Pulsars et applications à la métrologie Pulsars and - Lpc2E

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Pulsars et applications à la métrologie Pulsars and - Lpc2E
Pulsars et applications à la métrologie
Pulsars and applications to metrology
Ismaël Cognard
LPCE - CNRS Orléans 3A, Av de la Recherche Scientifique F-45071 ORLEANS CEDEX FRANCE [email protected]
Résumé
Nés de l'explosion des étoiles les plus massives après une
évolution spéciale impliquant des transfers de masse et une réaccélération, les pulsars millisecondes recyclés ont une stabilité de
rotation exceptionnelle. Les observations permettent de collecter des
mesures de temps d'arrivées de grande précision sur les impulsions
radio étroites reçues de ces ''horloges ultra-stables dispersées dans
toute la Galaxie''. De nombreuses études ont été entreprises à propos de
la cosmologie, de la gravitation, du milieu interstellaire, de la physique
des hautes densités ainsi que de l'astrométrie et de la dynamique du
système solaire. Ayant à l'esprit la stabilité exceptionnelle des pulsars,
nous allons évoquer les applications à la métrologie du temps et
mentionner quelques unes des limitations actuelles.
Abstract
Born after the explosion of very massive stars and a special
evolutionary process involving mass transfer and acceleration,
recycled millisecond pulsars have an exceptionally stable rotation.
Observations provide high precision timing measurements of narrow
radio pulses received from what can be seen as very stable clocks
located everywhere in the Galaxy. Many studies are carried out, such
as cosmology, gravitation, interstellar medium, high density physics
as well as astrometry and solar system dynamics. Having in mind the
outstanding stability of pulsars, we will review the applications to time
metrology and point out some of the present limitations.
1. Introduction
Découverts en 1967, les pulsars jouent toujours un
rôle de premier plan en astrophysique et dans les
disciplines voisines. Ce sont les vestiges radio de
l'explosion de grosses étoiles (supernovae). Après cette
violente explosion, seul subsiste au centre un coeur
constitué de neutrons qui pourra, si un champ
magnétique suffisant est présent, être observé en radio
sous forme d'impulsions brèves et régulièrement reçues
à la période de rotation de l'étoile sur elle-même. Tout
de suite, les exceptionnelles qualités de stabilité de la
rotation de ces objets furent remarquées.
Mais, c'est après une quinzaine d'années d'effort de
recherche d'un nombre toujours plus grand de pulsars,
que le premier pulsar ''milliseconde recyclé'' fut
découvert et que toutes les grandeurs associées à ces
objets ont fait un bond de trois ordres de grandeur...
dans le bon sens ! Avec des périodes de l'ordre de la
milliseconde et des stabilités de rotation à long terme
rivalisant avec celles des horloges atomiques, les
applications à la métrologie ont été relancées.
Après avoir rappelé le contexte astrophysique de ces
objets, nous évoquerons l'aspect observationnel avant
de mentionner quelques unes des applications
scientifiques possibles. Enfin, nous
l'application à la métrologie et ses limites.
détaillerons
2. Les pulsars
C'est lors d'études sur la scintillation radio de
sources extragalactiques que les pulsars ont été
découverts. Intéressé à la scintillation produite par le
milieu interplanétaire ionisé sur les ondes radio en
provenance de sources célestes de très faibles
dimensions angulaires, A.Hewish dressa à Cambridge
(UK) en 1965 les plans d'un radiotélescope constitué de
2048 dipôles couvrant 18000m2 et opérant à la longueur
d'onde de 3.7m. En juillet 1967, le réseau fut prêt et les
observations commencèrent avec l'aide précieuse de
l'étudiante Jocelyn Bell. Dès la mi-août 1967, elle
détecta des signaux intrigants mais il fallut attendre la
fin novembre pour avoir la confirmation de la réception
de pulses radio reçus à intervalles réguliers avec une
période d'environ une seconde (Hewish et al [1]). Il n'a
pas tout de suite été reconnu la signature de la rotation
d'une étoile à neutrons, il fallut attendre l'article de
Gold [2] pour comprendre que deux faisceaux d'ondes
radio étaient émis au niveau de l'axe magnétique de
l'étoile et qui entraînés par sa rotation produisaient
l'effet de régularité dans la réception sur Terre des
impulsions radio. L'analogie habituellement mentionnée
est celle du phare au bord de la mer dont on perçoit des
flashs lumineux réguliers.
Fig. 1. − Première observation du pulsar CP1919
(maintenant appelé PSR B1919+21) effectuée en
novembre 1967.
La rotation de ces objets s'est vite révélée très
régulière et expliquée par l'extrême compacité des
étoiles à neutrons : 1.4 fois la masse du Soleil
concentrée en un rayon de 10 à 20km de diamètre. La
structure interne des étoiles à neutrons présente un
superfluide de neutrons, une succession de couches
JOURNEES DU CNFRS, "Métrologie et capteurs en électromagnétisme", MEUDON, 29-30 MARS 2004
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cristallines et une croûte plus ou moins couplée avec le
reste de l'étoile.
En 1974, le premier pulsar binaire a été découvert
par le Pr J.H.Taylor et son étudiant R.A.Hulse (Hulse &
Taylor [3]). Le retentissement de cette découverte
proviendra du fait qu'il s'agit en fait d'un pulsar double :
deux étoiles à neutrons en rotation rapide l'une autour
de l'autre. Cela sera détaillé au paragraphe suivant.
Ce processus de recyclage nécessite l'existence
d'un système d'étoile binaire au départ, ceci est
relativement courant, mais il faut surtout qu'il ait
survécu au cataclysme qu'est l'explosion en supernova
de l'étoile la plus grosse. Celle-ci donne naissance à une
étoile à neutrons, qui si elle est dotée d'un champ
magnétique suffisemment intense sera vue sous forme
d'un pulsar qui s'éteint au bout de quelques millions
d'années. Après un certain temps, c'est alors la
deuxième étoile qui commence à être instable et à
déverser de la matière sur le pulsar éteint. Par transfert
de moment angulaire, ce pulsar est ré-accéléré jusqu'à
atteindre une période de rotation qui peut être bien plus
petite que sa période de ''naissance'' (quelques
millisecondes par rapport à une période à la naissance
de l'ordre de quelques dizaines de millisecondes).
Fig. 2. − Schéma d'une étoile à neutrons dotée d'un
champ magnétique et produisant des faisceaux d'ondes
radio balayant l'espace.
En 1982, une découverte inattendue relança
l'intêret pour ces objets. Le Pr D.C.Backer de
University of California, Berkeley découvra un pulsar
effectuant plus de 642 tours par seconde sur lui-même!
Alors qu'à première vue, ce pulsar pouvait sembler
extrêmement jeune, il s'est avéré par l'observation de
son ralentissement extrêmement petit être un vieux
pulsar que l'on pense maintenant avoir été recyclé
(Backer et al. [4]).
Fig 4. - Recyclage d'un pulsar dans un système binaire.
L'évolution de ces pulsars recyclés commence
donc, juste après la naissance, par une première phase
où la période croit rapidement de quelques dizaines de
millisecondes à plusieurs centaines de secondes à cause
d'une dérivée de la période probablement induite par un
couplage important entre le champ magnétique de
l'étoile et son entourage. Le champ magnétique et la
dérivée de la période diminue au court de la phase
''pulsar'' qui durera quelques millions d'années. Suite au
processus de ré-accélération (qui pourra intervenir bien
après l'extinction du pulsar), le pulsar présente une
rotation rapide avec un ralentissement extrêmement
faible hérité de la fin de sa première phase. Les valeurs
étant typiquement une période d'une seconde et une
dérivée de la période de 10-15s/s pour les pulsars
ordinaires et une période de quelques millisecondes et
une dérivée de 10-20s/s pour les pulsars recyclés.
A ce jour (début 2004), 1395 pulsars sont dans les
catalogues (http://www.atnf.csiro.au/research/pulsar/)
dont près d'une centaine sont des pulsars recyclés ou en
binaires serrés
Fig 3. - Distribution des périodes de rotation des
pulsars. La classe des pulsars recyclés présentant des
périodes de rotation de quelques millisecondes est bien
visible à gauche sur ce diagramme.
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BULLETIN DU BNM n° 12X, Volume 2004-Y
3. L'observation des pulsars
L'observation des pulsars nécessite un radiotélescope capable d'analyser les signaux en provenance
du ciel. Les pulsars millisecondes étant en général très
faibles, il faut les plus grands radiotélescopes du monde
pour les étudier. Les radiotélescopes d'Arecibo (à Porto
Rico), de Green Bank (US), de Nançay (France), de
Jodrell Bank (GB), de Parkes (Australie) et d'Effelsberg
(Allemagne) sont tous impliqués à des degrés divers
dans des campagnes soit de recherche soit d'études des
pulsars millisecondes.
Par exemple, depuis 1988 le grand radiotélescope de
Nançay est utilisé pour effectuer des mesures de temps
d'arrivées des impulsions radio de grande précision.
Démarré à l'époque sous l'impulsion de J.-F.Lestrade de
l'Observatoire de Paris, le programme continue
maintenant ses développements en collaboration avec
des collègues de University of California, Berkeley. La
traversée du milieu interstellaire, en partie ionisé, par
les impulsions radio leur font subir divers outrages et
des instrumentations complexes doivent être
développées pour s'en affranchir (il s'agit de dédisperser
le signal).
NBPP amenée dans le cadre d'une collaboration avec
des collègues du Naval Research Lab à Washington,
DC en figure 5). Bien entendu, les observations (figure
6) sont faites avec une horloge précise pour référence.
A Nançay, un Rubidium est donc utilisé pour dater les
observations. Affecté d'une dérive importante de l'ordre
d'une demi-microseconde par jour, cette horloge est en
permanence comparée avec les horloges de
l'Observatoire de Paris par GPS en vue commune. On
élimine ainsi l'horloge de bord du satellite GPS et on
peut raccorder les observations faites à Nançay avec les
meilleurs échelles de temps à quelques nanosecondes.
Une fois collectés un grand nombre de temps
d'arrivée, une phase d'analyse a lieu où une
comparaison des temps d'arrivée mesurés est faite avec
des temps d'arrivée calculés à l'aide d'un modèle de
propagation des ondes et un ensemble de paramètres a
priori pour le pulsar (période et ses dérivées, position,
mouvement propre, distance, éléments orbitaux pour un
binaire, ...). En fait, comme les paramètres sont en
général bien connus, un simple ajustement, au sens des
moindres carrés, est effectué pour les affiner. Les
paramètres sont une partie seulement de l'intêret
(surtout pour les systèmes binaires), mais ce sont aussi
les ''résidus de temps d'arrivée'', ou différences entre les
temps d'arrivée mesurés et les calculés qui sont
intéressants à inspecter. Si la présence d'un
systématisme est avérée, alors un effet ou un
phénomène physique n'a pas été intégré dans le modèle
à tort, et c'est là que les choses intéressantes
commencent ! Par exemple, pour les deux pulsars PSR
B1821-24 et B1937+21 observés à Nançay depuis une
quinzaine d'années, du bruit très basse fréquence
persiste et dont l'origine n'est pas encore complètement
élucidée (voir figure 7).
Fig 5. - Instrumentation pulsar NBPP installée à
Nançay.
Fig 6. - Observation du pulsar PSR J1713+07
effectuée à Nançay avec l'instrumentation NBPP.
Fig 7. - Résidus de temps d'arrivée de PSR B1821-24
(P=3.05ms) et B1937+21 (P=1.55ms) observés à
Nançay. Notons que le pulsar PSR B1937+21 a effectué
289 554 544 115 rotations entre la première et la
dernière observations, pas une de plus, pas une de
moins !
A Nançay, trois ou quatre générations
d'instrumentations aux évolutions diverses se sont ainsi
soit succédées, soit cotoyées (voir l'instrumentation
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4. Les applications de l'observation des
pulsars millisecondes
La stabilité des pulsars ordinaires déjà remarquable
pour un objet macroscopique s'est vue améliorée d'un
facteur environ 1000 avec les pulsars millisecondes
recyclés. La stabilité des pulsars est en effet observée
être fonction de la dérivée de la période et de l'âge du
pulsar. La stabilité des pulsars n'est pas très bonne à
court terme (sur quelques secondes à quelques jours) à
cause du milieu interstellaire, mais elle s'améliore et sa
projection à très long terme pourrait rivaliser avec les
meilleurs horloges terrestres (voir figure 8).
sensible aux ondes gravitationnelles par l'intermédiaire
des ''modifications de distances'' entre l'émetteur et le
récepteur (variations de la métrique) (Detweiler [5],
Hellings & Downs [6]). Des avances ou des retards
dans l'instant d'arrivée des impulsions radio peuvent
être interprétés comme la signature d'ondes
gravitationnelles. Bien entendu, comme il s'agit d'un
fond d'ondes, il faut détecter un bruit dans les temps
d'arrivée. Ceci est envisagé par la recherche de
corrélation dans les bruits de temps d'arrivée obtenus
sur un ensemble de pulsars bien répartis sur la voûte
céleste. Cet effort se fait de façon internationale avec
des séries de temps d'arrivée obtenues dans différents
observatoires pour être combinées entre elles (Kaspi,
Taylor & Ryba [7]).
Fig 9. - Variations de la ''distance'' Pulsar-Terre sous
l'effet d'une onde gravitationnelle.
Etudes des théories de la gravitation
Fig 8. - Stabilité de différentes horloges depuis celle
de Huygens jusqu'aux horloges dernier cri.
Grâce à cette stabilité, de nombreuses études vont
être entreprises car il est alors possible de considérer le
pulsar comme une horloge de référence située à l'autre
bout de la Galaxie.
Détection d'un fond d'ondes gravitationnelles
Parmi les applications, la plus ambitieuse est sans
conteste la détection, ou la mise de contraintes d'un
fond d'ondes gravitationnelles d'origine cosmologique.
Les cosmologistes prédisent, en effet, que dans les tout
premiers instants de l'expansion de l'Univers (phase de
l'inflation) des ondes gravitationnelles ont été émises en
quantité (par accélération des masses - et par les cordes
vibrantes dans le cadre de cette théorie-). Ces ondes
gravitationnelles se propagent toujours dans l'Univers et
forment ce que l'on appelle un fond d'ondes. La mesure
des temps d'arrivée des impulsions radio des pulsars est
4
Une autre application importante est l'étude de la
gravitation et le test des différentes théories de la
gravitation. En effet, la théorie de la Relativité
Générale d'Einstein n'est pas la seule à décrire les
interactions gravitationnelles, d'autres théories existent
et le pulsar en système binaire serré est LE laboratoire
pour tester en champ gravitationnel fort les différentes
théories. Ces différentes théories différent justement
davantage en champ gravitationnel fort. Après le
premier prix Nobel de Physique obtenu en 1974 pour la
découverte de la première étoile à neutrons, ce domaine
de l'astronomie a encore les honneurs du Nobel de
Physique en 1993 avec la récompense obtenue par le Pr
J.H.Taylor et R.A.Hulse pour la découverte du pulsar
binaire PSR B1913+16 et les applications en physique
fondamentale. Une preuve indirecte de l'existence des
ondes gravitationnelles a été apportée par Taylor &
Weisberg [8] avec l'observation (à 0.5% près) d'un taux
de décroissance de la période orbitale du système
expliqué par l'émission d'ondes gravitationnelles (et la
perte d'énergie du système). A ce jour, les tests sur les
théories de la gravitation continuent par le biais de la
mesure des paramètres ''post-képlériens''. Un
formalisme a été développé pour réunir toutes les
différentes théories de la gravitation où les valeurs d'un
ensemble de paramètres, obtenues sur différents
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pulsars, permettent de discriminer entre les différentes
théories concurrentes (voir figure 10) (Damour &
Taylor [9], Stairs et al. [10]).
Fig 11. - Résidus de temps d'arrivée et intensité du
pulsar PSR B1937+21 observé à Nançay montrant
l'effet d'une structure réfractante en Octobre 1993.
Fig 10. - Schéma d'un système de pulsar double (2
étoiles à neutrons en rotation serrée l'une autour de
l'autre) et représentation des contraintes imposées par
l'observation effectuée sur différents pulsars sur le plan
représentant les différentes théories de la gravitation.
Etude du milieu interstellaire
La qualité des temps d'arrivée permet aussi d'étudier
le milieu interstellaire. En effet, la turbulence présente
dans la composante ionisé du milieu interstellaire
provoque des variations de temps d'arrivée (par
variations du retard de dispersion). Ces variations de
temps d'arrivée et d'intensité sont utilisées pour
contraindre, par exemple, le spectre des fluctuations de
densité du milieu. Des évènements particuliers peuvent
aussi être détectés comme ce fut le cas en 1993 sur le
pulsar PSR B1937+21 (Cognard et al [11]). Pendant
une quinzaine de jours, en même temps que l'intensité
du pulsar diminue d'un facteur 3 ou 4, les temps
d'arrivée ont été systématiquement en retard de 2
micro-secondes environ (voir figure 11). Cela est
interprété comme le passage sur la ligne de visée d'une
structure discrète (un ''nuage'') provoquant réfraction
des ondes radio induisant décroissance de l'intensité
(lentille divergente) et retard de propagation (courbure
donc allongement du trajet).
Applications diverses
Enfin, signalons pour finir cette énumération l'étude
du potentiel gravitationnel de la Galaxie par suivi des
pulsars situés dans les amas globulaires, la découverte
des planètes extra-solaires (il y en a 3 autour du pulsar
PSR B1257+12), la dynamique du système solaire,
l'astrométrie et le raccordement des référentiels
équatorial et écliptique (la position des pulsars est
déterminée à la fois dans le repère écliptique -par temps
d'arrivée accumulés sur plus d'un an- et dans le repère
équatorial -par observation en VLBI, où c'est la rotation
de la Terre pendant l'observation qui permet de
déterminer la position -). Enfin, mentionnons que le
processus d'émission radio de ces objets ne fait pas
encore complètement l'unanimité parmi la communauté
et qu'il reste du travail à faire sur la physique de
l'émission de ces objets (physique relativiste en champ
magnétique intense).
Regardons maintenant l'aspect ''métrologie'' par
l'utilisation des pulsars comme de véritables horloges.
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5. L'apport des pulsars à la stabilité à long
terme des échelles de temps
Un phénomène périodique peut permettre de définir
une unité de temps et une échelle de temps. En effet,
l'unité de temps est alors définie comme la durée d'un
phénomène particulier alors que l'échelle de temps est
obtenue par addition (sans temps mort) de l'unité de
temps. Cette méthode est actuellement utilisée pour
définir la seconde de temps SI et les échelles de temps
atomique en utilisant des résultats de la physique
atomique. Il est toutefois également possible d'utiliser
un phénomène quasi-périodique. Une théorie permet
alors de reconstruire une succession de ''pseudo''
phénomènes périodiques. Cette théorie va bien entendu
dépendre de paramètres mesurés dont l'incertitude
devra ne pas avoir d'influence notable sur la réalisation
de l 'unité de temps. Un exemple de cette approche a été
la réalisation de la seconde des éphémérides utilisée de
1960 à 1967. La seconde était alors le temps nécessaire
pour que le Soleil se déplace d'une certaine distance sur
la voûte céleste, ceci début 1900. En terme plus précis,
c'était le temps pour que la longitude moyenne L du
Soleil augmente d'une quantité donnée à l'époque 1900.
Le taux d'augmentation de cette longitude n'est pas
constant, mais ce terme quadratique est petit et il était
suffisemment bien connu à partir de la théorie du
système solaire et des mesures de positions des planètes
sur la voûte céleste. Le temps des éphémérides était
alors parfaitement satisfaisant jusqu'à l'avénement du
temps atomique.
Transposée aux pulsars, la définition d'une unité de
temps pourrait être que la seconde ''pulsar'' est la durée
de N périodes du pulsar X à l'époque to. Il est alors
nécessaire de déterminer la valeur de la dérivée de la
période sans se baser sur l'échelle de temps atomique,
sinon l'échelle de temps pulsar suivra le temps
atomique. La question est de savoir si l'on peut
connaître la valeur de cette dérivée d'une manière
totalement indépendante. Ce n'est pour l'instant pas le
cas, mais on peut d'ors et déjà estimer l'incertitude
nécessaire pour
concurrencer l'échelle de temps
atomique. Pour tenir une stabilité de 10-14 sur un siècle,
il faudrait ainsi connaître la dérivée à 5x10-8 près en
relatif pour le pulsar PSR B1937+21 (P=0.00155s
Pdot=10-19s/s) (Guinot & Petit [12]). Ceci est très
sévère et il est peu probable qu'à court terme (sans la
découverte d'un pulsar avec une dérivée bien plus
petite) il ne sera pas possible de construire une échelle
de temps pulsar indépendante de l'échelle de temps
atomique.
Rappelons que les mesures de temps d'arrivée (PT
Pulsar Time) sont effectuées par rapport à une échelle
de temps atomique terrestre (AT Atomic Time) et que
les résidus sont donc une réalisation de AT-PT. Il a été
remarqué que l'ajustement des paramètres du pulsar
(nécessaire pour obtenir des quantités interprétables) se
faisant sur des temps d'arrivée exprimés sur AT, cela
induisait de facto une dépendance de PT sur AT. De
plus, l'ajustement des paramètres du pulsar absorbe de
6
cette différence AT-PT une partie des instabilités de
AT. En effet, par exemple, ajuster la dérivée de la
période, c'est ajuster une parabole aux résidus, alors que
l'ajustement de la position revient à ajuster des termes
périodiques annuels. Petit & Tavella [13] ont évalués
ces effets sur la stabilité de AT (voir figure 12). Les
fonctions ajustées (parabole et termes périodiques
annuels) ont des instabilités, en terme de variance de
Allan en log-log, exprimées sous la forme de pente +1
et -1 et égales à la stabilité de AT pour une échelle de
temps de l'ordre de la durée d'observation (parabole,
pente +1) et pour une échelle de temps de 6 mois
(termes périodiques annuels, pente -1). Le minimum se
situe vers une échelle de l'ordre de la racine carrée de la
moitié de la durée d'observation. Ainsi, au mieux, un
pulsar observé 100ans permettra d'estimer l'instabilité
de AT au niveau de 1x10-15 pour une échelle de 7ans.
Ceci nécessite bien évidement que le pulsar lui-même
ait une stabilité meilleure que 1x10-15, ce qui est tout de
même pas encore assuré.
Fig 12. - Figure 1 de Petit & Tavella [13] montrant les
limitations sur la stabilité introduites par l'ajustement
des paramètres du pulsar.
Petit & Tavella [13] ont proposé d'effectuer une
moyenne d'ensemble des réalisations AT-PTi de
plusieurs pulsars de manière pondérée (en tenant
compte de la ''qualité'' intrinsèque de chaque pulsar). Le
poids devrait probablement être proportionnel à la
stabilité du pulsar et pourrait être l'inverse de la
variance de Allan (normalisé à 1). La figure 13 montre
une réalisation de ce type de moyenne effectuée par
Petit & Tavella [13] avec les pulsars PSR B1855+09 et
PSR 1937+21 observé à Arecibo et Nançay.
Avec des durées d'observation de 7 et 10ans, les
remarques à propos de l'absorption des instabilités de
AT montre que la stabilité de PT-AT sera la moins
dégradée pour une échelle de temps de 2ans. Les
instabilités de B1855+09 et 1937+21 à 2ans imposent
alors des poids de 0.14 et 0.86 respectivement.
BULLETIN DU BNM n° 12X, Volume 2004-Y
6. Instabilité de rotation des pulsars
millisecondes : le ''glitch''
Fig 13. - Figure 2 de Petit & Tavella [13] montrant
la moyenne d'ensemble pondérée AT-PTens obtenue
avec les pulsars PSR B1855+09 et B1937+21.
La figure 14 montre la stabilité de AT-PTens (avec
AT-PT_1855 et AT-PT_1937) et démontre que ATPTens fait mieux n'importe quel AT-PTi avec une
stabilité de 2x10-14 entre 1.5 et 2.5ans.
En plus des obstacles mentionnés au paragraphe
précédent, d'autres complications provenant de l'objet
astrophysique lui-même interviennent. Les pulsars
millisecondes recyclés sont connus pour être beaucoup
plus stables que les pulsars ordinaires et être exempts
de ces changements abrupts de période de rotation,
appelés ''glitch'', observés sur les pulsars jeunes (Lyne,
Shemar & Graham Smith [14]). Les pulsars recyclés
étant des pulsars âgés, il est admis que toutes les
réorganisations de structure ont eu lieu ; l'organisation
interne de l'étoile est stabilisée.
Les observations éffectuées à Nançay viennent de
montrer, pour la première fois pour un pulsar
milliseconde recyclé, un ''glitch'' (Cognard & Backer
[15]). Celui-ci s'est produit en mars 2001, et outre le
fait que cela ait été inattendu, il a fallut du temps pour
accumuler un retard suffisant pour reconnaitre sans
ambiguité la signature d'un tel phénomène. En effet,
celui-ci est d'environ 2 ordres de grandeur plus faible
que le plus petit ''glitch'' précedemment observé sur un
pulsar (10-11 en relatif sur la période, comparé à 10-9).
La figure 15 montre les résidus de temps d'arrivée
obtenus à Nançay (et à Green Bank -croix-) avec et sans
correction du ''glitch'' pour après mars 2001. Un
agrandissement montre que le phénomène est rapide
(moins de quelques jours) comme attendu.
Fig 14. - Figure 3 de Petit & Tavella [13] avec la
stabilité (déviation de Allan) de AT-PTens ainsi que
celle de AT-PT_1855 et AT-PT_1937.
Malgré le fait de n'avoir que 2 pulsars observés sur
une durée relativement limitée, il a toutefois été
démontré que l'on devrait pouvoir être capable de
mettre en évidence toute instabilité au niveau de 10-14
grâce à l'observation des pulsars millisecondes. Ce
travail ayant effectué il y a déjà près de 10ans, il
devient urgent de recommencer ce genre d'exercice
avec les derniers résultats d'observations.
Fig 15. - Evolution des résidus de temps d'arrivée du
pulsar 1821-24 observé à Nançay et à Green Bank. Un
''glitch'' (changement brutal de période) est intervenu en
mars 2001.
Une analyse spéciale des temps d'arrivée a été
effectuée pour déterminer la période de rotation du
pulsar pour différentes dates. Période, dérivée de la
période, position et mouvement propre ont été
déterminés dans un permier temps globalement sur les
15 ans de données. Ensuite une détermination de la
fréquence (ou période) de rotation a été conduite
localement (sur des boites d'un an typiquement) après
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avoir extrapolé la position grâce au mouvement propre
et fixé la dérivée de la période. La figure 16 montre les
variations obtenues et confirme la présence d'un ''glitch''
en mars 2001. Ce changement de la fréquence de
rotation est de l'ordre de 3nHz (ou 3x10-14s sur la
période) ce qui fait effectivement 10-11 en relatif.
Fig 16. - Evolution de la fréquence de rotation du
pulsar 1821-24 observé à Nançay. Le changement de
3 nHz dû au glitch est clairement visible début 2001.
Cet évènement d'un type nouveau pour les pulsars
millisecondes recyclés n'est pas de bonne augure pour
les qualités de stabilités de ces pulsars. Toutefois, il
convient de noter que ce pulsar, situé dans un amas
globulaire, est le plus jeune parmi les plus vieux. Son
âge estimé à partir de la dérivée de sa période est de
l'ordre de 30 millions d'années et semble exempt de
biais systématique apporté par son environnement
gravitationel (amas globulaire). Il est à espérer que ce
genre d'évènements, certes intéressants, reste maginal.
7. Conlusion
utilisable et apporter une contribution notable à la
stabilité à très long terme des échelles de temps
terrestres.
Références
[1] Hewish A., Bell S.J., Pilkington J.D.H., Scott P.F. et
Collins R.A., ''Observation of a rapidly pulsating radio
source'', Nature, 217, 1968, p709-713.
[2] Gold T., ''Rotating neutron stars as the origin of the
pulsating radio sources'', Nature, 218, 1968, p731-732.
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recycled millisecond pulsar'', ApJ submitted
La stabilité de rotation exceptionnelle des pulsars
millisecondes recyclés permet des études variées dans
de nombreux domaines comme la cosmologie, la
gravitation, l'étude du milieu interstellaire, ou encore
l'astrométrie. Naturellement des études pour appliquer
ces données à la métrologie du temps ont été menées.
Outre le fait que les pulsars ne peuvent, pour l'instant,
tout seul définir une unité et une échelle de temps, il est
délicat de s'affranchir des corrélations introduites lors
de l'analyse des données pour utiliser la remarquable
stabilité apparente à long terme des pulsars.
De plus, la stabilité à très long terme des pulsars
millisecondes n'est pas forcément garantie. Un ''glitch'',
ou changement brutal de période vient d'être détecté sur
un pulsar milliseconde recyclé (PSR B1821-24 observé
à Nançay)
Des études ont néanmoins montré qu'un sous groupe
de pulsars extrêmement stables, judicieusement choisis,
pourrait servir à construire une moyenne d'ensemble
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BULLETIN DU BNM n° 12X, Volume 2004-Y

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