carré.
Certaines solutions de l’équation aux dérivées partielles précédente sont périodiques et peuvent s’interpréter comme la formation
de structures de dislocations [87]. La justification du terme diffusif
à partir de la dynamique des dislocations n’est pas encore tout à
fait claire, même si des éléments de réponses se trouvent par
exemple dans [88].
2.4 Applications
2.4.1 Plasticité confinée : multicouches
et films minces
Lorsque les plans de glissement dans une couche mince sont limités de part et d’autre par une interface avec une autre phase que
les dislocations ne peuvent franchir, les empilements de dislocations qui résultent alors de la déformation de cette couche
conduisent à une déformation plastique hétérogène, maximale au
centre, plus faible près des interfaces. Une représentation périodique de ces couches est donnée sur la figure 11a. Pour simplifier,
M 4 017 − 10
x
b état déformé pour un milieu continu classique
c état déformé dans le cas d'un milieu continu généralisé
Ces solutions sont obtenues par la méthode des éléments finis et
les deux phases sont divisées en plusieurs éléments
Figure 11 – Déformation d’une microstructure lamellaire constituée
d’une phase élastique dure (en blanc) et d’une phase élastoplastique
(en cyan), soumise à un chargement de cisaillement simple moyen
dans le plan (x, y ), avec des conditions de périodicité dans les deux
directions
on considère que la phase blanche est élastique tandis que la phase
cyan est monocristalline et plastique avec un seul système de glissement de vecteur de Burgers et de plan de glissement horizontaux.
Une déformation de cisaillement dans le plan avec des conditions
de périodicité conduit à une déformation hétérogène de la phase
cyan et à une courbure du plan cristallin comme sur la figure 11c
[21] [89]. Un modèle de plasticité classique prévoit, quant à lui, une
déformation homogène par phase comme sur la figure 11b. La
courbure est au contraire correctement décrite à l’aide, par exemple,
du modèle de monocristal de Cosserat mentionné au paragraphe 2.2 qui intègre explicitement l’effet de la densité de dislocations
d’accommodation géométrique. La figure 11c a d’ailleurs été obtenue par un calcul par éléments finis à l’aide de ce modèle. Si l’épaisseur de la couche cyan devient plus grande, l’effet de courbure,
cantonné près de l’interface, devient imperceptible et la solution
classique, homogène par couche, redevient pertinente.
2.4.2 Phénomènes de localisation
de la déformation : cas de la fissure
dans le monocristal
Les phénomènes de localisation jouent un rôle majeur dans la
déformation des monocristaux métalliques et des grains d’un polycristal, qu’il s’agisse de bandes de glissement intense obtenues
sous chargement monotone ou cyclique ou de bandes de cisaillement qui apparaissent plutôt en grandes déformations [90]. On distingue les bandes de glissement parallèles au plan de glissement
des bandes de cisaillement qui sont le siège de glissements multiples et qui, par conséquent, peuvent avoir des orientations variées
et sont, malgré leur nom, en général soumise à une sollicitation
plus complexe que le cisaillement pur. On observe aussi parfois, en
particulier dans le cas de structure hexagonale (le zinc en parti-
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a champ de déformation plastique équivalente
La partie visible de la fissure a une longueur de 200 µm
La direction de propagation de la fissure est de type < 001 > et la normale
au plan de fissure est < 110 >
[001]
(2)
(3)
[112]
[112]
(1)
(111)[110]
(111)[110]
propageant dans la direction <110> dans le plan (001) d’un monocristal cfc, en 2D et déformation plane. On observe deux bandes
latérales de glissement double symétrique pouvant s’interpréter
comme des bandes de glissement pour un supersystème obtenu
en additionnant les vecteurs directions de glissement. Une bande
verticale en genou est prévue par le modèle.
35°
(111) [011]
(111) [101]
Figure 13 – Phénomènes de localisation en pointe de fissure
dans un monocristal de superalliage à base de nickel AM1 (d’après [94])
(111) [101]
(111) [011]
[110]
b systèmes de glissement actifs dans les bandes et représentation
de systèmes de glissement équivalents
La direction normale au plan de la fissure est une direction [001]
tandis que la direction de propagation est [110]
Figure 12 – Champ de déformation en pointe de fissure
dans un monocristal cubique à faces centrées sous conditions
de déformations planes
culier), la formation de bandes dites en genou (kink bands ) qui ont
la particularité d’être orthogonales à la direction de glissement.
On illustre ici ces différents types de bandes dans le cas du
champ en pointe de fissure d’un monocristal élastique parfaitement plastique. En effet, le calcul dans le cadre de plasticité
continue classique du champ en pointe de fissure prévoit le développement de secteurs à contrainte constante limités par des bandes de localisation intense [91]. La structure de ces bandes dépend
de l’orientation de la fissure par rapport au cristal. La figure 12
montre le calcul du champ de déformation en pointe de fissure se
On peut se demander si, en raison de la présence des forts
gradients de déformation en pointe de fissure, un modèle de type
Cosserat ou second gradient ne serait pas mieux approprié. Un tel
calcul n’affecte en fait que la bande verticale qui est fortement
atténuée et introduit donc une différence très nette entre le
comportement des bandes en genou par rapport aux bandes de
glissement [91]. La dynamique des dislocations confirme la tendance
à la formation de ces bandes en pointe de fissure et le caractère spécifique des bandes en genou [92]. L’existence de telles bandes, certes
atténuées lorsque le matériau est écrouissable, joue un rôle important dans les mécanismes de propagation et de branchement des fissures dans les monocristaux et les grains d’un polycristal.
Des essais mécaniques et observations (MEB, EBSD) récents ont
permis de confirmer l’existence de telles bandes de déformation en
pointe de fissure de monocristaux ductiles [93] [94]. De telles
bandes et secteurs de déformation sont visibles sur la figure 13 en
pointe de fissure dans un monocristal de superalliage monocristallin à base de nickel AM1. On y voit des lignes de glissement et
deux bandes en genou au sein desquelles les lignes de glissement
sont perpendiculaires à la direction de la bande. La direction de
propagation de la fissure est une direction [001] et la normale au
plan de fissure est (110). On montre que l’orientation et la structure
des bandes prévues théoriquement est la même que sur la
figure 12 à condition de substituer des bandes en genou aux
bandes de glissement et inversement. Dans ces conditions, les
observations expérimentales sont en accord qualitatif avec la simulation. Des mesures de champs de déformation en pointe de
fissure seront nécessaires pour départager l’approche classique
des modèles généralisés précédents.
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© Techniques de l’Ingénieur
M 4 017 − 11

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