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Signez ici la pétition :
https://www.change.org/p/mettons-fin-au-gachis-alimentaire-en-europe-stopfoodwaste
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manifeste contre le gaspillage
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du même auteur
Comment peut-­on être de droite aujourd’hui et pour un
nouveau contrat social ?, Ramsay, 2006.
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Arash Derambarsh
Manifeste
contre le gaspillage
Préfaces de Mathieu Kassovitz
et de Jean-Jacques Eledjam
Postface de Stéphanie Rivoal
Fayard
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Ce livre a été édité en collaboration avec Anne Botella.
© Librairie Arthème Fayard, 2015.
ISBN : 978‑2-­213‑69386‑6
Dépôt légal : octobre 2015
Couverture : © Nicolas Wiel
Illustration © Kurhan/Dreamstime
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« La vie, la liberté et la recherche du bonheur. »
Thomas Jefferson
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Préface
de Mathieu Kassovitz
Que faut-­il pour changer le monde ?
Une idée.
Juste une.
Une idée qui vous semble si légitime que vous
êtes certain qu’elle peut avoir un impact réel sur
la société. Une idée si forte qu’elle vous trans‑
porte au-­delà des difficultés insurmontables qui
se dressent déjà entre vous et votre but. Une idée
qui vous inspire au point d’inspirer les autres, ou,
plus simplement, une idée qui vous expose à une
réalité différente.
Cela peut être une question scientifique, une
ambition artistique, une utopie politique… Mais
une idée n’a d’importance que si la personne qui
l’a formulée arrive à la transmettre au plus grand
nombre, et si sa « légitimité » pour répondre à un
problème ou ouvrir les esprits a assez de perti‑
nence pour que cette idée devienne universelle.
Une idée qui change le monde est une idée
qui devient notre réalité.
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Manifeste contre le gaspillage
Notre société de consommation mérite aujour­
d’hui pleinement son appellation. Nous vivons
effectivement depuis une quarantaine d’années
une course à la consommation qui dépasse toute
logique humaniste, mais qui tient parfaitement
son rôle dans la logique capitaliste.
Cette logique est en train de détruire notre
planète, et pourtant elle en domine le fonctionne‑
ment. Nous consommons plus que nous ne pouvons
produire, nous épuisons nos ressources naturelles et
nous détruisons notre environnement pour fabriquer
des objets qui nous amusent le temps d’une mode,
puis s’ajoutent à la masse de déchets qui encombre
les pays les plus pauvres, polluant terres, mers et
rivières, nous entraînant vers les abysses. Aurons-­
nous le courage de regarder ceux-­ci et d’assumer
l’image qu’ils nous renvoient ?
Car nous sommes partie prenante dans cette
catastrophe, même si nous pouvons de plus en
plus en saisir les absurdités qui nous poussent à
fermer les yeux.
Comment arrêter une machine si bien huilée,
qui avance sans se préoccuper du mur qui se
solidifie petit à petit sur son chemin ? Comment
changer les mentalités quand tout le monde, ou
presque, va dans la même direction ?
Il faut des idées… Et il faut les mettre en
pratique.
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Préface de mathieu kassovitz
C’est exactement ce qu’a fait Arash, jeune
homme plein d’ambition qui peut agacer au
premier abord tant sa constante énergie et son
besoin de justice surprennent à notre époque.
« Il doit y avoir anguille sous roche, ce mec est
louche, il croit au père Noël… » C’est un peu le
sentiment que j’ai eu en le croisant virtuellement
sur le Net il y a quelques années. Il était éditeur
et voulait que j’écrive un livre pour « faire bouger
les choses ». Il y croyait dur comme fer, se rappe‑
lant à mon bon souvenir durant des années, avec
subtilité et intelligence. J’ai même failli y croire
moi-­
même (ne vous inquiétez pas, je n’ai pas
réussi à écrire une ligne).
Avec les années, j’ai découvert un véritable
idéaliste. Son engagement en politique ne m’a pas
étonné, mais pour moi il signait un pacte avec le
diable. Je voyais venir la fin de la naïveté pour cet
homme dont je pensais qu’il serait, sinon détruit
par le système, au mieux déçu par la machine
politique, affairiste, intéressée – oserais-­
je dire
corrompue ?…
Je ne donnais pas cher de sa peau.
Et puis, un jour de promenade sur les réseaux,
je tombe sur les publications d’Arash en train
de redistribuer de la nourriture récupérée dans
un supermarché de son voisinage. Un court texte
accompagne une série de photos qui résument son
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action : il veut redistribuer la nourriture gâchée
quotidiennement par les grandes surfaces.
Une idée toute simple qui sonne juste en ces
temps difficiles. Une idée qui non seulement a un
sens pratique, mais repose aussi sur une logique
humaine qui fait chaud au cœur – un domaine
que nous perdons de plus en plus de vue, car il
est de plus en plus difficile à affronter, ce qui
nous rend froids et agressifs, méfiants, repliés sur
nous-­mêmes… Les abysses.
Car aider les autres est un luxe qu’on ne peut
pas (s’)offrir, surtout quand on a besoin d’aide
soi-­même. Et c’est là que l’idée d’Arash fait la
différence. Il fait appel à une logique qui rappelle
celle de Coluche et des Restos du cœur. Une idée
basique. Celle de ne plus gâcher.
Mais les temps ont changé, et ce n’est plus au
peuple de payer pour remplir les devoirs de l’État,
qui devrait assurer un niveau de vie acceptable à
tous ses concitoyens. C’est au capitalisme forcené
de rendre un peu de l’argent qu’on investit en lui
depuis tant d’années.
Oui, nous sommes coupables de surconsom‑
mation. Oui, nous avons besoin d’un large choix
et d’une totale disponibilité de nourriture et de
gadgets dont nous jetons les restes. Oui, nous
changeons de téléphone au gré des modes. Nous
sommes coupables, car nous demandons à la
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Préface de mathieu kassovitz
société de consommation d’assouvir ce besoin,
malgré tout légitime, auquel le capitalisme nous
a (nous, « pays riches ») habitués.
Et pourtant, nous sommes conscients que
quelque chose ne tourne pas rond.
L’idée d’Arash remet les rouages en place : s’il
est impossible d’éviter de surconsommer (pour le
moment seulement, espérons-­le), il est possible de
transformer l’excès de consommation en service
à ceux qui ont des difficultés à faire partie de
cette société.
Elle rétablit un sentiment de justice. Une
balance sociale.
C’est pour cela que cette idée a immédiatement
séduit les citoyens que nous sommes, mais aussi
les politiciens et même certains patrons. C’est
parce qu’elle est simple et limpide qu’il a suffi
d’une prise de conscience générale, relayée par
nos voix sur les réseaux sociaux, pour la trans‑
former en loi. Et ce en seulement quelques mois.
Un véritable exploit qui donne un peu d’espoir
face à un futur qui semble compromis…
Car cette idée de faire face au gâchis prend de
l’ampleur. Elle est maintenant dans nos têtes et
va devenir, par nécessité, le centre d’intérêt du
monde entier dans les décennies qui viennent. La
nourriture est le fer de lance inattaquable d’une
idée plus générale.
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Manifeste contre le gaspillage
Cette idée, loin de toute bataille politique, de
toute ambition financière, de toute corruption,
c’est l’entraide.
Ce manifeste vous donnera les clés pour vous
responsabiliser et comprendre le chemin à parcou‑
rir afin de faire de cette idée une réalité.
Si elle ne change pas le monde, cette idée chan‑
gera en tout cas la vie de ceux qui en b­ énéficieront.
Mathieu Kassovitz
réalisateur et comédien
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Préface
de Jean-­Jacques Eledjam
« Tutti fratelli ! » s’est exclamé Henri Dunant
lorsque, le 24 juin 1859, il a découvert l’ampleur
du désastre de la bataille de Solférino, et c’est de
ce drame qu’est née la Croix-­Rouge. La Croix-­
Rouge, c’est avant tout un grand mouvement
d’hommes et de femmes qui, à travers le monde,
accompagnent les personnes dans la souffrance.
Dans nos Solférino d’aujourd’hui, la souffrance
a changé de visage, mais elle reste bien présente.
Elle est multiforme et se joue des frontières.
Elle est tout autour de nous. L’engagement de
notre mouvement est de la combattre sur tous
les fronts.
Forte de ses 18 000 salariés et 50 000 béné‑
voles, combattants d’aujourd’hui, la Croix-­Rouge
française agit au quotidien dans ses cinq domaines
d’action – l’urgence et le secourisme, la santé et
l’autonomie, la formation, l’action internationale,
l’action sociale –, avec une ambition : humaniser
la vie.
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Manifeste contre le gaspillage
Sept millions de Français vivent en dessous du
seuil de pauvreté. La faim et la malnutrition sont
les stigmates d’une précarité encore très présente
dans nos sociétés modernes. En France, la Croix-­
Rouge distribue chaque année un quart de l’aide
alimentaire totale – 50 millions de repas – dans
ses 924 unités d’aide alimentaire, dont 598 centres
de distribution et 91 épiceries sociales. Ses
­volontaires assurent également l’accompagnement
nécessaire des personnes et s’efforcent de recréer
le lien social.
Malgré l’engagement des associations carita‑
tives, trop d’hommes et de femmes demeurent
en situation d’insécurité alimentaire. Comment
pouvons-­nous continuer d’accepter que des aliments
invendus et encore consommables soient détruits
alors que tant de personnes ne mangent pas à
leur faim ?
C’est grâce à l’entraide et à la solidarité que
nous arriverons à faire reculer le front de cette
souffrance. Toutes les initiatives qui vont dans
ce sens doivent être soutenues. C’est la raison
pour laquelle la Croix-­Rouge française a souhaité
appuyer l’action que mène Arash Derambarsh
pour lutter contre le gaspillage alimentaire, parfai‑
tement complémentaire à nos activités et s’ins‑
crivant de surcroît dans une démarche globale de
développement durable.
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Préface de Jean-­Jacques Eledjam
« Tutti fratelli ! » L’homme doit être au cœur
de nos préoccupations.
Pr Jean-­Jacques Eledjam
Président de la Croix-­Rouge française
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Introduction
Comment j’ai fait plier
la grande distribution en quatre mois
À 20 ans, j’ai eu faim et honte de le dire. Il
n’est pas simple de nos jours, dans une société
aussi formatée, où l’image importe tant, d’avouer
qu’on ne gagne pas beaucoup d’argent. Je
commençais mes études de droit et vivais avec
700 à 800 euros par mois. J’ai voulu positiver
cette expérience et consacrer mon énergie à faire
en sorte que d’autres ne connaissent pas cette
situation.
Le combat contre le gaspillage alimentaire
m’est alors apparu comme une évidence. J’ai
toujours été sensible à ce que je vois en bas
de chez moi. Une aberration insupportable : des
kilos de nourriture mis à la poubelle chaque
jour, à deux pas des SDF qui peinent à se nourrir
et dorment dans la rue. Comment une société
qui se dit « civilisée » peut-­elle tolérer un tel
gâchis ?
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Les acheteurs ne savent pas toujours que la
date qui figure sur les produits est la date limite
de distribution et de vente, et non de consomma‑
tion. Or les enseignes font valoir que, une fois
cette date dépassée, elles ne peuvent plus vendre.
Résultat : en moyenne, 40 kilos de denrées
consommables sont jetés quotidiennement par
chaque supermarché. Je me suis donc posé une
question de bon sens : pourquoi ces produits
invendus ne pourraient-­
ils pas être distribués à
des personnes qui en ont besoin ?
Élu conseiller municipal dans ma ville de
Courbevoie en 2014, à 34 ans, je devais m’in‑
vestir dans la citoyenneté et faire mes preuves
à travers une action concrète. Les Courbevoi‑
siens m’avaient demandé d’être efficace, de ne
pas me réfugier dans le blabla ou la langue de
bois, comme beaucoup d’hommes et de femmes
politiques. L’urgence m’a sauté aux yeux : il
fallait lutter contre la pauvreté et la faim chez
mes concitoyens.
Dès décembre 2014, je suis allé rencontrer des
directeurs de supermarché. L’un après l’autre,
ils m’ont éconduit. Celui-­ci m’expliquait que les
invendus étaient passés à l’eau de Javel chaque
matin, celui-­là que tout était jeté à la benne… Je
ne me suis pas laissé décourager. Fort de l’expé­
rience de l’eurodéputé belge Frédéric Daerden
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introduction
– qui en 2012 a œuvré avec succès contre le
gâchis dans sa ville de Herstal, puis au niveau
régional, en Wallonie –, je suis retourné voir les
enseignes de grande distribution pour proposer ma
solution : la collecte et la redistribution de toutes
les denrées considérées comme « impropres à la
consommation ».
J’avais d’abord obtenu l’accord du magasin
Monoprix de la rue de l’Abreuvoir, à Courbe‑
voie, pour distribuer les invendus au moment
de la fermeture. Une cinquantaine de SDF et de
personnes de la classe moyenne devaient être
présents. Mais, à 18 heures le jour dit, le directeur
a annulé la distribution. J’ai rebondi : je suis allé
trouver le responsable d’un magasin Franprix, qui
a refusé ma proposition. Finalement, le Carrefour
Market du centre commercial Charras a accepté
de jouer le jeu pour deux mois, trois fois par
semaine.
Il fallait ruser et contourner la loi. J’avais fondé
il y a quelques années une association, Courbevoie
3.0, dont l’objet social était le vivre-­
ensemble.
Mais cette association n’avait pas l’agrément
pour récupérer les invendus consommables et ne
dis­posait pas de lieu de stockage. Or la loi impose
le respect de la chaîne du froid. Qu’à cela ne
tienne : les produits seraient collectés le soir et
redistribués dans la foulée.
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Avec l’aide de quelques bénévoles et amis – que
je tiens à remercier ici, car sans eux rien n’aurait
été possible –, nous nous sommes présentés le
19 décembre 2014 munis de sacs, de cartons, de
cageots, pour récupérer toute denrée dite « inven‑
dable ». Nous avons fait connaître notre action par
les moyens dont nous disposions – réseaux sociaux,
bouche-à-oreille, presse locale – et sommes partis
en maraude auprès des SDF du quartier.
L’efficacité de la distribution a tout de suite
été évidente. Le nombre de bénéficiaires n’a cessé
d’augmenter, passant de cinq à vingt, cinquante,
puis cent personnes. On a vu se présenter des
célibataires, des retraités, des couples, des mères
seules avec enfants…
Le pouvoir d’achat des ménages s’est consi‑
dérablement réduit ces dernières années. Pour
beaucoup, après le 10 du mois, une fois toutes
les charges payées, il faut faire un choix entre
les courses alimentaires, les soins médicaux et les
vêtements. Les bénéficiaires de nos distributions
étaient de ceux-­là. Nous étions portés, encoura‑
gés par leurs vibrants témoignages de sympathie
et de reconnaissance. Leurs mots nous fendaient
le cœur, mais nous réconfortaient aussi, car ils
prouvaient le bien-­fondé de notre démarche.
Le 19 janvier 2015, mon ami le réalisateur et
comédien Mathieu Kassovitz et moi, nous avons
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introduction
lancé un appel via le site change.org pour exiger
que soit imposée à chaque supermarché l’obliga‑
tion de redistribuer ses invendus à l’association
de son choix1. Au fil des semaines, les signatures
se sont accumulées, toujours plus nombreuses.
Une centaine de personnalités ont rejoint le
mouvement, et au final la pétition a réuni plus
de 210 000 signatures ! Les médias nationaux et
internationaux ont commencé à nous solliciter.
Notre premier objectif était atteint : sensibiliser
l’opinion publique à la question de la faim et de
la soif. Mais il fallait passer à l’étape suivante :
inscrire dans la loi l’interdiction pour les enseignes
de la grande distribution de jeter leurs invendus.
La faim et la soif n’ont pas de couleur poli‑
tique. Dès le début de notre mobilisation, j’ai
eu la conviction que cette cause ne pouvait que
réveiller un esprit d’union nationale, celui qui
s’était exprimé le 11 janvier, au lendemain des
attentats meurtriers de Paris.
Nous avons été reçus à deux reprises à l’As‑
semblée nationale. Le 28 janvier, nous avons été
entendus en audition parlementaire par les députés
Alexis Bachelay (PS) et Jean-­Pierre Decool (Les
1. « Stop au gâchis alimentaire en France ! »,­
https://www.change.org/p/stop-­au-­g%C3%A2chisalimentaire-­
en-­france.
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Républicains). Le 17 février, nous l’avons été par
le député socialiste Guillaume Garot, qui avait été
missionné par le Premier ministre pour élaborer
une loi contre le gaspillage. Il était opposé à notre
proposition. Le Journal du dimanche le citait en
avril 2015 : « Je ne crois pas à l’obligation de
don, qui générera un afflux de marchandises diffi‑
cile à gérer par les associations1. » Défendant sa
proposition de loi globale en préparation, il préfé‑
rait privilégier la défiscalisation pour améliorer
les collectes (déduction de la valeur des dons pour
les enseignes) et soutenir les nombreuses start-up
« antigaspi » apparues ces dernières années2.
J’ai décidé d’user de toutes les possibilités
législatives à ma disposition. En concertation
avec Nathalie Goulet (sénatrice UDI), j’ai profité
du vote de la loi Macron pour y glisser un amen‑
dement. Celui-­ci a été voté à l’unanimité par les
sénateurs le 10 avril 2015, mais il ne concernait
1. « Polémique autour de la loi anti-gaspillage alimen‑
taire », Le Journal du dimanche, 5 avril 2015.
2. Voir « Arash Derambarsh, l’“hyperactiviste” contre le
gaspillage alimentaire », Le Monde, 6 avril 2015. À noter
que le gouvernement et les socialistes cherchaient à nous
faire barrage, car ces amendements venaient d’élus de droite.
Voir également l’enquête de Paris-Match du 15 août 2015 :
http://m.parismatch.com/Actu/Politique/Arash-Derambarshgaspillage-alimentaire-Le-Don-Quichotte-de-Courbevoiecontre-les-elephants-du-PS-813481.
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introduction
que les supermarchés de plus de 1 000 mètres
carrés et prévoyait une simple faculté de distri‑
buer les invendus, et non une obligation.
Finalement, c’est l’amendement élaboré en
concertation avec Frédéric Lefebvre (député Les
Républicains) qui a été voté en même temps
que la loi sur la transition énergétique, le 21 mai
2015. Jusqu’à maintenant, seules les associations
qui disposaient de locaux pour stocker la nour‑
riture étaient autorisées à la récupérer auprès
des enseignes et à la redistribuer. Depuis cette
loi historique, toutes les associations peuvent
le faire. Enfin la reconnaissance d’un réel droit
opposable et la création d’un cadre légal pour la
distribution directe des invendus consommables !
Cependant, le 13 août 2015, le Conseil consti‑
tutionnel a invalidé la loi sur le gaspillage alimen‑
taire (dans la loi « Transition énergétique ») pour
des raisons de procédure. Nous regrettons cette
décision, mais nous la respectons.
Sans perdre de temps, les parlementaires Frédé‑
ric Lefebvre et Jean-Pierre Decool ont déposé à
l’Assemblée nationale une nouvelle proposition
de loi qui doit faire l’union gauche-droite sans
clivage. La sénatrice Nathalie Goulet a fait de
même au Sénat. La loi sera votée coûte que côute.
Nous nous y engageons.
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Ségolène Royal a décidé de réunir les respon‑
sables de la grande distribution. Ce n’est pas
une bonne solution, car deux tiers des grandes
surfaces sont des franchises, donc indépendantes.
Il faut rappeler que des enseignes comme Mono‑
prix ou Franprix ont refusé le principe de la
cession directe des invendus consommables à
l’association de leur choix. Serge Papin, patron
de Système U, a également dénoncé un coup de
communication de la ministre de l’Écologie.
Concernant l’accord du 27 août 2015 entre
Ségolène Royal et les enseignes de la grande
distribution, je déplore que les associations aient
été absentes de cette rencontre. Cet « accord »
semble être une coquille vide, Ségolène Royal
n’ayant plus la main sur la loi qui a été invalidée
par le Conseil constitutionnel le 13 août. De toute
évidence, c’est une opération de communication
pour faire bonne figure avant la COP 211, car il
n’y a aucune contrainte, aucune sanction imposée,
et la javellisation des denrées pourra toujours se
faire sans aucune pénalisation.
De plus, ce n’est pas la grande distribution
dans son entier qui est concernée. En effet, deux
tiers des grandes surfaces en France sont des fran‑
chises et, bien que les grands patrons prennent des
1. Conférence sur le climat à Paris en 2015.
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engagements, ce sont les directeurs de magasins
qui font leur réglementation interne. Donc aucun
contrôle sur le bon respect des décisions prises en
haut lieu… Il est indispensable de mettre toutes les
enseignes et franchises sur un même pied d’égalité !
Enfin, le texte ne spécifie aucunement de quelle
association il s’agit. Qui pourra venir récupérer les
invendus consommables ? Uniquement les associa‑
tions agréées qui peuvent stocker la nourriture
(Restos du coeur, Secours catholique, Banque
alimentaire, etc.) ou toutes les associations non
agréées incluses (pour une distribution immédiate
comme nous l’avons pratiqué à Courbevoie) ?
Il y a l’urgence d’une loi claire et précise !
Ainsi, une nouvelle proposition de loi a été
redéposée à l’Assemblée nationale (par Frédé‑
ric Lefebvre et Jean-Pierre Decool)1, ainsi qu’au
Sénat par ­Nathalie Goulet2
Une loi est nécessaire pour mettre toute la
grande distribution sur un pied d’égalité et créer
un encadrement légal clair et précis. La loi sera de
nouveau votée et nous veillerons à ce qu’elle soit
appliquée. Les Français de la classe moyenne et
1. http://www.frederic-lefebvre.org/propostion-­loi-­fredericlefebvre-jean-pierre-decool-visant-lutter-contre-gaspillagealimentaire/
2. http://www.senat.fr/leg/ppl14-663.html
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Manifeste contre le gaspillage
les nombreux démunis pourront enfin avoir droit
à leur part de dignité.
J’ai continué le combat au niveau du Parlement
européen avec le soutien de la députée Angélique
Delahaye (PPE). Dans le cadre d’une résolution
adoptée à Strasbourg et portant sur l’« économie
circulaire », les eurodéputés ont adopté le 9 juillet
2015 un amendement par lequel ils « invitent la
Commission européenne à encourager la création,
dans les États membres, de conventions prévoyant
que le secteur du commerce alimentaire de détail
distribue les produits non vendus à des associations
caritatives ». Notre pétition a été signée par plus
de 650 000 citoyens européens en deux semaines.
Tout comme la mobilisation du 11 janvier pour
défendre la liberté et la fraternité a été planétaire,
il faut que nous soyons tous unis dans la lutte
contre le gaspillage alimentaire. Celle-­ci, partie
de quelques actions locales, comme celle que
j’ai menée à Courbevoie et bien d’autres mises
en œuvre par des associations en France ou en
Europe, doit maintenant faire l’objet d’une prise
de conscience mondiale pour espérer éradiquer un
jour la faim et la soif de notre planète.
Faire de la politique, c’est aider les gens.
Et le vrai combat d’un élu, c’est d’éveiller les
consciences des citoyens.
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D.R.
Au centre commercial Charras de Courbevoie,
avec les bénévoles, lors de la récupération des invendus.
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D.R.
Au même endroit, avec les bénévoles et les soutiens,
lors de la distribution des invendus.
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