Le logement autonome avec soutien…

Transcription

Le logement autonome avec soutien…
Plan d’action ministériel en santé mentale 2005-2010
« La force des liens »
Phase II : services résidentiels en santé mentale
Le logement autonome avec
soutien…quels logements
et quel soutien ?
Février 2008
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal - RAPSIM
Introduction
Le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) regroupe 81
organismes intervenant auprès des personnes itinérantes ou à risque. Par le travail de rue,
le travail de milieu, l’hébergement d’urgence, l’hébergement à court, moyen et long terme, le
logement social avec soutien communautaire et les centres de jour et de nuit, les membres
du RAPSIM représentent une diversité de pratiques et d’activités de soutien et de
réinsertion. Ils sont la 1ère, la 2ème et la 3ème ligne en itinérance.
Parmi les 81 membres du RAPSIM, 57 sont accrédités au programme de soutien aux
organismes communautaires (PSOC) dont 11 sont dans la catégorie santé mentale. Ces
organismes font de la défense des droits, du soutien d’intensité variable, de l’accueil et de la
référence en centre de jour ou de soir. Ils gèrent aussi des logements sociaux avec soutien
communautaire. Toutefois, l’intervention des membres du RAPSIM auprès des personnes
vivant avec un trouble de santé mentale ne se limite pas à ces organismes reconnus dans la
catégorie santé mentale.
En effet, les membres travaillent quotidiennement avec une ou plusieurs personnes ayant
un trouble de santé mentale. De plus, les membres du RAPSIM ont développé une diversité
de pratiques avec des personnes ayant un trouble de santé mentale et une autre
problématique (comorbidité).
Le 12 février dernier, le RAPSIM a organisé, conjointement avec deux de ses membres (la
Fédération des OSBL d’habitation de Montréal et Action Autonomie), une rencontre
d’échanges. Près d’une centaine de personnes ont participé (gestionnaires de logements
sociaux avec soutien communautaire, intervenantEs et usagers-ères) et ont nommé
plusieurs enjeux avec lesquels ils sont aux prises et qui pourraient influencer la possibilité
de mettre en œuvre adéquatement le Plan d’action.
o
la difficulté de trouver le soutien individuel adéquat, que ce soit par une approche
alternative ou une approche institutionnelle;
o
le manque de places dans le logement social avec soutien communautaire, que ce soit
dans les habitations à loyer modique (HLM) ou dans les organismes sans but lucratif
existant (OSBL) existant;
o
les maigres perspectives de développement de ces logements sociaux ainsi que le
sous-financement chronique du soutien communautaire;
o
les conséquences des précédentes désinstitutionnalisation et réorganisations
auxquelles on doit, en partie, une aggravation de l’itinérance.
Le présent document, en plus de détailler les enjeux, ramène la position du RAPSIM quant
à la mise en œuvre montréalaise de la Phase II du Plan d’action « la force des liens ».
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A - Situation actuelle du logement
Tel que mentionné dans le document de consultation, la mise en œuvre de la Phase II repose
sur l’augmentation de l’offre de logements autonomes avec soutien. Les cibles ministérielles
transposées à Montréal imposent la disparition de plus de 500 places (de 3215 à 2702) et le
développement de près de 700 places en logement autonome avec soutien (478 places en
code 32 à 1175 places en code 32).
1 – Logement autonome avec soutien sur le marché privé
La situation actuelle du marché privé est une situation de pénurie de logements bon
marché. La pénurie de logements des années 2000 est loin d’être terminée pour les
logements les moins chers.
Quelques données sur le marché privé
o Une augmentation de 27% du prix des loyers entre 2000 et 2007 à Montréal;
o Un loyer moyen de 485$ pour un studio et de 579$ pour un logement d’une chambre
à coucher (données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement – 2006);
o Un vieillissement des logements les moins chers si bien que les logements les plus
abordables sont souvent mal isolés et nécessitent des réparations majeures
(Fédération canadienne des municipalités – janvier 2008).
Ajoutons à ces données une disparition constante des maisons de chambres qui
traditionnellement offraient une solution accessible et abordable. Il ne reste que 2 915
chambres sur le marché privé. Ce parc de logements est très ancien (90 ans en moyenne) et
les conditions de salubrité et de sécurité s’y dégradent.
Finalement, au-delà de l’abordabilité et de la qualité des logements offerts sur le marché
privé, d’autres problèmes se posent en lien avec le soutien possible sur le marché privé et
les relations propriétaires privés-locataires. Le rapport du projet EVA (CHUM – service
social du département de psychiatrie, 2002) nommaient plusieurs situations forts
inquiétantes constatées par les travailleurs sociaux tels la nécessité de négocier le loyer,
des évictions sauvages de locataires, le manque d’emprise sur la qualité des logements. En
2008, le dossier de Katia Gagnon et Hugo Meunier de La Presse du 28 janvier confirmait la
persistance de ces problèmes.
2 – Le logement autonome avec soutien
soutien dans les logements subventionnés
En admettant que « avec soutien » inclut à la fois du soutien communautaire dans une
perspective globale et du soutien individuel, le logement social avec soutien communautaire
apparaît comme une réponse possible.
À Montréal, on retrouve deux types de logements sociaux où, dans certains cas, il se donne
du soutien communautaire.
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Les OSBL avec soutien communautaire
On dénombre plus de 10 000 logements sans but lucratif. Les organismes qui gèrent ces
logements sont autonomes et se sont donnés une mission qui leur est propre (loger des
femmes en difficulté, loger des personnes ayant connu l’itinérance, loger des jeunes, etc…).
Ces 10 000 logements sont occupés par des locataires et les listes d’attente sont longues.
Même les projets en développement ont des listes d’attente.
Parmi les OSBL qui gèrent des logements, très peu d’entres eux se sont donnés la mission
spécifique de loger des personnes à faible revenu avec des problèmes de santé mentale.
mentale Par
exemple, parmi les membres du RAPSIM, sur 900 logements sociaux avec soutien
communautaire, environ 130 chambres ou studios s’adressent spécifiquement à des
personnes avec un problème de santé mentale.
Les HLM
On dénombre près de 21 000 logements HLM dont 854 studios et 11 733 logements d’une
chambre à coucher. 24 000 ménages sont inscrits et attendent un HLM à Montréal alors que
seulement 2 000 unités se libèrent chaque année. L’attente est donc de plusieurs années
pour un logement.
Selon l’Office municipal d’habitation de Montréal, entre 450 et 500 logements HLM font
l’objet d’ententes pour des locataires avec des besoins spécifiques dont 109 des 21 000
logements HLM (+ 19 PSL – programme de supplément au loyer) qui sont réservés à des
personnes aux prises avec un problème de santé mentale.
En conclusion, si le marché privé répond difficilement aux besoins des
personnes aux prises avec un problème de santé mentale, les logements
subventionnés sont trop rares pour répondre aux nouveaux besoins
qu’implique la réorganisation des services résidentiels en santé mentale. De
plus, selon les membres du RAPSIM, une priorisation des personnes
actuellement hébergées dans le réseau est impossible puisqu’elle
d’un
un
engendrerait l’exclusion de ceux et celles qui sont déjà en attente d’
logement parce qu’elles sont actuellement hébergées de façon temporaire ou
même dans la rue. Rappelons qu’une partie de ces personnes est elle-même la
conséquence des réorganisations précédentes en santé mentale.
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B - Le soutien en logement autonome
1 - Les personnes hébergées
D’après les informations contenues dans le document soumis à consultation, certaines des
personnes actuellement hébergées sont particulièrement vulnérables.
Sur les 3 063 personnes hébergées dans les 3215 places, 558 personnes ont plus de 65 ans.
ans
Pourtant, le document précise que pour ces personnes, les cibles restent à définir, de même
que les solutions.
Sur les 3 063 personnes, plus de la moitié (1 883) sont hébergées depuis 6 ans et plus et 1/3
le sont depuis plus de 10 ans (1 058 personnes). Pourtant, le document ne précise pas si une
approche différente est envisagée pour ces personnes, même si elles ont été encadrées
depuis plus de 6 ou 10 ans, même de façon légère à modérée.
D’autres personnes hébergées sont considérées plus vulnérables telle « la clientèle inscrite »
dont le profil est « légal, toxicomanie, jeunes en difficulté, gériatrie et troubles graves du
comportement » (page 30). Le RAPSIM rappelle que justement, une partie des personnes
itinérantes est composée de cette clientèle, souvent victime des réorganisations précédentes
en santé mentale.
Il est donc particulièrement inquiétant que ce soit pour les personnes les plus
vulnérables et les plus à risque d’itinérance qu’aucune cible ne soit encore
définie.
2 – Les besoins de soutien en logement autonome
La réalité du logement autonome avec soutien n’est pas celle décrite dans le document
soumis à consultation. On ne peut pas affirmer, comme à la page 5 et à la page 36 que « les
personnes recevant ce service (logement avec soutien continu et appartement supervisé)
vivent des difficultés moins sévères ».
Les membres du RAPSIM qui gèrent les 130 logements sociaux avec soutien
communautaire réservés aux personnes avec un problème de santé mentale disent travailler
avec des personnes cumulant de nombreux problèmes, souvent de la comorbidité, et
nécessitant absolument un suivi intensif ou un soutien d’intensité variable complémentaire
au soutien communautaire qu’ils offrent.
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Conclusion : logement autonome avec
avec soutien…quels logements et quel soutien ?
Le RAPSIM profite de la consultation sur la planification de la Phase II à Montréal pour
exprimer ses craintes concernant les impacts possibles de la réorganisation des services
résidentiels.
La situation actuelle du logement à Montréal ne permet pas de croire qu’il sera possible de
reloger en logement autonome des centaines de personnes actuellement hébergées. Le
marché privé n’est pas une solution abordable et les logements subventionnés sont trop
rares. Les développements futurs sont très incertains puisque le gouvernement n’a pas pris
d’engagements quant au financement de nouvelles unités. Surtout, les développements
futurs ne pourront pas se faire seulement en fonction des besoins qu’impose la
réorganisation en santé mentale.
L’offre de soutien est tout aussi incertaine. Le soutien communautaire offert dans les
logements sociaux ne suffit pas à répondre aux besoins de soutien des personnes
actuellement hébergés. L’accès effectif à un suivi intensif ou à du soutien d’intensité
variable sera une clé dans la réussite de cette phase II.
Ainsi, même si des solutions existent dans la communauté, ces dernières ne
suffisent déjà pas à répondre aux besoins croissants.
Le RAPSIM tient à nommer les enjeux qui auront
auront un impact sur la mise en
œuvre et qui doivent être absolument pris en compte si on ne veut pas créer
plus d’exclusion parmi les personnes avec un trouble de santé mentale :
o La réponse aux besoins déjà existants dans le milieu;
o La nécessité de définir des
des cibles et des solutions pour les 65 ans et
plus ainsi que pour les personnes avec une comorbidité;
o La nécessité de compléter la Phase I afin de garantir un réel accès aux
services de soutien;
o L’augmentation des budgets de développement de logements sociaux
sociaux
et de financement du soutien communautaire en logement social.
Dans le contexte actuel, augmenter le nombre de personnes à loger dans la
communauté ne pourra que fragiliser davantage le milieu et mettra à risque
d’itinérance une partie des personnes concernées.
concernées.
Pour plus d’informations
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal
105, Ontario Est, suite 204
Montréal (Québec), H2X 1G9
Tel : 514-879-1949 – Fax : 514-879-1948
www.rapsim.org
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