Achat et vente d`un navire de plaisance I – La vente : un transfert de

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Achat et vente d`un navire de plaisance I – La vente : un transfert de
Achat et vente d’un navire de plaisance
I – La vente : un transfert de propriété
La vente de navire suit, sur bien des points, les règles du droit terrestre. Elle entraîne donc, à la fois, le
transfert de la propriété du navire, du vendeur à l'acheteur, et un certain nombre d'obligations pesant
sur les parties.
Mais le particularisme du droit maritime, notamment en raison de la mutation en douane, oblige
souvent à s'éloigner du droit terrestre et à rejeter l'extension de ses dispositions à la vente de navire.
La vente d’un navire est un transfert de propriété qui n'intervient pas à la même date, suivant qu'il
s'agit des rapports entre les parties (vendeur et acheteur), ou des rapports avec les tiers :
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Entre l’acheteur et le vendeur : la propriété du navire passe du vendeur à l'acheteur au jour où
a été dressé l'acte écrit qu'impose la loi en matière de vente de navire
A l’égard des tiers : l'acheteur ne devient propriétaire du navire que par la mutation en
douane
Rapport entre l’acheteur et le vendeur
Ces règles ont notamment pour conséquences le transfert des risques, du vendeur à l'acheteur, et
éventuellement la responsabilité civile fondée sur la garde des choses à l'égard des tiers, par le
transfert de la qualité de gardien responsable du vendeur à l'acheteur.
La question des risques peut se poser ainsi : après, la signature du contrat de vente, si le navire
disparaît ou est gravement endommagé par un évènement de force majeure, qui doit en supporter les
conséquences ? Sur un plan juridique, chaque fois que le propriétaire, vendeur avant la vente ou
acheteur après, n’a pas la maîtrise matérielle du navire, le transfert des risques est transféré sur celui
qui possède cette maîtrise.
Jurisprudence pour aller plus loin : même si le retard dans l'accomplissement des formalités de
publicité s'explique par la négligence des services administratifs qui en ont la charge, l'acheteur est
devenu propriétaire du navire dans ses rapports avec le vendeur sans attendre que la mutation en
douane soit faite, de sorte que si le navire est détruit ou endommagé par cas fortuit entre l'acte écrit
de vente et sa publication au fichier matricule, c'est l'acheteur qui en supporte les conséquences, ce
qui revient à dire qu'il devra payer le navire au prix convenu, bien qu'il soit détruit ou endommagé
(Cass. com., 4 nov. 1952)
En ce qui concerne la responsabilité du fait des choses, dans les cas assez rares où l'article 1384, alinéa
1er du Code civil, intervient en droit maritime, on doit décider qu'en principe la qualité de gardien
responsable suit normalement le transfert de propriété.
On relèvera, d'autre part, qu'il a toujours été loisible aux parties d'introduire dans l'acte de vente une
clause de réserve de propriété. En insérant cette clause dans la vente, le vendeur cherche
évidemment une garantie pour le paiement du prix. Mais cette clause a aussi pour effet de laisser les
risques de perte fortuite à la charge du vendeur jusqu'au jour du paiement intégral du prix ou jusqu'au
jour de la livraison s'il a été convenu que le transfert de propriété serait retardé jusqu'à cette date.
Novembre 2012
Rapport avec les tiers
En règle générale, le transfert de la propriété du navire, à la suite d'une vente, n'est opposable aux tiers
qu'au jour de la mutation en douane. C'est surtout sur le plan du droit privé que le décalage du transfert
de propriété à l'égard des tiers pose des problèmes délicats, notamment en ce qui concerne le sort des
contrats conclus par l'ancien propriétaire du navire et leur opposabilité à l'acheteur.
II – Les obligations réciproques des parties
En dehors du transfert de propriété du vendeur à l'acheteur, la vente de navire, comme toute vente,
entraîne, en tant que contrat écrit synallagmatique, des obligations à la charge de chacune des
parties. Ces obligations sont d'ailleurs les mêmes que dans la vente terrestre, mais leur application à la
vente de navire doit être adaptée en fonction du particularisme du droit maritime.
Les obligations de l’acheteur
En dehors de l'obligation de prendre possession de la chose vendue, que le vendeur doit tenir à la
disposition de l'acheteur, et qui ne soulève guère de problèmes dans la vente de navire, parce que les
parties prévoient toujours où et quand l'acheteur devra prendre possession du navire, l'acheteur ne
supporte qu'une obligation, mais elle est essentielle : l'obligation de payer le prix convenu.
Cette obligation soulève, dans le cas de la vente de navire, un certain nombre de questions, concernant
le montant du prix, le mode de paiement, et les garanties de paiement dont dispose le vendeur pour
obliger l'acheteur à payer le prix convenu..
Le montant du prix
Le montant du prix est fixé par le contrat, en toute liberté dans la vente de navire. Le prix doit être
déterminé ou précisément déterminable, au jour de la vente, à peine de nullité du contrat (Art. 1591 du
Code civil). En revanche, il n'est pas question, notamment, d'appliquer à cette vente les articles 1674 et
suivants du Code civil, qui ouvrent au vendeur d'immeuble une action en rescision en cas de lésion
de plus de sept-douzièmes, sous prétexte que le statut des navires ressemble, à certains égards, à celui
des immeubles. Car le navire reste un bien meuble.
Le plus souvent, le litige concerne la charge des réparations dont le navire peut avoir besoin, pour
savoir, si le contrat de vente n'est pas clair, qui doit en supporter le coût.
Quant au mode de paiement du prix, la vente de navire ne présente guère d'originalité à cet égard.
Jurisprudence pour aller plus loin : Seul le paiement par compensation, lorsque le vendeur est luimême débiteur de l'acheteur, appelle une précision. La compensation supposant deux dettes
réciproques « qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses
fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles »( art. 1291 du Code civil) ne
pourra pas jouer si la dette du vendeur (par exemple, à la suite de réparations faites sur le navire par
l'acheteur pour le compte du vendeur) n'est pas liquide et exigible, c'est-à-dire tant que la créance de
l'acheteur, au titre des réparations qu'il a faites sur le navire, n'a pas été évaluée judiciairement.
L'acheteur devra donc payer le prix aux échéances convenues, et engager séparément une action
contre le vendeur au titre des travaux faits sur le navire (Cass. com., 2 nov. 1960)
Garanties de paiement du prix
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Les garanties dont jouit le vendeur de meuble en droit civil, pour obtenir le paiement du prix, doivent
être adaptées à la vente de navire, qu'il s'agisse du droit de rétention, de l'action en résolution de la
vente, ou du privilège du vendeur non payé.
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Le droit de rétention : ce droit peut s'appliquer à la vente de navire au comptant. En revanche,
en raison du montant élevé du navire, le prix peut ne pas être payé comptant, de sorte qu'en
fait le vendeur est obligé, le plus souvent, de se dessaisir du navire avant d'être complètement
payé.
L’action en résolution de la vente : cette action est ouverte au vendeur de navire, comme à tout
vendeur qui n'a pas reçu le paiement du prix à la date convenue, en application des articles
1184 et 1645 du Code civil. Elle peut s'accompagner d'une demande de dommages-intérêts si
la défaillance de l'acheteur a causé un préjudice exceptionnel au vendeur.
Jurisprudence pour aller plus loin : le système de publicité maritime réduit considérablement
l'efficacité de la résolution. Car, si la vente a été inscrite au fichier matricule de la douane, qui n'en
reproduit pas toutes les modalités, l'acheteur, propriétaire du navire à l'égard des tiers du fait de
cette inscription, a pu consentir une hypothèque, qui, une fois inscrite, sera opposable au vendeur
malgré la résolution de la vente (CA Rouen, 29 mai 1935). Autrement dit, la résolution de la vente n'a
pas, en matière de navire, la rétroactivité que lui reconnaît le droit civil, permettant ainsi de faire
tomber les actes de disposition consentis par l'acheteur. On est donc plus en présence d'une
résiliation que d'une résolution.
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Les privilèges : Le vendeur de navire non payé n'a pas de privilège maritime pour recouvrer le
prix de vente. En revanche, une saisie conservatoire est ouverte à tous ceux qui justifient
d'une créance « certaine » au moins dans son principe.
Les obligations du vendeur
D'après l'article 1603 du Code civil, le vendeur assume « deux obligations principales, celle de délivrer
et celle de garantir la chose qu'il vend ».
De plus, la jurisprudence, en droit maritime comme en droit terrestre, a ajouté des obligations non
prévues par les textes, mais qui lui semblent conformes à la volonté, au moins tacite, des parties, telles
que l'obligation d'information et de conseil, dont le vendeur est tenu envers l'acheteur, lorsque la chose
vendue n'est pas un objet courant, ce qui est bien le cas des navires, et aussi, le cas échéant, une
obligation de non-concurrence, pour interdire au vendeur du navire de conserver la clientèle qu'il avait
constituée, en empêchant l'acheteur d'en profiter.
En fin de compte, on doit donc reconnaître trois obligations principales à la charge du vendeur de
navire : la délivrance, la garantie et l'information-conseil.
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L’obligation de délivrance : sauf convention contraire, le vendeur doit mettre le navire à la
disposition de l'acheteur, à la date et au lieu convenus, l'acheteur ayant, de son côté,
l'obligation de retirement, c'est-à-dire de prendre possession de la chose qu'il a achetée.
Jurisprudence pour aller plus loin : l'obligation de délivrance, dans la vente de navire, porte, non
seulement sur le bâtiment lui-même, mais aussi sur ses accessoires s'il n'y a pas de clause contraire
dans l'acte de vente, y compris ce qu'on pourrait appeler les « accessoires administratifs », c'est-àdire l'acte de francisation que le vendeur doit remettre à l'acheteur pour lui permettre d'effectuer les
formalités de la mutation en douane, et d'utiliser le navire sous son nom (Cass. 1re civ., 10 oct.
1995).
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Les difficultés commencent avec les conséquences de l'obligation de délivrance : d'une part la
ponctualité, d'autre part et surtout la conformité du navire livré à ce qui a été indiqué dans l'acte de
vente.
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L’obligation de ponctualité est le fait de mettre le navire à la disposition de l'acheteur à la date
convenue. Si le vendeur est en retard, l'acheteur, comme dans tout contrat synallagmatique, a
le choix entre deux actions :
o une action en dommages-intérêts pour le préjudice causé par ce retard, dont l'acheteur
doit cependant faire la preuve, en mettant, notamment, le vendeur en demeure de
livrer le navire
o une action en résolution de la vente, fondée sur l'article 1184 du Code civil, et pouvant
également s'accompagner d'une allocation de dommages-intérêts.
La différence essentielle entre les deux actions est que, dans le premier cas, l'acheteur accepte quand
même de maintenir la vente et de prendre possession du navire en retard, alors que, dans le second cas,
par l'effet de la résolution, le contrat de vente disparaît, de sorte que le vendeur doit conserver le navire
et rembourser à l'acheteur les acomptes qu'il a déjà versés, sans préjudice des dommages-intérêts
couvrant les conséquences dommageables de cette opération manquée, si elle a perturbé l'activité
professionnelle de l'acheteur, qui avait compté sur la livraison du navire à la date prévue, et qui doit
chercher à acheter un autre navire auprès d'un autre vendeur capable de livrer plus rapidement.
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L’obligation de conformité : l'acheteur s'est engagé à payer un navire répondant à certaines
qualités ; la livraison d'un navire ne présentant pas ces qualités est une inexécution par le
vendeur de son obligation de délivrance. Le problème se pose évidemment plus dans le contrat
de construction de navire que dans la vente d'un navire d'occasion. Dans ce dernier cas
l'acheteur prend possession d'un navire déterminé, dont il peut vérifier, au moins en partie,
qu'il possède bien les qualités que le vendeur lui avait indiquées, tandis que, dans le contrat de
construction, le navire n'existe pas au m-ment où les parties contractent, de sorte qu'il est
beaucoup plus fréquent que l'acheteur découvre, après coup, que le bâtiment qu'on lui délivre
ne répond pas aux normes fixées dans le contrat.
Jurisprudence pour aller plus loin : Il a été jugé concernant une réparation d’un navire, que le
chantier naval qui s’en charge est tenu d’une obligation de résultat, ce qui permettrait d'engager sa
responsabilité de plein droit, du seul fait que le défaut de conformité est constaté (CA Rennes, 17
mars 1975). Il semble opportun d’étendre la solution du contrat de réparation au contrat de
construction navale et à la vente de navire d'occasion.
La non-conformité, à la différence de la garantie, peut provenir aussi bien d'un vice apparent que
d'un vide caché (CA Rouen, 24 mars 1988), comme elle peut ne résulter d'aucun vice, mais seulement
de ce que les performances du navire sont inférieures à ce qui avait été convenu. A ce propos, la
plupart des décisions judiciaires, fondées sur la non-conformité du navire aux stipulations
contractuelles, font spécialement état de l'insuffisance de la vitesse du bâtiment par rapport à ce qui
avait été indiqué dans le contrat
L'acheteur qui a fait constater la non-conformité, après avoir mis le vendeur en demeure de mettre le
navire en conformité avec ce qui avait été convenu (si c'est techniquement réalisable), peut, comme
dans tous les contrats synallagmatiques, opter entre une allocation de dommages-intérêts en acceptant
de prendre le navire dans l'état où il est, et une résolution de la vente avec remboursement des
acomptes qu'il a versés, et, le cas échéant, une allocation de dommages-intérêts complémentaires.
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o Si la vente du navire a un caractère commercial pour l'une ou l'autre des parties,
l'action sera prescrite par cinq ans (Art. L 110-4 du Code de commerce ;
o Si le litige opposait deux plaisanciers non commerçants, l'action sera prescrite par cinq
ans (Art. 2224 du Code civil).
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L’obligation de garantie : la garantie d'éviction ne présente pas d'intérêt pratique dans la vente
de navire, car le système de la mutation en douane donne au titulaire de l'acte de francisation
une preuve officielle de sa propriété, et on ne voit pas comment un tiers pourrait la contester.
En revanche, la garantie des vices cachés alimente un abondant contentieux. Car la complexité
d'un navire dissimule facilement, même à l'insu du vendeur, des défauts techniques.
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L’obligation de conseil et d’information : la vente de navire n'a pas échappé à l'évolution de la
jurisprudence qui tend à imposer au vendeur une obligation d'information et de conseil envers
l'acheteur dès lors que la chose vendue nécessite certaines précautions dans son utilisation,
surtout si le vendeur est un professionnel. Et c'est bien souvent le cas d'une vente de navire ou
d'accessoire de navire. De façon générale, la jurisprudence a transposé les solutions du droit
terrestre pour les appliquer à la vente de navire, tant en ce qui concerne le domaine
d'application que les sanctions de cette obligation d'information et de conseil.
Jurisprudence pour aller plus loin :
- le devoir d'information et de conseil vise d'abord le constructeur de navire, lorsqu'il sait que
l'acheteur a l'intention d'utiliser le bâtiment en mer, alors qu'il n'est pas conçu pour affronter
les risques de la navigation maritime (Cass. com., 6 déc. 1976)
- Il en va de même en ce qui concerne le vendeur d'un navire dont il n'est pas le fabricant
(Cass. com., 6 déc. 1976).
- L'obligation d'information et de conseil pèse également sur le fournisseur d'une partie du
navire, par exemple la coque (Cass. com., 16 juin 1977), ou le moteur (CA Nîmes, 2e ch., 8
oct. 1986)
En dehors de la vente de navire, neuf ou d'occasion, l'obligation d'information et de conseil pèse
encore sur le réparateur de navire.
Jurisprudence pour aller plus loin :
- lorsqu'un chantier naval, auquel la transformation en drague d'un vieux bâtiment avait été
demandée, n'a pas attiré l'attention du client sur le fait que l'opération serait plus coûteuse
que l'achat d'une drague neuve (Cass. com., 16 mars 1982)
- lorsque le réparateur du navire n'a pas signalé à son propriétaire qu'il avait découvert des
vices cachés, en exécutant les réparations qui lui avaient été demandées (Cass. com., 12 nov.
1974).
Dans tous ces cas, la responsabilité du fabricant, du vendeur ou du réparateur de navire, a un caractère
contractuel, parce que la Cour de cassation considère que l'obligation d'information et de conseil
résulte d'une stipulation tacite du contrat.
La violation de l'obligation d'information et de conseil est, tout naturellement, sanctionnée par
l'allocation de dommages-intérêts. La résolution de la vente, également concevable
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Définitions des termes juridiques employés dans l’article
Clause de réserve de propriété : clause destinée à retenir la propriété d’un bien à titre de garantie,
qui suspend, dans un contrat, l’effet translatif de celui-ci jusqu’au complet paiement de l’obligation
qui en est la contrepartie.
Contrat synallagmatique : contrat qui engendre des obligations réciproques et interdépendantes.
Action en rescision pour lésion : annulation d’un acte pour cause de lésion.
Arrhes : somme d’argent, qui remise par une partie contractante à l’autre en garantie de l’exécution
d’un marché conclu, est destiné soit à s’imputer sur le prix, comme acompte en cas d’exécution, soit à
être perdue par celui qui l’a versée, s’il se départit de l’opération ou à lui être restituée au double par
l’autre partie, si le débit vient de son fait.
Acompte : paiement partiel imputé sur le montant de la dette
Pacte de préférence : convention par laquelle une personne s’engage, pour le cas où elle se
déciderait à vendre un bien, à l’offrir d’abord, aux conditions proposées par un tiers ou au bénéficiaire
du pacte, lequel jouit ainsi, pour se porter acquéreur, d’un droit de préemption.
Promesse unilatérale de vente : accord de volonté par lequel une personne s’engage immédiatement
envers une autre à passer avec elle, le contrat de vente à des conditions déterminées. Le bénéficiaire
restant libre de ne pas conclure le contrat envisagé ou de le conclure en « levant un droit d’option ».
Vente à terme : vente affectée d’un terme retardant l’exigibilité de l’obligation de l’une des parties,
soit pour l’acheteur de payer le prix, soit pour le vendeur de livrer la chose.
Liens utiles
www.legifrance.fr
www.douane.gouv.fr
http://www.developpement-durable.gouv.fr
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