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4REPÈRES ET TENDANCES
4CONJONCTURES
4DOSSIER
6LIVRES ET IDÉES
Strategy is Destiny
Par Robert A. Burgelman
Inside Intel
La spectaculaire réussite d’Intel, le champion mondial des microprocesseurs, est
un cas d’école pour illustrer la théorie
évolutionniste de la firme. C’est en laissant jouer intelligemment les « routines
de l’organisation » et en permettant aux
initiatives internes de se développer que
la direction a accompli le virage stratégique qui a sauvé l’entreprise.Aujourd’hui
celle-ci, trop dépendante de son produitphare, cherche à se diversifier en retrouvant le modèle « écologique » qui a
assuré son succès au milieu des années
80.
D
epuis le début des années 70, l’histoire du marché des
semi-conducteurs est celle d’une lutte acharnée entre
entreprises américaines et japonaises. Leaders incontestées
du marché, les firmes américaines sont, au milieu des années
70, confrontées à une concurrence nouvelle venue du Japon.
Aidés par le MITI, les producteurs japonais parviennent à
rattraper leur retard technique puis réalisent des investissements massifs qui, dans un contexte de banalisation du
produit, leur permettent de pousser la plupart des entreprises américaines hors du marché. Cette évolution
déclenche une panique dans les milieux officiels des Etats* Maître de conférences à l’université de Cergy Pontoise.
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SYLVAIN LENFLE *
Unis : le pays serait en train de perdre une technologie essentielle pour l’avenir. En 1986, l’administration Reagan prend
donc deux mesures : un accord commercial avec le Japon et
le lancement d’un consortium (Sematech) afin de relancer
l’industrie nationale. Malgré les énormes sommes investies,
aucune de ces mesures ne semble pouvoir enrayer le déclin
américain : Sematech est un fiasco et les mesures de protection ont surtout profité aux entreprises japonaises.
Quinze ans plus tard, où en sommes-nous ? A la surprise
générale, la situation s’est complètement inversée. Depuis le
début des années 90, on assiste à une augmentation continue
de la part des entreprises américaines qui, depuis 1995, ont
repris l’avantage sur leurs homologues japonaises. Comment
une telle évolution est-elle possible ? Quels facteurs ont permis aux entreprises américaines de renaître de leur cendres ?
L’ouvrage de Robert Burgelman1, professeur à Stanford,
permet d’expliquer ce basculement2 en nous faisant pénétrer au cœur d’Intel, entreprise qui fut au centre de cette
histoire et dont on connaît la réussite. L’auteur s’appuie sur
un matériau exceptionnel. S’inscrivant dans la tradition des
études dites « longitudinales »3, il mène depuis douze ans
des recherches au sein de l’entreprise et enseigne la stra-
1
Robert A. Burgelman, Strategy is Destiny. How Strategy-making Shapes a Company’s Future, Free Press, 2002, 437 pages.
2
Pour une analyse du processus de redressement des firmes américaines du
secteur, voir l’article de Macher, Mowery et Hodges, « Reversal of Fortune ?
The recovery of the US semi-conductor industry », California Management
Review, vol. 41, n° 1, 1998.
3 Voir A. Pettigrew, « Longitudinal field research : theory and practice »,
Organization Science, vol. 1, n° 3, 1990.
INSIDE INTEL
tégie en collaboration avec Andrew Grove, ancien CEO
sont lancés en priorité les produits qui maximisent la marge
(Chief Executive Officer) et actuel président du conseil d’adpar plaquette de silicium. A ce jeu, les mémoires, produit de
ministration d’Intel.
« commodités » à marge faible, sont presque
systématiquement dépassées par les microLe virage vers le
Le matériau accumulé et synthétisé ici éclaire le
processeurs.Au moment où, face à la concurrence,
microprocesseur
fonctionnement et l’évolution de l’entreprise sur
il serait nécessaire de produire en masse, les
a été dû
plus de trente années. L’ouvrage présente un
capacités de production disponibles pour les
double intérêt. Il s’agit d’abord d’une formidable
mémoires diminuent rapidement, accentuant le
davantage aux
étude de cas : le lecteur suit pas à pas les péripéhandicap d’Intel. La direction générale, consciente
règles internes
ties d’Intel, depuis sa création comme entreprise
du problème, refuse de remettre en cause cette
de lancement en
produisant des mémoires pour ordinateurs jusrègle, tout en axant toujours explicitement sa straqu’à l’arrivée d’Internet, en passant par la success
tégie sur les mémoires.
production
story des microprocesseurs. Mais cette analyse
qu’aux décisions
s’appuie aussi sur un cadre théorique solide, et
Burgelman décrit dans le détail ce basculement
de la direction.
illustre de manière très convaincante la théorie
d’Intel des mémoires vers les microprocesseurs.
évolutionniste de l’entreprise4.
Les deux produits sont très différents sur le plan
technique, et tous deux gros consommateurs de ressources.
Après un chapitre introductif qui pose le cadre théorique
Or, peu à peu, les règles d’allocation des ressources et les déciévolutionniste servant de grille de lecture, l’ouvrage est divisé
sions prises, parfois unilatéralement, par l’encadrement interen trois parties, correspondant aux trois époques de l’évomédiaire vont redéployer les ressources de production, mais
lution d’Intel.
aussi de conception, des mémoires vers les microprocesseurs.
Cela se déroule à un moment où émerge le marché de l’ordinateur personnel, dans lequel Intel va jouer un rôle central. Le
1969-1984 : THE MEMORY COMPANY
choix par IBM du processeur 8088 pour équiper ses ordinae succès d’Intel dans les microprocesseurs fait souvent
teurs personnels en 1981,suite à une campagne marketing paroublier que l’entreprise, fondée en 1968 par R. Noyce et
ticulièrement agressive, achève le basculement d’Intel vers les
G. Moore, produisait à l’origine des mémoires pour ordinamicroprocesseurs.
teurs. Sur ce marché, son avance technologique lui permit de
devenir très rapidement le leader mondial. Mais, de plus de
Ce cas illustre merveilleusement la notion de stratégie émer80 % du marché en 1974, sa part de marché tombe à moins
gente. En effet, le microprocesseur ne fait pas partie des plans
de 2 % en 1984. En dix ans, Intel a été balayé par ses concurstratégiques de la direction générale qui, jusqu’à la décision de
rents japonais qui ont su, d’une part, rattraper leur retard
sortie du marché en novembre 1984, continuera à concevoir
technique et, d’autre part, investir massivement pour réduire
Intel comme l’entreprise des mémoires. La place qu’il prend
les coûts de production et les prix. Face à cette banalisation
peu à peu s’explique davantage par des initiatives autonomes
du produit,Intel a joué la carte de l’innovation technique pour
et par les routines de l’organisation que par des décisions de
conserver ses parts de marché, mais, malgré les avancées
la direction.Cela ne signifie pas que celle-ci ne joue aucun rôle
réalisées, n’a pu lutter contre des concurrents beaucoup plus
dans le processus. Burgelman en distingue plusieurs. D’abord,
performants en termes de production.
le mode de prise de décision au sein d’Intel est ouvert, chacun
peut (et même doit) exprimer son opinion, et est écouté.
Dans le même temps, un ingénieur mettait au point un nouC’est pourquoi des initiatives autonomes telles que le microveau produit à la demande d’un client, fabricant des machines
processeur sont tolérées. De plus, l’intelligence de la direcà calculer. Le 4004, premier microprocesseur d’Intel, est
tion a été de reconnaître a posteriori l’importance de ce
commercialisé en 1971. La direction générale a simplement
basculement, de réécrire l’histoire pour conférer du sens à
toléré cette initiative autonome, mais elle ne porte à l’époque
cette évolution, et de se donner du temps. Ce faisant, Intel a
que peu d’intérêt au produit : ses usages ne sont pas évidents,
pu redéployer ses équipes d’un métier vers l’autre, conserl’ordinateur personnel n’existe pas encore et ne figure pas
parmi les applications envisagées pour le 4004. Deux facteurs
combinés vont pourtant rapidement lui donner plus d’importance : l’évolution défavorable de la position d’Intel sur le
4 Pour les tenants de cette approche, la stratégie de l’entreprise est le
marché des mémoires et la règle qui détermine, dans l’entrerésultat de l’interaction entre l’entreprise et son environnement. Seules
prise, le lancement en production.
survivent les firmes qui ont su mettre en place des routines permettant
L
En effet, Intel comprend à l’époque plusieurs divisions, mais les
centres de production sont communs. Les différents produits
sont donc en compétition pour l’octroi de capacités de production. La règle invariablement appliquée est alors simple :
de gérer la compétition entre les initiatives des différents individus ou
groupes qui la composent, et ainsi de s’adapter aux évolutions de l’environnement. Pour une synthèse, voir R. Durand « Théories évolutionnistes et
management stratégique », in Laroche et Nioche (dir.), Repenser la stratégie,
Vuibert, 1998.
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vant ainsi des compétences (en matière de gravure du silicium
notamment) qui feront sa force sur le marché des microprocesseurs.
1984-1998 : THE MICROPROCESSOR COMPANY
L
a nomination d’Andrew Grove au poste de CEO en 1987
marque un tournant dans l’histoire de l’entreprise. Jusquelà, le processus d’élaboration de la stratégie renvoyait clairement au modèle « écologique » : différentes initiatives sont en
compétition pour l’obtention des ressources de l’entreprise.
A partir de 1987, la logique change radicalement pour se
rapprocher du modèle « rationnel » : la stratégie est élaborée
par la direction générale, qui ensuite la fait appliquer par
l’ensemble de l’organisation. Andrew Grove va réussir à aligner
totalement la stratégie de la firme et son fonctionnement sur
l’évolution du secteur. Cette seconde époque est ainsi celle
d’une extrême focalisation sur un marché, qui va donner des
résultats spectaculaires : en dix ans, le chiffre d’affaire passe de
2 à 25 milliards de dollars (soit une progression de 29,4 % par
an) et la capitalisation boursière est multipliée par 20 !
La rupture avait eu lieu en fait en 1985, au moment où Intel
définissait sa nouvelle stratégie.Elle se résume en trois points :
– Affirmer son leadership sur le marché des microprocesseurs ;
– Devenir fournisseur unique pour le 386 et les générations
suivantes – alors que, jusque là, d’autres producteurs (AMD
notamment) produisaient des microprocesseurs sous licence ;
– Devenir le meilleur en matière de production. Intel a tiré
les leçons du passé et compris le rôle clé de l’efficacité en
production, ainsi que l’importance de la coordination entre
la conception du produit et la conception du process. De nouvelles procédures sont mises en place pour assurer la continuité du développement des microprocesseurs.
Le mérite de Grove est d’avoir très tôt compris l’importance
des problèmes de compatibilité dans les industries de réseaux
et l’effet boule de neige qui en découle5. Son objectif est
d’imposer l’architecture Intel sur le marché des ordinateurs
personnels. Pour y parvenir, la firme va actionner simultanément plusieurs leviers.
Le premier, et peut-être le principal, est une stratégie d’innovation répétée qui conduit à commercialiser régulièrement
(tous les deux ans, voire moins pour les versions d’un nouveau modèle) de nouveaux microprocesseurs, compatibles
entre eux. C’est l’entreprise qui donne le rythme du secteur,
ce qui lui permet de conserver plusieurs longueurs d’avance
sur ses concurrents.Elle développe en effet plusieurs produits
simultanément, et les décline pour présenter une gamme
complète à ses clients, ne laissant aucune niche libre aux
compétiteurs. De surcroît, elle joue délibérément la « cannibalisation » de ses différents produits en lançant le nouveau
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avant la fin du cycle de vie du précédent, et en cassant les prix
sur les générations antérieures. Cette stratégie d’innovation
produit répétée s’accompagne enfin d’une politique risquée
d’investissement massif dans de nouvelles capacités de
production pour les produits futurs. Les concurrents sont
littéralement écrasés.
Le deuxième levier utilisé par Intel est lié à sa stratégie marketing. Toute la difficulté de celle qui est adoptée en 1985
consiste à faire accepter la prééminence d’un fournisseur à
des producteurs d’ordinateurs habitués à dominer le marché.
Pour ce faire, Intel utilise deux moyens. Le premier, le plus
visible, est un investissement massif (500 millions de dollars
entre 1990 et 1993) dans des campagnes publicitaires à destination des utilisateurs finaux. Le célèbre « Intel Inside » a
considérablement développé la notoriété de l’entreprise
auprès des consommateurs et développé son pouvoir de
négociation. Mais cela n’aurait certainement pas suffi à l’imposer comme un acteur majeur de l’industrie. Pour limiter le
pouvoir de négociation des gros producteurs (Compaq et
IBM), Intel favorise l’apparition de nouveaux entrants en leur
fournissant à la fois des microprocesseurs, des cartes-mères
et des outils d’aide à la conception. La concurrence accrue
qui en résulte lamine les marges des producteurs de PC, donc
leur capacité à investir dans la recherche, renforçant ainsi la
position d’Intel comme leader du marché. Il faut d’ailleurs
noter que cette aide apportée aux producteurs de PC
s’inscrit dans une stratégie plus globale consistant à créer un
environnement favorable aux produits d’Intel, par exemple
en aidant les producteurs de logiciels ou en contribuant à
l’élaboration des standards de l’industrie6.
Cette stratégie, extraordinairement efficace pendant cette
deuxième époque, n’est toutefois pas sans risque. Comme le
montre Burgelman, la position dominante de l’entreprise est
aussi, même si c’est relatif, sa principale faiblesse. Intel est en
effet devenu très dépendant de son environnement.
L’immense majorité de ses revenus provient de la vente des
microprocesseurs. Que la demande vienne à baisser, et c’est
toute l’entreprise qui vacille.Cette dépendance est une conséquence directe de l’alignement de l’ensemble des forces vers
la production de microprocesseurs. Le « Job 1 », appellation
donnée en interne à cette activité, apparaît ainsi comme
un attracteur qui aspire toutes les énergies et empêche
l’émergence d’initiatives autonomes. Son poids économique,
sa rentabilité, son image font paraître ridicules la plupart des
autres activités. Les chapitres 7 et 9, qui retracent respective-
5 Sur cette question, voir par exemple H. Dumez,
« Les leçons (provisoires)
du procès Microsoft », Sociétal, n° 29, 3e trimestre 2000, p. 108-110.
6 Sur ce point précis, voir A. Gawer, The organization of platform leadership :
an empirical investigation of Intel’s management processes aimed at fostering
complementary innovation by third parties. Unpublished Phd Dissertation,
Massasuchetts Institute of Technology, février 2000.
INTEL INSIDE
ment la difficile émergence de la production de cartes-mères
et l’implantation tardive dans les réseaux de communication,
sont à cet égard particulièrement éclairants. Seuls les projets
qui renforcent le « Job 1 » (c’est le cas des cartes-mères) finissent par émerger. Les autres sont retardés ou arrêtés. Cela ne
fait que renforcer la dépendance par rapport au marché
principal et, à la différence de la première période, limite la
capacité d’adaptation de la firme, qui suppose une certaine
diversification.
DEPUIS 1998 :
THE INTERNET BUILDING BLOCK COMPANY
L
TROIS ENSEIGNEMENTS STRATÉGIQUES
L
e dernier chapitre revient sur la conception évolutionniste
de la stratégie. Elle s’éloigne de celle que l’on trouve dans
de nombreux manuels. L’étude de Burgelman montre en effet
qu’il s’agit avant tout d’un processus d’apprentissage, qui n’est
pas nécessairement maîtrisé, mais qui détermine la capacité
d’adaptation de l’entreprise. Dans cette perspective, trois
points sont particulièrement importants :
– La nécessité d’exploiter les « dissonances stratégiques » qui
apparaissent dans l’entreprise et qui sont presque toujours
le signe avant-coureur d’un point d’inflexion. Le cas des
mémoires montre le rôle clé joué alors par les routines de
l’organisation (les règles d’allocation des ressources ou de
rémunération, par exemple), mais aussi par l’organisation des
débats ou encore la reconnaissance par la direction générale
de l’importance d’un changement ;
e principal défi de l’époque qui s’ouvre en 1998 avec la
nomination de C. Barrett comme CEO est donc de
retrouver un équilibre entre les microprocesseurs et le reste.
Il s’agit là d’une condition de survie. En effet, la concurrence
sur le marché des microprocesseurs s’est considérablement
durcie. La croissance du marché des ordinateurs personnels
– La nécessité de mener simultanément deux types de stratéralentit à partir de 1998, et les concurrents ont refait leur
gies : l’exploitation et l’exploration7. L’histoire d’Intel illustre à
retard.AMD, en particulier, est maintenant capable de concurla fois la fécondité de cette coexistence et les tensions qu’elle
rencer Intel sur tous les segments du marché et
génère. Il apparaît alors essentiel d’organiser la
de développer les nouvelles générations aussi rapicréation d’activités nouvelles, qui nécessitent une
La tâche de
dement. Enfin, le report, à plusieurs reprises, de la
discipline particulière ;
commercialisation du nouveau processeur à
la nouvelle
64 bits met l’entreprise en difficulté sur le marché
– L’importance du temps dans la gestion des
direction est
des serveurs, où elle n’est pas en position domitransitions. La sortie d’un marché ou l’émergence
de retrouver
nante. Dans ces conditions, la diversification
d’une nouvelle activité sont des processus
devient une nécessité, au moment même où toute
complexes, qui prennent du temps. En la matière,
le modèle
l’organisation est focalisée sur le « Job 1». Elle va
la précipitation peut avoir des effets désastreux.
« écologique »
se faire dans deux directions : vers Internet, et vers
L’histoire de la sortie des mémoires est à cet égard
de la première
l’informatique nomade (téléphones portables,
très instructive : le temps que s’est alors donné la
agendas électroniques, ordinateurs embarqués
direction a permis de conserver et de redéployer
période,
dans les voitures, jeux vidéos…).
les compétences de l’entreprise, compétences qui
sans perte
ont constitué la base de son avantage concurrend’efficacité sur
Sur le plan de l’organisation, la difficulté de la tâche
tiel sur le nouveau marché des microprocesseurs.
du nouveau CEO va être de retrouver certaines
le marché des
caractéristiques du modèle « écologique » caracL’ouvrage de Burgelman constitue donc une
microprocesseurs.
téristique de la première période, sans perdre l’efcontribution majeure aux recherches en stratégie
ficacité du fonctionnement mis en place sur le
et complète les travaux existants sur le fonctionmarché des microprocesseurs. Pour gérer cette tension entre
nement des entreprises du secteur informatique8. Il est, pour
le « Job 1 » et le « Job 2 », Barrett formalise ce dernier en
l’enseignant, une mine d’exemples, de cas, de données sur une
créant, au début de 1999, le New Business Group (NBG) qui
extraordinaire success story. Le chercheur y trouvera matière
regroupe des initiatives jusqu’alors dispersées dans
à réflexion sur la nature du processus de décision stratégique,
l’organisation, et dont le rôle est de gérer la croissance de
les questions d’apprentissage organisationnel, les théories
nouvelles activités. L’idée est intéressante. Elle intègre en effet
évolutionnistes, ou encore l’importance des processus de
la nécessité de gérer différemment les deux types d’activité.
conception de nouveaux produits. l
Les modes de management (critères de choix, mode de
rémunération du personnel, processus de développement des
produits…) appliqués au « Job 1 » deviennent des freins lors7 Pour reprendre la formule de J. March, « Exploration and exploitation in
qu’ils sont transférés à des activités émergentes.Tout l’enjeu
organizational learning », Organization Science, vol. 2 n° 1, 1991.
du NBG est donc de permettre à nouveau aux initiatives hors
8 Nous pensons particulièrement à S. Brown & K. Eisenhardt, Competing on
the edge, Harvard Business School Press, 1998 ; M. Cusumano & R. Selby,
« Job 1 » de se développer, en les isolant de l’attraction exerMicrosoft
Secrets,The Free Press, 1995 ; M. Cusumano & D.Yoffie, Competing
cée par les microprocesseurs. L’histoire se clôt sur ces évoluon Internet Time, The Free Press, 1998 ; M. Iansiti, Technology Integration,
tions récentes de l’organisation, sans pouvoir, par manque de
Harvard Business School Press, 1998.
recul, mesurer leur impact sur l’évolution de la firme.
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