COMMENT DEVELOPPER DANS UNE CLASSE DE 6ème LE
Transcription
COMMENT DEVELOPPER DANS UNE CLASSE DE 6ème LE
Professeur certifié COMMENT DEVELOPPER DANS UNE CLASSE DE 6ème LE PLAISIR DE LIRE ? MATHEY, Jennifer Lettres modernes 2004/2005 Monsieur Pierre-Alain Chiffre 04STA00010 « Contrairement aux talents particuliers, la lecture est nécessaire non pour être meilleur que les autres, mais pour ETRE tout simplement. » Jocelyne GIASSON PLAN INTRODUCTION I. 1. 2. 3. LA LECTURE : UNE ACTIVITE COMPLEXE Mes élèves et la lecture La lecture : une activité heuristique La place de la lecture dans les IO II. LIRE POUR SOI, LIRE POUR AUTRUI : LA LECTURE AU COEUR D’UN PROJET D’ECHANGE 1. 2. 3. III. 1. 2. 3. Finaliser la lecture par un projet d’échange avec des correspondants bretons. Lire pour soi Lire pour autrui LE PLAISIR DE LIRE, LE PLAISIR D’ECRIRE : ANALYSE ET BILAN La lecture et l’écriture : deux compétences liées dans les programmes La mise en place de travaux d’écriture L’écriture finalisée : Ecrire et lire pour soi, écrire et lire pour autrui en développant le B2I CONCLUSION INTRODUCTION : Le collège Clos de Pouilly est un établissement de type urbain qui compte six cent quarante quatre élèves, regroupés en vingt cinq divisions, encadrés par une équipe éducative composée de quarante neuf professeurs, de cinq surveillants, de seize membres du service général et de quatre professionnels de l’équipe médicale, sociale et d’orientation, sans compter l’équipe de direction et celle de l’administration : une équipe pédagogique au complet dont le principal objectif est d’instruire, d’aider à grandir pour en faire des citoyens à part entière, des jeunes issus de milieux sociaux et géographiques différents. En effet, le collège accueille des enfants habitant dans les petits villages situés à la périphérie de Dijon, mais aussi des jeunes vivant au centre ville ou dans les logements de fonction de la gendarmerie (situés en face du collège) et enfin des enfants issus de la cité du Soleil, ou habitant dans des foyers d’accueil pour réfugiés politiques : hétérogénéité géographique tout d’abord qui participe d’ailleurs à l’intérêt de cet établissement. Les catégories sociales de ces élèves sont elles aussi multiples. En effet, la majorité des parents sont des ouvriers qualifiés (16.50 %), on relève ensuite les techniciens (9.48 %), puis les policiers et militaires (9.31 %), les cadres administratifs et commerciaux d’entreprise arrivent après avec 7.84 %, suivis par les employés civils (6.70 %) et enfin les personnes sans activité professionnelle qui concernent 6.54 % des élèves. Il convient de plus de noter que 27,3 % des élèves sont issus de catégories socio-professionnelles défavorisées. Face à cet hétérogénéité, les membres du collège Clos de Pouilly, pour donner les mêmes chances à chaque élève, s’organisent pour que cet établissement soit un lieu accueillant et propice à l’enseignement et au développement personnel. L’équipe pédagogique met ainsi en place diverses actions (voyages, sorties cinéma, sorties théâtre, activités sportives et culturelles : club théâtre, danse, musique, dessin, scrabble, invitation de professionnels divers, conteur, écrivain…), celles-ci étant de plus fortement suivies et soutenues d’une part par le foyer socio-éducatif actif et soucieux de ses missions, d’autre part par une fédération de parents d’élèves très impliquée dans l’établissement. Le collège bénéficie de plus de locaux récemment rénovés, propres et colorés, spacieux (seule manque une salle d’EPS), et d’un service de restauration agréable. Il propose aussi aux élèves l’étude de trois langues étrangères (allemand, anglais, espagnol), bénéficiant d’assistantes étrangères, de deux langues mortes (grec et latin) et d’une section européenne. Mon intégration dans cet établissement a de ce fait été favorisée d’une part par l’accueil qui m’a été réservé mais aussi par l’esprit d’équipe et l’ambiance positive qui s’en dégageaient. La principale difficulté (mis à part la panique du débutant) fut pour moi l’hétérogénéité, ma classe étant composée des quatre types sociaux représentés dans le collège. Sans condamner telle ou telle catégorie sociale, chacune ayant ses atouts propres et leur rassemblement constituant inévitablement la richesse de mon public, cette différence de niveau, de repères, d’éducation et d’accès à la culture fut pour moi d’une part un moteur indubitable, ayant pour objectif d’offrir à chacun les mêmes connaissances, le même accès à la culture et de permettre à chacun d’échanger ses savoirs dans le but d’enrichir l’autre ; mais elle fut aussi une source d’inquiétude et de questionnement puisque je me suis vue confrontée à la réalité, aux problèmes du temps, des moyens… Néanmoins, le doute a laissé place à la motivation et cette hétérogénéité fut un moteur inévitable à mon engagement au sein du collège et auprès de mes élèves. J’ai donc profité de cette situation pour créer autour d’activités diverses tout un système fondé sur l’échange de connaissances, d’identité, de culture entre mes élèves, chacun flatté d’apporter au groupe sa particularité, sa différence, favorisant ainsi l’enrichissement de tous. I. LA LECTURE : UNE ACTIVITE COMPLEXE 1. Mes élèves et la lecture Cette hétérogénéité se fit le plus ressentir en lecture, la relation au livre n’allant pas forcément de soi, celle-ci s’est même parfois avérée totalement occultée dans certaines familles. Je me suis donc immédiatement retrouvée face à des élèves que je qualifierais comme de très bons lecteurs, à des élèves « petits lecteurs » lisant quelques revues ou bandes dessinées, et à des élèves en rupture totale avec cette activité soit par désaveu et désintérêt, soit par difficultés et problèmes de compréhension. En effet, un petit questionnaire remis en début d’année m’a révélé que sur vingt cinq élèves, cinq étaient de grands lecteurs, inscrits à la bibliothèque, abonnés à des revues de lecture et éprouvant déjà beaucoup d’intérêt pour cette activité, cinq étaient inscrits à la bibliothèque pour y emprunter des bandes dessinées, dont l’intérêt littéraire n’est pas mis en doute mais qui décèle néanmoins une difficulté à lire sans image et donc une impossibilité certaine à prendre du plaisir dans la lecture de textes plus difficiles, suscitant l’imagination et la représentation personnelle, enfin quinze élèves n’étaient ni inscrits à la bibliothèque, ni abonnés à une revue, la lecture ne faisant pas partie, ou peu de leur quotidien…or comment découvrir l’intérêt de cette activité, comment améliorer son inscription dans le monde, dans l’échange oral et écrit, dans la manipulation du langage…sans les atouts qu’apporte la lecture ? Ces trois attitudes face à la lecture entièrement antithétiques, ce constat d’absence de lecture personnelle, de difficultés d’expression… devaient être gérés, et ce en favorisant ces trois groupes d’élèves et en évitant avant tout l’ennui : l’ennui des bons lecteurs qui risquaient de se trouver face à un livre trop facile ou à une explication trop longue pour eux, l’ennui des non-lecteurs auxquels il était impossible de présenter une oeuvre trop complexe , et cela en développant le plaisir des lecteurs moyens afin qu’ils deviennent autonomes face à cette activité, en enrichissant les lectures des plus habitués et en développant l’intérêt chez les lecteurs occasionnels. Il convenait donc d’apporter à ce problème une solution fiable pour promouvoir la lecture personnelle, volontaire et autonome en réconciliant les élèves avec le livre et en instaurant une relation fondée sur le plaisir afin de développer la curiosité littéraire, la culture livresque, l’imagination, la sociabilité…mais quelle solution pouvais-je y apporter ? Comment gagner en efficacité ? Comment souder le groupe classe en proposant aux élèves une activité commune tout en prenant en compte les intérêts et les besoins de chacun ? La lecture en tant que telle, vue comme une activité heuristique, qui ne va pas de soi et qui demeure complexe ne facilitait pas le problème. 2. La lecture : une activité heuristique En effet, la lecture n’est pas un simple déchiffrage de lettres et de mots et c’est en cela qu’elle est une activité complexe car elle nécessite plusieurs compétences qui doivent être maîtrisées pour que le lecteur puisse construire le sens du texte : la lecture est donc un processus actif puisque le liseur doit entrer en interaction avec ses connaissances, le texte lui même et son contexte afin de lire véritablement. Il doit posséder des connaissances suffisantes et solides sur le langage, le monde, la syntaxe et la sémantique tout en mettant en place des processus particuliers : la reconnaissance des mots, des groupes de mots, l’identification de l’information, des liens entre les propositions et les phrases… Ainsi, la lecture tient sa complexité du fait qu’elle fait intervenir dans son processus plusieurs stratégies diverses et complexes unies autour de trois ensembles : le lecteur, le texte et le contexte. Pour lire, c’est à dire comprendre le sens d’un texte en liant plusieurs compétences, le lecteur doit maîtriser divers processus et les mettre en interaction ; c’est en cela que la lecture est un procédé actif, et c’est de ces particularités que naissent ses difficultés. Mais qu’entendons-nous par « sphère du lecteur, du texte et du contexte » ? C’est ce que nous allons tenter d’expliciter. a. La sphère du lecteur Le rôle du lecteur est désormais reconnu : il est celui qui créé le sens, et cela en se servant à la fois du texte, de ses propres connaissances et de son intention de lecture. On distingue alors chez le lecteur ce qu’il est (c’est à dire ses connaissances et son attitude face à la lecture, qu’on appellera les structures cognitives), de ce qu’il fait (les habiletés qu’il met en œuvre dans le processus de lecture et que les théoriciens nomment les structures affectives). Les structures cognitives (ce qu’est le lecteur) se divisent en deux groupes : les connaissances sur la langue : phonologiques, syntaxiques, sémantiques, pragmatiques ; et les connaissances sur le monde : les concepts, les idées que connaît le lecteur et ce dans n’importe quel domaine, historique, géographique, scientifique, littéraire, pictural, culturel aideront un élève à comprendre un texte. Les structures affectives (ce que l’élève veut faire) jouent elles aussi un rôle important, et sont souvent la cause d’un désaveu de la lecture chez l’élève qui manque de stimulation et qui, de la sorte, ne comprend pas l’intérêt de la lecture, et ne perçoit pas ce qu’il doit et peut faire avec un livre, comme cela s’est présenté à quinze élèves de ma classe. Le processus de lecture se caractérise, lui, tout d’abord par un microprocessus qui concerne la reconnaissance des mots et qui sert à comprendre l’information contenue dans les phrases. S’en suit un processus d’intégration qui a pour fonction d’effectuer des liens entre les propositions ou les phrases. Le macroprocessus concerne le procédé d’identification des idées principales, notamment par le repérage de la structure du texte, orienté alors vers sa compréhension globale. Enfin le processus d’élaboration ( imagerie mentale, réponse affective, lien avec les connaissances, raisonnement) permet aux lecteurs de dépasser le texte, d’effectuer des inférences non prévues par l’auteur. Le lecteur possède alors le texte. Il a joué son rôle. A la lecture des premiers travaux de lecture et d’écriture et au regard des évaluations nationales concernant l’entrée en sixième, il s’est avéré que certains de mes élèves, ceux d’ailleurs qui n’avaient pas de contact réel avec la lecture, éprouvaient d’emblée des difficultés concernant les structures cognitives puisqu’ils ne possédaient que très peu de connaissances syntaxiques, sémantiques… On comprend aisément dès lors, le désaveu envers la lecture de ces enfants perdus sous le flot des mots, incapables d’atteindre sans heurt le macroprocessus et donc les idées principales du texte, les privant ainsi de posséder réellement le texte, d’en établir des liens avec leur monde, leur situation, qui plus est lorsqu’ils sont non stimulés à la lecture par un entourage extérieur. Comment, dans ces conditions, éprouver du plaisir en lisant ? Comment réussir à quitter le livre d’images, sources de sens, pour aller vers l’imagerie personnelle et mentale que permettent les mots ? C’est donc au professeur de remédier à ces problèmes afin que l’élève en rupture avec la lecture gravisse progressivement les étapes qui le conduiront vers une compréhension du texte de plus en plus facile parce que maîtrisée du sens, et de la sorte, vers le plaisir. Mais une difficulté en cache une autre puisque l’activité lecture prend en compte la sphère du lecteur à laquelle s’ajoute aussi celle du texte. b. La sphère du texte En effet, une interaction avec le texte est aussi établie dans le processus de lecture. Il convient de noter que nous entendons par « texte » les intentions de l’auteur, la structure de l’œuvre, c’est à dire l’organisation des idées, et leur contenu, à savoir, les concepts, les connaissances et le vocabulaire utilisés par l’auteur. De chaque genre de texte (lié à l’intention de l’auteur de dénoncer, d’expliquer, de décrire, de raconter…) dépendra une structure et une organisation des idées, elles-mêmes source de sens puisqu’elles ont pour but d’agir sur les émotions du lecteur, sur son comportement et ses connaissances… Si le lecteur ne perçoit pas cette structure particulière facilitant aussi la compréhension de l’enjeu du texte, on peut en déduire que celui-ci sera privé d’émotion. En ce sens, comment prendre plaisir à lire un texte quand celui-ci ne nous procure aucune émotion ou sinon au prix de douloureux efforts ? c. La sphère du contexte Le contexte participe également au processus de lecture et concerne les conditions dans lesquelles se trouve un lecteur lorsqu’il entre en contact avec un livre. On distingue dans cette sphère, le contexte psychologique, à savoir l’intérêt du lecteur pour le texte à lire, sa motivation et son intention de lecture. Le contexte social, c’est à dire les interactions qui peuvent se produire entre le lecteur et l’enseignant ou les pairs. Le contexte physique qui concerne les conditions matérielles dans lesquelles se déroule la lecture : bruit, température de la salle, matériel… Il est démontré que l’activité lecture nécessite alors une mise en place particulière, une préparation favorisant la stimulation et un espace de lecture rassurant et agréable. Il convient donc à l’enseignant de s’organiser de sorte que les élèves se trouvent dans un cadre propice à la lecture, au calme, à la relation personnelle avec le livre. Mais comment gérer efficacement ce paramètre ? Une lecture en classe, connaissant les impératifs de disposition des salles, des tables face au professeur et au tableau, dénuées de livres est-elle réellement propice à la lecture ? La lecture, si elle est donnée à faire à la maison, est-elle faite par tous les élèves dans des conditions idéales ? Ce sont ces questions qui ont soulevé certains problèmes techniques m’obligeant à chercher et à trouver une solution non pas tournée au profit d’un groupe d’élèves mais au profit du groupe dans son intégralité, les difficultés et les attentes de chacun devant être prises simultanément en compte et sachant que plus les variables lecteur, texte et contexte seront imbriquées les unes dans les autres, meilleure sera la compréhension. Il convenait donc de s’attacher sérieusement au problème, d’y apporter une remédiation efficace d’autant plus que les instructions officielles encouragent fortement les enseignants à donner aux élèves une culture livresque complète et la possibilité de lire de manière autonome des œuvres diverses tout en y prenant plaisir. 3. La place de la lecture dans les IO A la lumière des programmes officiels, nous constatons que l’une des principales finalités du collège est de faire accéder les élèves à un ensemble de connaissances fondamentales communes pour structurer leur jugement, leur permettre de s’exprimer correctement à l’écrit et à l’oral et d’enrichir leur imaginaire. En classe de sixième, les élèves doivent être plus particulièrement capables d’identifier le pôle narratif et le pôle argumentatif, pour cela, ils doivent lire, produire et étudier diverses formes de récits. La lecture de récits est donc une priorité et l’enseignant doit amener les élèves vers la lecture de textes narratifs de plus en plus complexes qui leur permettront par ailleurs de maîtriser les formes de discours et les outils de la langue, d’enrichir leur vocabulaire et de s’habituer à une syntaxe correcte et recherchée afin qu’elle devienne par là même un réflexe. La lecture permet aussi de contribuer à une réflexion sur le monde, de prendre en compte autrui et ainsi de le respecter. C’est donc aussi par la lecture que le professeur éduque l’élève à la citoyenneté. Au cœur de tous les apprentissages, la lecture tient par conséquent dans les instructions officielles un rôle prépondérant dans l’enseignement du français puisqu’elle est « une compétence à acquérir et un vecteur de savoirs, instrument pour tous les apprentissages1. » Les objectifs principaux de la lecture en sixième se concentrent autour de quatre pôles : développer le goût de la lecture, on comprend aisément qu’il n’y a pas de bon apprentissage sans plaisir d’où la priorité de cultiver chez l’élève ce goût de lire ; lire des textes de toutes sortes, permettant ainsi à l’élève d’acquérir de plus en plus d’aisance dans l’activité mais aussi de développer son imaginaire et d’accéder à une culture livresque de plus en plus complète. Le troisième pôle doit permettre à l’élève de comprendre la cohérence propre au récit, et cela ne peut se faire que par un rapport fréquent et régulier avec la lecture de textes divers. Enfin, la lecture doit permettre aux élèves de s’approprier des éléments clefs d’une culture commune. Ces quatre pôles doivent permettre aux élèves de sixième de dépasser la compréhension immédiate des mots et des phrases pour atteindre la compréhension du sens logique et de l’implicite. L’activité se complexifie alors nettement pour ces anciens de l’école primaire qui doivent devenir progressivement de vrais lecteurs. Pour cela, l’activité lecture doit diversifier ses pratiques. On conseille donc de faire lire au moins neuf œuvres dans l’année et ce de trois manières différentes : par la lecture cursive, c’est à dire la lecture personnelle, à la maison, de textes diversifiés qui favorise la relation entre l’élève et le livre ; la lecture d’œuvres complètes qui permettent à l’élève d’accéder à la compréhension logique et implicite du sens, et l’entraîne ainsi à maîtriser des mécanismes de lecture, des méthodes utiles pour tous les types de textes ; et enfin, la lecture détaillée d’extraits qui offre une approche variée des textes littéraires et en permet une étude approfondie tout en sensibilisant les élèves à l’héritage antique et aux textes fondateurs leur permettant de connaître les mythes, les modèles et les références passées qui tissent la vie culturelle de leur société. 1 Accompagnement des programmes de sixième Tenant au sein des programmes officiels une importance prépondérante, l’apprentissage de la lecture est un des enjeux fondamentaux d’une scolarité réussie. Un élève qui sait lire, qui est capable de comprendre le sens d’un texte qu’il soit narratif, documentaire ou argumentatif, pourra dès lors enrichir son imaginaire, ses connaissances, prendre conscience d’autrui, se positionner en tant qu’être humain et en tant que citoyen dans la société, sera apte à produire des discours clairs, à se faire comprendre et à s’exprimer correctement. La lecture est donc une pierre fondamentale à l’édifice de l’éducation. Mais elle n’en demeure pas moins facile et se caractérise par la complexité de son processus. Chaque élève étant différent, doté d’horizon d’attentes, de curiosité, d’intérêt qui lui sont propres, il convient au professeur de prendre en compte ces particularités afin que chacun puisse à son rythme accéder à la lecture, et surtout au plaisir de lire. Prendre en compte les élèves dans leur individualité au sein d’un groupe demeure une entreprise difficile. Il me semblait alors judicieux d’organiser parallèlement aux activités de lecture réalisées en groupe classe ( lecture d’œuvres intégrales ou d’œuvres par extraits mais d’une manière méthodique), des activités de lecture de manière plus individuelle, ou chaque élève aurait la possibilité de lire un livre de son choix et à son rythme, mais cela non pas d’une manière cursive comme une lecture faite de manière autonome à la maison. En effet, certains élèves ne bénéficient pas chez eux d’une atmosphère propice à la lecture, de calme, de motivation extérieur au profit de cette activité, j’ai par conséquent voulu créer un système de lecture individuelle mais au demeurant, accompagnée ; et c’est d’une part dans l’optique des programmes qui rappellent l’importance de la lecture dans le développement personnel tout autant que dans l’acquisition des savoirs, et d’autre part dans la logique des missions de professeur de français que j’ai choisi, afin d’amener chacun de mes élèves à une lecture réfléchie et autonome fondée sur le plaisir, de mettre en place une activité lecture fondée sur un échange avec des correspondants bretons. II. LIRE POUR SOI, LIRE POUR AUTRUI : LA LECTURE AU CŒUR D’UN PROJET D’ECHANGE Mais pourquoi organiser un tel projet ? Et comment s’y prendre pour favoriser tous les élèves en tenant compte de leurs besoins personnels ? Comment encourager la lecture au sein du groupe-classe et au profit de tous les élèves en leur offrant les conditions idéales à un bon apprentissage ? En quoi ce projet peut-il engendrer le plaisir de lire ? Enfin, pourquoi faire lire les élèves en accordant une place primordiale à la notion d’échange et de partage ? Ce sont ces questions qui m’ont frappée et qui m’ont permis de réfléchir, avant toute action, à la nécessité et à la crédibilité de ce projet, à ses objectifs et, à terme, à son organisation. 1. Finaliser la lecture par un projet d’échange avec des correspondants bretons a. Le projet : ses objectifs Avant toute chose, il convient de rappeler que les instructions officielles insistent sur la nécessité de « mettre les élèves le plus rapidement et le plus souvent possible dans des conditions réelles de lecture, c’est à dire […] pour le domaine littéraire, devant des œuvres intégrales ». Le travail en classe de français consiste de ce fait à accorder une large place à la lecture d’œuvres intégrales. Ma progression annuelle prend donc en compte ce paramètre et les élèves étudient, sous ma conduite, comme les programmes l’exigent, un certain nombre d’œuvres suivies en classe complète. Ainsi, certains contes de Perrault ont été lus intégralement et étudiés de manière détaillée par le professeur et les élèves dans une séquence consacrée aux contes. Le roman de Roald Dahl intitulé Matilda fut lui aussi analysé dans une séquence consacrée aux différences et aux ressemblances entre le conte et le roman. De plus, trois œuvres intégrales ont été jusqu’à maintenant lues de manière cursive parallèlement à un travail réalisé en classe : L’œil du loup de Daniel Pennac, Les Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault et Fantastique Maître Renard de Roald Dahl. Enfin, des oeuvres étudiées par le biais d’extraits comme L’Odyssée d’Homère sont proposées de plus aux élèves. Bien que le nombre d’œuvres recommandées par les programmes soit respecté, je n’ai pas souhaité restreindre l’activité lecture à ce seul quotas rassurant et obligatoire de livres lus. Le premier objectif de ce projet a donc été un objectif de pure lecture. Par ce biais, je voulais faire en sorte que mes élèves lisent de manière plus fréquente et enrichissent de la sorte leur culture livresque. De plus, je me suis rendue compte à la lecture des fiches de présentation liminaires, suite à la correction des évaluations nationales, et au cours des premières activités de lecture réalisées en classe que les divergences de niveaux, d’accès à la compréhension, d’habitudes et de stratégies de lecture variaient considérablement d’un élève à l’autre. Aussi, certains élèves, face à un texte vu en classe mais aussi suite à une lecture qu’ils devaient faire de manière cursive à la maison, se sont révélés perdus sous le flot des mots et, par conséquent en difficulté de compréhension. Cela engendrait de fait chez ces élèves en difficulté ( difficulté due d’ailleurs à une manque de lecture personnelle) une appréhension et un désaveu certains pour cette activité et les empêchait par conséquent d’éprouver du plaisir à la lecture des textes. Il m’a donc semblé profitable de faire lire ces élèves en essayant de prendre en compte, de manière individualisée, leurs propres difficultés afin de leur donner des stratégies de lecture adaptées à leurs besoins et de les accompagner pour les encourager mais aussi pour les déculpabiliser de ne pas comprendre rapidement ou précisément un texte analysé en classe. Cette acquisition progressive de stratégies de lecture et adaptée à chacun (difficile, me semblait-il, à réaliser en groupe-classe) était aussi un moyen de favoriser a posteriori le travail en classe en diminuant les écarts de compréhension entre les élèves. Le projet que j’avais décidé de mettre en place devait donc servir à la fois l’élève individuellement, mais aussi le groupe classe, ainsi que l’élève pris au sein du groupe. De plus, permettre aux élèves de lire à leur rythme, avec accompagnement ou non, me paraissait être un moyen efficace pour favoriser d’une part les bons élèves, ne pas entraver leur rythme de lecture, et améliorer par un rapport fréquent aux livres leurs compétences en ce domaine, tout en prenant d’autre part le temps de lire à voix haute, de parler d’une lecture avec les élèves en grande difficulté, de les soutenir dans la quête du sens et de la réflexion. Ce projet se situait alors à la lisière de la lecture cursive et de la lecture méthodique, en ce sens je la qualifierai de « lecture accompagnée ». A ce double objectif de lecture s’est ajouté un objectif d’écriture. En effet, ce projet devait être aussi pour moi le moyen de travailler l’écriture, l’expression, mais aussi l’expression de soi d’une manière ciblée sur les attentes de chacun. Ces activités, que je décrirai plus tard, me permettaient de remédier de manière individuelle aux difficultés de chacun. Qui plus est, organiser par rapport à la lecture des activités d’écriture pouvaient permettre aussi aux élèves de se familiariser avec le traitement de texte et favoriser ainsi l’acquisition du B2I, en partenariat notamment avec les professeurs de technologie. Enfin, l’un des principaux objectifs de ce projet était un objectif citoyen. En effet, j’ai voulu inscrire l’activité lecture dans un projet d’échange avec des correspondants bretons. Mais pourquoi accorder tant d’importance à ces notions d’échange et de partage ? La lecture se situe pour moi à la frontière de deux univers. En effet, le premier concerne l’univers de la personne, c’est une activité intime qui permet d’entrer en relation avec soimême, de mieux se connaître, de s’accepter. La lecture d’histoires inventées, imagées par les mots permet à chacun de s’émouvoir, de s’inquiéter, de ressentir plusieurs sensations, de se laisser envahir par elles et d’en tirer des leçons personnelles. Mais la lecture me paraît être aussi, dans un deuxième temps, une activité propice à la communication avec autrui, appartenant ainsi au domaine du collectif, du social. Elle permet de souder le groupe par des discussions, des ressentis semblables, d’accepter l’autre et de se positionner face et avec lui, de partager son point de vue et d’en discuter, d’où l’utilité, il me semble, de lire pour soi mais aussi de lire en prenant conscience d’autrui. La notion de partage découle donc de cette double vision de la lecture qui est source pour moi de plaisir certain. C’est pour ces raisons qu’il m’est apparu important de transmettre à mes élèves, en leur faisant découvrir, ce double enrichissement permis par la lecture ; et le seul moyen d’y parvenir me semblait être, non un discours professoral sur la notion, mais une expérimentation personnelle de celle-ci. L’inscription de ce projet dans un échange avec des correspondants s’est donc révélée incontournable. De la sorte, je souhaitais leur faire comprendre qu’ils seraient capables, par l’intermédiaire de la lecture, de discuter avec l’autre, de le rencontrer, le connaître et l’accepter. Pour ce faire, j’ai décidé de travailler avec un ami résidant à Lorient et enseignant le français à une classe de sixième. Nous avons donc décidé de sélectionner en commun plusieurs livres, à savoir un livre par élève afin que chacun forme un binôme avec son correspondant-lecture, qui à huit cent kilomètres de lui, lirait le même livre. La lecture devait alors donner naissance à un échange de courrier de deux types : d’une part manuscrit par l’envoi de lettres permettant qui plus est aux élèves de réinvestir, et ce dans une situation de communication concrète, des connaissances acquises en groupe-classe au cours de l’année ; d’autre part, par l’intermédiaire du traitement de texte permettant ainsi aux élèves de se familiariser avec l’outil informatique. En définitive, l’ensemble de ce projet me permettait en premier lieu de faire lire mes élèves fréquemment, et ainsi de leur donner des habitudes et des stratégies de lecture tout en enrichissant leur culture livresque. Il devait me permettre dans un deuxième temps de remédier favorablement aux difficultés de chacun pris individuellement en compte dans ses attentes, ses appréhensions, ses problèmes de compréhension. Tout en permettant aux élèves de réinvestir leurs connaissances acquises en classe et de la sorte de les mémoriser plus facilement, ce projet devait être pour moi le moyen de les inciter à lire seul, de manière autonome en leur faisant découvrir le plaisir individuel mais aussi le plaisir que peut procurer la lecture au sein de la collectivité. Faire accéder mes élèves au plaisir de lire en les aidant individuellement, en les accompagnant, en discutant avec eux de leurs lectures, en leur permettant d’être pris au sérieux, en donnant de l’importance à leurs propres réactions, tout en améliorant leurs aptitudes scolaires, aussi bien au niveau de la lecture que de l’expression orale et écrite, furent les objectifs qui m’ont motivée à la réalisation de ce projet. b. Mise en place et organisation de l’activité Les objectifs de ce projet ayant été définis, il fallait maintenant organiser et mettre en place l’activité. J’ai donc, après explication du projet et accord du proviseur, réservé une heure par semaine à cette activité lecture, m’inquiétant néanmoins au départ de la diminution des heures effectives en classe. Quatre heures de cours en groupe classe au lieu de cinq n’allaient-elles pas entraver l’acquisition des savoirs généraux ? Après réflexion, il m’a semblé qu’il serait bénéfique pour les élèves de travailler individuellement avec le professeur sur leurs réelles difficultés, au moment où celles-ci interviendraient, et ce pendant une heure. De plus, il m’est apparu que ce système leur permettrait d’être plus à l’aise lors de l’acquisition des connaissances transmises en groupe-classe. Enfin, l’acquisition de certaines notions d’écriture (l’élaboration d’un résumé par exemple) ou de certaines stratégies de lecture complexes, m’ont semblé plus accessibles pour les élèves au cours d’un travail individuel échelonné selon les rythmes de chacun et orienté selon leurs besoins. Réserver une heure entière à la lecture devenait aussi pour moi le moyen de montrer à mes élèves qu’ « on ne lit pas lorsqu’on a le temps (c’est à dire jamais) mais qu’on peut prendre le temps de lire ». En effet, la lecture n’était plus vu simplement comme une activité purement scolaire, réservée à l’école et inexistante ensuite, elle devenait une activité à laquelle on accordait de l’importance et du temps, une activité prise au sérieux qui pouvait à loisir être perpétuée de manière autonome chez eux. En effet, les élèves avaient le choix d’emprunter ou non leur livre afin de continuer seul la lecture à la maison, d’emprunter le tome II du livre lu, ou même un livre du même auteur. Ainsi, l’incitation à la lecture pouvait avoir des résultats positifs sur certains, et plusieurs élèves, au fur et à mesure de l’avancement du projet, se sont inscrits à la bibliothèque du collège pour y emprunter des livres de leur choix. Cette heure réservée au projet s’est donc déroulée le lundi de 16h à 17h au CDI et à la bibliothèque, lieux du livre par excellence, et en accord avec les documentalistes qui participèrent au projet au même titre que le professeur, ceci dans le but de favoriser l’accompagnement de chacun. Le suivi de vingt cinq élèves lisant chacun un livre de leur choix demeurait quasi impossible avec un seul référent, c’est donc avec l’aide des documentalistes que s’est organisé le projet. Désormais, nous étions trois pour suivre et encourager les élèves. Nous avons donc décidé de les diviser en deux groupes : un groupe composé de neuf élèves en grande difficulté s’installa dans la bibliothèque avec le professeur de français et un des deux documentalistes qui allait selon les besoins dans une salle ou l’autre. Les autres élèves, à savoir, cinq très bons lecteurs, et onze lecteurs moyens s’installèrent au CDI où ils furent accompagnés d’une documentaliste. La sélection des livres se fit d’une part en accord avec le professeur de français de Lorient, mais aussi en tenant compte des listes proposées par les instructions officielles et enfin, en suivant les conseils des documentalistes. En effet, nous avons décidé de proposer aux élèves des livres de littérature de jeunesse pour la proximité des personnages et des thèmes qu’elle offre aux élèves de cet âge. C. Poslaniec2 souligne d’ailleurs, au cours d’un colloque, que la littérature de jeunesse est si vaste et si variée qu’on peut facilement postuler que n’importe quel enfant aura l’occasion de faire la rencontre avec le livre qui lui donnera la motivation nécessaire pour surmonter ses difficultés en lecture. Parce que les enfants, comme les adultes, cherchent des réponses à leur questions, aiment s’émouvoir, ou rire, ou avoir peur « pour de rire », ou se glisser dans la peau d’un héros, ou vivre par procuration les aventures d’un personnage. Or tout ceci est possible avec les livres qui s’adressent spécifiquement aux jeunes. » C’est donc la liste conseillée par les programmes et intitulée « romans et récits centrés sur la vie affective » qui a été retenue. Les histoires merveilleuses, mythes et contes étant généralement lus à l’école primaire, en classe de sixième et plus faciles d’accès, nous avons voulu permettre aux élèves de s’intéresser à d’autres types de lecture, à d’autres histoires mettant en scène des préadolescents et évoquant des thèmes et des problèmes proches d’eux. La liste, pour des soucis matériels ou des problèmes de non réédition, a été modifiée par l’ajout de cinq livres conseillés par les documentalistes. La sélection des livres s’est donc faite dans un premier temps en tenant compte des sujets traités. La plupart d’entre eux offraient alors un mélange riche de plusieurs thèmes : l’amitié indéfectible, le premier amour, les situations conflictuelles avec les membres d’une famille, ou d’une belle-mère nouvellement arrivée, la relation à l’animal de compagnie, tout ceci en offrant de multiples aventures mêlant le suspense et l’humour, dans un vocabulaire alternant la simplicité, le parlé « jeune » et la langue soutenue. C’est le cas par exemple de L’ami, Mon grand-père et moi, Toufdepoil, Pistolet souvenir… D’autres s’attachaient plus à des thèmes liés à l’histoire : la montée du nazisme mettant en péril le jeune héros de La Chanson de Hannah, le problème de l’immigration et la difficulté de s’adapter à une nouvelle culture comme dans Le Voyage de Mémé. Les problèmes de malaise, de mal-être étaient aussi évoqués dans ces ouvrages, c’est le cas, par exemple, de Rude journée pour Sara qui narre l’histoire d’une jeune fille n’ayant pas confiance en elle. Enfin les problèmes sociaux comme celui de la pauvreté dans Les Enfants Tillerman ou Le voleur d’écriture, tout comme les appréhensions liées à la vie : la mort d’un proche et ses conséquences ( le mal-être ou la dérive sociale par exemple) décrites dans Le voleur d’écriture ou dans Ma grand-mère et moi tenaient une place importante dans ces livres offrant ainsi des problématiques propres à toucher les élèves et à engendrer une discussion riche entre le liseur et le professeur. Les livres ont donc été choisis selon les sujets traités, les types de personnages et de conflits présentés et qui nous semblaient être le mieux à même de toucher les élèves, de les stimuler et de les aider. Dans cet objectif, il convient de noter que quelques livres consacrés aux élèves en grande difficulté avaient pour héros des animaux, comme Les souris de Sansonnet, facilitant ainsi la lecture. 2 C. POSLANIEC, Littérature et jeunesse. Actes du colloque des 23, 24 et 25 mars 2003, INRP 23, Paris, 1993. Notre choix s’est aussi porté sur la qualité de l’écriture. En effet, un livre dit « facile » ne devait pas se contenter de proposer un langage-enfant, mais un langage recherché, propre à enrichir le vocabulaire des élèves et à améliorer leur expression. De plus, l’usage de l’humour, du sens figuré et de l’implicite devaient être présents selon des degrés de difficulté variables pour éviter l’ennui d’une part, enrichir la connaissance de l’écriture d’autre part et accéder en lecture à un sens de plus en plus complet de l’œuvre. La présence de ces procédés d’écriture permettait ainsi de découvrir avec les élèves des stratégies de lecture et d’expression ayant des conséquences favorables indubitables sur leur travail personnel et leur capacité à comprendre les textes. Cette sélection a ensuite été triée selon les livres faciles et ceux plus difficiles afin d’éviter qu’un élève en difficulté ne soit découragé par un livre trop difficile pour lui mais aussi afin de permettre aux bons lecteurs d’enrichir leurs compétences dans le domaine. Le premier livre est riche de conséquences car nous savons que c’est autour de lui que se rassemble ou non l’élève. Le problème du niveau de lecture a donc été considérablement pris en compte. Le projet ne commençant qu’après les vacances de la Toussaint, m’a permis d’avoir le temps et le recul nécessaires à la prise de conscience des niveaux de lecture de chacun, même si je ne me suis pas attribuée le rôle de constituer arbitrairement les groupes. En effet, une fois cette sélection de livres faite, j’ai expliqué plus précisément le projet aux élèves et nous avons essayé d’établir des règles ensemble favorisant le calme et le respect de l’autre pour une meilleure lecture de tous. Ainsi, nous avons décidé qu’il fallait conserver le livre choisi (sauf grande exception), qu’il fallait lire silencieusement, qu’il était interdit de se lever ou de se promener sauf pour demander des renseignements aux documentalistes et au professeur, ou pour rechercher une information dans un document. Enfin, les élèves devaient être capables de choisir un livre en adéquation avec leur niveau de lecture. Nous avons donc discuté au préalable de la formation des deux groupes de lecture afin de ne pas créer de gêne envers les élèves plus en difficulté, puis nous avons essayé de réfléchir aux moyens qui nous permettaient de prendre conscience de notre niveau de lecture. Pour ce faire, les élèves ont donc suggéré de s’attacher à la fréquence de leurs lectures, à leur type de lecture mais aussi à leurs sentiments à l’égard de cette activité. Suite à cette mise au point, chacun eut la responsabilité de choisir son livre en prenant en compte de manière autonome ses propres difficultés. Cette discussion nous a permis dès lors de lancer le projet ensemble, c’est à dire en alliant la réflexion de groupe à la réflexion individuelle, et de présenter d’emblée l’activité comme le moyen de servir simultanément la sphère du privé et celle du collectif. De plus, cette mise en place fédérative eut pour fonction de responsabiliser les élèves, de leur faire prendre conscience qu’ils seraient les véritables acteurs de ce projet et qu’ils agiraient d’une part pour eux mais aussi pour leurs correspondants. Enfin, cette première mise en place à permis de rappeler que la relation entre le professeur et les élèves était fondée sur la discussion, l’expression de soi, le respect et la tolérance, qu’elle était avant tout un échange de savoirs et d’impressions personnelles. Ceci rappelé, les élèves furent plongés dans un climat plus serein. Mais une autre question se posa à moi : Comment évaluer le travail de mes élèves au cours de cette activité ? En effet, comment évaluer par une note une expression de soi destinée « en cadeau » à un tiers ? Comment cultiver de plus le plaisir de lire chez des élèves en difficulté qui seront contrariés par une mauvaise note ? Comment leur transmettre cet amour de la lecture et l’enrichissement personnel qu’elle permet en inscrivant cette activité dans un consensus de notes ? Comment enfin les inciter à lire pour eux ? En revanche, dans une autre optique, comment évaluer leur travail et vérifier la compréhension des textes lus, nécessaires à la remédiation ? Ce sont ces questions qui m’ont amenée à réfléchir au problème de l’évaluation afin d’y trouver une solution fiable et en accord avec les objectifs de ce projet. c. Le problème de l’évaluation Avant toute chose, il convient de rappeler ce que disent les instructions officielles de l’évaluation3. Ainsi, celles-ci en rappellent dans un premier temps l’intérêt et les objectifs principaux. L’évaluation a donc un double objectif : faire connaître à chacun ses acquis et ses manques, et permettre à l’enseignant de préparer des séquences qui tiennent compte des compétences effectives des élèves afin de remédier progressivement au cours de l’année à leurs difficultés. Bien qu’étant le moyen pour le professeur et les élèves de voir si les connaissances transmises sont bien intégrées, l’évaluation est aussi pour eux une incitation à bien faire et, dans le cadre d’une lecture, une incitation à lire. En effet, j’ai remarqué que tous mes élèves accordaient une place très, et même trop importante à la note. Le plaisir de réfléchir, d’écrire ou de lire passaient après le résultat obtenu, et ils ne me semblaient vouloir travailler sérieusement que dans l’objectif d’une évaluation. Or, ce n’est pas ce que je voulais transmettre à mes élèves. Sans atténuer l’importance de la note mais en expliquant sa signification et son intérêt, il m’est apparu nécessaire aussi de leur rappeler l’importance des annotations leur permettant d’améliorer réellement leurs compétences, avant que chacun ne se jette dans la copie de son résultat sur le carnet de liaison. Ainsi, la véritable utilité de la notation était expliquée. Mais le simple discours ne suffit pas et je me suis demandée si ce projet ne pouvait pas être le moyen pour moi de leur faire comprendre l’intérêt des annotations, de leur faire expérimenter cela concrètement par un travail de réécriture et d’amélioration en les obligeant à tenir compte de ces commentaires, mais aussi de développer leur motivation sans ce poids ou ce chantage à la note. Ces objectifs m’ont amenée à réfléchir à une stimulation autre, source d’un plaisir de lire, d’écrire ou de se cultiver « gratuit » et non eut égard au professeur et à son évaluation notée. Ceci a donc engendré mon refus d’utiliser la note pour évaluer le travail fait au cours de ce projet. En effet, il m’a semblé que noter leurs productions comme une activité réalisée en classe, les compter dans la moyenne et ainsi les destiner uniquement au professeur, alors que le projet se situait en parallèle, dans le cadre d’un échange et d’une communication avec des correspondants, n’en respectaient pas alors les prérogatives. De plus, la question de la notation me semblait assez éloignée de la notion de plaisir pour des élèves en difficultés. En effet, un bon élève ne peut être que conforté et rassuré à la réception d’une bonne note, or comment un élève en difficulté peut-il éprouver du plaisir à travailler si chacun de ses travaux est condamné et diminué par une note négative, sachant qui plus est que la note constitue pour la plupart leur identité ? La nécessité d’évaluer les élèves étant indubitable, je me suis demandée si ce projet ne pouvait pas amener un autre type de contrôle des acquis, sans entraver le processus d’évaluation indispensable à l’enseignement mais en l’enrichissant, en permettant aussi aux élèves de se juger autrement, par rapport à d’autres critères (la participation au projet, la correspondance et l’intérêt d’autrui, le réussite à long terme) et surtout en les libérant tous de la sur-importance qu’ils vouent à la note. La stimulation devait naître en priorité de l’action en vue de l’échange, du partage et de l’expression de soi. Mais dans ce cas, comment m’assurer que l’œuvre ait été lue dans son intégralité et qu’elle ait été bien comprise ? Comment évaluer et ce, d’une manière efficace pour chacun le travail effectué ? Il fallait trouver d’autres alternatives pour contrôler sans noter. 3 Accompagnement aux programmes officiels de 6ème, page 14. J’étais alors à la recherche d’un système me permettant d’évaluer la lecture de manière individuelle et ce de diverses manières. Je me suis donc dit qu’il serait peut être profitable de contrôler et de travailler la lecture par l’intermédiaire d’exercices oraux et écrits, améliorant dans le même temps l’expression des élèves. Plusieurs possibilités se présentèrent à moi : la rédaction d’une fiche de lecture, la création d’une première et d’une quatrième de couverture, l’élaboration qu’un questionnaire destiné aux correspondants, la création d’une bande dessinée ou d’un roman photos sur le livre lu, l’organisation de discussions entre les élèves de la classe à la manière de débats littéraires… Je pouvais ainsi évaluer sans entrave le travail de mes élèves et leur compréhension en lecture et ce de différentes manières afin d’attiser leur curiosité, d’améliorer leurs compétences dans divers domaines, sans leur attribuer de notes et, qui plus est, en leur faisant travailler l’oral et l’écrit. J’ai donc décidé de procéder de cette manière et le projet commença véritablement. 2. Lire pour soi : déroulement du projet a. L’élève, le livre et son univers Le premier jour effectif du projet arriva. Les élèves furent alors conviés tous les lundi après midi au CDI. En effet, il me semblait qu’ils devaient pour cette activité entrer dans l’univers du livre par excellence, symbolisant la lecture et étant de ce fait, plus propice à cette activité. Le CDI et la bibliothèque offrant quantité d’œuvres, expositions diverses, affiches colorées représentant des livres ou des paysages, constituaient une première invitation au voyage, et me semblaient être l’endroit proposant les meilleures conditions de travail puisqu’il réunit les critères les plus fiables des contextes psychologiques et physiques. Les élèves, entourés de livres, s’habitueraient à cet outil de travail, abandonneraient leurs a priori (de nombreux élèves se sont d’ailleurs inscrits à la bibliothèque du collège de manière autonome après quelques semaines de travail autour du livre), tout en ayant accès aux divers textes et œuvres documentaires (dictionnaires, encyclopédies, salle multimédia…) mis à disposition. De plus, accueillis par trois adultes dans un univers chaleureux, il me semblait que cette heure hebdomadaire au CDI ne pouvait que favoriser l’apprentissage de la lecture personnelle comme plaisir et rassurer en même temps les élèves en rupture avec celle-ci. Enfin, il convient de noter que le collège Clos de Pouilly possède aussi une bibliothèque. L’utilisation, pour ce projet, du CDI associée à celle de la bibliothèque offrait une grandeur d’espace favorisant l’intimité et la relation personnelle de l’élève à son livre. En effet, ces lieux offrent une disposition opposée à celle de la classe. Des tables rondes, des tables basses, des petits fauteuils ou des petits bancs sont disposés ça et là dans un espace aéré et confiné tout à la fois. Familiariser l’élève avec l’univers livresque, la bibliothèque ou le classement des œuvres de fiction et documentaires au CDI, (enjeu qui a d’ailleurs été complété par une séquence sur les textes documentaires réalisés dans ces mêmes lieux ), l’utilisation des divers supports proposés pour des recherches multiples leur permettaient aussi de venir dans cet endroit garant de culture et de savoirs indépendamment des heures de cours, pour poursuivre leur lecture ou pour y chercher différentes informations qu’elles concernent le domaine du français ou tout autres domaines exploités à l’école. La première entrée au CDI étant faite, les élèves se trouvèrent face à deux tables sur lesquelles étaient disposés vingt-cinq livres, triés en deux groupes : les livres assez abordables pour des non lecteurs et les livres plus difficiles. Suite à la discussion les incitant à prendre conscience sans dramatiser de leur réel niveau de lecture, chaque élève fut amené à regarder, toucher, lire la première et la quatrième de couverture, explorer les illustrations, bref manipuler l’objet livre en faisant intervenir des connaissances acquises en classe concernant le paratexte ou l’étude de l’image, afin de formuler d’emblée des hypothèses de lecture et de faire son choix. Ce premier contact avec le livre s’est fait pour les élèves sans intervention des pairs, sauf en cas de doute ou de difficulté à choisir. Chaque liseur s’est de plus concentré autour des livres de son niveau sans nécessiter une discussion ou un refus de la part du professeur. Enfin, ce qui est très surprenant est le fait que les élèves aient pris des livres dont les thèmes leur ressemblaient fortement. Ainsi, un élève de ma classe cultivant l’apparence et le comportement d’un petit « voyou de la cité » a posé son regard sur un livre racontant l’histoire d’un adolescent issu de l’immigration, vivant dans une cité et multipliant les mauvaises actions par mal-être après la mort de son père. Ce choix nous a permis a posteriori de discuter de ces fameux comportements et de créer une certaine complicité entre le professeur et l’élève concerné. Une autre élève effacée en classe, peu sûre d’elle quoique ayant des capacités certaines choisit un livre dont le personnage principal, une préadolescente, se caractérisait par le manque de confiance en elle, engendrant alors chez elle un pessimisme et des épreuves difficiles à surmonter. Cette lecture nous a alors permis de discuter de ces comportements mais surtout lui a permis « de se rendre compte qu’elle n’était pas toute seule à se trouver des défauts et que cela pouvait parfois paraître ridicule ou disproportionné ». Le choix des livres s’est donc fait pour les élèves d’une manière naturelle. Une fois le livre en main et les deux groupes constitués, chaque élève fut invité à se choisir une place pour commencer la lecture. Le groupe des bons et moyens lecteurs investirent le CDI et s’installèrent seuls ou avec des amis à une table. Cette libre disposition était néanmoins contrôlée par les pairs et susceptible d’être modifiée en cas de bavardage. Le groupe des élèves en rupture avec la lecture m’accompagnèrent à la bibliothèque où ils choisirent eux aussi leur place pour lire mais cette fois-ci sur des bancs ou des petits fauteuils et en solitaire. Certains d’entre eux cherchèrent à se retrouver afin de bavarder ou de rire, peut-être pour évacuer la gêne mais au fur et à mesure de l’avancement de leur lecture certains d’entre eux, les plus turbulents, s’isolèrent. Bien entendu, les places n’étaient pas fixes d’une semaine à l’autre et la disposition pouvaient changer à condition de respecter son appartenance à l’un des deux groupes et les règles établies au début. b. L’accompagnement des élèves en difficultés Les élèves commencèrent alors individuellement leur lecture, silencieusement ou à voix très basse pour ceux qui en éprouvaient le besoin. Les grands lecteurs lurent de manière autonome sans aucune difficulté, les moyens lecteurs firent de même en demandant parfois quelques informations concernant le vocabulaire ou des expressions pour eux inconnues, ce qui donna aux documentalistes ou à moi même l’occasion de leur inculquer une stratégie de lecture à savoir celle qui consiste à s’aider du contexte pour trouver le sens d’un mot. Cette intervention fut de plus complétée par une brève discussion sur ce qui venait d’être lu ou sur leurs premières réactions avant de les laisser poursuivre seuls leur activité. Certains élèves se sont néanmoins montrés très discrets et n’ont pas voulu ou n’ont pas osé demander l’aide des accompagnateurs. Après plusieurs rappels de manière collective de notre présence en cas de problème, nous avons préféré laisser les élèves libres de leur première lecture, sans trop chercher à les orienter dans tel ou tel sens, puisque ce travail serait de toutes façons réalisé après la lecture par le biais des travaux d’écriture ou d’oral réalisés autour du livre. Trois élèves, « moyen lecteurs », après la lecture de leur roman furent amenés à le relire une deuxième fois en faisant attention à certains indices et en consultant plus régulièrement les pairs afin de s’assurer de leur bonne compréhension et de discuter de leurs progrès. L’activité lecture dans le groupe d’élèves en situation de conflit avec le livre s’est déroulée de la même manière au niveau de l’autonomie laissée aux élèves mais ceux-ci furent plus encouragés à venir vers le professeur afin de parler de leur livre. Enfin, à vrai dire, au début de l’activité ce n’est pas les élèves qui venaient vers le professeur mais ce dernier qui se déplaçait vers eux pour s’assurer d’une part que l’histoire leur plaisait mais aussi que celle-ci était globalement comprise. Après trois heures de lecture, le rapport s’est inversé, je restais assise à une table avec deux élèves en grande difficulté auxquels je lisais des passages à haute voix, tandis que les autres se déplaçaient vers moi pour recueillir une information. L’autonomie s’est donc acquise au fur et à mesure et les élèves finirent par lire leur livre seul en adaptant certaines stratégies de lecture acquises jusque là. Une discussion se créait néanmoins entre le professeur et l’élève, mais celle-ci progressivement s’orienta plus sur leurs réactions et leurs émotions. Moi même dans ces moments, je donnais mon avis afin de les stimuler ou de les encourager à s’exprimer eux mêmes. Cette stratégie d’autonomie s’est révélée très efficace pour les très bons lecteurs et les lecteurs en rupture avec cette activité. En revanche, il convient de noter que trois « moyen lecteurs » se sont totalement mépris sur le sens du texte lors de leur première lecture. Sans que cette mauvaise compréhension n’entrave leur plaisir de lire ou soit la cause d’une mauvaise note, il me paraît néanmoins que trop d’autonomie leur ait fait perdre un peu de temps puisqu’ils ont été obligés de reprendre leur lecture. Mais, a contrario, cette deuxième lecture, plus orientée leur a aussi montré et appris à repérer les indices et à s’attacher plus sérieusement aux mots, et non pas aux images qui pouvaient ne pas traduire de manière complète une idée transmise par le langage. Cette leçon fut découverte par eux mêmes, suite à leurs erreurs, bénéfique me semble-t-il pour leurs futures lectures. Quoiqu’il en soit, tous ont éprouvé du plaisir à lire et se sont plaints du manque de temps lorsque la sonnerie retentissait. Ces jeunes lecteurs ont été de plus incités à lire pour eux mêmes, à analyser ce que pouvait être la lecture pour eux et à quoi elle pouvait leur servir. Leurs considérations sur l’activité lecture se sont alors modifiées et enrichies. Après leurs premiers avis sur la lecture allant du simple « j’aime pas lire » ou « je lis des magazines de foot », certains élèves ont commencé à parler du plaisir lié au divertissement, à l’enrichissement de leur vocabulaire permis pas la lecture , mais aussi des rapports et des liens qu’ils pouvaient établir entre les personnages et eux et de ce fait des leçons qu’ils pouvaient en tirer. Mais outre ce rapport étroit établi entre la lecture et leur propre personne, à savoir leur univers privé et intime, les élèves ont été aussi amenés à lire pour les autres. 3. Lire pour autrui a. Echanger ses expériences de lecteur En effet, une des pierres fondatrices de ce projet a été de le construire autour d’un système d’échange avec des correspondants éloignés géographiquement du même âge et du même niveau. Les élèves d’une classe de sixième d’un collège de Lorient constituèrent alors des binômes avec mes élèves. En effet, nous décidâmes avec le professeur concerné de proposer à nos élèves une liste commune d’œuvres à lire, ainsi, chaque élève de Dijon lisait le même livre qu’un élève de Bretagne, c’est de cette façon que se constituèrent les binômes. Le fait de lire le même livre qu’une autre personne avec laquelle les élèves pouvaient communiquer et avec laquelle ils allaient échanger leurs expériences de lecteur fut une source certaine de motivation. En effet, premièrement, l’élève n’était plus obligé de lire pour le professeur un livre, qui plus est imposé d’avance, mais il avait la possibilité de lire un livre qu’il avait lui même choisi, système l’incitant dans un premier temps à lire pour lui, et à responsabiliser dans un deuxième temps son acte de lecture puisqu’il lisait pour autrui. Deuxièmement, cette lecture n’était plus réservée au professeur et appréhendée comme un exercice nécessaire à l’évaluation et à l’établissement des moyennes, mais, au contraire, l’élève la destinait avant tout à son propre correspondant, avec lequel il partageait indubitablement des attentes, des réflexions et des intérêts communs. Il convient alors de faire une brève parenthèse pour noter que les élèves de Dijon ont été les premiers à choisir leur livre. Ils envoyèrent ainsi une lettre aux bretons sans connaître au préalable l’identité de leur propre correspondant puisque le binôme ne se créait qu’à partir des choix communs de livres. Cette première lettre leur permit alors de se présenter et surtout de transmettre le titre du livre qu’ils avaient choisi. A la lecture des réponses des correspondants, nous avons été stupéfaits des similitudes concernant la musique écoutée, les loisirs, la situation familiale des élèves qui, sans le savoir, choisirent le même livre. Ceci fut alors une deuxième source de motivation, paramètre que je n’avais moi même pas imaginé. En effet, mes élèves, outre le fait d’avoir, suite à cet échange épistolaire une image plus précise de leur correspondant, se sentirent immédiatement plus proches de lui, ce qui accentua inévitablement leur plaisir d’écrire et ainsi de lire dans la mesure où la lecture était le premier moteur de l’échange. Les élèves ont donc été incités à lire pour eux mêmes mais aussi pour autrui, c’est à dire à dépasser le rapport intime que la lecture propose de prime abord pour s’attacher dans un deuxième temps à une lecture plus collective, pratiquée aussi en vue d’une communication avec l’autre. Ce processus d’échange les a de plus incités à lire sérieusement, d’une part par fierté, les correspondants réalisant les mêmes activités qu’eux, mais aussi par souci de bien faire pour l’autre. Ce fut alors, me semble-t-il, un des moteurs à la lecture mais aussi une des sources de leur plaisir. Parallèlement à cet exercice organisé avec des correspondants, les élèves ont dû aussi lire pour leurs camardes de classe et devenir ainsi des médiateurs culturels. b. Devenir un médiateur culturel En effet, une fois la lecture terminée et le premier exercice d’écriture destiné aux correspondants fini, les élèves ont été invités à divulguer certaines informations concernant leur livre au groupe classe. En effet, je ne voulais pas que ce projet privilégie uniquement l’individualité ou le rapport étroit entre soi et son correspondant ; en effet, je souhaitais qu’il préserve aussi le groupe classe et cultive les échanges directs entre camarades. Ceci, premièrement, dans le but de valoriser chacun au sein du groupe. En effet, chaque élève ayant lu un livre particulier avait donc un message unique à transmettre. Chaque intervention prenait alors de l’importance aux regards de tous, et surtout, chacun devait écouter et s’enrichir des expériences de l’autre mais aussi s’exprimer. Ainsi tous avaient un rôle à jouer au sein de la classe pour faire perdurer le projet. En effet, afin de continuer dans de bonnes conditions, les élèves de ma classe devaient procéder à un échange de livres. Pour ce faire, chacun, autour d’une table ronde à la manière d’une émission littéraire, devait présenter son roman, en résumer brièvement le canevas, sans bien entendu en divulguer la fin, et lire oralement un passage sélectionné, tout cela dans le but d’inciter et de donner envie aux autres d’entreprendre à leur tour la lecture de cet ouvrage. Qui plus est, les élèves pouvaient, de manière autonome, créer une affiche de « publicité » ou amener un objet révélateur afin de soutenir leur intervention. Cette intervention en public leur faisait de plus travailler l’oral. Il convient de rappeler brièvement que les programmes officiels encouragent les professeurs à travailler sérieusement ce domaine avec les élèves. En effet, les instructions précisent d’une part que « l’oral est essentiel pour la maîtrise pratique des discours » et rappellent d’autre part que l’oral vise non seulement l’écoute, mais aussi la communication dans le cadre d’un échange, ainsi que l’expression de manière ordonnée et la restitution d’une expérience. Faire parler chacun de mes élèves du livre qu’il avait lu dans le cadre d’un échange me permettait d’une part de forcer l’écoute et la prise en compte de cette parole de la part des autres élèves, et d’autre part, de travailler l’expression claire et ordonnée, l’élocution, la tenue. Cette intervention ne fut pas évaluée par une note, mais par l’intermédiaire d’une discussion, d’un retour sur la prestation de l’élève, d’une analyse de son intervention et cela fut réalisé par les élèves eux mêmes en lien avec le professeur. Les qualités de la prestation orale furent par conséquent co-évaluées avec les élèves. Ainsi, il n’y avait plus de « sanction » individuelle mais une discussion permettant à l’élève concerné mais aussi aux écoutants ensuite évalués de prendre en compte les différents conseils, de noter les points positifs à conserver et les points négatifs à améliorer. Chacun étant concerné par le travail de l’autre, l’activité lecture s’est révélée aux yeux des élèves comme une activité propre à engendrer la communication. De plus, l’élève ayant une importante responsabilité au regard de ses camarades, à savoir celle d’un médiateur culturel, le forçait à prendre très au sérieux cette intervention orale. Ainsi, ces séances de lecture ne devinrent plus uniquement le lieu où on lit et ou l’on expose mais celui où l’on échange ses expériences de lecteur parce que l’on est capable de lire. L’intérêt de la lecture mais aussi d’une intervention orale et d’une écoute soignées leur était alors concrètement démontré. Qui plus est, le fait d’offrir sa lecture induisait cette notion de partage permise par cette activité, paramètre souvent loin des élèves, surtout pour ceux dont l’entourage n’accorde pas d’importance particulière à ce genre d’activité. La lecture n’était désormais plus source d’isolement mais inscription réelle dans le monde puisqu’elle permettait la communication. Dans une autre dimension, parler et partager le plaisir que l’on a eu à lire un livre inscrivait plus fortement dans les consciences l’objectif principal de ce projet fondé alors sur cette notion. Il convient néanmoins de noter qu’un élève n’ayant pas apprécié particulièrement un roman pouvait aussi l’exprimer mais ce de façon argumentée. Ce paramètre était important à mes yeux dans la mesure où l’élève était dans ce cas pris en compte en tant que tel et de manière individuelle au sein du groupe. De plus, un possible désaveu expliqué pour un livre permettait a posteriori une discussion approfondie quant aux attentes de cet élève vis à vis de la lecture, et de manière plus générale quant à celles de tous les élèves permettant ainsi une réflexion plus large sur le rôle de la lecture. Ce rôle de médiateur culturel a donc permis aux élèves de travailler l’oral et l’écoute dans une situation de communication concrète et leur a permis d’appréhender une fois de plus la nécessité de s’exprimer clairement face aux autres afin de bien leur faire comprendre une idée ou un point de vue. De plus, il nous a permis de travailler la lecture expressive, de réinvestir des connaissances acquises en classe et de comprendre concrètement l’intérêt de lire correctement à voix haute, tout en démontrant aux écoutants le plaisir ressenti à la lecture agréable d’un texte, nous préparant de la sorte à une séquence future sur la poésie. Enfin, nous pouvons noter que le bulletin officiel de français langue étrangère précise que « lire à voix haute est un acte de communication qui permet de transmettre, à ceux qui n’en disposent pas, le texte d’un écrit » et que, « à la fin de la scolarité du collège, l’élève doit savoir […] rendre compte oralement de la lecture d’un livre, formuler, justifier une appréciation, choisir quelques courts extraits, les lire à voix haute ». Ce projet permettait alors de suivre les conseils préconisés par les instructions officielles. En dernier lieu, cet exercice a permis aux élèves la découverte des mécanismes de l’argumentation. En effet, créer une affiche de publicité ou parler de son livre à un auditoire pour l’amener à en entreprendre la lecture incitaient l’élève à se servir de différents moyens pour influencer et séduire son public. Le projet permettait donc une fois de plus de travailler simultanément le programme et de soutenir les compétences à acquérir au cours de l’année. Ce projet orienté autour de la lecture est donc né du désir de faire lire de manière plus régulière mes élèves, d’augmenter leur culture livresque et le nombre de livres lus au cours de leur passage en sixième, en comptabilisant ceux étudiés en classe mais aussi ceux lus de manière plus autonome au cours de cette activité. En effet, le projet n’avait pas pour but d’organiser une activité littéraire en marge des apprentissages réalisés en classe mais de soutenir le travail fait en groupe par une prise en compte des besoins et des attentes de chacun. Travailler ainsi de manière individuelle permettait d’apporter à chacun, et ce dans une situation concrète d’apprentissage, une solution à leurs propres difficultés. Tout en soutenant alors les élèves en rupture avec la lecture, ce projet m’a aussi permis d’encourager les bons lecteurs à poursuivre leur apprentissage et à diversifier leurs domaines de lecture. L’hétérogénéité des niveaux, difficile alors à solutionner au sein d’un groupe de vingt cinq élèves, ne fut plus une source de conflit, mais le moteur de ce projet qui évitait l’ennui des uns et leur permettait d’avancer, tout en déculpabilisant les autres de leurs éventuels retards, en les aidant à régler leurs problèmes afin de les rendre en définitive plus autonome et moins perdus au cours des connaissances transmises en classe. Le fait, de plus, de les encourager à devenir des médiateurs culturels pour leurs camarades a permis à chacun de tenir une place indispensable au sein du groupe. Dans cette perspective, ainsi que dans le fait d’échanger son travail avec des correspondants éloignés géographiquement, les élèves ont pu appréhender concrètement, c’est à dire en agissant, les divers intérêts de la lecture, et vivre le plaisir que pouvait apporter cette activité dans le don et le partage qu’elle pouvait permettre. Prendre ainsi conscience de sa place nécessaire pour les autres au sein d’un groupe et de la place nécessaire de l’autre en tant que tel, était pour moi le moyen de les doter de plus de tolérance et de respect envers eux mêmes et envers autrui. C’est ainsi que j’ai cultivé dans ce projet un objectif citoyen. La lecture, expression de l’être humain par excellence en constituait alors un des moyens les plus fiables. Ayant dans ma classe de nombreux élèves timides, ces divers travaux et discussions m’ont permis de ce fait de leur donner un peu plus confiance en eux et de les faire exister à part entière au sein du groupe. Mais outre le travail de lecture demandé aux élèves au cours de ce projet, chacun fut invité aussi à exprimer son point de vue, à créer personnellement divers écrits, en vue de l’échange lecture avec les correspondants mais aussi en vue de la remédiation concernant la compréhension en lecture. Ainsi, ce projet, organisé en premier lieu pour un meilleur apprentissage de la lecture et surtout en vue de la découverte du plaisir que celle-ci pouvait procurer, s’est au final enrichi et a donné lieu à un apprentissage de l’écrit, à une amélioration de l’expression mais aussi à la découverte du plaisir que l’écriture pouvait aussi engendrer. III. LE PLAISIR DE LIRE, LE PLAISIR D’ECRIRE : ANALYSE ET BILAN Travailler la lecture et évaluer sans l’intermédiaire de la notation ont engendré naturellement un travail au niveau de l’écriture. En effet, plusieurs exercices écrits ont été proposés aux élèves afin de vérifier leur compréhension des livres lus et ont permis dans ce sens de travailler l’expression écrite, compétence d’ailleurs liée à la lecture dans l’enseignement du français. 1. La lecture et l’écriture : deux compétences liées dans les programmes a. Un lien étroit entre les deux disciplines Au regard des instructions officielles concernant le collège, nous pouvons noter l’existence d’un lien étroit entre ces deux compétences que sont la lecture et l’écriture. En effet, lire permet de mieux écrire et écrire permet de mieux lire. De nombreuses études ont montré que ces deux domaines fondamentaux dans l’enseignement du français étaient indissociables et qu’ils se servaient mutuellement. Les programmes officiels confirment eux aussi ce constat. En effet, nous pouvons noter les formulations suivantes : « Savoir lire et savoir écrire sont complémentaires » ou encore « il convient d’associer aux activités de lecture des activités d’expression écrite », enfin, « il est normal qu’un bon entraînement à la lecture conduise à l’écriture : seule la création personnelle permet de s’approprier durablement ce que la lecture a glané plus ou moins fortuitement ». Ce projet d’échange orienté tout d’abord vers la lecture m’a donc permis dans un deuxième temps de travailler dans le sens de ces instructions. En effet, le fait d’avoir voulu évaluer d’une autre manière que par le biais des notes m’a conduit à favoriser le travail de l’écrit puisque les élèves devaient me faire un compte rendu de leurs lectures. De plus, vouloir conduire les élèves au plaisir de lire m’obligeait aussi à leur montrer tout ce que la lecture pouvait permettre au niveau de l’écrit et de la création. Enfin, travailler au sein d’un échange avec des élèves éloignés géographiquement obligeait à favoriser l’écriture. En effet, comment communiquer à distance, dans un cadre scolaire, sans l’utilisation de l’écriture ? Des travaux d’écriture se sont donc progressivement agencés autour de l’activité lecture et ont permis aux élèves de réutiliser concrètement, dans un contexte écrit, le vocabulaire acquis au cours de leurs lectures et des discussions avec le professeur ou les documentalistes. Mais quelles activités d’écriture nous encourage-t-on à organiser dans les programmes de sixième ? b. Quels écrits privilégier au sein des programmes ? Nous pouvons noter que les instructions officielles nous invitent à développer avant tout le plaisir d’écrire, la capacité de s’exprimer et de communiquer par écrit et l’aptitude à produire un texte cohérent. Les élèves de sixième doivent ainsi maîtriser la production de phrases, l’articulation des idées, l’organisation des paragraphes, la chronologie, les outils de la langue... Pour ce faire, les programmes préconisent des travaux d’écriture réguliers et fréquents. Ainsi, parallèlement aux travaux d’écriture réalisés en classe, tels les rédactions de fin de séquence ou les bilans intermédiaires, ce projet m’a permis de réaliser trois types de travaux en lien avec le travail réalisé en classe : des travaux premièrement, qui se déroulaient en même temps qu’une séquence et soutenaient alors les acquis qui y étaient transmis ( l’écriture d’un conte par exemple, envoyé aux correspondants et réalisé en simultanée avec la séquence « il était une fois…le conte » ) ; deuxièmement, des travaux qui me permettaient de revoir certaines notions enseignées en classe ou de les approfondir en petit groupe et ce de manière contextualisée ont été organisés ( ce fut le cas pour l’écriture de lettres narratives, la création d’une quatrième de couverture et d’une séquence de bande dessinée) ; troisièmement, des exercices d’écriture plus indépendants des connaissances acquises en classe ont été proposés aux élèves, comme le résumé d’une œuvre intégrale. Ces multiples activités, liées à celle réalisées en classe, me permettaient donc d’offrir à mes élèves de quoi travailler l’écriture de manière fréquente, régulière et diversifiée, évitant ainsi l’ennui et attisant à chaque fois l’intérêt et la curiosité. Les programmes de sixième précisent aussi que tout travail d’écriture doit être destiné « à soi » et « à autrui ». L’écriture pour soi relève ainsi de la rédaction de ce que l’on retient d’un texte ou d’un document, de l’écriture et de la réécriture du brouillon ou de la reformulation des idées. L’écriture pour autrui, elle, se concentre autour de la création de lettres narratives ou de récits (conte, mythe, imitation…). La multiplicité des activités que me permettait ce projet, m’amenait ainsi à travailler successivement avec les élèves ces deux grands types d’exercices écrits et cela dans le respect des instructions officielles. En effet, les élèves ont été amenés à « écrire pour autrui» des textes divers : contes, résumés, lettres, bandes dessinées destinés à l’envoi aux correspondants, tout en écrivant « pour soi » par le travail quotidien du brouillon et la constitution à la fin de l’année d’un livret personnel regroupant leurs multiples créations. Enfin, il convient de remarquer que les accompagnements aux programmes de sixième précisent qu’il faut développer le plaisir d’écrire. Ainsi, il est dit que le plaisir d’écrire tient au plaisir de s’exprimer et de communiquer. Un des buts de la classe de sixième est de cultiver ce plaisir et de faire comprendre à l’élève que son texte va avoir un effet sur le lecteur, le principal effet étant celui de lui faire plaisir, par conséquent, de calligraphier correctement, de s’exprimer clairement mais aussi d’inventer un récit agréable et intéressant. Donner à mes élèves la possibilité d’écrire à quelqu’un de leur âge, et donc proche d’eux, était pour moi le moyen de leur faire découvrir et de leur procurer plus facilement ce plaisir d’écrire à autrui. La lecture, au regard des instructions officielles est bien liée à l’écriture, ces deux compétences entretiennent des liens étroits, qui plus est, fondamentaux au bon apprentissage de chacune d’elles. Ce projet orienté en premier lieu vers la lecture m’a donc permis de travailler naturellement l’écriture et s’est vu enrichi par les multiples activités d’écriture qu’il suscitait. Lire de manière fréquente et régulière amenait à écrire de manière diversifiée et approfondie. 2. La mise en place de travaux d’écriture variés En effet, les élèves ont été amenés au cours de ce projet à travailler l’expression écrite par le biais d’exercices variés, d’une part de manière ludique par l’intermédiaire de travaux faisant intervenir l’imagination mais aussi d’autres compétences comme le dessin ; et d’autre part, de manière approfondie par de nombreux exercices de reformulation, de recherche sur le vocabulaire…, ceci réalisé avec les professeurs et selon les rythmes et les besoins de chacun. Le travail de l’écrit fut, tout comme celui de la lecture, accompagné afin de faire progresser les élèves plus aisément. Divers exercices d’expression écrite ont donc été successivement proposés aux élèves au cours de ce projet. a. Ecrire une lettre narrative Les programmes officiels précisent qu’il faut, dans le cadre du travail d’écriture, veiller à la diversité des formes, des supports et des situations d’écriture. Ainsi, le professeur doit être particulièrement attentif à la variété des destinataires. Les programmes prévoient aussi que l’écrit soit réalisé dans des situations correspondant à la réalité des pratiques sociales. Tel est le rôle en particulier d’une formation à l’écriture épistolaire, à savoir en sixième orientée sur la lettre narrative. Etablir un projet en choisissant pour les élèves des destinataires réels et non fictifs leur permettait d’utiliser dans le contexte réel de la société des connaissances acquises dans le contexte scolaire, favorisant ainsi leur encrage. Travailler sur un échange de lecture obligeait à utiliser l’objet lettre, ce fut donc le premier exercice d’écriture proposé aux élèves. Lorsque j’ai expliqué le projet à mes élèves et que je leur ai parlé des correspondants et de la Bretagne, conversation d’ailleurs complétée par les savoirs de chacun, les élèves ont pu commencer l’échange, parler de leurs expériences et se présenter à leurs correspondants par l’intermédiaire de l’écriture d’une carte. Certaines consignes devaient alors être respectées. En effet, les élèves devaient réinvestir des connaissances acquises au cours d’une séquence antérieure et pour ce faire présenter en premier lieu correctement leur lettre, en précisant la date, le lieu d’expédition et en insérant une formule initiale de politesse qu’ils pouvaient choisir dans une liste établie au préalable ensemble. Ceci nous a permis de refaire un point sur la manière d’interpeller quelqu’un que l’on ne connaît pas. En effet, nombreux sont ceux qui commencèrent par des formules du type « salut », trop familières pour un premier contact. La présentation s’est ensuite faite d’une manière assez libre avec pour seule consigne, outre le fait de s’exprimer correctement et d’être poli, de dresser un petit portrait du type « j’aime-je n’aime pas » et enfin de donner le titre et le nom de l’auteur de l’œuvre qu’ils avaient choisie. Certains élèves y ont ajouté quelques informations concernant leur famille, leurs frères et sœurs ou la ville de Dijon et sa région. L’écriture de cette lettre nous a permis dans un deuxième temps de retravailler le brouillon afin que les élèves puissent améliorer leur expression en évitant notamment les répétitions. Une fois ce travail achevé, je leur ai distribué des cartes unies de couleur bleue afin qu’ils puissent recopier au propre leur texte. Ce travail nous a alors donné l’occasion de faire un rappel concernant la graphie, en particulier celle des majuscules. Une fois les cartes écrites, les élèves ont été invités à faire une recherche iconographique afin d’illustrer leur courrier, ceci avec pour unique consigne de dessiner ou de coller des images de paysages, de Dijon ou de leur animal préféré. Cette mise en place concrète et vivante, où les élèves furent au cœur de l’action fut d’emblée une source de plaisir, mot d’ordre de ce projet fondé sur l’échange avec l’autre. En effet, tous ont été agréablement surpris du résultat et fiers des productions qu’ils avaient ainsi créées. De plus, ils appréhendèrent ainsi concrètement l’utilité des savoirs acquis en milieu scolaire et le fondement de ce projet lecture, à savoir, le fait qu’ils allaient lire pour eux mêmes mais aussi pour autrui. Ces cartes ont ensuite été envoyées aux correspondants qui purent à leur tour y répondre. L’échange épistolaire commença ainsi et se poursuivit de la même manière à chaque réception de missives. Les annexes offrent alors un panel de cet échange épistolaire. Concernant plus particulièrement le travail accompagné de l’écriture, cette première activité m’a permis de travailler avec certains la clarté de l’expression et de remédier ainsi progressivement à quelques difficultés de formulation mais aussi d’accords dans la phrase, de vocabulaire et d’orthographe. Travailler ainsi l’écrit, de manière individuelle m’amenait aussi à faire quelques rappels concernant les outils de la langue, remédiant ainsi individuellement aux difficultés de chacun. Ce premier travail d’écriture, réalisé au préalable sans le besoin de la lecture, fut suivi d’un second exercice ayant un rapport beaucoup plus étroit au livre puisqu’il s’agit de rédiger un résumé de l’œuvre intégrale choisie. b. Le travail du résumé Après la lecture de leur premier roman, la deuxième activité d’écriture proposée aux élèves fut donc celle de l’écriture d’un résumé de cette œuvre intégrale, technique consistant à synthétiser les idées en recherchant notamment un vocabulaire très expressif. De la sorte, chaque élève dut rédiger une fiche de lecture en faisant apparaître différentes catégories : une biographie de l’auteur, le résumé de l’œuvre, une description du personnage principal et, l’avis de l’élève concernant l’intérêt de l’histoire, ce qui lui a plu, ou déplu, son passage préféré et cela en justifiant son point de vue. Le travail sur la biographie de l’auteur a permis aux élèves de travailler d’emblée la technique du résumé puisque la restitution de la vie de l’écrivain ne devait pas excéder quelques lignes. Ainsi, certains élèves se plaisant par exemple, à noter les titres de tous les romans qui avaient reçu un prix, ont été invités à réduire, sans en entraver l’apport d’informations, cette catégorie par une phrase du type « Tous les romans de cet auteur furent récompensés par de nombreux prix littéraires ». De plus cette recherche sur l’auteur a obligé les élèves à s' instruire et à prendre contact avec les documentalistes pour rechercher des informations complémentaires dans d’autres romans, dans des articles de presse ou sur Internet, réinvestissant ainsi les connaissances acquises en tout début d’année sur le système de classement des œuvres au CDI et à la bibliothèque et les préparant qui plus est plus aisément à une séquence future orientée sur les textes documentaires au cours de laquelle les élèves allaient devoir travailler de manière plus autonome. Le travail du résumé de l’œuvre intégrale fut lui plus ardu. En effet, les élèves se trouvèrent généralement décontenancés par la longueur du texte, le flux des mots à condenser en quelques phrases. Malgré une organisation permettant aux élèves de réaliser progressivement leur résumé ( chaque élève devait, en effet, consacrer les cinq dernières minutes de la plage horaire pour, dans un souci pratique, noter les idées principales qui s’étaient révélées au cours de sa lecture afin d’en poursuivre plus aisément la continuation la fois suivante, mais aussi afin de distinguer au fur et à mesure ce qui était important de ce qui était plus secondaire, en vue de la restitution finale ), nombreux sont ceux qui éprouvèrent des difficultés face à cette technique, il faut le rappeler, difficile et nouvelle pour eux. En effet, les programmes officiels rappellent la nouveauté de cette compétence à l’entrée au collège et précisent que les élèves de sixième doivent s’entraîner et maîtriser cette technique à la fin de l’année. Bien que celle-ci ait déjà été vue en classe en début d’année, mais de manière simplifiée puisque chacun devait résumer en une ou deux lignes des passages narratifs très courts, résumer une œuvre dans son intégralité a été un apprentissage difficile pour les élèves qui éprouvèrent des difficulté à condenser leur lecture, à trier et à ne garder que les éléments importants. Cet exercice réalisé en petit groupe au CDI et à la bibliothèque, avec l’aide des documentalistes, nous a alors permis de travailler dans de meilleures conditions, à savoir individuellement. En effet, outre le fait que plusieurs élèves n’eurent aucune difficulté, ou très peu, pour effectuer cet exercice de restitution seuls, il a fallu accompagner certains d’entre eux (plus particulièrement ceux qui n’avaient pas un rapport fréquent à la lecture). Après relecture accompagnée de certains passages avec le professeur, les élèves ont été amenés, tout en étant guidés, à chercher et découvrir les éléments importants de l’histoire, c’est à dire ceux qui constituaient la trame narrative et la faisaient évoluer. Pour aider les élèves à reconnaître ces éléments, nous sommes partis de la notion d’action et chacun dut repérer au fil du texte les événements importants. Suite à ce repérage, les élèves ont été amenés à découvrir que ces événements faisaient évoluer l’action jusqu’à son terme. Nous avons donc dans un premier temps réduit le résumé à cette restitution d’actions permettant de faire évoluer l’histoire, en insistant de la sorte sur l’importance de la chronologie. Comme en sixième l’écriture porte essentiellement sur le texte narratif qui doit être cohérent, c’est à dire respecter avant tout l’ordre chronologique, cette deuxième activitéécriture proposée, m’a donc permis de faire travailler les élèves sur cette compétence mal acquise pour la plupart au regard des évaluations nationales d’entrée en sixième. Suite à ce travail de restitution des événements selon leur ordre d’apparition, le résumé fut enrichi d’expressions permettant de créer un lien de causes à effets entre les événements. Ce travail qui prit beaucoup de temps fut néanmoins nécessaire puisqu’il permit de remettre les élèves au même niveau. En effet, certains élèves comprirent immédiatement le procédé tandis que d’autres eurent besoin de plus de temps et surtout d’être accompagnés dans cet apprentissage. Travailler dans un troisième temps sur le personnage principal permit aux élèves d’en avoir une vue d’ensemble. Dans une séquence consacrée au système des personnages, c’est à dire au schéma actanciel, s’appuyant sur l’étude de Fantastique Maître Renard de Roald Dahl, les élèves s’étaient intéressés aux liens qu’entretenaient les personnages entre eux et à leur évolution entre le début et la fin du texte. Ils devaient donc réutiliser ces connaissances dans un autre contexte et établir ainsi un bref portrait du personnage principal. Ce travail a été en règle générale bien compris et bien réalisé par les élèves même s’il a parfois été nécessaire de les amener à compléter leurs dires. Enfin , pour compléter et terminer leur fiche de lecture, les élèves ont été amenés à exprimer leur point de vue en cultivant déjà un esprit critique. Cette démarche de justification de leurs réactions a été au début assez difficile car tous se contentaient de dire « ce livre était bien, tous les passages m’ont plu ». En dialoguant avec le professeur ou les documentalistes sur les véritables causes de leur engouement, les élèves ont été amenés, tout en enrichissant leur vocabulaire des sensations, à exprimer clairement ce qui leur avait plut ou déplut et, a posteriori, à prendre en compte l’utilité de la littérature. En comparant les questionnaires concernant cette activité distribués en début d’année et ceux distribués deux mois après le commencement du projet, leurs opinions vis à vis de la lecture se sont vues enrichies, et les phrases du type « la lecture c’est bien parce que ça raconte des histoires » ont laissé place à des considérations plus élaborées du type « la lecture permet de voyager dans sa tête, de s’identifier aux personnages, de parler avec les autres d’un livre que l’on a aimé. » La lecture n’était plus simplement un domaine scolaire qu’il fallait pratiquer pour avoir de bonnes notes, elle devenait une manière d’être, de parler de soi et de communiquer avec autrui. Ainsi, la lecture était libérée d’une finalité purement scolaire. Outre le fait de développer l’acquisition d’une nouvelle compétence en écriture, ce travail de résumé m’a aussi permis d’évaluer la compréhension des élèves en lecture puisqu’il m’a donné l’occasion de reprendre individuellement la lecture de certains passages importants et oubliés ou mal compris des élèves. L’évaluation ainsi permise pouvait laisser place à l’organisation du travail de remédiation. Ces activités se sont faites alors de manière ludique pour les élèves. En effet, en leur rappelant l’intérêt de bien lire au sein du projet d’échange, les élèves ont été accompagnés dans leurs exercices de lecture, guidés et totalement actifs. En effet, contrairement à la lecture en classe qui est évaluée de manière unique par une interrogation finale et qui ne fait les frais généralement que d’une correction ponctuelle et en groupe, les élèves au cours de ce projet ont dû progressivement améliorer leur compréhension du texte parce qu’ils étaient guidés individuellement au cours de cette relecture et que des stratégies ont pu leur être expliquées, montrées et expérimentée concernant notamment le repérage d’indices. De la même manière, leurs compétences en écriture purent être améliorées. Cette remédiation progressive et individuelle n’aurait pu avoir lieu en groupe classe puisque chaque élève écrivait d’une part par rapport à un texte unique et attendait d’autre part des réponses adaptées à ses besoins personnels. Ceci nous a alors permis de doter chacun de stratégies adaptées, utiles alors pour tous les autres travaux de lecture et d’écriture réalisés en classe. Enfin, concernant plus particulièrement le travail écrit, cette activité de résumé nous a donné aussi l’occasion de travailler plus particulièrement l’écriture et l’expression. Comment trouver le mot idéal ? Comment transmettre une idée par écrit de la manière la plus juste possible ? Comment utiliser au mieux les mots ? Comment en définitive améliorer son texte et utiliser le cahier de brouillon ? J’ai ainsi pu entreprendre un travail sur le vocabulaire puisque les élèves ont dû rechercher les mots les plus expressifs, utiliser les nouveaux termes acquis au fil de leur lecture et améliorer la construction de leurs phrases trop hermétiques ou mal construites. Le travail du résumé s’est donc révélé très riche d’une part au niveau de la lecture, de l’évaluation et de la remédiation de la compréhension des livres ainsi que de la transmission des stratégies de lecture, et d’autre part au niveau de l’écriture puisque les élèves purent travailler leur brouillon afin d’améliorer, individuellement, leurs productions et leur expression. c. La création d’une affiche de publicité Suite à la lecture de leur premier roman et à l’élaboration de leur résumé destiné aux correspondants, les élèves ont dû créer dans un troisième temps une affiche publicitaire en faveur de leur livre, pour leurs camarades de classe, mais aussi pour les autres collégiens. En effet, dans le cadre de « devenir un médiateur culturel », les élèves, au cours d’une table ronde à la manière des émissions littéraires, furent amenés à parler brièvement de leur ouvrage afin d’inciter leurs camarades à en entreprendre à leur tour la lecture. Leur permettant de travailler l’oral, cet exercice les a aussi amenés à travailler l’écrit par la création d’un petit discours argumentatif élaboré à partir de la rédaction de leur propre point de vue. Ainsi, les élèves devaient partager leur opinion mais aussi leur plaisir de lire. Pour rendre leur intervention plus frappante, ils durent créer une affiche publicitaire sur laquelle devaient apparaître le titre de l’œuvre, le nom de l’auteur et trois adjectifs qualifiant le roman en s’aidant de couleurs attirantes. Ceux qui le voulaient pouvaient aussi illustrer leur annonce. Une fois ce troisième travail d’écriture utilisé au sein de la classe pour permettre au projet de prendre un nouveau souffle et de perdurer (chacun des élèves devant, suite à ces interventions, choisir un nouvel ouvrage), ces affiches ont été exposées à la bibliothèque, sous le nom de : « A lire de toute urgence / Les coups de cœur des 6ème 2 » afin de faire profiter les autres collégiens de leur travail. Une fois de plus la lecture s’inscrivait dans un contexte d’échange, et ce de manière ludique, et l’écriture en permettait la réalisation. Cet exercice permit aux élèves d’acquérir ou de réutiliser insidieusement diverses connaissances telles la mise en page, la disposition, la recherche du mot juste… de manière amusante, ce qui procura inévitablement à tous, un plaisir certain. d. Créer une première et une quatrième de couverture Une fois la lecture du deuxième livre terminée, les élèves ont été invités à réaliser un quatrième travail d’écriture, différent des précédents, puisqu’ils devaient créer une première et une quatrième de couverture. Lors d’une séquence consacrée à L’Odyssée de Homère, les élèves reçurent les connaissances adéquates concernant l’élaboration d’une couverture puisque suite à l’exploration de diverses couvertures sur lesquelles ils repérèrent les éléments présents (titre de l’œuvre, nom de l’auteur, illustration, nom de l’éditeur et texte amorce), chacun d’entre eux dut réaliser sa propre couverture de L’Odyssée, sachant que le texte amorce fut créé ensemble, notamment par les élèves du groupe ATP. Par ce travail proposé au sein du projet, les élèves ont été invités à réutiliser leurs acquis tout en les approfondissant dans la mesure où chacun devait être l’auteur de son propre texte amorce. Ce travail fut ensuite envoyé aux correspondants qui firent de même et nous envoyèrent leurs productions. e. Transformer le récit en bande dessinée Un cinquième et dernier travail écrit fut proposé aux élèves pour terminer ce projet lecture. Suite à la lecture d’un troisième ouvrage, livre choisi et échangé entre les élèves mais de manière autonome, chacun fut invité à transformer un extrait, sélectionné selon le plaisir procuré et les actions proposées, en bande-dessinée, travail écrit on ne peut plus ludique amenant les élèves à utiliser d’autres compétences. Une séquence de début d’année avait permis aux élèves de s’approprier le vocabulaire de base de ce genre particulier ( à savoir, les termes « vignette, bulle… » ) et d’en connaître ainsi les désignations et les utilités. Aucun travail n’avait cependant été réalisé concernant les types de plans, ce travail d’écriture permettait par conséquent d’approfondir des connaissances transmises antérieurement. J’ai donc distribué à chacun une planche de bande dessinée, réalisée avec un élève expert en ce domaine, répertoriant les différents plans que nous avons étudiés ensemble. Les consignes furent ensuite données. Chaque élève devait sélectionner un passage de quelques pages proposant quatre, cinq ou six événements, repérer les actions et les personnages présents, noter leurs discours ou imaginer leurs réactions, avant d’entreprendre le dessin et l’élaboration des bulles. Ce travail complet et complexe permettait de revoir différents points comme le dialogue, la chronologie, le récit, c’est pour cela que j’ai décidé de le proposer en fin d’année, assurant ainsi une connaissance plus solide de la part des élèves et leur permettant de plus de réinvestir des connaissances acquises au cours de l’année de manière ludique et active. Ces extraits transformés en bande dessinée ont ensuite été envoyés aux correspondants, qui firent de même, nous permettant ainsi de lire et d’accorder autant d’importance au travail de l’autre. Différents travaux orientés autour de l’écriture ont donc été réalisables à partir de ce projet fondé en premier lieu sur la lecture. Les programmes insistent sur la complémentarité de ces deux disciplines et j’ai pu constater qu’effectivement l’une n’allait pas sans l’autre. En effet ces deux compétences entretiennent des rapports très étroits, se valorisent, s’induisent mutuellement. Organiser des activités lecture m’ont permis par conséquent de faire travailler simultanément mes élèves sur l’expression écrite. Plusieurs activités, favorisant le côté ludique, la création, l’investissement personnel leur ont donc été proposées afin d’accentuer leur plaisir d’écrire, d’attiser leur curiosité, et de leur monter que l’écriture, tout comme la lecture, permettait l’échange et la communication avec l’autre. Tout cela m’a permis de plus d’aider individuellement les élèves et de remédier à leurs difficultés d’expression tout en les encourageant et en insistant sur leurs capacités à créer et à écrire. Ce travail d’écriture ayant pour principal objectif d’induire chez mes élèves une utilité du point de vue scolaire mais aussi un plaisir au niveau personnel m’a alors donné l’occasion de l’enrichir par l’utilisation de l’outil informatique et du traitement de texte, accentuant le plaisir d’écrire et jouant le rôle de moteur pour certains, mais favorisant aussi l’acquisition de B2I. 3. L’écriture finalisée : écrire pour soi, écrire pour autrui en développant le B2I Le problème de l’écriture est qu’elle peut être entravée par un manque d’imagination que des lectures nombreuses peuvent combler par l’enrichissement de l’imaginaire, ce qui stimule alors le goût d’écrire et d’inventer des histoires. Faire lire mes élèves de manière plus régulière était dans cet optique un des objectifs de ce projet. De plus, les faire écrire par rapport à des textes lus les amenait à travailler leur imagination et leur expression écrite tout en ayant un point de départ rassurant leur permettant de se concentrer plus facilement sur la bonne utilisation des outils de la langue. Enfin, il n’est pas toujours facile pour les élèves d’écrire pour le professeur. Par l’intermédiaire de cet échange, les élèves pouvaient varier les destinataires de leurs écrits en communiquant avec des sixièmes partageant leur univers. Des moyens divers ont donc été mis en œuvre pour favoriser chez mes élèves le plaisir d’écrire. Ainsi, il m’a semblé intéressant de travailler en interdisciplinarité avec le professeur de technologie afin que les élèves puissent travailler sur le traitement de texte, tout en se familiarisant progressivement avec cet outil de travail, compétence récente et nécessaire pour l’obtention du B2I, et source de plaisir. En effet, les technologies de l’information et de la communication constituent un enjeu majeur pour les sociétés modernes. Comme le souligne Sylvie Plane4, « les progrès techniques réalisés dans le domaine de l’informatique au cours de la dernière décennie ont eu pour conséquence un développement considérable de l’écriture sur traitement de texte et une mutation culturelle ». Or, si on suit la réflexion de Goody5 tout changement dans un système de communication a des effets sur les structures et les processus de connaissances. L’école, en tant que garant de l’éducation de ses futurs citoyens, devait alors tenir un rôle dans la transmission de ces nouveaux processus de connaissances. Puisque l’ordinateur avait progressivement acquis une place considérable dans notre société, il n’y avait aucun doute pour que l’Education nationale offre une place de plus en plus importante à l’informatique. C’est ce que nous pouvons remarquer avec les programmes officiels qui depuis 1997 et jusqu’à aujourd’hui incitent les professeurs à familiariser les élèves avec ce nouvel outil de communication. En effet, depuis 2003, les élèves de collège doivent terminer leur scolarité obligatoire avec le B2I ( brevet informatique et Internet ) en poche. Ce nouveau « diplôme » 4 5 Sylvie Plane, De l’outil informatique d’écriture aux outils d’apprentissage. Goody J. La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage. In. Repères n°11. comporte deux parties. La première est réalisée à l’école primaire, la seconde au collège et évaluée à la fin de la 3ème. Ainsi, les élèves doivent être capables à la fin de leur scolarité de maîtriser les premières bases de la technologie informatique, de produire, créer, modifier, exploiter un document à l’aide du traitement de texte, de chercher, se documenter au moyen d’un produit multimédia ou d’Internet, de communiquer au moyen du courrier électronique. Afin de pallier les inégalités sociales face à ce nouvel outil de communication, l’école se devait d’initier tous ses élèves à l’utilisation de l’ordinateur. En Juin 20006, Jack Lang déclarait : « La société de l’information a connu en France un essor considérable ces trois dernières années. Tous les Français n’y entrent cependant pas à la même vitesse. L’école doit garantir une initiation à l’informatique, à Internet, aux multimédia, en particulier aux enfants qui n’ont pas d’ordinateur chez eux. Il s’agit d’un enjeu démocratique autant que pédagogique. » Les Tice sont ainsi devenus une priorité dans l’enseignement en école primaire mais aussi au collège. Cette priorité n’est cependant pas obligatoirement à développer par tous les enseignants et concernent plutôt les professeurs de technologie même si cette compétence peut être et doit être transmise, à divers degrés, par chacun des professeurs. Sans entrer dans un rapport excessif avec ce nouveau moyen de communication, il convient de noter qu’il est important que les élèves maîtrisent l’utilisation de l’informatique et ceci d’une manière raisonnée. L’utilisation de l’ordinateur, des tableurs, du traitement de texte, d’Internet paraissent alors nécessaires à l’acquisition de certaines compétences, sans pour autant que cela, il faut insister, ne prenne la place sur la réflexion grammaticale ou l’écriture manuscrite. C’est ce point qui m’a plus particulièrement intéressée en tant que professeur de français : le rapport entre l’informatique ( le traitement de texte permettant une écriture certes, mais une écriture dématérialisée, assistée ), et le travail d’écriture manuscrit, obligeant la réflexion, la recherche mentale ou livresque, le rapport au crayon et au papier. En quoi l’ordinateur pouvait-il alors aider et soutenir l’écrit ? Même si bon nombre de recherches doivent encore voir le jour concernant ce problème, certains théoriciens en 1995 refusaient un quelconque apport permis dans les apprentissages scolaires par l’informatique. Or il convient de noter que des études faites à ce moment précis dressaient un tout autre portrait de l’utilisation de l’ordinateur à l’école. En effet, Jacques Anis7 reconnaît au traitement de texte un rôle de méta-écriture, c’est à dire qu’il permet au scripteur de disposer d’une structure globale du texte en train de s’écrire et offre la possibilité de supprimer, de sélectionner, d’effacer, de modifier le texte écrit. Ainsi, l’usage du traitement de texte développe des connaissances concernant l’outil et les touches à utiliser (notamment les divers F1, F2 …) favorisant ainsi la coordination manuelle mais aussi la mémorisation du langage des commandes. De plus, l’utilisation de la souris force à un travail de précision et de contrôle du geste. Des compétences sont bien permises par l’utilisation du traitement de texte. Marie-Christine Pouder ajoute d’ailleurs que ce travail d’écriture informatique permet « d’intérioriser les métiers de l’écrit » et de donner ainsi de l’importance à ce domaine, nécessaire dans la société. Mais quant est-il réellement de l’impact du traitement de texte sur l’écriture ? Il me semble que son utilisation favorise le plaisir d’écrire chez les élèves. En effet, d’une part, il permet à certains, éprouvant des difficultés en orthographe, d’écrire sans que le plaisir ne soit entravé par ce problème puisqu’ils peuvent faire appel au correcteur d’orthographe leur indiquant leurs erreurs et les invitant à les corriger. Ainsi, de manière autonome, l’élève peut aussi remédier à ses difficultés. De plus, le traitement de texte autorise un jeu sur le style, la police des caractères, la taille, la variation possible de la mise en page. De manière ludique, l’élève accorde a posteriori plus d’importance à l’aspect visuel 6 7 Conférence de presse de Jack Lang sur l’école primaire, 20 juin 2000. Jacques ANIS, Le traitement de texte : écriture ou méta-langage. du texte. Le traitement de texte lui permet alors de prendre plus amplement conscience de la nécessité de la mise en page, cultivant ainsi des compétences nécessaires au travail manuscrit. Les instructions officielles précisent d’ailleurs que « l’utilisation du traitement de texte peut apporter une aide précieuse en écriture. » Ce sont ces diverses données qui m’ont induite à inclure dans ce projet un travail sur ordinateur. En effet, j’ai proposé à mes élèves de réaliser certains de leur travaux d’écriture sur traitement de texte. Ce fut le cas par exemple pour les résumés et les contes dijonnais réalisés par les élèves. Mais il convient de noter que le traitement de texte fut utilisé comme un support à l’écriture finale. En effet, avant de taper leur texte sur ordinateur, les élèves ont dû d’abord élaborer leurs travaux d’écriture sur le brouillon, brouillon qui a d’ailleurs été retravaillé jusqu’à l’obtention d’un texte correct afin que chacun cerne l’importance du travail de relecture et de réécriture. Une fois les textes correctement rédigés, les élèves ont eu la possibilité de taper leurs travaux à l’aide du traitement de texte, pendant l’heure destinée au projet pour ceux qui avaient terminé leur travail assez tôt, et pendant leur cours de technologie. En effet, leur professeur a profité de ce travail en français pour les initier aussi B2I. Ainsi, les élèves s’entraînèrent à utiliser l’outil informatique avec pour support leurs propres écrits. Certains élèves ont aussi souhaité travailler chez eux et ils me communiquèrent leur disquette sur lesquelles je leur notais les modifications à apporter. Cet usage de l’ordinateur s’est révélé nécessaire pour la plupart des élèves qui ne possédaient pas d’ordinateur chez eux et a été une véritable source de plaisir pour eux. En effet, fiers de leurs écrits finalisés par une écriture informatisée, les élèves se sont amusés avec la mise en page, ont choisi de faire apparaître les titres en caractère gars et ont appréhendés la nécessité d’aérer leur contenu. Cette intervention de l’outil informatique en tant que travail final de l’écriture a permis au projet de s’enrichir d’un autre domaine et d’un autre objectif. Le travail de l’écriture a donc fait aussi son apparition au cours de ce projet destiné au départ uniquement à la lecture. Mais comme ces deux compétences sont imbriquées l’une dans l’autre, travailler la lecture m’a amené logiquement à faire travailler l’écrit. De plus, comment évaluer la lecture sans un travail écrit ? Afin de vérifier chez mes élèves la compréhension des textes lus, j’ai sollicité de leur part un travail écrit me permettant alors de contrôler leurs acquis ou de remédier à leurs difficultés. Ce travail d’expression s’est vu enrichi par la variété des exercices proposés. En effet, comment intéresser les élèves en leur proposant régulièrement la même activité ? De plus, comment les initier à d’autres compétences et susciter leur plaisir sans l’intervention de travaux divers ? La création d’une fiche de lecture, d’une couverture de livre, d’une affiche de publicité, d’une bande-dessinée, furent les activités proposées aux élèves associées de plus à une constante correspondance épistolaire. Les faire lire et écrire pour des jeunes de leur âge leur permettait de destiner leurs travaux à autrui tout en travaillant leurs propres compétences. Ecrire dans ce contexte a amené les élèves à accorder une tout autre valeur à cet exercice qui est devenu un plaisir. Et, comme l’échange et le plaisir d’écrire était permis par la lecture, celle-ci s’est aussi vue dotée d’un enjeu supérieur. La lecture devenait une source de plaisir par l’intermédiaire des différents exercices et de l’échange qu’elle engendrait, et cela en utilisant de plus l’ordinateur afin d’améliorer les compétences de chacun en vue de l’acquisition du B2I. CONCLUSION : Cette première année dans l’enseignement m’a permis d’appréhender concrètement mon travail. En effet, j’ai pu me rendre compte des difficultés auxquelles un professeur peut être confronté. La principale fut pour moi de faire face à l’hétérogénéité des niveaux mais aussi de la motivation des élèves, concernant plus particulièrement la lecture. En effet, peu de mes élèves lisaient de manière autonome chez eux, peu prenaient du plaisir à le faire, et beaucoup éprouvaient des difficultés de compréhension. Comment dans ce cas aimer lire ? Lorsque l’on connaît l’importance de la lecture, compétence transversale nécessaire à tous les domaines d’étude mais aussi à une inscription riche dans le monde en tant que citoyen et en tant qu’être humain, on ne peut que vouloir, surtout en tant que professeur de français, amener les élèves à entretenir avec le livre une relation fondée sur le plaisir. Cette année de stage, composée de modules diversifiés, de cours à l’IUFM mais aussi de prise en charge d’une seule classe, nous donne les moyens de commencer l’exercice de notre métier le mieux possible grâce aux conseils qui nous y sont dispensés, aux discussions permises avec les formateurs concernant notre pratique, mais aussi grâce au temps permis pour réfléchir à des solutions fiables pour résoudre nos difficultés. Ces difficultés doivent alors faire les frais d’une analyse en vue de l’écriture d’un mémoire professionnel nous menant ainsi à réfléchir à notre pratique et à enrichir nos réflexions notamment par la lecture d’ouvrages théoriques. J’ai donc choisi de travailler sur la lecture, sur la manière d’engendrer chez des élèves de sixième, pour la plupart en rupture avec cette activité, du plaisir à lire. Pour cela, j’ai décidé d’organiser et d’expérimenter un projet autour de la lecture et fondé sur un échange avec des correspondants. La lecture d’ouvrages théoriques sur ce thème m’a alors amenée à prendre conscience de la difficulté à lire. En effet, la lecture ne va pas de soi, surtout lorsqu’elle n’est pas motivée par un entourage extérieur, et c’est surtout une activité heuristique qui demande l’utilisation et la mise en commun de nombreuses compétences. Lorsqu’un élève ne possède pas toutes ces compétences, ou n’arrive pas à les utiliser simultanément, il ne peut accéder à la compréhension du texte, il ne peut dépasser le sens du texte et établir des inférences avec sa propre expérience, ainsi il ne peut jouer pleinement son rôle de lecteur. Dans ce cas comment peut-il éprouver du plaisir ? J’ai donc cherché le moyen de faire lire mes élèves en les accompagnant afin de remédier à leurs difficultés, de les aider à accéder au sens du texte ou de les encourager à le dépasser afin d’être de véritables actants. Lire en classe, le même livre, sachant les impératifs horaires, sachant la diversité des niveaux, ne me permettait pas de mener à bien cette lecture accompagnée. Faire lire à la maison, de manière autonome, ne me permettait pas non plus de donner les mêmes chances à chacun et d’aider concrètement les élèves en grande difficulté ou en rupture avec la lecture. J’ai donc décidé la création d’une heure hebdomadaire consacrée à la lecture. Mais donner le plaisir de lire n’est-il pas parfois entravé par le fait d’imposer à tous les élèves la lecture d’un livre en commun, qui, qui plus est, est étudié en classe rendant ainsi difficile la possibilité de travailler selon les rythmes de chacun ? J’ai donc pensé qu’il serait peut être judicieux, pendant cette heure hebdomadaire de faire choisir à mes élèves leur livre. Ce projet ayant pour objectif d’aider les élèves à améliorer leur compréhension en lecture, ou de les forcer à enrichir leur culture livresque par des lectures qu’ils ne pratiquent pas seuls, m’a conduit à sélectionner une liste d’œuvres dans les programmes officiels. Afin que la lecture et l’intérêt soient facilités par des sujets proches des élèves j’ai choisi la liste « romans et récits centrés sur la vie affective ». Vingt-cinq romans de littérature jeunesse furent à la disposition des élèves, il leur incombait d’en choisir un en accord avec leur niveau de lecture et avec leur désir. Mais pourquoi lire ? Et surtout pour qui ? D’une part, pour soi, pour lire l’autre, pour voyager, pour réfléchir. Aider les élèves en difficultés, les encourager à lire sans les culpabiliser par l’attribution d’une mauvaise note, les accompagner dans leur quête de sens, tout en discutant avec les grands-lecteurs, en les forçant à analyser l’écriture de l’auteur et à exposer et enrichir leur point de vue devaient amener chacun à percevoir premièrement les bienfaits de la lecture qu’ils soient scolaires par l’enrichissement de leur vocabulaire ou l’amélioration de leur expression, ou qu’ils soient purement personnels mais aussi deuxièmement, à enrichir leur culture livresque. D’autre part, lire pour l’autre, pour partager son plaisir de lire, pour communiquer ses impressions, pour entrer en contact autrui. Ces deux objectifs, ces deux visions de la lecture m’ont donc amenée à organiser ce projet autour d’un échange avec des correspondants avec lesquels chacun pourrait partager ses expériences de lecteur, discuter son point de vue, communiquer. Notion d’échange, de partage avec l’autre, source d’un plaisir de lire chez les élèves heureux d’avoir un correspondant et de communiquer avec lui. Mais lire pour quelqu’un éloigné géographiquement obligeait aussi à écrire. D’une part, écrire des lettres pour se présenter et poursuivre la connaissance de l’autre, écrire d’autre part autour de la lecture, des résumés en offrant son point de vue, des contes pour divertir, des bandes dessinées pour amuser et s’amuser, des couvertures pour le plaisir de créer et d’inventer, tout en réinvestissant ou en approfondissant des acquis transmis en classe. Ce projet m’a donc permis, outre le fait d’amener les élèves à prendre plaisir à lire mais aussi à écrire, de les faire travailler concrètement sur des notions transmises en classe tout au long de l’année. En effet, même si j’ai décidé de consacrer une heure hebdomadaire à cet échange, ce projet ne s’est pas situé en marge des apprentissages scolaires réalisés en classe mais parallèlement à ceux-ci. En effet, ce projet est né tout d’abord des constats offerts par les évaluations nationales concernant les difficultés en lecture de mes élèves, de plus, il fit partie intégrante du travail scolaire puisqu’il permit de travailler ou d’approfondir des connaissances vues en classe, ou d’apprendre des techniques individuellement en remédiant aux difficultés et en répondant aux besoins de chacun, bénéfique alors pour les travaux réalisés plus collectivement en groupe classe. Ce projet entretint de fait ce des rapports très étroits avec les autres travaux réalisés en classe. De plus, je ne souhaitais pas que ce travail empêche les élèves de communiquer entre eux, comme ils le faisaient avec leurs correspondants, sur leurs lectures et leur plaisir de lire. J’ai dons veillé à ce que chacun nourrisse le groupe de ses expériences, ce qui me permit de travailler de plus l’oral et l’écoute, et d’attribuer à chacun un rôle de médiateur culturel. Ce projet mit donc tous les élèves en action et leur permit d’investir leurs connaissances dans un travail aux finalités concrètes. Pour ces raisons et ces divers constats, c’est donc un projet que j’envisage de réaliser avec d’autres classes parce qu’il permet la réalisation d’activités riches et diversifiées qui contribuent à donner aux élèves le plaisir de lire et le plaisir d’écrire, et qui sert parfois à redonner confiance à des élèves peu sûrs d’eux. En revanche, c’est un projet qui nécessite une organisation et un investissement perpétuel de la part du professeur que je n’avais pas imaginé à ce point. Outre le fait que, pour mener à bien son travail, le professeur doit au préalable lire et résumer les œuvres qu’il propose à ses élèves pour remédier au mieux aux problèmes de compréhension, celui-ci est aussi assailli de corrections chez lui et doit faire preuve de calme lorsque plusieurs élèves attendent autour de lui une information et une réponse, qui plus est, individualisées. C’est pour cela qu’il me semble que ce projet doit être inévitablement réalisé en interdisciplinarité avec le professeur de technologie et surtout avec les documentalistes afin de répondre au mieux aux attentes de chacun. Personnellement, ce projet m’a d’une part donné l’occasion de m’investir et de m’intégrer rapidement au sein du collège en travaillant et en nécessitant les compétences d’autres enseignants, d’autre part il m’a permit d’entretenir avec mes élèves une relation approfondie et nourrie de discussions enrichissantes sur la lecture mais aussi sur eux mêmes. Enfin, permettre à chacun de diversifier et d’enrichir ses lectures, ou de lire tout simplement mais avec plaisir, garantit une satisfaction indéniable pour un professeur de français soucieux de ses missions. - - ! "# - $ % &" $ '( ) * + +, # 0" 1 / + ! 23 3 3 $$ * 4 5 /, 23 3 6 $$ * 4 5 ! /! + ! 23 3 6 $$ * 4 5 /! + ! 9::: # *+ *% 4 % + 7 ./ < 9::9 - !! - ,/ ! ./ * ( ( 0 + ! 7 / 7 ./ ) 8 ! 5 / 8 ) ; + ( ! . !/ ! ! + / 23 3 = % + - - $ ! * $ 4 " 1 / ! ! 1 * $5 1 !. 7 - ( 1 , C ! 1 1 1 ) / / ! # 23 3 A !! - !./ 7 !/1 ! , @ 22 / - @ 22 , ! ! +) 9 * > * " B) ! + / 23 3 A * '+ , ./ / 1 / '/ @ 22 . / "( " ? * / 23 3 A / " 2: D 2 + * $ !