Molière - Les fourberies de Scapin

Transcription

Molière - Les fourberies de Scapin
Molière - Les fourberies de Scapin
Séance 3 : Acte II, scène 4
CARLE, SCAPIN, LÉANDRE, OCTAVE
CARLE – Monsieur, je vous apporte une nouvelle qui est fâcheuse pour votre amour.
LÉANDRE – Comment ?
CARLE – Vos Égyptiens sont sur le point de vous enlever Zerbinette, et elle-même, les larmes aux yeux, m’a
chargé de venir promptement vous dire que, si dans deux heures vous ne songez à leur porter l’argent qu’ils
vous ont demandé pour elle, vous l’allez perdre pour jamais.
LÉANDRE – Dans deux heures ?
CARLE – Dans deux heures.
LÉANDRE – Ah ! mon pauvre Scapin ! j’implore ton secours.
SCAPIN, passant devant lui avec un air fier – « Ah ! mon pauvre Scapin ! » je suis « mon pauvre
Scapin ! » à cette heure qu’on a besoin de moi.
LÉANDRE – Va, je te pardonne tout ce que tu viens de me dire, et pis encore, si tu me l’as fait.
SCAPIN – Non, non, ne me pardonnez rien. Passez-moi votre épée au travers du corps. Je serai ravi que vous
me tuiez.
LÉANDRE – Non. Je te conjure plutôt de me donner la vie en servant mon amour.
SCAPIN – Point, point, vous ferez mieux de me tuer.
LÉANDRE – Tu m’es trop précieux ; et je te prie de vouloir employer pour moi ce génie admirable qui vient à
bout de toute chose.
SCAPIN – Non, tuez-moi, vous dis-je.
LÉANDRE – Ah ! de grâce, ne songe plus à tout cela, et pense à me donner le secours que je te demande.
OCTAVE – Scapin, il faut faire quelque chose pour lui.
SCAPIN – Le moyen, après une avanie1 de la sorte ?
LÉANDRE – Je te conjure d’oublier mon emportement et de me prêter ton adresse2.
OCTAVE – Je joins mes prières aux siennes.
SCAPIN – J’ai cette insulte-là sur le cœur.
OCTAVE – Il faut quitter ton ressentiment.
LÉANDRE – Voudrais-tu m’abandonner, Scapin, dans la cruelle extrémité où se voit mon amour ?
SCAPIN – Me venir faire à l’improviste3 un affront comme celui-là !
LÉANDRE – J’ai tort, je le confesse.
SCAPIN – Me traiter de coquin, de fripon, de pendard, d’infâme !
LÉANDRE – J’en ai tous les regrets du monde.
SCAPIN – Me vouloir passer son épée au travers du corps !
LÉANDRE – Je t’en demande pardon de tout mon cœur ; et, s’il ne tient qu’à me jeter à tes genoux, tu m’y
vois, Scapin, pour te conjurer encore une fois de ne me point abandonner.
OCTAVE – Ah ! ma foi, Scapin, il se faut rendre à cela.
SCAPIN – Levez-vous. Une autre fois, ne soyez point si prompt.
LÉANDRE – Me promets-tu de travailler pour moi ?
SCAPIN – On y songera.
LÉANDRE – Mais tu sais que le temps presse !
SCAPIN – Ne vous mettez pas en peine. Combien est-ce qu’il vous faut ?
LÉANDRE – Cinq cents écus.
SCAPIN – Et à vous ?
OCTAVE – Deux cent pistoles.
Scapin promet alors d’utiliser la ruse pour tromper les pères de Léandre et d’Octave afin d’obtenir l’argent
dont ils ont besoin. Il leur demande d’aller chercher Sylvestre pour qu’il l’assiste.
Notes :
1 – avanie : insulte.
2 – adresse : habileté, esprit rusé.
3 – à l’improviste : sans que j’y sois préparé.
Questions
A.
1- Quel personnage apporte une mauvaise nouvelle à Léandre ?
2- a) De quelle jeune fille parle ce personnage ?
b) Qui est cette jeune fille pour Léandre ?
c) Que va-t-il arriver à cette jeune fille ?
3- Quelles sont les conséquences de cette nouvelle pour Léandre ? Réponds à cette question en expliquant
- d’une part, la conséquence sur la vie sentimentale de Léandre ;
- d’autre part, la conséquence sur sa relation avec Scapin.
4- a) Que doit faire Léandre pour résoudre ce problème ?
b) Qui promet finalement d’aider Léandre ?
Séquence 8
Le coup de théâtre
Pour faire avancer l’intrigue théâtrale, on introduit souvent des événements inattendus et soudains qui
viennent bouleverser la situation des personnages. On appelle cela des coups de théâtre.
Si ces coups de théâtre se produisent au milieu de la pièce, ils constituent souvent une source de problèmes.
Ce sont des obstacles que les personnages doivent surmonter. Au contraire, un coup de théâtre qui se produit
à la fin de la pièce permet de résoudre les difficultés rencontrées par les personnages. Ainsi, la pièce se
termine bien. C’est le propre de la comédie.
B–
1- a) Dans la précédente scène, Léandre était en colère contre Scapin. De quel geste le menaçait-il à six
reprises ?
b) Dans la scène 4 que tu étudies à présent, souligne en bleu les répliques de Scapin qui rappellent ce geste.
c) Selon toi, Scapin veut-il vraiment que Léandre le tue ?
d) Pourquoi dit-il cela à Léandre ?
2- a) Pourquoi des guillemets sont-ils utilisés dans la réplique de Scapin, lignes 9-10 ?
b) Rappelle-toi les noms utilisés par Léandre dans la scène 3 pour apostropher Scapin. Dans la scène 4,
souligne en rouge la réplique de Scapin dans laquelle il reprend les insultes de Léandre.
3- a) Dans la scène 3, Léandre disait « Laissez-moi contenter mon ressentiment » (ligne 15).
Qui, dans la scène 4, éprouve du « ressentiment » ? Souligne en noir la réplique qui justifie ta réponse.
b) Dans la scène 3, Léandre voulait que Scapin « confesse » ses crimes. Dans quelle position se met-on
habituellement pour confesser quelque chose ?
c) Léandre a-t-il adopté cette position lorsqu’il prononce sa réplique lignes 34-35 ?
Souligne en vert la réplique de Scapin qui justifie ta réponse.
d) Dans la pièce, il manque une didascalie pour indiquer ce geste. Invente-la.
Le renversement de situation
Au théâtre, on utilise souvent le renversement de situation pour faire rire le spectateur.
C’est un procédé comique issu des jeux de carnaval du moyen âge qui consistaient, par exemple, à élire un
roi parmi le peuple et à se conduire, non plus de façon raisonnable, mais de la façon la plus folle qui soit.
Dans la pièce de Molière, on a un renversement de situation entre les scènes 3 et 4 de l’acte II puisque, dans
la scène 3, Léandre est en colère et veut que Scapin se confesse alors que les rôles s’inversent dans la scène
4. Le maître devient valet et vice versa.