Coupé du Monde [6] / Le coup d`Etat permanent

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Coupé du Monde [6] / Le coup
d'Etat permanent
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Publication date: mercredi 18 juin 2014
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Il est intéressant de ressortir aujourd'hui la référence au livre de François Mitterrand qui donne le titre à cet article, non que ledit Mitterrand en ait tiré des leçons
pour lui-même une fois au pouvoir (on peut même dire que c'est lui qui a quasiment inscrit dans la constitution le principe de décorrélation entre le programme
et les actes, et fait accepter une loi non-écrite qui libère les socialistes de l'obligation d'être de gauche.
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Coupé du Monde [6] / Le coup d'Etat permanent
Il est intéressant de ressortir aujourd'hui la référence au livre de François Mitterrand qui
donne le titre à cet article, non que ledit Mitterrand en ait tiré des leçons pour lui-même une
fois au pouvoir : on peut même dire que c'est lui qui a quasiment inscrit dans la constitution
le principe de décorrélation entre le programme et les actes, et fait accepter une loi non-écrite
qui libère les socialistes de l'obligation d'être de gauche.
Mais pourquoi ressortir aujourd'hui les arguments dénonçant le dévoiement des institutions, à savoir la faiblesse du
parlement et du gouvernement ? Pour ce qui concerne la France depuis quelques années, la réponse est dans la
question. Mais c'est surtout parce qu'on pourrait dégager le principe suivant : plus la démocratie devient de façade,
plus on peut imaginer, la nature ayant horreur du vide, que d'autres forces sont mises en place en coulisses pour
maintenir l'ordre et l'autorité de l'Etat. On a connu ça sous De Gaulle, avec les réseaux Françafrique, le SAC, les
tribunaux d'exception, ...
Mais quel rapport avec la coupe du monde ???
En fait, ça n'a rien à voir avec la France, mais avec le match du jour, Espagne-Chili. Forcément, je ne pouvais pas
passer à côté de l'étrange symétrie entre ces deux pays, qui ont tous deux connu la dictature, Franco d'un côté,
Pinochet de l'Autre. Je vous épargnerai le match de la comptabilité et des méthodes des tortures respectives. Mais je
note que pour ces deux pays, la sortie de la dictature s'est passée avec une douceur étonnante compte tenu de la
violence avec laquelle chacun de ces régimes s'est imposé [1].
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Sur le plan du football, il est curieux de constater le peu de prise que la situation a eu sur la participation des ces
deux équipes aux compétitions internationales. On note tout au plus deux incidents notables, un par équipe, qui firent
intervenir à chaque fois l'Union Soviétique, dont nous parlions dans la chronique d'hier. 1960 : en quarts de finale du
Championnat d'Europe des Nations, la sélection espagnole rencontre l'URSS. Mais Franco, pour des raisons
politiques assez évidentes, interdit à son équipe de disputer le match. 1973 : en barrage retour des qualifications
pour la coupe du monde de Football 1974 en Allemagne, la sélection chilienne doit rencontrer l'Union Soviétique.
Cette fois, ce sont les russes qui refusent de jouer. Bizarrerie de l'histoire, le Chili gagnera donc le match, mais pas
sur tapis vert : ils joueront le match, seuls, et inscriront un but dans les cages vides. Ce qui est le plus étonnant dans
ces deux histoires (et pour bien d'autres matches), c'est le mutisme de la FIFA, apparemment indifférente aux
régimes politiques des équipes participant à ses compétitions. Mais comme disait Jérôme Valcke, « parfois un
moindre degré de démocratie... » Ok, j'arrête avec lui, ça va finir par ne plus être drôle.
Le coup d'Etat permanent ?
Aujourd'hui, le coup d'Etat permanent serait plutôt du côté de la FIFA : les nombreuses enquêtes menées sur le
fonctionnement de « l'association à but non-lucratif » (interdit de rire) montrent un fonctionnement plus qu'opaque, où
les procédures officielles servent de masque aux véritables forces agissantes. Finalement, le statut d'Etat dans l'Etat
(ou plutôt d'Etat dans les Etats) de la Fifa pourrait bien faire de cette organisation une cible de soulèvements
populaires. Ca a déjà commencé⁠ [2].
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Du côté de l'Espagne, la marque du coup d'Etat permanent s'est manifestée à l'occasion de la crise économique. Du
passage de l'Espagne à un gouvernement de droite dure à l'abdication de Juan Carlos, en passant par la répression
des Indignados et le projet de loi sur l'avortement, on voit à quel point la démocratie est parfois grignotée de
l'intérieur, sans qu'il y ait besoin de casser la coquille, ce qui maintient les apparences.
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Quant au Chili, la (nécessaire ?) réconciliation nationale n'empêche une guerre sourde sur les symboles. 2013 :
Michelle Bachelet, fille d'Alberto Bachelet (collaborateur de Salvador Allende mort dans les prisons de Pinochet
après avoir été torturé), est réélue face à Evelyn Matthei, une amie d'enfance, dont le père a choisi de rejoindre le
général Pinochet. Plus singulier encore, le général Matthei dirigeait l'institution ou le père de Michelle Bachelet a été
torturée` [3]. Dans la foulée, Isabel Allende (fille de l'ancien dirigeant chilien) a été élue présidente du Sénat. C'est
aussi, sûrement, par là qu'un pays peut tourner les pages les plus douloureuses de son histoire.
Il y a fort à parier que l'Espagne triomphera ce soir du Chili. Mais le vrai résultat de ce match que je ne regarderai
pas est pour ma part joué d'avance. le Chili aura l'avantage quoi qu'il arrive : au visage intransigeant de Mariano
Rajoy, je préfère amplement le sourire de Michelle Bachelet. Bon match quand même, et que le « meilleur » gagne !
PS:
Grand merci à Nouche de m'avoir signalé en commentaire sur l'article précédent le match Chili-URSS de 1973. N'hésitez pas à faire de même en
partageant vos informations aux sujet de la coupe du Monde.
[1] Franco a passé la main à Juan Carlos sur un principe de transformation en monarchie constitutionnelle ; Pinochet est parti après un
référendum perdu, ce qui lui fait au moins un point commun avec De Gaulle, non sans avoir au préalable fait voter son immunité.
[2] merci Nicolas Roméas pour ce lien.
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[3] http://www.lefigaro.fr/international/2013/11/15/01003-20131115ARTFIG00571-chili-deux-candidates-et-les-ombres-du-passe.php
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