L`acné Mise au point suite aux nouvelles recommandations
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L`acné Mise au point suite aux nouvelles recommandations
DOSSIER DU MOIS (octobre 2015) L’acné Mise au point suite aux nouvelles recommandations (juin 2015) L’acné est une affection cutanée très fréquente, touchant essentiellement les adolescents (entre 75 et 95 %) et les jeunes adultes des deux sexes (entre 25 et 58 ans, 12% des femmes et 3% des hommes). Les lésions se situent sur le visage, le dos, les épaules et la face antérieure du thorax. L’acné peut avoir des répercussions psychologiques (troubles de l’humeur, dépression, altération de l’image de soi, difficultés relationnelles) et altérer la qualité de vie. Dans les cas sévères, l’acné peut entraîner la formation de lésions cicatricielles inesthétiques. D’où l’importance d’une prise en charge efficace. Qu’est ce que l’acné ? - L’acné désigne des lésions folliculaires liées à la fois à l’hyperséborrhée et à des anomalies de la kératinisation de l’épithélium du canal du follicule pilosébacé, induisant la formation du comédon. Les lésions élémentaires de l’acné sont rétentionnelles1 et/ou inflammatoires : lésions rétentionnelles : comédon ouvert (point noir), comédon fermé (point blanc ou microkyste) ; lésions inflammatoires superficielles (papule et pustule) et profondes (nodule). (Source : dermato-info.fr) 1 Lésions rétentionnelles : elles correspondant à des follicules pilosébacés distendus. Propionibacterium acnes2 est le principal agent pathogène impliqué dans le développement de l’acné inflammatoire. Il peut également jouer un rôle dans l’acné non inflammatoire et la comédogénèse. Les cicatrices laissées par les lésions d’acné sont classées en trois types : atrophiques, hypertrophiques, érythémateuses et pigmentées. Evaluer la gravité de l’acné La classification de l’acné selon la gravité des lésions permet de décider de la thérapeutique choisie. Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Grade 5 (Source : Société française de dermatologie) Grade 1 : rares comédons, ouverts ou fermés, dispersés et rares papules (« boutons » non purulents). Grade 2 (acné légère) : quelques comédons ouverts ou fermés et quelques papulopustules. Grade 3 (acné moyenne) : plus de la moitié du visage atteinte, avec nombreuses papulopustules, nombreux comédons ouverts ou fermés, voire un nodule (« bouton » de plus grande taille, ancré sous la peau). Grade 4 (acné sévère) : tout le visage est atteint avec nombreuses papulopustules, comédons ouverts ou fermés et rares nodules. Grade 5 (acné très sévère) : acné très inflammatoire recouvrant le visage avec des nodules. Traiter et prévenir les rechutes 2 Les éléments qui doivent inciter à traiter l’acné sont sa sévérité, son risque cicatriciel (majoritairement causé par les nodules), son retentissement psychosocial. Le traitement d’attaque de première intention est destiné à obtenir une réduction importante ou une disparition des lésions ; à prévenir la survenue de lésions cicatricielles. Il doit être poursuivi 3 mois avant de pouvoir juger de son efficacité. En cas d’échec, un traitement d’attaque de deuxième intention est initié. Après l’obtention d’une rémission par le traitement d’attaque, un traitement d’entretien local doit être prolongé aussi longtemps que nécessaire. D’autres espèces bactériennes sont également associées aux lésions d’acné : S. epidermidis, isolé dans 50 à 80% des cas et d’autres germes anaérobies : Propionibacteriumgranulosum, Peptostreptococcusspp et Prevotellaspp. Compte-tenu de la haute prévalence de l’acné dans la population générale, la sélection de germes résistants liée à l’utilisation prolongée d’antibiotiques doit être considérée comme un problème de santé publique Les différentes molécules utilisées dans le traitement de l’acné sont : des rétinoïdes locaux : trétinoïne3 0,025% ou 0,05% ; adapalène4 0,1% ; le peroxyde de benzoyle5 ; des antibiotiques par voie orale : doxycycline 100 mg/j; lymécycline 300 mg/j 6; l’isotrétinoïne orale7 (grade 4, en cas d’échec à 3 mois du traitement d’attaque) : au moins 0,5 mg/kg/j en attaque et jusqu’à une dose cumulée comprise entre 120 et 150 mg/kg8 ; le gluconate de zinc9 (acné inflammatoire très légère à moyenne, en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance des autres traitements généraux). Le traitement local et/ou général est symptomatique et suspensif (hormis le traitement par isotrétinoïne orale10). - Grade 1 2 3 4 5 3 Traitement d’attaque en première intention Rétinoïde local ou peroxyde de benzoyle (1x/j) Rétinoïde local + peroxyde de benzoyle En cas d’échec à 3 mois Rétinoïde local + peroxyde de benzoyle Changement de molécule et/ou augmentation du dosage et/ou applications plus fréquentes Ou rétinoïde local + antibiothérapie locale11 Ou acide azélaïque + antibiothérapie locale Ou antibiotique per os (doxycycline ou lymécycline)+ rétinoïde local et peroxyde de benzoyle Isotrétinoïne orale Rétinoïde local + peroxyde de benzoyle Ou antibiotique per os12 + rétinoïde local + peroxyde de benzoyle Antibiotique per os + rétinoïde local + peroxyde Isotrétinoïne orale (débutée avant les de benzoyle + trois mois en cas de risque cicatriciel important ou de récidive rapide) Isotrétinoïne orale13 Trétinoïne 0,05% : Ketrel® crème, Effederm® crème ou gel, Retacnyl® 0,05 % crème; trétinoïne 0,025 % (Retacnyl® crème 0,025%), trétinoïne 0,025 % en association avec érythromycine (Erylik® gel), avec clindamycine (Zanéa® gel). 4 Adapalène 0,1% : Différine® crème ou gel ; adapalène + peroxyde de benzoyle 2,5% : Epiduo® gel. 5 Peroxyde de benzoyle 10% (Pannogel®, …), peroxyde de benzoyle 5% (Curaspot® gel, …). NB Le peroxyde de benzoyle peut décolorer les vêtements. 6 L’érythromycine orale (1 g/j), compte tenu de son faible niveau de preuve de son efficacité et des taux de résistance important de certaines bactéries, doit être réservée à des situations exceptionnelles, en association à des traitements locaux n’appartenant pas à la classe des antibiotiques. 7 Isotrétinoïne : Acnetrait®, Contracné®, Curacné®, Procuta® capsule, …. 8 Pour les formes à forte composante rétentionnelle, l’isotrétinoïne doit être débutée à dose plus faible (0,2 à 0,3 mg/kg/j) afin de réduire les risques d’exacerbation aiguë et sévère (acné fulminans). 9 Gluconate de zinc : Effizinc® 15 mg gélule, Rubozinc® 15 mg gélule, Granions de zinc® 15 mg/2mL solution buvable, … 10 Dans les formes sévères, l’isotrétinoïne per os permet d’obtenir une guérison dans la moitié des cas. 11 Malgré le faible niveau de preuve de l’efficacité de l’antibiothérapie locale, dans le but de retarder la mise en route d’une antibiothérapie générale dont la pression de sélection s’exerce sur tout l’organisme. La prescription d’antibiotiques locaux doit être réservée à des situations particulières et toujours associée à un autre traitement local. 12 Il n’y a pas d’indication à utiliser d’autres antibiotiques que les cyclines ou exceptionnellement l’érythromycine (en respectant les précautions d’emploi de ce macrolide, en raison notamment du risque d’interactions médicamenteuses). 13 L’évacuation des lésions rétentionnelles par microchirurgie pourra être proposée avant l’instauration de l’isotrétinoïne afin de diminuer le risque de poussées inflammatoires sévères survenant parfois en début de traitement. Le traitement d’entretien repose sur l’adapalène 0,1% seule (1x/j ou 1j/2) ou associée au peroxyde de benzoyle (2,5%). La trétinoïne 0,025% ou 0,05% peut être utilisée à la place de l’adapalène. La confirmation de l’efficacité de ce traitement d’entretien conduit à insister sur son importance pour maintenir le résultat obtenu et ainsi diminuer la durée d’exposition à une antibiothérapie systématique. Information et éducation des patients 1. 2. 3. 4. 1. 2. 3. 4. Le bon suivi d’un traitement de l’acné est gage de sa réussite. Or seulement 32 à 50 % des patients le suivent correctement. L’information et l’éducation des patients sont donc à renforcer. A l’officine : rappeler au patient : le caractère suspensif du traitement et la nécessité d’un traitement d’entretien local aussi longtemps que nécessaire ; qu’il faut un délai de quelques semaines pour obtenir une amélioration ; que les applications locales des médicaments doivent être régulières ; que l’irritation locale des traitements peut être prévenue et limitée par un espacement des applications (un jour sur 2 ou sur 3 par exemple) en début de traitement et l’utilisation quotidienne d’une crème émolliente. A l’officine : rappeler les règles d’hygiène utiliser un produit de toilette doux (respectant le pH de la peau, syndet) ; éviter les produits alcoolisés ou antiseptiques (inefficaces et irritants et/ou sensibilisants) ; appliquer une crème hydratante pour améliorer la tolérance des traitements locaux ; utiliser une photoprotection en cas d’exposition solaire, particulièrement chez les patients de phototype foncé ayant un risque important de cicatrices pigmentées et/ou lors de l’utilisation de produits photosensibilisants ou irritants. A l’officine : le point sur l’alimentation Il n’y a pas lieu de recommander une modification du régime alimentaire dans l’objectif d’améliorer l’acné. NB Les données issues des études observationnelles sont contradictoires pour les aliments à haut indice glycémique et les essais d’intervention sont à haut risque de biais et ne permettent pas de conclusion ; Les études observationnelles concernant le rôle de la consommation de lait sont en faveur d’une association avec la survenue d’acné. Toutefois, en raison du risque de biais de ces études, et en l’absence d’essai d’intervention, il n’est pas possible de conclure. Le rôle favorisant du chocolat n’est pas retrouvé dans deux études observationnelles récentes. Acné et hormonothérapie En l’absence de besoin contraceptif, il n’est pas recommandé de prescrire un estroprogestatif dans l’objectif de traiter l’acné. Chez une femme présentant de l’acné et souhaitant une contraception hormonale, le choix du progestatif sera : en première intention : le lévonorgestrel (« pilule » de 2e génération) ; en deuxième intention : le norgestimate (TRIAFEMI®, « pilule » estroprogestative minidosée, triphasique, comportant une AMM pour la contraception chez la femme présentant une acné - 14 légère à modérée) . Si l’acné persiste malgré un traitement dermatologique bien conduit, l’association estroantiandrogénique acétate de cyprotérone 2mg-éthinylestradiol 35 µg (Diane 35® et génériques) peut être proposée15 en tenant compte des recommandations de l’ANSM concernant le risque thrombo-embolique. L’association acétate de cyprotérone-éthinylestradiol ne doit pas être prescrite dans le cadre d’un traitement par isotrétinoïne orale. Acné, grossesse et allaitement L’isotrétinoïne est contre-indiquée chez les femmes susceptibles de procréer, excepté lorsque toutes les conditions énoncées dans le programme de prévention des grossesses sont réunies (cf encadré page suivante). Si le traitement de l’acné ne peut être reporté après l’accouchement, les molécules suivantes sont 16 utilisables, en cours de grossesse : - le peroxyde de benzoyle, quel que soit le terme de la grossesse ; le zinc, à partir du 2e trimestre, en tenant compte des autres apports éventuels de zinc (suppléments polyvitaminés et oligoéléments notamment) ; éventuellement l’érythromycine per os si une antibiothérapie systémique est réellement nécessaire. Les produits ci-dessus peuvent également être utilisés chez une femme qui allaite. Acné, troubles psychiatriques et isotrétinoïne 14 L’acné, en particulier sévère peut s’accompagner, en dehors de tout traitement, de troubles de l’humeur, de dépression, d’une altération de l’image de soi. Des cas de dépression, dépression aggravée d’anxiété, de tendance agressive, de changement d’humeur, de symptômes psychotiques ainsi que de très rares cas d’idées suicidaires, de tentatives de suicide et de suicides ont été signalés lors d’un traitement par isotrétinoïne. Ce traitement contraceptif ne dispense pas d'un traitement spécifique de l'acné si celui-ci est nécessaire. La décision de prescrire TRIAFEMI® doit être prise en tenant compte des facteurs de risque de la patiente, notamment ses facteurs de risque de thrombo-embolie veineuse (TEV), ainsi que du risque de TEV associé à TRIAFEMI. 15 Traitement de l’acné modérée à sévère liée à une sensibilité aux androgènes (associée ou non à une séborrhée) et/ou de l’hirsutisme, chez les femmes en âge de procréer. Pour le traitement de l’acné, DIANE 35 microgrammes, comprimé enrobé doit être utilisé uniquement après échec d’un traitement topique ou de traitements antibiotiques systémiques. Dans la mesure où DIANE 35 microgrammes, comprimé enrobé est également un contraceptif hormonal, il ne doit pas être utilisé en association avec d’autres contraceptifs hormonaux. 16 Source : Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) http://www.lecrat.org Avant de débuter le traitement, tous les patients, hommes et femmes, doivent être informés sur le risque éventuel de survenue de troubles psychiatriques et faire part de leurs antécédents personnels et familiaux de troubles psychiatriques. Il est recommandé de porter une attention particulière aux patients présentant des antécédents de dépression et de surveiller des éventuels signes de dépression chez tous les patients. Tératogénicité de l’isotrétinoïne L’isotrétinoïne est contre-indiquée chez les femmes susceptibles de procréer, excepté lorsque toutes les conditions énoncées dans le programme de prévention des grossesses sont réunies : -Avant de débuter le traitement, les patientes doivent être informées et comprendre le caractère iatrogène de l’isotrétinoïne et la nécessité d’éviter toute grossesse ; recevoir un carnet patiente leur rappelant les conditions du programme de prévention des grossesses et un brochure d’information sur la contraception ; lire attentivement et signer un accord de soins et de contraception dont un exemplaire est à conserver dans leur carnet ; utiliser une contraception efficace depuis au moins 4 semaines ; présenter un test sérologique de grossesse négatif réalisé dans les 3 jours précédant la première prescription. -Pendant et 1 mois après l’arrêt du traitement, les patientes doivent présenter le carnet patiente à chaque consultation et à chaque délivrance du médicament ; poursuivre ma méthode contraceptive efficace pendant toute la durée du traitement ; effectuer un test sérologique de grossesse tous les mois dans les trois jours précédant la prescription mensuelle d’isotrétinoïne. Le prescripteur doit reporter systématiquement la date et les résultats des tests de grossesse dans le carnet de suivi de la patiente. -La délivrance de trétinoïne devra avoir lieu au plus tard 7 jours après la prescription et au vu du carnet de suivi complété. Si ces conditions ne sont pas respectées, aucune délivrance ne devra se faire. Poursuivre la méthode de contraception efficace 1 mois après l’arrêt du traitement ; effectuer un test sérologique de grossesse 5 semaines après la fin du traitement. -En cas de grossesse survenant pendant le traitement par isotrétinoïne, celui-ci doit être interrompu immédiatement. La patiente doit être adressée à un médecin spécialiste compétent en tératologie qui pourra évaluer le risque pour l’enfant à naître et conseiller. -Dans une lettre du 13 mai 2015, l’ANSM a informé de la décision suivante : prescription initiale de l’isotrétinoïne orale réservée aux dermatologues ; renouvellement d’ordonnances possible par tout médecin. Danielle Roquier-Charles, pharmacien ©UTIP Association Source : Société française de dermatologie, Recommandations de bonne pratique. Prise en charge de l’acné. Label méthodologique de la Haute Autorité de Santé (HAS), www.has-sante.fr – www.sfdermato.org- juin 2015.