DIAGNOSTIC PRENATAL DES HEMOGLOBINOPATHIES Fattoum S
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DIAGNOSTIC PRENATAL DES HEMOGLOBINOPATHIES Fattoum S
DIAGNOSTIC PRENATAL DES HEMOGLOBINOPATHIES Fattoum S., Messaoud T., Ouali F. Laboratoire de Biochimie et biologie Moléculaire Hôpital d’Enfants, Tunis I- INTRODUCTION : ASPECT CLINIQUE Les hémoglobinopathies sont les maladies génétiques de l’hémoglobine les plus répandues dans le monde. En Tunisie les formes prédominantes sont les β thalassémies et la drépanocytose dont la prévalence moyenne est estimée à 4.5%, pouvant atteindre des chiffres de 12% dans certaines régions à risque. Elles s’expriment chez l’enfant dés le plus jeune âge dans un tableau d’anémie hémolytique grave qui menace la vie du patient durant toute son existence du fait des nombreuses complications qui peuvent survenir au cours de l’évolution. La prise en charge est laborieuse et contraignante pour les familles concernées et le traitement reste palliatif et peu efficace pour un coût exorbitant estimé à 5 à 8000DT par an et par malade. Le seul moyen pour lutter contre ce fléau réside donc dans une action préventive efficace permettant de réduire au maximum la naissance d’enfants malades. Ceci est d’autant plus justifié en Tunisie que le nombre de nouveaux cas d’enfants atteints d’hémoglobinopathie est estimé à 100/an en moyenne. II- DIAGNOSTIC ANTENATAL La prévention des hémoglobinopathies est basée sur le diagnostic prénatal dont la faisabilité a largement été facilitée par la percée technologique enregistrée ces dernières décennies en matière de Biologie moléculaire. Le diagnostic prénatal s’adresse au couple dont les deux conjoints sont porteurs. Un conseil génétique doit leur être prodigué au préalable pour expliquer le déroulement de toutes les étapes avec les résultats escomptés, les conséquences et les limites de ce diagnostic. MARDIS PEDIATRIQUE Après l’approbation du couple, la stratégie du diagnostic prénatal passe par plusieurs étapes et nécessite au préalable un prélèvement de sang chez les 2 parents et éventuellement le cas index en vue d’une étude phénotypique. Si les 2 parents s’avèrent être tous les 2 porteurs ce qui justifie l’indication du diagnostic prénatal une étape d’extraction de l’ADN est alors effectuée en vue de l’analyse génétique. L’ADN fœtal est extrait à partir du Trophoblaste par biopsie des villosités choriales réalisée entre la 10éme et la 12éme semaine d’aménorrhée ou à partir des cellules amniotiques prélevées par amniocentèse précoce réalisée entre 14éme et la 16éme semaine d’aménorrhée. Le prélèvement fœtal est pratiqué après échographie abdominale pour préciser l’age de la grossesse. Il nécessite des précautions particulières d’assurance qualité permettant de faciliter l’interprétation des résultats. Chaque ADN extrait est ensuite quantifié puis amplifié par PCR avant d’être analysé par les techniques de Biologie moléculaire disponibles : Digestion enzymatique pour le recherche de la mutation responsable de la drépanocytose, technique du réserve Dot/ Blot pour la recherche des différentes mutations β thalassémiques ou au besoins d’autres techniques complémentaires comme l’électrophorèse sur gel à gradient dénaturant (DGGE) ; l’analyse des sites polymorphes ou les réactions de séquençage direct de fragments d’ADN. La validation des résultats exige, l’utilisation de 2 techniques différentes de biologie moléculaire et une confirmation par l’analyse des cellules fœtales sur culture génétique surtout dans les cas d’hétérozygotie chez le fœtus. Toutefois, une contaminations par le tissu maternel (estimée à 0.5% dans la littérature) reste possible et un contrôle du diagnostic doit être pratiqué systématiquement à la naissance pour une confirmation définitive. L’analyse des microsatellites chez le fœtus et les deux parents permet de nos jours de minimiser encore ce risque. III- EXPERIENCE TUNISIENNE Notre expérience en matière de diagnostic prénatal des hémoglobinopathies a porté sur des couples à risque qui nous ont été adressés de différents services cliniques de Tunisie concernés par cette pathologie. L’analyse génétique a été réalisée à partir de l’ADN du trophoblaste dans 1/3 des cas seulement. Dans 2/3 des cas nous avons favorisés l’amniocentèse en raison du risque potentiel de pertes fœtales plus important après biopsie du trophoblaste selon les estimations de la littérature (4% contre 5%). Malgré cette précaution, nous avons déplorés 3 avortements. MARDIS PEDIATRIQUE Le typage moléculaire des familles β thalassémiques a révélé 17 types de mutations différentes avec une prédominance des mutations non sens cd39C→T et IVS1-110 G →A qui totalisent prés de 70% de l’ensemble des mutations identifiées. Nous avons enregistré 38 fœtus atteints pour lesquels une interruption de grossesse a été indiquée, refusée dans deux cas par les parents pour des raisons personnelles. L’étude de l’Hémoglobine après la naissance a confirmé les résultats du diagnostic prénatal pour toutes les familles qui sont présentées au contrôle. IV- CONCLUSION : En conclusion les hémoglobinopathies constituent un réel problème de santé publique en Tunisie. Le puissant développement technologique réalisé ces dernières années en matière de diagnostic génotypique, permet actuellement de prévenir cette affectation par le biais du diagnostic anténatal réalisable dans notre Laboratoire depuis 1994, et d’entreprendre dans les régions à haut risque des programmes spécifiques de prévention basés sur le dépistage des hétérozygotes, le conseil génétique, le certificat prénuptial et le Diagnostic prénatal pour le couples à risques répertoriés. Dans le cas particulier des régions à haute incidence pour la drépanocytose, le diagnostic néonatal renforcera cette action préventive en permettant une prise en charge précoce des malades identifiés. Le coût du diagnostic prénatal est estimé à moins de 1000 DT y compris l’étude génotypique du fœtus, de ses deux parents, d’un témoin malade et d’un témoin normal pour la mutation recherchée. Enfin il faut toujours garder en mémoire 1. qu’un diagnostic prénatal ne peut être engagé qu’après s’être assuré du résultat de l’électrophorèse de l’hémoglobine témoignant que les deux conjoints sont porteurs 2. Que l’efficacité de la prévention réside dans la sensibilisation du couple à risque à se soumettre au diagnostic prénatal, à chaque grossesse et ce en raison du mode récessif de la transmission génétique des hémoglobinopathies. MARDIS PEDIATRIQUE