C - Travail et sécurité

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C - Travail et sécurité
entreprise BTP
Génie civil et terrassement
Sécurité sur toute la ligne
« Le chantier de la branche Est de la LGV RhinRhône doit être exemplaire en termes d’hygiène
et de sécurité. » C’est ainsi que débute la charte
sécurité signée pour chaque marché de travaux
par Réseau ferré de France et les principaux
intervenants du chantier. Pour un chantier
plus sûr pour ceux qui y travaillent, comme pour
ceux qui le côtoient.
C
et de prévention des risques
professionnels qu’en termes
de respect de l’environnement. En témoigne la charte
sécurité signée par le maître
d’ouvrage et ses contractants.
Cette charte, initiée par la
CRAM Bourgogne-FrancheComté, est l’œuvre de Xavier
Gruz, adjoint au directeur
d’opérations LGV Rhin-Rhône
branche Est, pilote du projet
et du chantier pour la direction régionale BourgogneFranche-Comté de Réseau
ferré de France (RFF). Un document unanimement signé,
sur la base du volontariat, par
les entreprises.
Soucieux de marquer ce chantier du sceau de la qualité,
de la responsabilité et de la
sécurité, Xavier Gruz a sollicité
’est le plus grand chantier de génie civil du
moment en France. La
« trace » de la future ligne
à grande vitesse qui reliera
Dijon à Mulhouse en passant par Besançon et BelfortMontbéliard est déjà bien
visible au départ de Voraysur-l’Ognon (Haute-Saône).
Ici, on élève des remblais,
là, on creuse des tranchées.
Plus loin, on s’affranchit des
accidents du terrain en aménageant un viaduc. Ailleurs,
de petits ouvrages en béton
marquent la volonté des terrassiers de faire place nette
pour la pose des futurs équipements ferroviaires.
Ce chantier superlatif se veut
exemplaire, aussi bien en termes de sécurité des personnes
La chasse au travail dissimulé
L
a charte sécurité a fait de la lutte contre le travail dissimulé
un autre axe d’excellence. Les conseils de la CRAM et les
visites fréquentes de l’inspection du travail ont permis de
faire avancer les choses. Les copies de chaque courrier adressé
aux entreprises récalcitrantes parvenaient aussitôt à Xavier
Gruz. Les conséquences ne se sont jamais fait attendre :
« Une entreprise qui s’obstinait à ne pas respecter les termes
de la charte sécurité a été expulsée du chantier une heure
après que l’inspection du travail eut dressé un nouveau
procès verbal », indique Xavier Gruz.
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très tôt les organismes susceptibles de le conseiller sur le
sujet. « Le plan général de coordination santé sécurité environnement (PGC SPS) de génie civil
a été élaboré en concertation
avec l’inspection du travail et
la CRAM Bourgogne-FrancheComté, pré­cise-t-il. C’est au
cours des réunions prépara­
toires que s’est précisé le projet
ambitieux décliné dans nos
marchés. » Parmi les principes énoncés : les engins de
terrassement doivent tous être
équipés d’une caméra de recul.
« En fait, la CRAM a proposé
de se focaliser sur deux points
caractéristiques des chantiers
dits linéaires : le risque d’écrasement par recul d’engin et
les installations d’hygiène au
plus près des échelons de terrassement », explique Roland
Scattolin, ingénieur-conseil
en charge du BTP à la CRAM
Bourgogne-Franche-Comté. Et
pour être effectives, ces deux
Après une période de tests de
plusieurs mois au cours de laquelle
un tiers du parc de machines de
GTM terrassement a été équipé de
caméras de recul, c’est aujourd’hui
la totalité de ce parc qui s’en
trouve dotée.
Une équipe
renforcée
au service
de la sécurité
© Patrick Delapierre pour l’INRS
T
mesures ont été inscrites dans
les documents de marché. En
revanche, pas question d’imposer un type de caméra ni
des critères de choix.
Une formation
nécessaire
Les premières réunions avec
les entreprises sont houleuses, car les investis­sements ne
sont pas anodins et les exigences du maître d’ouvrage sans
précédent. L’inspection du
travail et la CRAM conseillent,
renseignent, appuient le discours du maître d’ouvrage,
en précisent le cadre réglementaire et finissent par
convaincre. Les entrepreneurs, d’abord franchement
réticents, finissent par s’approprier le projet, encouragés
par la détermination du maître d’ouvrage. « L’aventure des
caméras a d’abord été subie,
les “subtilités” du PGC ne nous
étant apparues que tardivement », se remémore Nicolas
Fleuriot, directeur de travaux
pour GTM, pour les tronçons
B2, B3, B4. Responsable d’environ 650 personnes et d’un
parc de plus de 100 machines,
sa réaction est pragmatique.
Il confie à Daniel Legain, responsable sécurité, le soin de
faire tester des produits du
marché. Rapidement, trois
d’entre eux sont sélectionnés
puis testés pendant un mois
énacité et persévérance
caractérisent l’action
du maître d’ouvrage. Son
implication dans le suivi au
quotidien de la sécurité sur
le chantier est essentielle.
Pour ce faire, Xavier Gruz,
pilote du projet et du
chantier pour la direction
régionale BourgogneFranche-Comté de Réseau
ferré de France (RFF), a
non seulement nommé
un coordonnateur par
tronçon, mais également
missionné une animatrice
de coordination au sein de
RFF. Celle-ci a d’ailleurs vu
sa mission se renforcer et
passer de 60 % à 100 % de
temps de travail. Toujours
en contact avec la CRAM
Bourgogne–Franche-Comté
et participant à tous les
CISSCT, elle a une vision
globale de l’état du chantier
qui lui permet d’être un
bon relais de la volonté du
maître d’ouvrage. « Grâce
à cette organisation, les
messages passent vite et
sont clairement reçus »,
commente Xavier Gruz.
sur de nombreux engins. Pour
finir, « nous avons fait le choix
d’un produit plutôt haut de
gamme, doté de la couleur et
du son. Après un mois de tests,
l’ensemble du parc du tronçon
B3 a été équipé. » De fait, un
tiers de l’ensemble du parc
GTM terrassement s’en est
trouvé ainsi doté. Après plusieurs mois d’expérience en
fonctionnement, un bilan, présenté au P-DG de GTM terrassement, aboutit à la décision
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entreprise BTP
Sécurité sur toute la ligne
En appui
d’une bonne organisation
remarques, des propositions
d’aménagements. » Parmi les
besoins identifiés : un module
de formation spécifique sur
le maniement de la caméra.
« On s’est aperçus que certains
jeunes conducteurs délaissaient les autres dispositifs au
profit de celui-là. » Une erreur
payée d’un renversement
sans gravité d’un véhicule. Le
CHSCT de GTM a donc été sollicité afin de définir de nou-
Adoptée comme solution
technique de prévention
d’écrasement des personnes,
la caméra de recul ne peut
se substituer à une bonne
organisation du chantier.
velles formations pour une
prise en main correcte. « La
caméra vient seulement compléter l’arsenal des moyens
de contrôle de conduite et
non s’y substituer », précise
Daniel Legain. Constat plus
réjouissant, les caméras ont
contribué de facto à l’amélioration de la productivité.
Les manœuvres plus précises
prennent moins de temps.
À l’échelle d’une journée, ce
© Patrick Delapierre pour l’INRS
d’équiper la totalité du parc
de l’entreprise. Désormais,
le document unique de GTM
terrassement mentionnera la
caméra de recul comme une
des solutions techniques de
prévention au risque d’écrasement des personnes pour une
série de postes de conduite
d’engins.
Une fois la facture payée « à
raison d’environ 1 000 euros
par caméra », Nicolas Fleuriot
reconnaît que l’équipement a
été rapidement apprécié par
les conducteurs. « Pendant
les quarts d’heure de sécurité du lundi, décrit Daniel
Legain, les conducteurs nous
ont fait remonter toutes leurs
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L
es collisions entre engins et piétons étant devenues un
risque d’accident mortel prépondérant, la CNAMTS a
entamé voici quelques années la mise à jour de l’ensemble
des recommandations touchant au BTP. Aussi bien sur le plan
réglementaire que pour améliorer les dispositions techniques.
Ainsi, une recommandation de la CNAMTS, intitulée
« Prévention des risques occasionnés par les véhicules
et engins circulant ou manœuvrant sur les chantiers du BTP »,
a été adoptée par le Comité technique national des industries
du bâtiment et des travaux publics, le 14 novembre 2007.
Elle s’intéresse à la démarche de prévention technique
qui complète les mesures organisationnelles lorsque celles-ci
ne suffisent pas et présente, en annexe, les avantages
et les inconvénients des dispositifs d’aide à la conduite
disponibles et adaptés à l’environnement BTP.
« Cette recommandation ne préconise aucune technologie
en particulier, explique Alain Lebrech, expert au département
Expertise et conseil technique de l’INRS, qui a animé le groupe
de travail chargé de l’élaboration du document. Mais elle met
l’accent sur l’organisation du chantier. Il faut chercher avant
tout à réduire au maximum les situations à risque. Dans ce
cadre, les dispositifs techniques viennent en appui
de l’organisation du chantier. » La caméra de recul fait partie
de ces dispositifs d’appui et apparaît comme une variation
sur le thème du rétroviseur : elle se présente comme une aide
aux manœuvres. De toutes les façons, « il n’existe pas
de système universel », poursuit Alain Lebrech. À la lumière
de ce constat, l’INRS s’est engagé dans un programme de
recherche appliquée explorant les possibilités offertes par
plusieurs technologies, en partenariat avec des entreprises.
Une équipe pluridisciplinaire est chargée de leur évaluation.
« Pour l’instant, plusieurs dispositifs exploitant les possibilités
offertes par les ultrasons, les faisceaux laser, les ondes radio,
sont en cours d’étude, et ce, pour l’équipement d’engins
de chantier, de chariots automoteurs ou de camions »,
remarque Alain Lebrech. Affaire à suivre, donc.
gain de temps, multiplié par
le nombre d’engins qui tournent, devient une véritable
économie.
« La cabane au fond
du jardin »
Deuxième point fort du chantier prévu par la charte : les
conditions et la qualité de vie
au travail. La CRAM a insisté
pour que soit mis fin à ce que
Jean-Paul Pion, contrôleur de
la CRAM, appelle « la cabane
au fond du jardin ou mieux
le système D ». RFF a donc
imposé que des installations
collectives de qualité, parfaitement entretenues, éclairées
et chauffées, soient placées
au plus près de chaque échelon de terrassement. Trois
niveaux d’aménagements ont
été mis en place : des bases
principales où se trouvent
© Patrick Delapierre pour l’INRS
Des équipements sanitaires
mobiles ont été mis en place
afin de respecter des conditions
d’hygiène et de qualité
de vie élémentaires.
sommées là aussi de se mettre en règle, l’addition a été
salée : « 90 000 euros pour les
dix utilitaires que nous avons
achetés. Auxquels il faut y
ajouter le budget d’entretien »,
annonce Nicolas Fleuriot, qui
a investi dans des bungalows
mobiles. Tout le monde pourtant a fini par y trouver son
compte, d’autant que la profession se féminise. « On s’est
rapprochés des conditions
de vie au travail des gens
des bureaux », commente le
directeur des travaux de GTM.
© Patrick Delapierre pour l’INRS
généralement l’encadrement
et l’administration du lot, des
bases secondaires dotées de
vestiaires, sanitaires et salles
de restauration qui servent
à l’embauche et, enfin, des
équipements mobiles au plus
près de la zone de travail.
Résultat : bungalows mobiles
équipés de sanitaires éclairés et chauffés, avec réserve
d’eau et évacuation, locaux
modulaires de location ou
roulottes « design » jalonnent
les 140 km du chantier. En
revanche, les investissements
imposés aux titulaires des
lots ont parfois fait bondir les
sous-traitants et fournisseurs.
En effet, pour les entreprises
Le plus grand chantier de génie
civil du moment en France se veut
exemplaire en termes de sécurité
des personnes et de prévention
des risques professionnels.
« C’est une grande première. Le
secteur n’avait que quarante
ans de retard par rapport à la
réglementation de 1965, plaisante Jean-Paul Pion. Ainsi,
des préceptes d’hygiène tout
à fait basiques comme pouvoir se laver les mains à l’eau
chaude ou disposer de vraies
toilettes propres et confortables sont enfin réalisables. » Il
reste à faire passer aux compagnons le message que le
respect du bien de tous par
chacun profite à tous.
Christine Larcher
Photos : Patrick Delapierre
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