A Epinal, le sport est bien plus qu`une image

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A Epinal, le sport est bien plus qu`une image
LE MONDE SPORT&FORME
Date : 06 JUIN 15
Page de l'article : p.1,6
Journaliste : Catherine Pacary
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
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SPORT & FORME
AVIS AUX A M A T E U R S
A Epinal, le sport est bien plus
qu'une image
LE MONDE
FAIS-NOUS
REVER
La capitale des Vosges a été pionnière dans la mise en place, en 1989, de l'aménagement du temps de I elève
Depuis, les enfants bénéficient de ce dispositif, devenu un facteur de cohésion sociale efficace
CATHERINE PACARY
Epinal (Vosges), envoyée spéciale
n ce jeudi 28 mai, c'est l'etrervescence dans la grande halle
des sports d'Epinal. Un groupe
de CE1-CE2 enchaîne les paniers avec plus ou moins de
réussite. Deux terrains multisports au rez-de-chaussée, des pistes d'athlétisme, de saut en longueur et de lancer de
javelot ; à l'étage une vaste salle équipée de
huit tables de ping-pong. A l'étage au-dessus, une salle d'escrime. Le complexe sportif, qui voit passer 5 DOO gamins chaque semaine, est comme neuf malgré ses 15 ans.
Un paradis pour ces enfants de l'école Rabelais. Certains s'essaient au tir à l'arc.
«Bonjour monsieur le maire!», lancent
huit petites voix joyeuses. « C'est un tir à
combien?», demande Michel Heinrich, le
député (Les Républicains) des Vosges et
maire de la ville depuis 1997. « Six et neuf
mètres », répondent en chœur les bambins.
En sortant, un bruit de moteur attire
l'attention. Six minimotos, pilotées par
des 6-8 ans. Des Yamaha de 50 et 90
E
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bridées. «La moto a beaucoup de succés »,
confie Thierry Jacquel, qui tient le deuxroues d'une fillette pendant qu'elle
s'installe. Quatre fois par semaine, depuis
1997, il accueille les groupes scolaires.
« Vous vous rendez compte si on avait eu
ça à leur âge... »
Philippe Guibert, directeur des sports
pour la mairie, apprécie à sa juste valeur.
Grand brun, mince, cet ancien animateur
sportif a gravi tous les échelons municipaux sans perdre son physique athlétique.
Devant lui, les minimotards casques passent sous un portique, contournent les piquets et s'arrêtent au stop. La semaine prochaine, ils feront équitation au poney club,
ou golf, natation, patinage.
A moins qu'ils ne préfèrent peinture,
dessin, sculpture, visite d'un musée. C'est
là une autre singularité municipale: ne
pas opposer sport et culture mais, au contraire, les associer. Près du stade, le centre
social de Bitola, dirigé par Marie-Paule
François, accueille deux groupes d'enfants trois fois par semaine pour des ateliers d'art plastique.
«Oh vas-y, il est trop beau le drapeau des
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Pays-Bas!», s'extasient de concert
Valentin, Camille, Mathew et Gabin en regardant les bannières colorées de différents pays dans un dictionnaire. «II est important que les enfants pratiquent "sur site",
enchaîne Michel Heinrich, parce que cela
amène les parents à se déplacer dans des
lieux où ils ne seraient pas venus naturellement, puis à y revenir. »
ll faut dire qu'Epinal est une ville pionnière. Sous l'impulsion de Philippe Séguin,
maire de la ville entre 1983 et 1997 et figure
emblématique de cette dernière, l'aménagement du temps de l'enfant a été lancé il y
a plus de... vingt-cinq ans. Un héritage que
M. Heinrich, successeur du gaulliste social,
entend bien perpétuer.
Retour à la fin des années 1980. Les premières études de chronobiologistes paraissent et l'Education nationale est en quête
d'initiatives locales innovantes. Epinal saisit l'occasion et instaure, à la rentrée de
1989, l'aménagement du temps de l'élève
(AIE), dans un tiers de ses maternelles et
classes élémentaires. Concrètement, la
journée scolaire comprend quatre heures
d'apprentissage le matin, cinq jours par semaine, et trois heures d'activités sportives
et culturelles durant quatre après-midi ; les
vacances sont réduites de trois semaines.
Pour l'époque, c'est de l'avant-garde.
Baisse de l'agressivité des enfants, apprentissage plus aisé... ce dispositif se révèle être un facteur de cohésion sociale efficace. Sa plus grande qualité: rendre
l'école attractive (l'absentéisme passe
sous les 5 %). Les décennies passent et les
Spinaliens en profitent. Jusqu'en 2008, année où la loi Darcos impose un calendrier
scolaire identique à toutes les écoles de
France. La ville fait le gros dos. Epinal attendra la réforme des rythmes scolaires
de 2014 pour pouvoir à nouveau mettre en
place l'ATE. Un jour par semaine, hors mercredi, 70 activités gratuites sont proposées aux 2700 élèves.
Tout cela a un coût: 1182000 euros
en 2014, avec une aide de 426 DOO euros de
la Caisse d'allocations familiales. Le reste
est financé par la ville. Une douzaine de
gymnases, une vingtaine de terrains de
foot, une patinoire, une piscine, un skate-
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park, un mur d'escalade naturel, un parcours de canoë-kayak en eau vive sur la
Moselle... L'offre est large. L'organisation
s'appuie par ailleurs sur les clubs sportifs,
qui, en retour, recrutent des licenciés:
16 DOO pour 33 DOO habitants.
«Dans une cité où la moitié des foyers vivent avec moins de 1200 euros par mois, il
faut tout faire pour éviter le décrochage
massif, lutter contre les exclusions», rappelle Stéphane Viry, conseiller pour le
sport à la mairie d'Epinal depuis 2014, qui
« Dans une cité où la moitié
des foyers vivent avec moins
de i zoo euros par mois,
il faut tout faire pour éviter
le décrochage massif »
STÉPHANE VIRY
conseiller pour le sport à la mairie d'Epinal
exerce par ailleurs la profession d'avocat.
Trop belle pour être vraie, l'imagerie
sportive d'Epinal? Les problèmes existent. Les professionnels se sentent démunis face aux comportements déviants de
certains jeunes. Et si la mobilisation des
enfants sur le court terme ne faiblit pas,
elle est plus difficile à maintenir dans la
durée. Le manque d'implication des parents est également pointé. Paradoxalement, l'offre pléthorique est elle aussi critiquée. Certains prônent la suppression
d'activités peu pratiquées et une mutualisation des moyens.
Avoir un temps d'avance ne suffit plus,
estime effectivement Stéphane Viry. Un
fort taux de chômage gangrène de plus en
plus un tissu social déjà extrêmement fragile. Là encore, le sport est un outil. Il resocialise et devient facteur de «réemployabilité». «Cela vaut ce que cela vaut,
mais selon les bruits de couloir, le président François Hollande aurait insisté sur
ce point. » rn
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Treize villes en pointe
sur l'éducation par le sport
L'Agence pour l'éducation par le sport (Apels) présente, vendredi 5 juin, à
l'Assemblée nationale, un nouveau programme, intitulé « Education par le
sport dans les villes ». Outre Epinal, où l'opération a été lancée avec le député-maire Michel Heinrich, douze villes (Calais, Belfort, Grenoble, Massy,
Mulhouse, Roubaix, Sevran, Pont-Sainte-Maxence, Tremblay-en-France,
Vaulx-en-Velin, Villefontaine et Voiron) s'engagent à mettre en place des politiques publiques locales innovantes d'éducation par le sport avec l'accompagnement de l'Apels.
« Comment réenchanter la vie en développant le vivre-ensemble alors que le
repli sur soi et la haine de l'autre se diffusent dans le quotidien des villes ?
Dans le champ sportif, le modèle classique entraînement-compétition est
peu innovant. Même s'il reste un socle essentiel, il doit pouvoir s'ouvrir à des
perspectives nouvelles, en particulier dans les domaines de la réussite éducative et de l'insertion. En s'ouvrant sur cet axe, les associations sportives peuvent redonner du sens dans un projet de vie renouvelé pour des jeunes parfois en déshérence», écrivent les treize villes engagées dans une tribune à
lire sur Lemonde.fr.
Séances de tir à l'arc, de ping-pong ou de moto-cross à la grande halle des sports depinal, jeudi 28 mai.
JOSEPH GOBIN POUR « LE MONDE »
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