Maladies trophoblastiques :

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Maladies trophoblastiques :
le point sur…
Maladies trophoblastiques :
une prise en charge pluridisciplinaire,
un premier centre suisse
Les maladies trophoblastiques sont des pathologies rares et
complexes. Le Centre des maladies trophoblastiques (CMT) a
été créé à Genève en janvier 2009. Ce premier centre suisse
associe gynécologues-obstétriciens, pathologistes, généticiens,
radiologues et oncologues. Sur demande du médecin traitant
et avec accord de la patiente, un diagnostic intégratif est établi après relecture centralisée des lames histologiques, immunomarquage de p57KIP2 et étude de ploïdie par QF-PCR (Quan­
titative fluorescent polymerase chain reaction). Le CMT envoie au médecin traitant les recommandations de traitement et
de surveillance des b-hCG. Cette approche pluridisciplinaire
du diagnostic et de la prise en charge est bénéfique, car elle
évite aux patientes d’être trop ou insuffisamment surveillées
ou traitées.
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1496-501
A.-L. Rougemont
M.-F. Pelte
F. Sloan Béna
A. PaoloniGiacobino
P. Petignat
V. Finci
Trophoblastic diseases : a pluridisciplinary
approach, a first Swiss center
Trophoblastic diseases are rare and complex.
The Center for trophoblastic diseases, the
first in Switzerland, was founded in Geneva
in January 2009 to formalize the collaboration
between obstetricians-gynecologists, pathologists, geneticists, radiologists and oncologists.
At the physician’s request and with patient
consent, an integrative diagnosis is proposed
after centralized review of the histological
slides, anti-p57KIP2 immunohistochemistry, and
ploidy analysis by QF-PCR (Quantitative fluorescent polymerase chain reaction). The referring physician receives treatment and bhCG dosage recommendations. This pluridisciplinary diagnostic and therapeutic approach
allows optimal surveillance and treatment of
patients.
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introduction
Les maladies trophoblastiques sont des pathologies rares, dont
l’incidence en Suisse est d’environ 150 nouveaux cas par an.
Pour améliorer le diagnostic, la prise en charge et le traitement
des patientes, un Centre des maladies trophoblastiques (CMT)
a été créé pour la première fois en Suisse en janvier 2009. Fondé
sous l’égide des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), le
CMT est en réseau avec le Centre hospitalier universitaire
vaudois (CHUV), l’Hôpital neuchâtelois (HNE), l’Hôpital du
Jura (H-JU) et le Groupe hospitalier de l’Ouest lémanique
(GHOL) ainsi qu’avec des médecins en pratique privée.
A l’étranger, le New England Trophoblastic Disease Center du Dana Farber Cancer Institute, premier centre de référence américain créé en 1965, et les Trophoblastic Disease Centres basés en Angleterre dès 1973, ont rencontré un grand succès et sont des modèles réputés. Ouvert à Lyon en 1999,1 le Centre de référence
des maladies trophoblastiques a été le véritable modèle du premier centre
suisse et œuvre à l’instauration de collaborations internationales et à la création
d’un centre de référence européen.
maladies trophoblastiques
Les maladies trophoblastiques représentent un groupe hétérogène de lésions
dont l’origine est le trophoblaste villositaire, qui croît avec les villosités choriales.
Composé essentiellement de cytotrophoblaste et de syncytiotrophoblaste, il se
distingue du trophoblaste extravillositaire, constitué surtout de trophoblaste intermédiaire, capable d’envahir la déciduale, le myomètre et les vaisseaux du site
placentaire. Le cytotrophoblaste prolifère rapidement, alors que le syncytiotrophoblaste, très différencié, sécrète la plupart des hormones placentaires. Les propriétés fonctionnelles du trophoblaste intermédiaire sont comprises entre celles
du cytotrophoblaste, très peu différencié et très peu fonctionnel, et celles du syncytiotrophoblaste, très différencié et très fonctionnel ; les propriétés sécrétoires
du trophoblaste intermédiaire sont moindres que celles du syncytiotrophoblaste.2
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Les maladies trophoblastiques gestationnelles sont classées en trois groupes, selon les critères de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) datant de 2003,3 et sont détaillées dans le tableau 1 :
1. Les môles hydatiformes.
2. Les tumeurs trophoblastiques.
3. Les lésions trophoblastiques non néoplasiques, non
môlaires.
Chacune de ces maladies est associée à une présentation
clinique, un aspect morphologique, des données génétiques
et un comportement biologique dont la synthèse permet
un diagnostic intégratif optimal. Ce diagnostic doit être le
plus précis possible au vu des conséquences psychologiques pour des patientes confrontées à l’interruption d’une
grossesse pathologique ou à un diagnostic de tumeur, et
des différentes modalités thérapeutiques et de suivi qui
en découlent.
Tableau 1. Classification des maladies trophoblastiques gestationnelles selon l’Organisation mondiale
de la santé (OMS)
(Adapté de réf.3).
Grossesses môlaires (lésions trophoblastiques intermédiaires
de pronostic incertain)
• Môle hydatiforme complète
• Môle hydatiforme invasive
• Môle hydatiforme partielle
• Môle hydatiforme métastatique
Tumeurs trophoblastiques
• Choriocarcinome gestationnel
• Tumeur trophoblastique du site placentaire
• Tumeur trophoblastique épithélioïde
Lésions trophoblastiques non néoplasiques et non môlaires
• Nodule ou plaque du site placentaire
• Site d’implantation placentaire exagéré
pourquoi un centre des maladies
trophoblastiques ?
Une lecture centralisée du dossier clinique et des lames
histologiques est justifiée par la rareté de ces pathologies,
leur difficulté diagnostique et la nécessité d’optimaliser la
prise en charge des patientes. Les discordances observées
par les pionniers soulignent la complexité diagnostique de
ces lésions. Après analyse de 953 cas enregistrés avant 1990
au Charing Cross Hospital de Londres, Paradinas relevait que
18% (141/780) des cas adressés comme grossesses môlaires
(partielles ou non classées) correspondaient à des avortements hydropiques.4 A l’inverse, 53% (41/77) des cas référés
comme avortements hydropiques étaient reclassés en grossesses môlaires après relecture centralisée.4 Un degré élevé de concordance était obtenu uniquement dans les cas
diagnostiqués d’emblée comme môles hydatiformes complètes (95,8%).4
Depuis sa création en 2009, 77 patientes ont été enregistrées dans le CMT. La relecture centralisée et la réalisation de techniques complémentaires ont permis de compléter ou modifier le diagnostic initial de neuf des 35 cas
soumis pour relecture centralisée (26%). Notamment, un suivi
clinique et biologique a été évité chez quatre patientes, le
diagnostic final retenu étant non une maladie môlaire mais
un avortement hydropique ; de plus, l’impact psychologique
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du diagnostic a certainement été réduit. En revanche, deux
patientes ont bénéficié d’un suivi prolongé, le diagnostic
initial de môle hydatiforme partielle ayant été modifié en
môle hydatiforme complète.
La formation d’un réseau permet de conseiller au mieux
le médecin traitant et de proposer une prise en charge
conjointe bénéficiant des protocoles les plus récents. L’enregistrement dans le CMT permet un suivi précoce avec
dosage des b-HCG lors de grossesse ultérieure, un risque
de récidive de 2% environ existant chez les patientes ayant
présenté une maladie môlaire.5 Ce risque est similaire après
môle hydatiforme partielle ou complète, mais la récidive
sera plus volontiers du même type que la pathologie initiale.5 Le risque de récidive, également corrélé à l’âge maternel, est augmenté d’un facteur 1,3 chez les adolescentes
et d’un facteur 10 après 40 ans.5 De plus, une maladie trophoblastique persistante se développe dans 5% des môles
hydatiformes complètes, plus rarement après une môle
hydatiforme partielle (l 1% des cas),6 et correspond histologiquement essentiellement à une môle invasive ou à un
choriocarcinome.7
comment référer une patiente ?
Les patientes sont référées au CMT par leur médecin
traitant/gynécologue-obstétricien. L’enregistrement débute
dès réception du consentement écrit de la patiente, qui reçoit un cahier d’information et des indications en vue d’un
dosage de la b-HCG. Après relecture histologique centralisée et analyses génétiques, un diagnostic intégratif et des
recommandations de durée de surveillance et de traitement sont transmis au médecin traitant. En cas d’évolution
anormale, l’attitude thérapeutique est adaptée, en concertation avec le médecin traitant. La patiente et le médecin
traitant reçoivent un courrier au terme du suivi recommandé.
Ces modalités sont résumées dans le tableau 2.
diagnostic et suivi des maladies trophoblastiques
Pathologie et diagnostic
Les môles hydatiformes représentent les maladies trophoblastiques les plus fréquentes, raison pour laquelle seules
Tableau 2. Référer une patiente au Centre des
maladies trophoblastiques (CMT)
Un courrier est adressé au médecin traitant et à la patiente au terme du
suivi recommandé.
Le médecin en charge de la patiente :
• Contacte le CMT
• Faxe au CMT le consentement signé par la patiente
L’infirmière ou le médecin du CMT :
• Complète le formulaire d’enregistrement
• Demande l’envoi du matériel nécessaire à la relecture histopathologique
• Envoie un cahier d’information à la patiente
A l’issue de l’évaluation histopathologique et génétique, un
courrier adressé au médecin traitant précise :
• Le diagnostic
• Le suivi recommandé
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ces pathologies sont discutées ici. Elles intéressent dans
les pays occidentaux 1-3/1000 grossesses.6 Leur incidence
est nettement plus élevée en Chine et au Japon (1/500 grossesses), et surtout en Indonésie (1/80).6 Les critères diagnostiques des tumeurs trophoblastiques (choriocarcinome
gestationnel, tumeur trophoblastique du site placentaire,
tumeur trophoblastique épithélioïde) et des lésions trophoblastiques non néoplasiques et non môlaires (nodule ou
plaque du site placentaire, site d’implantation placentaire
exagéré) sont revus par Sebire et Lindsay,8 Hui, et coll.9 ou
Bentley.10
L’examen histologique d’un produit de conception s’attache à déterminer si les anomalies morphologiques des
villosités sont de nature môlaire ou liées à d’autres anomalies de conception, telle qu’une aneuploïdie fœtale non
môlaire.11 Le diagnostic de maladie môlaire repose sur
l’identification d’une hyperplasie anormale du trophoblaste,
classiquement plus marquée et circonférentielle lors de
môle hydatiforme complète. L’hydrops (= œdème) villositaire peut être focal et peu marqué dans les grossesses
môlaires précoces, du premier trimestre. La majorité des
môles hydatiformes complètes sont d’origine androgénétique, les 46 chromosomes du tissu môlaire étant d’héritage
paternel. Un immunomarquage dirigé contre la protéine
p57KIP2, produit du gène CDKN1C, soumis à empreinte
paternelle et s’exprimant sur l’allèle maternel, permet ainsi de différencier une môle hydatiforme complète d’une
môle hydatiforme partielle ou d’un avortement hydropique,9
une absence d’expression étant observée dans un produit
de conception androgénétique. Les critères diagnostiquesclés des môles hydatiformes des avortements hydropiques
sont résumés dans les tableaux 3, 4 et 5.
Le matériel analysé en pathologie clinique est de deux
types. Les prélèvements sont reçus frais lorsque la patiente
est adressée à un membre du réseau ; si la patiente est référée au CMT dans un second temps, l’envoi des lames histologiques et de blocs de paraffine est demandé au pathologiste ayant réalisé la première lecture. Le matériel est
préparé de façon à permettre à la fois un diagnostic histologique et une analyse génétique. Notamment, il importe
d’identifier et d’isoler le matériel provenant du produit de
conception, représenté par les villosités choriales, ceci afin
d’éviter une «contamination» par l’ADN d’origine maternelle lors des analyses génétiques. Les étapes-clés du diagnostic des maladies trophoblastiques sont résumées dans
le tableau 6.
Analyses génétiques et diagnostic
Lors de suspicion de grossesse môlaire, le CMT recourt
en premier lieu à des techniques de Quantitative fluorescent
polymerase chain reaction (QF-PCR). L’ADN extrait des villosités choriales est amplifié par PCR. L’analyse par électrophorèse capillaire permet d’identifier le nombre de copies
de vingt microsatellites répartis sur les chromosomes 13,
18 et 21, et sur les chromosomes sexuels. Ce test permet
ainsi d’identifier les trisomies 13, 18 et 21, les triploïdies et
les aneuploïdies des chromosomes sexuels. Dans le diagnostic des grossesses môlaires, l’analyse par QF-PCR permet
Tableau 3. Môle hydatiforme complète
Génétique
• L Diploïdie, androgénétique (d’origine paternelle exclusive)
• p 80% résultent de la fertilisation monospermique d’un ovule anucléé (duplication génome haploïde paternel)
– L 46,XX
• p 20% résultent de la fertilisation dispermique d’un ovule anucléé (deux génomes haploïdes paternels)
– 46,XX ou 46,XY
Produit de conception
• Absence de tissu fœtal
Examen anatomopathologique
A. Macroscopie
• Matériel abondant, masse de vésicules de 0,2-1,5 cm (villosités hydropiques), aspect en «grappes de raisin»
B. Histologie (coloration hématoxyline-éosine (H&E), 100 x)
• Villosités polypoïdes (sauf si œdème généralisé), à bords festonnés (L môle précoce, premier trimestre)
• Classiquement : œdème villositaire généralisé (! hydrops pas toujours généralisé, augmente avec l’âge gestationnel)
• Formation de citernes (*) et de pseudo-inclusions trophoblastiques
• Hyperplasie trophoblastique circonférentielle
• Classiquement : pas de vaisseaux sanguins dans les villosités ni d’érythroblastes nucléés (! hormis lors de môle précoce, premier trimestre, ou de
grossesse gémellaire)
• Débris caryorrhectiques dans le stroma des villosités
• Site d’implantation avec invasion floride du trophoblaste intermédiaire extravilleux
C. Immunohistochimie (p57KIP2, 200 x)
• Absence de marquage du cytotrophoblaste et des cellules stromales des villosités ; contrôle interne positif représenté par cellules déciduales
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Tableau 4. Môle hydatiforme partielle
Génétique
• Triploïdie, Landrogénétique (deux sets haploïdes paternels, un set haploïde maternel)
– 69,XXY (70%) ou 69,XXX (27%) ou 69,XYY (3%)
Produit de conception
• Présence de tissu fœtal
• Vaisseaux sanguins villositaires contenant des érythroblastes nucléés
Examen anatomopathologique
A. Macroscopie
• Matériel en général de volume habituel, d’aspect hydropique par endroits (vésicules de 0,2-0,5 cm)
B. Histologie (coloration hématoxyline-éosine (H&E), 100 x)
• Coexistence de deux types de villosités : villosités œdématiées et hydropiques, en alternance avec villosités fibreuses ; présence de villosités
d’aspect normal
• Contours villositaires irréguliers, indentés
• Formation de pseudo-inclusions trophoblastiques (insert) et de citernes
• Hyperplasie trophoblastique multifocale plutôt que circonférentielle
• Vacuolisation du cytotrophoblaste (aspect en «dentelle»)
• Site d’implantation d’aspect normal
C. Immunohistochimie (p57KIP2, 200 x)
• Marquage nucléaire intense du cytotrophoblaste et des cellules stromales des villosités
A
B
C
Tableau 5. Avortement hydropique
Génétique
• Caryotype normal 46,XX ou 46,XY
• Aneuploïdie fœtale non môlaire
– Triploïdie gynégénétique (deux sets haploïdes maternels, un set haploïde paternel)
– 69,XXX ou 69,XXY
• Trisomie
Produit de conception
• Présence de tissu fœtal
• Vaisseaux sanguins villositaires absents ou collabés
• Présence d’érythroblastes nucléés
Examen anatomopathologique
A. Macroscopie
• Matériel de volume habituel ou diminué (hypoplasie placentaire) lors de triploïdie gynégénétique
B. Histologie (coloration hématoxyline-éosine (H&E), 100 x)
• Villosités de taille relativement harmonieuse, peu volumineuses
• Contours lisses ou par endroits irréguliers (L aneuploïdie non môlaire)
• Changements hydropiques en alternance avec fibrose
• Formation occasionnelle de pseudo-inclusions trophoblastiques (L aneuploïdie fœtale non môlaire)
• Pas d’hyperplasie trophoblastique anormale
• Site d’implantation d’aspect normal
C. Immunohistochimie (p57KIP2, 200 x)
• Marquage nucléaire intense du cytotrophoblaste et des cellules stromales des villosités
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Tableau 6. Etapes-clés du diagnostic des maladies
trophoblastiques
QF-PCR : Quantitative fluorescent polymerase chain reaction.
Examen clinique
• Dosage des b-HCG sériques
Pathologie clinique
• Histologie conventionnelle
• Immunohistochimie (p57KIP2)
Génétique médicale
• QF-PCR
• Maladies môlaires récidivantes : proposer l’analyse du gène NLRP7
de distinguer un profil triploïde (trois allèles pour tous les
chromosomes analysés) pouvant correspondre à une môle
hydatiforme partielle, d’un profil diploïde (deux allèles
pour chaque chromosome analysé), correspondant à une
môle hydatiforme complète (tableaux 3, 4 et 5). Ces dernières sont issues d’une fécondation dispermique (deux
spermatozoïdes fécondent un ovocyte anucléé), ou d’une
fécondation monospermique (un spermatozoïde pénètre
dans un ovule anucléé, le noyau diploïde n’étant obtenu
qu’à la suite d’une première division mitotique). La môle
hydatiforme complète de type monospermique se caractérise par l’identification d’un seul allèle pour tous les microsatellites analysés. L’analyse conjointe de prélèvements
sanguins des parents permet d’évaluer la contribution parentale dans le produit de conception.
Bien que la majorité des grossesses môlaires correspondent à une anomalie génétique isolée n’intéressant que la
conception en cours, l’étude de grossesses môlaires récidivantes a permis l’identification récente de mutations du
gène NLRP7, situé sur le chromosome 19, en 19q13.4.12 La
présence de mutations dans ce gène est liée à un risque
accru de récidive de grossesse môlaire, accompagnée ou
non d’une fausse-couche. Ainsi, l’histoire reproductive et
familiale de certaines patientes pourrait justifier une analyse du gène NLRP7.
Suivi gynécologique et prise en charge oncologique des patientes
Suite à un diagnostic de grossesse môlaire, un dosage
hebdomadaire des b-hCG est réalisé jusqu’à normalisation,
obtenue en huit semaines (40% des patientes), en 9-22 semaines (55%), voire en plus de 22 semaines (5%). Puis, un
dosage mensuel est réalisé sur une durée de six mois lors
de môle hydatiforme partielle ou complète avec négativation des valeurs de b-hCG en moins de huit semaines. Le
suivi est prolongé à douze mois, si la normalisation des valeurs de b-hCG est intervenue en plus de huit semaines
après une môle hydatiforme complète, et à dix-huit mois
s’il s’agit d’un suivi après maladie trophoblastique persistante.
Cette dernière, caractérisée par une évolution anormale
de la courbe de décroissance des b-hCG, est définie par :
• une nouvelle ascension des b-hCG de M 10% sur trois dosages hebdomadaires consécutifs ;
• une stagnation des b-hCG sur M 4 dosages hebdomadaires consécutifs ;
• une persistance d’une élévation des b-hCG, six mois après
l’évacuation de la môle.
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Les maladies trophoblastiques persistantes sont réparties en «bas» et «haut» risques, selon que le score FIGO
2002 est m 6 (bas risque) ou L 6 (haut risque). Celles de bas
risque sont associées à une excellente réponse à une monochimiothérapie par méthotrexate et acide folinique. Une
alternative est l’actinomycine D. Lors de maladie trophoblastique persistante de haut risque, une polychimiothérapie
(EMA/CO : actinomycine D, étoposide, méthotrexate, acide
folinique/cyclophosphamide, vincristine) est recommandée,
en cycles alternés tous les quatorze jours.
Un bilan radiologique à la recherche de métastases est
réalisé quinze jours après la normalisation des marqueurs,
pour toute maladie trophoblastique persistante.
conclusion
L’approche multidisciplinaire, en partenariat avec le médecin traitant, permet aux patientes confrontées à une maladie trophoblastique de bénéficier d’une prise en charge
globale optimale. Un centre de référence ne peut être créé
et persister sans l’appui et l’engagement de partenaires
médicaux et paramédicaux, et sans la réalisation d’un réseau
de collaboration.
Remerciements
Les auteurs remercient vivement Mme G. Rosseel, les Drs M.-C.
Osterheld, Y. Brunisholz, C. Achtari, J. Seydoux, A. Bodmer, F. Dreher
et O. Bachelard pour leur précieuse collaboration au Centre des maladies trophoblastiques (CMT).
Centre des maladies trophoblastiques
Documents permettant l’enregistrement d’une patiente et
informations pratiques sont disponibles sur le site internet
www.mole-chorio.ch
Implications pratiques
> La rareté et les difficultés diagnostiques des maladies trophoblastiques justifient une prise en charge centralisée des patientes
> Les principaux objectifs du Centre des maladies trophoblasti-
ques (CMT) sont l’obtention d’un diagnostic précis, l’harmonisation de la prise en charge des patientes et l’identification
rapide des patientes présentant une tumeur maligne
> Le CMT propose un diagnostic intégratif, des recommanda-
tions de traitement et de suivi ainsi qu’une information aux
patientes, sans que celles-ci n’aient à se rendre pour examen/
suivi au CMT
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Adresse
Drs Anne-Laure Rougemont, Marie-Françoise Pelte
et Vildana Finci
Service de pathologie clinique
Drs Frédérique Sloan Béna et Ariane Paoloni-Giacobino
Service de médecine génétique
Département de médecine génétique et de laboratoire
Pr Patrick Petignat
Service de gynécologie
Département de gynécologie et obstétrique
HUG, 1211 Genève 14
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
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