Fonds et placements

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Fonds et placements
Les fonds internationaux de placement
Introduction : Le poids de la finance quotidienne
I) Les « investisseurs institutionnels »
1 La diversité de ces investisseurs
2 Des investisseurs à priori non spéculatifs
3 Le problème : leurs critères de choix
II) Le cas particulier des fonds spéculatifs : les Hedge
funds
1 Qui sont les Hedge funds ?
2 Leur technique préférée : l’opération à découvert
3 Leur risque : la déstabilisation permanente
Conclusion : Les pertes des investisseurs et leurs
conséquences
Introduction : le poids de la finance quotidienne.
Depuis la crise financière de Septembre 2008, on se doute bien de
l’importance de la finance dans notre vie quotidienne. Mais en mesure-t-on
vraiment tout le poids ?
Chaque jour (doc 1) il s’échange dans le monde pour plus de 3000
milliards de $ de capitaux, uniquement entre les différents pays. On ne tient
pas compte naturellement des échanges à l’intérieur des pays.
Ce mouvement s’accélère : depuis le début des années 2000, ce montant a
été pratiquement multiplié par 3.
Si on le compare aux échanges internationaux de biens (doc 2), il s’échange
en 1 année 86 fois plus de capitaux que de biens « réels ». Il y a donc bien
une déconnection très importante entre le monde de la finance et le monde
de l’économie réelle.
Le montant total annuel des capitaux internationaux échangés dans le
monde atteint alors la somme extravagante de plus d’1 million de milliards
de $ !!
Il faut alors se demander qui est à l’origine de cette expansion de cette
finance internationale ? (doc 3)
3 acteurs se détachent :
- les FMN à l’occasion de leurs IDE : si ceux-ci ont un impact
productif non négligeable (conférence précédente), leur part dans les
mouvements financiers internationaux reste moyenne : autour de 16-17%.
- les banques : elles sont un acteur majeur, mais leur poids dans
cette finance semble décliner : 64% des transactions en 2004 et 43% en
2007 (donc avant la crise financière).
- reste alors ce qui devient l’un des acteurs majeurs : les fonds
internationaux de placement qui représentent aujourd’hui 40% des
transactions quotidiennes sur les marchés internationaux de capitaux, soit
tout de même 468 640 milliards de $ en 2007 !!
Il faut alors se demander qui sont ces fonds internationaux de placements
et surtout faire une distinction entre eux, c’est-à-dire entre ceux qui ont une
vocation de placement et ceux qui ont une seule vocation de spéculation.
I) Les investisseurs « institutionnels »
Ils portent ce nom car ils relèvent la plupart du temps d’institutions
officiellement reconnues. Il ne faut pas néanmoins les confondre avec les
« zinzins » français (à l’exemple de la Caisse des dépôts et consignations) qui
n’opèrent que sur le seul marché français.
1 La diversité de ces investisseurs
Le montant total des fonds gérés par ces différents fonds atteint en 2006 la
somme de 64 000 milliards de $ (doc 4). On distinguera :
- les fonds de pension qui gèrent les retraites par capitalisation,
principalement dans les pays anglo-saxons, et qui représentent 22 600
milliards de $ soit 35,3% du total
- les fonds d’investissements: 21 700 milliards de $ soit 34% du total
- les fonds des compagnies d’assurance : 15 200 milliards de $ soit
23,7% du total
- Et les nouveaux venus : les fonds souverains : 2500 milliards $
* Nous avons déjà évoqué les fonds de pension. Il faut surtout se rappeler
qu’il en existe de deux sortes dont l’influence est différente :
- les fonds à « prestations définies » qui vous garantissent votre
placement retraite, mais dont le rendement est assez faible puisqu’ils ne
peuvent pas prendre de risques (20% du total)
- les fonds à « cotisations définies » dont les prestations retraite
fournies dépendent du rendement des placements. Ce type de fonds est
par définition plus risqué, donc un peu plus tenté par la spéculation
(40% du total, le reste étant un mélange des deux).
*Les fonds d’investissements sont des organismes collectifs dont la
fonction est de collecter les capitaux de personnes qui ne souhaitent pas
s’aventurer seules dans les aléas boursiers. En France, on les appelle les
OPCVM : les organismes de placements collectifs en valeurs mobilières
(doc 5) qui gèrent 1446 milliards d’€ en 2007.
Bien entendu, les OPCVM n’agissent pas seulement sur les marchés
financiers internationaux, mais elles peuvent aussi le faire. On distingue :
- les Sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) : ce sont
des sociétés dont on va acheter des actions (leur capital est donc constitué
de la valeur de ces actions) et qui vont ensuite placer ce capital sur les
marchés financiers.
Le rendement de l’action de la SICAV (valeur de l’action et dividendes
versés) dépend donc de la performance de la SICAV
- les fonds communs de placement (FCP) : il s’agit d’une mise en
copropriété de valeurs mobilières, copropriété qui émet alors des parts et
dont la gestion est assurée par un gérant.
Les risques des FCP sont en général un peu plus grands que dans les
SICAV, puisqu’on met en œuvre directement ses valeurs.
Les FCP d’entreprises sont réservés aux salariés des entreprises en question
: il s’agit donc d’un encouragement à l’actionnariat salarié et à
l’intéressement.
* Les fonds des compagnies d’assurance gèrent les primes d’assurance, les
assurances-vie et de plus en plus des formes d’épargne en assurances.
*Il ya donc un nouveau venu dans le monde des investisseurs
internationaux : les fonds souverains, c’est-à-dire des fonds de placement
qui appartiennent à des Etats et qui ont pour but de gérer les excédents
financiers des Etats, excédents pétroliers, commerciaux, mais aussi de gérer
des dépôts publics et de les valoriser (à l’exemple de la CDC en France)
(docs 6,7 et 8)
Ces fonds souverains se développent rapidement, puisqu’en l’espace d’un
an leurs actifs ont gagné près de 800 milliards de $.
Les fonds les plus importants sont issus des pays pétroliers (exemple du
fonds des Emirats Arabes Unis : 875 milliards $ à lui seul), et un même pays
peut avoir plusieurs fonds (exemple de Singapour) pour diversifier les
risques et les placements.
On remarquera que la France n’est pas absente de ce processus : elle
dispose de la Caisse des dépôts et consignations qui gère principalement les
fonds déposés par les caisses d’épargne et les fonds déposés par des
professions juridiques et les caisses de Sécurité sociale.
La France dispose également du fonds de réserve des retraites (FRR doc 7),
et depuis peu (18 Novembre 2008) de l’annonce d’un nouveau fonds : le
fonds souverain à la française (ou fonds stratégique) doté de 10 à 20
milliards d’€ dont le rôle sera de sécuriser le capital des entreprises
françaises (exclusivement) stratégiques menacées mais qui sera contrôlé par
la CDC.
2 Des investisseurs à priori non spéculatifs
Cet ensemble d’investisseurs institutionnels présente une caractéristique au
départ commune : ils placent leurs fonds et recherchent une rentabilité
élevée, mais ils ne spéculent pas ou très peu.
La spéculation semble en effet contradictoire avec leur activité première :
celle d’assurer une valorisation des actifs qu’on leur a confiés, mais sans
faire courir de risques excessifs à ces actifs.
La raison n’est pas ici une quelconque sagesse : elle tient beaucoup plus à la
personnalité même de ceux qui confient leurs capitaux : ce ne sont pas des
« parieurs » mais des personnes d’une richesse moyenne ayant avant tout
peur de la perdre, à l’exemple des futurs retraités.
Ces investisseurs ont même un pouvoir relativement stabilisant : ils cèdent
rarement aux paniques et mouvements brusques, à la hausse ou à la baisse :
ils préfèrent le placement de moyen terme, des valeurs sûres et connues, et
assez peu des produits financiers sophistiqués, à l’image des fonds
souverains qui investissent surtout dans l’industrie.
Dans l’état actuel de nos connaissances, il ne semble donc pas que ces
investisseurs internationaux soient globalement à l’origine de la crise
financière actuelle même si leurs réactions l’a sans doute aggravée.
Cela ne veut pas dire néanmoins qu’ils n’ont pas été eux aussi contaminés
par les « subprimes », la titrisation et les produits dérivés (surtout les fonds
de pension et les fonds d’assurance). Ceci tient à la fois à la « gourmandise »
des dirigeants (souvent rémunérés au résultat) et aux exigences des clients
de plus en plus soucieux de rentabilité maximale.
Le problème étant que ces fonds internationaux ont amplifié la crise
financière : dés les premiers signes de menace, ils ont massivement retirés
leurs fonds des sociétés « suspectes », ce qui a contribué à accentuer leur
chute, à l’exemple de Lehman Brothers.
Ces fonds internationaux sont en ce moment ravis des niveaux
d’endettement des Etats : le placement en obligation d’Etat est certes moins
rentable, mais quelle sécurité !! Selon la BRI, le « marché de dettes »
représenterait actuellement 60400 milliards $.
3 Le problème : leurs critères de choix.
Ces fonds internationaux ne sont donc pas à priori les plus spéculatifs. Mais
ceci ne veut pas dire qu’ils ne recherchent pas une rentabilité élevée.
Comment font-ils alors leurs choix ?
Parmi la multitude des choix possibles, et compte tenu de la rapidité des
décisions qu’ils doivent prendre, ils sont obligés d’avoir des repères qu’ils
estiment fiables.
Une partie de ces repères provient de leurs propres informations et de leur
réflexion. On notera qu’ici les critères sociaux n’ont pratiquement aucune
espèce d’importance, à l’exception notable du fonds souverain norvégien.
Mais une partie importante des renseignements provient d’agences qui se
sont spécialisées dans la notation des sociétés et des actifs dans lesquels les
fonds internationaux souhaitent investir. Une « bonne » note vaut alors de
l’or, autant pour la société ou l’actif qui se voient ainsi valorisés que pour
l’investisseur qui peut ainsi justifier son investissement, surtout en cas
d’échec de celui-ci.
Ces agences de notation (Moody’s, Standard & Poor’s pour les plus
connues) jouent alors un rôle essentiel mais dangereux :
- elles donnent des notes de confiance ou de qualité pour guider les
investisseurs, mais qui note la note ? Par exemple, dans l’affaire d’Enron, le
cabinet Arthur Andersen avait (volontairement ?) sous estimé les risques
d’investissement dans cette société.
- leur notation dépend elle-même de critères : la rentabilité avant
tout, le profit trimestriel… au détriment d’investissements de plus long
terme, d’investissements socialement responsables ou écologiques. Par
exemple, la firme Apple a été littéralement « massacrée » par les agences de
notation au début des années 2000
- mais surtout, les agences de notation ont participé à la dérive de la
spéculation : la part des produits dérivés et des produits sophistiqués dans
leur chiffre d’affaire a augmenté, ils ont délibérément sous estimé les risques
des subprimes, et ils ont donc par là incité des fonds d’investissements à
s’aventurer dans ce type de placements à risques.
II) Les fonds spéculatifs : les Hedge funds
Nous avons jusqu’ici évoqué des investisseurs internationaux dont la
vocation première n’était pas la spéculation, même s’ils n’ont guère su éviter
la tentation.
Nous allons maintenant évoquer un cas particulier, au pouvoir de nuisance
très important : le cas des fonds dont la vocation même est de spéculer : les
fonds spéculatifs, autrement appelés Hedge funds, c’est-à-dire les fonds de
couverture.
1 Qui sont les Hedge funds ?
Leur existence est relativement récente (aux alentours des années 1950),
même si leur idée est ancienne : prendre des positions à l’inverse du
marché, ce qui permet à celui-ci d’être « liquide », c’est-à-dire de
fonctionner effectivement.
Si en effet dans un marché il y a des acheteurs mais pas de vendeurs, le
marché est « illiquide ». Le rôle « premier » d’un fonds de couverture est
alors de devenir vendeur à la place de ceux qui ne le sont pas.
Les Hedge funds se sont considérablement développés depuis le début des
années 2000 : à cette époque, ils géraient 221 milliards $ et il y en avait 3500
dans le monde. Aujourd’hui ils sont 11000 et ils gèrent pour 2250 milliards
$ d’actifs (doc 10).
Il faut remarquer que la plus grande partie des fonds gérés par les Hedge
funds échappe à un contrôle réglementaire puisqu’ils sont placés dans des
sociétés « off shore », c’est-à-dire des sociétés installées dans un pays dans
lequel elles n’exercent aucune activité commerciale (conférence suivante).
L’origine de ces Hedge funds, qu’elle soit historique ou géographique, se
situe bien évidemment aux Etats-Unis (ils représentent 62% des actifs des
Hedge funds), mais l’Europe, et en particulier le Royaume-Uni et le
Luxembourg se développent rapidement.
La France n’est pas absente de ce mouvement : il existe des Hedge funds
« à la française » : des OPCVM à effet de levier (OPCVM Aria)
2 Leur technique préférée : l’opération à découvert.
Les Hedge funds ont des techniques financières diverses et complexes.
Essayons de simplifier.
En apparence, les fonds qu’ils mettent en œuvre (2500 milliards $) sont
« modestes » par rapport aux sommes déjà vues. Mais le problème, c’est que
dans la plupart des cas, les Hedge funds jouent avec des valeurs qu’ils n’ont
pas. Leur pouvoir financier est donc bien plus important que leurs seuls
actifs.
• Ils peuvent acheter à découvert, c’est-à-dire acheter des actifs (actions,
obligations, produits dérivés…) sans avoir les fonds nécessaires. Ils vont
alors les emprunter et rembourser ces emprunts quand ils revendront les
actifs en question : c’est ce que l’on appelle un effet de levier.
Dans ce cas précis, les Hedge funds spéculent à la hausse : ils achètent
aujourd’hui a un prix fixé, et ils espèrent revendre demain à un prix plus
élevé, permettant ainsi le remboursement de la dette initiale et le profit.
C’est ce qui se passe quand ils estiment qu’un actif est très sous coté.
• Mais les fonds spéculatifs préfèrent encore plus la vente à découvert, ce
qui justifie d’ailleurs leur existence initiale.
Le principe est simple : si vous désirez acquérir un actif quelconque (action
par exemple), il est possible que vous n’en trouviez pas, ou alors pas au prix
que vous souhaitez.
Le Hedge funds va alors vous proposer de vous vendre à une date fixée en
commun cet actif au prix souhaité, assorti bien sur d’une commission.
Le Hedge funds ne dispose pas de cet actif. Mais il fait un double pari :
- il trouvera et achètera cet actif avant la date fixée
- son prix d’acquisition sera à ce moment là plus bas que le prix que
vous avez accepté de payer. La différence appartiendra alors au spéculateur.
Pour vous cette opération est sans risque (puisque vous ne payez l’actif que
si on vous le vend), vous n’êtes pas obligé de disposer des fonds le jour du
contrat (mais le jour de la vente), et en cas de non réalisation du contrat
vous recevrez une indemnité fixée d’un commun accord.
Pour le marché, cette opération est également « favorable » puisqu’elle lui
permet d’exister : elle le rend « liquide ».
Pour le Hedge funds, il s’agit cette fois d’une spéculation à la baisse
puisqu’il espère acheter moins cher. Il a donc fait un pari doublement
inverse du votre.
Mais il y a de gros risques :
- si le Hedge funds ne parvient pas à acquérir cet actif à la date
fixée, il devra vous verser une pénalité, mais surtout il risque de perdre la
confiance de futurs acquéreurs. Il est donc prêt à tout pour se procurer cet
actif, y compris en s’adressant à un autre Hedge funds qui lui-même va
s’engager…
- d’où un second risque : devoir accepter d’acheter l’actif beaucoup
plus cher qu’il ne s’est engagé à vous le vendre. Dans ce cas, il devra
supporter de payer la différence. Cela vaut mieux pour lui que d’être évincé
du marché. Mais il peut y perdre très gros.
3 Le risque : la déstabilisation permanente
La raison d’être des Hedge funds est donc de prendre des positions inverses
à celles du marché. Mais en ce faisant, ils peuvent sans cesse le déstabiliser.
• si le marché est à la baisse, le Hedge funds a tout intérêt à vous vendre le
plus d’actifs possibles, puisqu’il pense qu’il pourra acheter encore moins
cher.
• si le marché est à la hausse, il a intérêt à s’endetter au maximum pour
acheter un actif dont il espère qu’il vaudra encore plus cher par la suite.
On en conclue donc, comme en ce moment, que quand la bourse monte,
elle va en une séance monter au-delà du raisonnable (+ 10% !!), et à
l’inverse, quand elle baisse, cela vire à l’effondrement.
On a également l’exemple de l’action Volkswagen qui a gagné 200% en
deux jours !! Comme Porsche avait indiqué qu’il allait acquérir 53% du
capital, les Hedge funds ont eu peur de ne pas pouvoir acheter les actions
qu’ils avaient promises : ils se sont alors rués pour acheter les actions
restantes, contribuant ainsi à leur hausse.
Cette spéculation peut se faire en cascade : le Hedge funds dispose d’un
contrat par lequel quelqu’un s’engage à lui acheter un actif à une date fixée
à un prix fixé.
Rien n’empêche alors le Hedge funds de se servir de cette garantie pour
obtenir un prêt (par exemple), rien n’empêche le prêteur de se servir de la
garantie du Hedge funds pour acheter un autre actif….
La situation idéale des fonds spéculatifs est donc l’incertitude financière
permanente puisque c’est là qu’ils peuvent opérer. Leur existence est donc
contradictoire avec une finance connectée sur le monde productif « réel »,
qui suppose au contraire de la visibilité et de la permanence.
Les Hedge funds sont donc ravis de la situation financière actuelle, même si
beaucoup d’entre eux vont y laisser leur existence. Mais les autres vont y
gagner beaucoup.
De là à dire qu’ils portent une part de responsabilité dans le déclenchement
de cette crise….
Conclusion : les pertes des investisseurs et leurs conséquences;
Les graphiques précédents viennent de nous montrer l’ampleur des pertes
financières depuis le mois de Septembre.
On estime que le total des pertes boursières mondiales depuis Janvier 2008
est de 32000 milliards de $.
Ces pertes vont avoir deux conséquences tout aussi désastreuses :
- d’une part, la perte de valeur des actifs va pousser à l’arrêt des
plans d’investissements et de financements, mais aussi à la limitation des
projets de consommation. La sphère réelle est donc directement touchée
par les prises de risques financières.
- d’autre part, les autorités sont contraintes, pour sauver les
meubles, de couvrir les pertes les plus criantes, supprimant ainsi ce que l’on
appelle « l’aléa moral » et encourageant de ce fait de futures spéculations.
L’économiste Bernard Maris (sur France Inter) dit alors justement que nous
sommes déjà en train de préparer la crise suivante.