Enerpresse-11540 le quotidien de l`énergie – article

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Enerpresse-11540 le quotidien de l`énergie – article
SOMMAIRE
NUCLÉAIRE
Point sur le réexamen de procédures ....... 2
RU : Hinkley Point : les députés
passent Vincent de Rivaz à la question..... 2
ÉLECTRICITÉ
e
N°11540 – Vendredi 25 mars 2016 – 46 année
www.enerpresse.com
@enerpresse
Le stockage, problème et solution
pour les réseaux
C
hangez tout ! Le modèle traditionnel de distribution d’électricité
est dépassé. C’est en tout cas ce qu’affirment 64 % des cadres
dirigeants des opérateurs d’électricité en Europe, selon la 3e édition de
l’étude Digitally Enabled Grid, en cours de publication par Accenture. En
cause : la multiplication des moyens de production décentralisés qui,
pour 56 % des personnes interrogées, serait à l’origine d’un
accroissement des dysfonctionnements des réseaux d’ici 2020. Moins
redouté, l’essor des capacités de stockage, dont 32 % des dirigeants
s’attendent à ce qu’il entraîne une augmentation du nombre de
défaillances réseau, contre 14 % en 2013. Et la combinaison des deux
démultiplie les difficultés. « Aux États-Unis, certaines régions combinent
mauvais état du réseau et forte production des renouvelables, explique
à Enerpresse Jérémie Haddad, qui dirige les activités de conseil pour
l’énergie chez Accenture. L’irruption du stockage amplifie encore le
phénomène car son utilisation dépend du comportement du client final,
or celui-ci est bien difficile à prévoir. »
Pour autant, Accenture incite les distributeurs à investir dans le
stockage, non seulement pour mieux gérer ce nouvel écosystème, mais
aussi pour trouver des relais de croissance qui pallient la diminution de
leurs revenus. En effet, l’équation « production décentralisée +
stockage » aboutira à une contraction du volume sur le réseau. Le
cabinet de conseil a calculé que le volume distribué pour les secteurs
résidentiel et commercial de dix pays européens pourrait tomber endessous de 1 500 TWh/an en 2025 contre 1 725 TWh actuellement, ce qui
entraînerait un manque à gagner pouvant aller jusqu’à 61 milliards d’euros
en 2025. Les opérateurs en sont bien conscients et envisagent le
stockage comme un nouveau champ de bataille concurrentiel : 77 % des
cadres rapportent que leur entreprise a commencé à investir dans le
secteur ou envisage de le faire dans les dix ans. Un délai bien long,
reconnaît M. Haddad qui souligne que dans la distribution, l’innovation
passe plus souvent par l’optimisation des solutions existantes que par la
rupture technologique. « De plus, c’est le régulateur qui définit les
problématiques de R&D et donc la marge qui peut être investie dans le
stockage, d’où le besoin d’une collaboration plus étroite entre distributeurs et régulateurs. » Les dirigeants interrogés espèrent de nouveaux
tarifs et modèles de tarification (84 %), un renforcement du rôle de leurs
entreprises en tant qu’intermédiaires pour la production décentralisée
(66 %) et des incitations à la mise en place du réseau intelligent (66 %). Et
une fois n’est pas coutume, « ce sont les distributeurs européens qui ont
le plus conscience de la situation », constate M. Haddad. En effet, 29 %
des distributeurs européens ont commencé à transformer leur business
model, contre 6 % des américains.
Le projet de remboursement de l’ETS
aux électro-intensifs avance ........................ 3
RU : Fermeture de la centrale au
charbon de Longannet................................... 3
ÉNERGIE
CEE : Du rififi autour de la fiche
d’opérations BAR-TH-106.............................. 4
Belgique : Infraction de la Belgique à la
libéralisation du secteur de l’énergie ........ 4
GAZ
Suisse : L’Ofen a rédigé des plans d’action
préventif et d’urgence pour le gaz ................. 4
Suisse : Hausse de 23 % de l’injection
de biogaz suisse dans le réseau ................... 5
Australie : Le distributeur chinois de
gaz ENN rachète 11,7 % de Santos............... 5
ÉNERGIES RENOUVELABLES
La CDC prend 49,9 % de l’opérateur
éolien terrestre Aalto Power ....................... 6
Europe : Que devient Adwen en cas de
fusion Siemens/Gamesa ? ........................... 6
États-Unis : Apple utilise 93 % d’ENR
sur ses sites ....................................................... 6
Japon : Total et SunPower, présents dans
un projet de centrale PV de 27 MW ................ 7
Australie : 677 M¤ pour innover dans les
« énergies propres » ................................................ 7
TRANSPORT
Bornes de recharge : Blue2BGreen
conseille les campings de Dordogne ......... 7
CLIMAT
Suisse : Le Conseil fédéral approuve
l’Accord de Paris .............................................. 8
GROS PLAN
Woodside suspend le développement
de Browse FLNG .............................................. 9
DOCUMENTS
UFE - Réponse à l’enquête approfondie
de la DG Comp sur le mécanisme
de capacité ...............................................10 à 19
29,69 ¤ (par MWh)
N°11540
VENDREDI 25 MARS 2016
ACTUALITÉS
ACTUALITÉS
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Vendredi 25 mars 2016
NUCLÉAIRE
FRANCE
Point sur le réexamen de procédures
En janvier lors d’une conférence, Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, avait indiqué que
des réexamens de procédures sur des sites de fabrication de gros équipements pour le parc
nucléaire étaient lancés (cf. Enerpresse n°11495). Un premier réexamen est en cours sur le site
de fabrication du Creusot Forge d’Areva, avait-il ajouté à cette occasion. Cette mesure a été
décidée suite à la découverte des deux anomalies sur le réacteur EPR en cours de construction à
Flamanville par les autorités de contrôle et non par les industriels qui le construisent. PierreFranck Chevet avait jugé cela « préoccupant pour les dossiers passés ». C’est dans ce cadre que le
président de l’ASN, a indiqué au Figaro dans son édition du 22 mars qu’« Areva et EDF mènent un
audit qui pourrait concerner des anomalies et des défauts sur six (…) générateurs de vapeur.
Nous allons donc encore revoir les dossiers de fabrication de l’époque. » Trois de ces
générateurs ont été installés il y a trois ans dans le réacteur d’EDF de Chinon B 2, et trois autres
ne sont pas encore installés, a précisé jeudi 24 mars le quotidien Les Échos. « Pour l’instant, il n’y a
pas de sujet qui remette en cause le fonctionnement des centrales du point de vue de l’ASN », a
précisé Pierre-Franck Chevet au quotidien économique.
ROYAUME-UNI
Hinkley Point : les députés passent Vincent de Rivaz à la question
Vincent de Rivaz, le directeur général d’EDF Energy, a été passé sur un grill brûlant par les membres
de la Commission parlementaire britannique de l’Énergie et du Changement climatique par lesquels
il était auditionné le 23 mars. Le dirigeant français a martelé l’engagement « catégorique » d’EDF à
réaliser les deux EPR de Hinkley Point tout en refusant, malgré l’insistance des députés, de donner une
date précise pour la décision finale d’investissement, annoncée comme imminente depuis plusieurs
mois. Il a évoqué « début mai », citant les déclarations d’Emmanuel Macron lors de son audition à
l’Assemblée nationale le 22 mars (cf. Enerpresse n°11539). Souvent invoqué, le ministre de l’Économie et
sa promesse de soutien à EDF ont fait dire à l’un des membres de la commission, Matthew Pennycook,
sur Twitter : « L’aveu le plus étonnant de cette audition, c’est que la sécurité énergétique du RoyaumeUni est maintenant entre les mains du gouvernement français. » Selon Vincent de Rivaz, EDF a déjà
investi 2,4 milliards de livres (3 milliards d’euros) dans le projet et continue à y investir 55 M£ par mois. Le
coût du soutien de l’État français à EDF, quel que soit la forme qu’il prend, « ne se répercutera pas sur les
contribuables britanniques », a-t-il assuré. « En France, on dit que le contrat est trop risqué, au RoyaumeUni, qu’il est trop cher, j’en conclus qu’il est équilibré » a plaisanté le dirigeant, sans convaincre les
députés. Pour James Heappey, l’un des membres de la commission, cette audition a été « extrêmement
frustrante ». « Quoiqu’EDF veuille faire, ils n’en ont pas les moyens financiers sans recapitalisation, a-t-il
ajouté, demandant à l’État français de confirmer son calendrier.
Avant cette audition, les députés ont entendu trois experts très critiques. « Il s’agit de produire de
l’électricité, pas d’aller sur Mars, a moqué Peter Atherton, analyste à la banque Jefferies, et cela ne
devrait pas coûter 20 mds£ ni prendre dix ans ». Simon Taylor, spécialiste du financement du nucléaire à
l’Université de Cambridge, a jugé le projet trop onéreux et, de ce fait, dangereux pour les autres
programmes nucléaires. Mais Tom Samson, de NuGeneration, qui chapeaute le réacteur AP1000 de
Westinghouse, et Alan Raymant, de Horizon Nuclear Power, dont l’ABWR vient de passer avec succès
l’évaluation trimestrielle de l’Office for Nuclear regulation (cf. Enerpresse n°11539), également entendus,
ont affirmé que leurs projets n’étaient pas liés au succès de Hinkley Point. Le premier a annoncé une
décision finale d’investissement fin 2018 pour Sellafield et le second début 2019 pour Wylfa Newydd.
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Vendredi 25 mars 2016
ACTUALITÉS
EN BREF __________________________________________________
JAPON L’autorité de sûreté japonaise (NRA) a approuvé le programme de travaux de
Shikoku Electric Power pour améliorer l’unité 3 de la centrale nucléaire d’Ikata en vue de son
redémarrage, ont rapporté nos confrères de WNN. Il s’agit de la 2e des 3 autorisations que la
NRA doit octroyer à l’exploitant pour son unité.
ÉLECTRICITÉ
FRANCE
Le projet de remboursement de l’ETS aux électro-intensifs avance
Le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) se penchera lors de sa prochaine session du 29 mars,
dont Enerpresse a pu consulter le programme, sur les projets de décret et d’arrêté
détaillant les modalités de calcul et de versement aux industriels électro-intensifs du
remboursement des coûts liés au marché du carbone européen. Ce nouveau dispositif,
prévu par la loi de finances 2016, vise à éviter les fuites de carbone chez les grands
consommateurs d’électricité, tel que la métallurgie, la chimie ou le papier-carton. Les textes
qui seront présentés ne réservent a priori pas de grande surprise par rapport aux modalités qui
avaient été déjà discutées, selon un industriel contacté par Enerpresse. Le projet de décret
désigne l’Agence de services et de paiements (ASP) comme gestionnaire de l’aide. À noter que
ce dispositif est en cours de notification auprès de la Commission européenne, suite à une
pré-notification envoyée le 16 octobre 2015 et à plusieurs échanges avec l’unité en charge du
dossier, précise le rapport associé aux deux projets de textes.
ROYAUME-UNI
Fermeture de la centrale au charbon de Longannet
Derniers mégawattheures pour Longannet. La dernière unité en fonctionnement de la
centrale au charbon écossaise opérée par ScottishPower (Iberdrola), devait être
désynchronisée du réseau le 24 mars à 15 heures. D’une puissance de 2,4 GW, la centrale a
fonctionné pendant 46 ans, approvisionnant jusqu’à 2,3 millions de ménages écossais. Sa
fermeture, initialement prévue pour 2020, a été anticipée en raison de son manque de
rentabilité (cf. Enerpresse n°11387). « Pour la première fois depuis plus d’un siècle, l’Écosse ne
produira plus d’électricité à partir de charbon », a commenté Hugh Finlay, directeur de la
production chez ScottishPower.
ÉNERGIE
FRANCE
CEE : Du rififi autour de la fiche d’opérations BAR-TH-106
Suite à une injonction de la Commission européenne, la DGEC a annoncé mi-février sa décision
de revoir la fiche d’opération standardisée sur les chaudières individuelles à haute performance
énergétique aussi appelée BAR-TH-106, a annoncé un opérateur présent dans la salle lors du débat
BIP-Enerpresse de mardi 22 mars. Les fiches d’opérations standardisées sont des opérations pour
lesquelles une valeur forfaitaire de certificats d’économies d’énergie à attribuer, a été définie. Cette
fiche avait déjà été récemment révisée à la baisse (- 37 % de CEE récupérables) entre la 2e période du
dispositif des CEE (début 2011 – fin 2013 plus une extension en 2014) et la 3e période (début 2015- fin
2017), explique à Enerpresse une source souhaitant conserver l’anonymat. Mais la Commission
européenne, suite à une plainte du CLER, réseau pour la transition énergétique, l’a jugée encore trop
généreuse par rapport à la directive éco-conception. La DGEC a organisé une réunion fin février pour
avertir les différentes parties prenantes tels que la FFB/UECF, la Capeb, Uniclima, Alliance fioul et les
principaux obligés. Toujours d’après notre source, cette réunion a été houleuse et les différentes
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ACTUALITÉS
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parties prenantes ont regretté le manque de concertation et l’absence de marge de négociations. Par
la suite, à la demande de la DGEC, une réunion d’un groupe d’experts a été organisée par l’ATEE le 22
mars à laquelle aucune des parties prenantes à part la Capeb n’a voulu participer. Deux versions de la
révision de la fiche BAR-TH-106 y ont été proposées et l’une d’elle a été sélectionnée et prévoit une
nouvelle baisse de 40 % des CEE pouvant être récupérés grâce à cette fiche. La procédure est
désormais bouclée et elle devrait être intégrée dans le 23e arrêté dont le passage au Conseil supérieur
de l’énergie (CSE) est prévu aux alentours de mai-juin pour une publication courant juillet afin que la
fiche soit applicable lors de la prochaine saison de chauffe.
BELGIQUE
Infraction de la Belgique à la libéralisation du secteur de l’énergie
« La Commission européenne constate, dans un avis motivé, que la Belgique est en
infraction avec les directives 2009 sur l’électricité et le gaz », ont rapportés nos confrères de
L’Écho le 24 mars. En effet, la Commission européenne a envoyé fin février, cet avis constatant
une transposition incorrecte de ces directives et identifiant 10 points d’infraction. Une des
principales critiques porte sur l’impossibilité pour d’autres entreprises que le gestionnaire de
réseau de transport historique de créer, de développer et d’opérer des interconnexions aux
frontières. La Commission identifie également des problèmes concernant les pouvoirs de la
Commission fédérale belge de régulation de l’électricité et du gaz (CREG). Enfin, elle estime
que les consommateurs ne sont pas assez protégés. La Belgique a jusqu’au 25 avril pour
répondre à la Commission.
EN BREF __________________________________________________
FRANCE Le ministère de l’Environnement a annoncé mercredi 23 mars que la conférence
environnementale, qui était prévue les 14 et 15 avril, a été reportée aux 25 et 26 avril, soit après
la cérémonie de signature le 22 avril à New York de l’Accord de Paris sur le climat. Transition
énergétique dans les secteurs de l’économie, action pour la préservation des milieux et santé
environnementale sont à l’ordre du jour ainsi que le dossier de l’aéroport de Notre-Dame-desLandes.
NOMINATION ______________________________________________
GE FRANCE Corinne de Bilbao a été nommée, lundi 21 mars, présidente de GE France
en remplacement de Mark Hutchinson, qui assurait l’intérim depuis le départ de Clara
Gaymard. Dotée d’une expérience de plus de 24 ans au sein du conglomérat industriel
américain, Corinne de Bilbao était jusqu’alors directrice générale des ventes de l’entité Subsea
de GE Oil & Gas, « chargée d’établir des relations étroites avec des compagnies pétrolières
et gazières et de développer ce segment de l’activité à l’échelle mondiale », est-il indiqué dans
le communiqué du groupe.
GAZ
SUISSE
L’Ofen a rédigé des plans d’action préventif et d’urgence pour le gaz
L’Office fédéral suisse de l’énergie (OFEN) a publié cette semaine la version définitive des
plans d’action préventif et d’urgence pour le gaz de la Suisse. Ce document répond au
souhait de la Suisse d’améliorer davantage sa sécurité d’approvisionnement en gaz et de
renforcer sa coopération avec la gestion des crises du gaz de l’Union Européenne, précise le
communiqué. En effet, suite à la crise russo-ukrainienne en 2009, l’UE a renforcé sa gestion des
crises de gaz et a institué un groupe de coordination pour le gaz (GCG) auquel la Suisse
participe depuis 2013. « En vue d’améliorer toujours plus sa sûreté d’approvisionnement et de
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ACTUALITÉS
collaborer avec le GCG, la Suisse s’est conformée aux procédures européennes, souligne
l’Ofen. Ainsi dans la continuité de l’évaluation des risques liés à l’approvisionnement en gaz de
la Suisse, l’Ofen a rédigé les plans d’actions en collaboration avec Swissgaz, l’Association suisse
de l’industrie gazière, l’Approvisionnement économique du pays et le secrétariat d’État à
l’Économie ». Ces plans donnent un aperçu des mesures préventives et d’urgence en matière
d’approvisionnement en gaz et de leurs applications, présentent les différents acteurs du
secteur du gaz et les organes responsables en cas d’incident.
Hausse de 23 % de l’injection de biogaz suisse dans le réseau
Le groupement de l’industrie gazière suisse (Asig) a publié le 23 mars les chiffres 2015 sur
les ventes de gaz naturel et de biogaz en Suisse. Elles se sont élevées à 37 120 GWh l’année
dernière soit une hausse de près de 7 % par rapport à 2014. Cette évolution est
« principalement due à l’augmentation des degrés-jours de chauffage (+ 10 %) ». Par ailleurs, la
production de biogaz en Suisse injectée sur le réseau a atteint 262 GWh ce qui représente une
hausse de 23 % par rapport à 2014. Au total, 25 installations ont injecté leur biogaz en 2015 soit
5 de plus que l’année précédente. Le nombre de véhicules propulsés au gaz naturel/biogaz a
augmenté de 5 % et s’élèvent désormais à 12 480. La proportion moyenne de biogaz dans le
carburant a atteint 24 % en 2015.
AUSTRALIE
Le distributeur chinois de gaz ENN rachète 11,7 % de Santos
Le distributeur chinois de gaz ENN a racheté mercredi 23 mars au fonds de capitalinvestissement Hony Capital, également chinois, les 11,7 % que celui-ci avait pour l’essentiel
acquis en novembre dernier dans le producteur de gaz australien Santos. La transaction,
d’environ 750 millions de dollars, prévoit également que Hony Capital prenne une part au
capital d’ENN, dont cette acquisition constitue la première incursion dans le secteur de
l’amont. « Ce premier mouvement dans le secteur de l’amont nous fait faire un pas en avant
vers notre objectif de créer de la valeur sur l’ensemble de la chaîne de valeur du gaz naturel »,
a indiqué le président d’ENN, dont les propos, indisponibles sur la version anglophone du site
web de l’entreprise, sont rapportés par l’agence Platts. ENN, qui construit actuellement en
Chine le premier terminal de regazéification du pays détenu par des capitaux privés, distribue
environ 20 % du gaz naturel liquéfié (GNL) importé dans le pays et souhaite atténuer sa
dépendance aux grandes compagnies d’État chinoises pour ses approvisionnements. Santos
détient lui des participations dans trois projets de GNL. Deux en Australie, celui de Gladstone,
qui a commencé à produire fin 2015, dont il est opérateur, et celui de Darwin, opéré par
ConocoPhillips ; ainsi qu’au sein du projet PNG LNG piloté par ExxonMobil en PapouasieNouvelle Guinée. Certains analystes cités dans les médias internationaux spéculent sur le fait
que cette prise de participation d’ENN pourrait préfigurer une offre d’achat complète sur le
développeur australien. L’expertise de Santos en matière de gaz de houille, produit sur le
projet de Gladstone, pourrait en particulier intéresser ENN dans la perspective du
développement de réserves chinoises, estiment-ils.
EN BREF __________________________________________________
EUROPE Le groupe chimique Ineos a annoncé mercredi 23 mars avoir pris livraison à son
usine pétrochimique de Rafnes, en Norvège, de la première cargaison de gaz naturel liquéfié
américain jamais arrivée en Europe. Le méthanier du groupe, baptisé l’Intrépide, transportait
27 500 mètres cubes d’éthane, précise Ineos.
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ÉNERGIES RENOUVELABLES
FRANCE
La CDC prend 49,9 % de l’opérateur éolien terrestre Aalto Power
La Caisse des Dépôts a acquis auprès d’Infravia Capital 49,9 % de la société Aalto Power
qui détient des parcs éoliens terrestres en France. Le montant de l’opération n’a pas été
précisé. Suite à l’intégration d’un nouveau parc, le portefeuille de cette société s’élève à
99 MW répartis en 9 parcs mis en service entre 2007 et 2012. Les parcs sont situés dans trois
régions : Nord-Pas-de-Calais Picardie (3 parcs), Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne (4 parcs),
et Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (2 parcs). Aïolos, société regroupant les actionnaires
historiques d’Aalto Power et contrôlée par le groupe Prométhée, détient 50,1 % d’Aalto Power.
Les deux actionnaires se sont fixés comme objectif d’utiliser « cette plateforme pour
continuer d’investir dans de nouveaux parcs éoliens en France et ainsi doubler la puissance
totale de la plateforme à moyen terme ».
EUROPE
Que devient Adwen en cas de fusion Siemens/Gamesa ?
Depuis quelques semaines, l’allemand Siemens et l’espagnol Gamesa mènent des
négociations pour fusionner leurs activités éoliennes (cf. Enerpresse n°11511). D’après le
quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, Siemens serait intéressé par le rachat d’Adwen, la
co-entreprise entre Gamesa et Areva dédiée à l’éolien offshore. Il faut dire que ce sujet serait
un point de blocage dans le projet de rachat de Gamesa. Selon le quotidien Les Echos, Areva
et Gamesa auraient signé une clause stipulant que les deux acteurs ne pourraient se faire
concurrence en dehors de leur coentreprise. Cette clause empêcherait donc Gamesa de
concurrencer l’activité d’Adwen « ce qu’un rapprochement avec Siemens ne manquerait pas
d’engendrer ». Pour le gouvernement français, peu importe le repreneur, le tout étant que les
deux usines prévues pour la construction des éoliennes de 8 MW d’Areva qui doivent
notamment équiper trois parcs offshore français, soient construites. Pour que Siemens
comprenne sa position, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, a rencontré mardi 22 avril
Gerhard Cromme, président du conseil de surveillance de l’entreprise allemande.
ÉTATS-UNIS
Apple utilise 93 % d’ENR sur ses sites
Le groupe américain Apple a annoncé lundi 21 mars que la consommation de ses
installations est approvisionnée à hauteur de 93 % avec de l’énergie renouvelable,
permettant à l’entreprise de s’approcher de l’objectif dévoilé il y a deux ans de faire
fonctionner tous ses sites (bureaux, magasins, et data centres) avec 100 % d’ENR – à l’exclusion,
donc, des opérations industrielles de ses sous-traitants fabriquant ses appareils. La
consommation des opérations du groupe dans 23 pays est désormais couverte à 100 % grâce à
du renouvelable, y compris aux États-Unis et en Chine, a précisé l’entreprise. Il y a un an, Apple
avait en particulier conclu un contrat avec First Solar et s’était engagé à payer 848 millions de
dollars pour acheter sur 25 ans la production d’une centrale solaire de 130 MW. Apple n’est pas
un cas isolé dans le secteur américain de la technologie, puisque Microsoft ou Intel sourcent
l’équivalent de 100 % de leur consommation d’électricité à partir d’ENR sur leurs opérations
situées aux États-Unis. Selon le dernier relevé de l’agence de la protection de l’environnement
(EPA), Google était en revanche à la traîne, avec 34 % de sa consommation couverte.
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ACTUALITÉS
JAPON
Total et SunPower, présents dans un projet de centrale PV de 27 MW
Les groupes japonais ISE Group, français Total et américain SunPower ont annoncé
mercredi 23 mars le début de la construction d’une centrale photovoltaïque de 27 MW
à Nanao, sur l’île de Honshu au Japon. ISE Group détient 50 % du projet, les autres 50 % étant
répartis entre Total et sa filiale SunPower à 57,48 %. La centrale devrait commencer à produire
de l’électricité au premier trimestre de 2017. « Le projet Nanao illustre l’avantage de la
technologie solaire à haut rendement développée par notre filiale SunPower, a souligné
Bernard Clément, directeur Business & Opérations Energies Nouvelles chez Total. Maximiser la
production d’électricité est la clé sur le marché japonais étant donné l’irradiation locale et la
topographie complexe du pays. » Le responsable de Total a ajouté être « impatient de
développer davantage nos activités solaires au Japon et dans toute la région de l’Asie ».
AUSTRALIE
677 M¤ pour innover dans les « énergies propres »
Le Premier ministre australien Malcolm Turnbull a annoncé le 23 mars la création d’un
fonds de 1 milliard de dollars australiens (677 M¤) dédié à l’innovation dans les énergies
propres. Cette annonce marque un tournant radical avec la politique de son prédécesseur
Tony Abbott, qui s’était signalé par son soutien indéfectible à l’industrie du charbon et par
l’abandon d’un projet ambitieux de taxe carbone et de marchés de quotas d’émissions. Ce
fonds, le Clean Energy Innovation Fund, investira 100 M$AUD par an sur dix ans « dans les
technologies et les entreprises australiennes propres les plus pointues afin de jouer notre rôle
dans la résolution des problèmes très complexes auxquels nous faisons face en matière de
réduction d’émissions », a déclaré le Premier ministre. Il sera géré conjointement par deux
agences nationales, la Clean Energy Finance Corporation et l’Agence australienne des énergies
renouvelables (Arena), que Tony Abbott avait voulu démanteler, mais dont son successeur a
annoncé le maintien. L’Australie s’est fixé un objectif de réduction de ses émissions de gaz à
effet de serre de 26 à 28 % en 2030 par rapport au niveau de 2005. L’importance de son
secteur minier en fait l’un des plus gros émetteurs par habitant de la planète.
EN BREF __________________________________________________
ALLEMAGNE Senvion fait des débuts modestes en bourse. L’IPO du fabricant de turbines
n’a pas mobilisé les investisseurs mercredi 23 mars, malgré une révision à la baisse du prix de
l’action. Initialement fixé entre 20 et 23,50 ¤, celui-ci a finalement été arrêté à 15,75 ¤ (cf.
Enerpresse n°11538). Le titre cotait 15,65 ¤ en fin de journée.
TRANSPORT
FRANCE
Bornes de recharge : Blue2BGreen conseille les campings de Dordogne
Le consultant Blue2BGreen, spécialisé dans les infrastructures de recharge pour véhicules
électriques, a été retenu pour étudier l’implantation de points de recharge dans les
campings de la Dordogne, réunis sous l’égide du Syndicat départemental de l’hôtellerie de
plein air (SDHPA) de Dordogne, a-t-il indiqué début mars. « La mission de Blue2BGreen consiste
à préparer un dossier d’étude standardisé avec une méthode stratégique adapté à l’hôtellerie
de plein air qui sera mise en place au printemps avant la haute saison, avec une méthode
d’analyse des besoins : techniques, stratégiques et commerciaux, étude adaptée à chaque
camping, avec la consultation de fournisseurs, la centralisation des commandes, le suivi des
chantiers, etc. », précise le consultant. Une dizaine de bornes devraient être installées avant la
haute saison 201, et l’opération devrait se terminer l’année prochaine, espère Gé Kusters, le
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ACTUALITÉS
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président du SDHPA de la Dordogne. « On est le premier syndicat de ce type à proposer un
véritable réseau d’infrastructures de recharge au sein des campings, explique-t-il à Enerpresse.
Nous regroupons 53 campings, répartis un peu partout dans la Dordogne, qui devraient
bénéficier à terme d’une borne chacun. » La démarche est suivie de près par d’autres campings
français, estime M. Kusters, qui est également membre du bureau national de la Fédération
nationale de l’hôtellerie de plein air. « On nous regarde d’un œil intéressé, se réjouit-il. Car
avec les infrastructures de recharge et un service de location de véhicules électriques, on
devient un espace multi-services, en plus des hébergements, de la restauration et d’autres
services que nous proposons. »
CLIMAT
SUISSE
Le Conseil fédéral approuve l’Accord de Paris
L’exécutif suisse, le Conseil fédéral, a approuvé mercredi 23 mars l’Accord de Paris sur le
changement climatique et indiqué que la conseillère fédérale Doris Leuthard, le signera le
22 avril 2016 à New York lors de la cérémonie de signature au siège de l’ONU. Le
communiqué de l’instance souligne que l’objectif du pays de réduire d’ici à 2030 les émissions
de 50 % par rapport à leur niveau de 1990 pourra être atteint grâce à une réduction de 30 %
des émissions domestiques et, pour les 20 % restants, grâce à des mesures à l’étranger. Le pays
compte y parvenir « grâce au renforcement d’instruments éprouvés » tel que la taxe carbone
sur les combustibles, le marché de quotas d’émissions, qui sera couplé avec l’ETS européen
« dans la mesure du possible avant 2020 », ou encore l’obligation faite aux importateurs de
carburants de compenser, en Suisse ou à l’étranger, une partie des émissions dues aux
transports. L’objectif intermédiaire de réduction de 20 % des émissions du pays d’ici à 2020
sera, lui, réévalué au printemps 2017, une fois les données de l’inventaire des gaz à effet de
serre disponibles, précise encore le Conseil Fédéral.
EN BREF __________________________________________________
JAPON Le cabinet du Premier ministre japonais devrait signer en mai un plan de réduction
des émissions de gaz à effet de serre du pays afin de tenir ses engagements pris
en amont de la COP21, selon une dépêche de l’agence Bloomberg, qui cite des déclarations
du ministre de l’Environnement de l’archipel. Le plan prévoit notamment des mesures
d’économie d’énergie ou l’utilisation accrue d’hydrogène. Le pays vise une réduction de ses
émissions de 26 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2013, et de 80 % en 2050.
MONDE La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques compte
désormais 197 Parties suite à l’entrée officielle de la Palestine, a-t-elle indiqué le 17 mars sur son
site internet. Le gouvernement palestinien a déposé une demande d’adhésion à la Convention
le 18 décembre 2015.
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VENDREDI 25 MARS 2016
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GROS PLAN
GROS
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AUSTRALIE
Woodside suspend le développement
de Browse FLNG
Après Bonaparte, Browse. La compagnie australienne Woodside a décidé de renoncer à son
projet de liquéfaction Browse FLNG, un investissement estimé à 40 milliards de dollars. « Après
l’achèvement des études d’ingénierie avant-projet (FEED), les partenaires de la joint-venture de
Browse ont décidé aujourd’hui de ne pas poursuivre le développement compte tenu de l’état
actuel du marché et de l’environnement économique », a-t-elle annoncé le 23 mars.
En juillet dernier, la joint-venture en charge du projet avait lancé la phase FEED avec pour objectif
de « finaliser les coûts et la conception technique du projet » afin de pouvoir prendre une décision
finale d’investissement (FID) au cours du deuxième semestre de cette année. Les partenaires du projet
(Woodside, 30,6 % ; Shell, 27 % ; BP, 17,33 % ; Japan Australia LNG (JV de Mitsui et Mitsubishi), 14,4 % et
PetroChina, 10,67 %) avaient retenu le consortium Technip-Samsung pour la partie technique du projet,
OneSubsea s’étant vu, pour sa part, confier la partie sous-marine du projet.
Certes, le lancement des travaux avait été décidé alors que l’environnement économique avait déjà
commencé à se dégrader. Mais, depuis l’été dernier, les conditions ont continué de se durcir et se sont
même aggravées en ce qui concerne le marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL). Dans le sillage de
la chute des cours du pétrole, les prix mondiaux du gaz naturel se sont nettement baissés, y compris
en Asie-Pacifique où l’indice référent pour le marché spot ne cesse de reculer. Dans sa dernière
analyse, l’agence Platts a publié une chute de 38,7 % du JKM (Japan/Korea Marketer) pour livraison en
avril, comparé à la même échéance établie en 2015, à 4,460 dollars par million de British Thermal unit
(Btu). Mais, les acheteurs japonais lorgnent de plus en plus sur le prix de référence du gaz naturel
américain, le Henry Hub, qui oscille aujourd’hui en dessous des 2 dollars par MBtu, remettant en cause
l’indexation des prix du GNL sur le prix du pétrole. On voit ainsi de plus en plus émerger des contrats
d’achat de GNL où le prix est indexé à la fois sur le pétrole et sur le Henry Hub, à l’image du récent
contrat signé entre Toho Gas et le groupe malaisien Petronas.
Outre les prix, le marché du GNL se retrouve désormais en surcapacité, malgré une hausse d’un peu
plus de 2 % de la demande mondiale. Mais - et pour la 1re fois depuis 2009 - la demande asiatique,
principal consommateur de la molécule, s’est affichée en retrait (- 2,8 %), fragilisant un peu plus les
projets de liquéfaction tournés vers ces marchés. En parallèle, de grands projets de liquéfaction
arrivent sur le marché. Depuis fin 2014, quatre projets australiens ont lancé leur production de GNL :
Queensland Curtis Island (d’une capacité de 8,5 millions de tonnes par an), en décembre 2014 ;
Gladstone LNG (7,8 Mt/an), en septembre 2015 ; Australia Pacific LNG (9 Mt/an), en décembre dernier ;
et tout récemment, Gorgon LNG (capacité totale de 15,6 Mt/an, répartie entre 3 trains de liquéfaction,
seul le 1er vient d’être lancé) en mars dernier. Mais désormais, il faut aussi compter sur les projets
américains, le premier d’entre eux venant lui aussi d’être lancé. Cheniere a en effet mis en production
son site de Sabine Pass en janvier dernier et effectué fin février sa première livraison. Ce projet a été
conçu pour accueillir jusqu’à six trains de liquéfaction d’une capacité de 4,5 Mt/an chacun, soit une
capacité totale de 27 Mt/an. À l’heure actuelle, seul le 1er train est opérationnel, le 2e train devant suivre
d’ici 6 à 9 mois, selon le calendrier établi.
Pour autant, Browse FLNG ne semble pas totalement enterré et si le marché actuel n’est pas propice
pour « un important investissement dans le GNL », il le sera certainement à terme. « En conséquence,
nous utiliserons le temps supplémentaire pour rechercher d’autres économies en capital pour
Browse ». La joint-venture va désormais travailler sur un nouveau programme de travail et un nouveau
budget pour son projet. Elle en a le temps. Les autorités australiennes ont en effet renouvelé l’an
dernier les concessions de Browse pour six ans, soit une échéance à la mi-2020.
Anne-Marie Kopanski
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Études & documents
RÉPONSE À L’ENQUETE
APPROFONDIE DE LA DG COMP
SUR LE MÉCANISME DE CAPACITÉ
Source : Union Française de l’Électricité
Nous reprenons ci-après la réponse de l’UFE (Union française de l’électricité) sur l’enquête
approfondie de la DG COMP sur le mécanisme de capacité français.
1. Un dispositif soutenu par la majorité des acteurs actifs sur le marché
français
L’Union Française de l’Électricité est l’association professionnelle du secteur de l’électricité en France.
Elle compte parmi ses membres les principaux acteurs actifs sur le marché français. Ces entreprises sont
également des entreprises européennes opérant au sein de plusieurs États membres et notamment en
Belgique, au Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie. Elles ont, de ce fait, une
vision supra nationale des enjeux qui sous-tendent le débat actuel sur l’évolution du « market-design ».
Tous ces acteurs sont en particulier convaincus de la nécessité d’un mécanisme d’obligation de capacité
pour assurer la sécurité d’approvisionnement des consommateurs français et, à terme, européens.
Ils considèrent que, même si des évolutions du mécanisme d’obligation français peuvent être
envisagées, sa mise en œuvre dès 2017 est aujourd’hui cruciale.
Attachés aux principes fondamentaux du droit européen de sécurité juridique et de confiance légitime,
ils demandent donc à la Commission européenne de faire le maximum pour raccourcir le délai
d’instruction de l’enquête, afin qu’une décision soit prise dans les plus brefs délais et permette la mise
en œuvre de premiers échanges organisés de garanties de capacité courant deuxième semestre 2016.
Donner de la visibilité aux acteurs de marché est à ce stade primordial.
2. Des acteurs de marché déplorent que la qualification d’aide d’État
puisse être appliquée au mécanisme de capacité français
En premier lieu, l’UFE déplore qu’un mécanisme de marché (I), dont les grands principes de
fonctionnement sont analogues à ceux du marché de l’énergie qu’il vient compléter (II), puisse être
assimilable à une aide d’État.
a. Une obligation de capacité reposant sur une organisation de marché visant à
assurer l’objectif de sécurité de l’approvisionnement énergétique au moindre coût
Le mécanisme d’obligation de capacité français est un dispositif visant à assurer le respect du critère de
sécurité d’approvisionnement (appelé également « critère de défaillance ») fixé par voie réglementaire
par les Pouvoirs publics.
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RÉPONSE À L’ENQUETE APPROFONDIE DE LA DG COMP SUR LE MÉCANISME DE CAPACITÉ
Ce critère est une durée de délestage tolérée inférieure à 3h par an en moyenne. L’adoption de
mesures, telles que l’obligation de capacité pour assurer le respect de ce critère est légitimée, par la
Directive 2005/89/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 janvier 2006 relative aux mesures
visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité et les investissements dans les
infrastructures.
Les acteurs présents sur le marché français sont convaincus que le seul marché de l’énergie ne donne
pas de garantie sur le fait que les capacités de production et d’effacement développées et/ou
maintenues en exploitation seront suffisantes pour atteindre cet objectif de sécurité
d’approvisionnement. Comme le souligne le tout dernier rapport de l’AIE « Re-Powering energy
markets », l’émergence de prix de l’énergie reflétant la rareté est souhaitable, mais il s’agit d’un signal
très volatil et de très court-terme, d’où la nécessité de mettre en œuvre, en complément,
des mécanismes de capacité pour assurer l’adéquation des capacités de production et d’effacement
de la demande dans le respect du risque de défaillance toléré.
En pratique, le mécanisme français repose sur une obligation « de capacité » des acteurs obligés
(fournisseurs, gestionnaires de réseau pour leurs pertes ainsi que les consommateurs qui
s’approvisionnent pour tout ou partie de leur consommation d’énergie sur les marchés de gros),
reflétant la contribution de la consommation de leurs clients (ou la leur) aux besoins de capacité
nécessaire pour atteindre le critère de défaillance. Pour couvrir cette obligation « de capacité »,
les acteurs obligés doivent détenir ou acquérir auprès des exploitants de capacité suffisamment de
« garanties de capacité ». Cette garantie représente la contribution effective d’un moyen de production
ou d’effacement à la sécurité d’approvisionnement en France. Il importe de souligner que le mécanisme
responsabilise les acteurs de marché pour assurer le respect du critère de sécurité d’approvisionnement
défini par les Pouvoirs publics : les exploitants de capacité sont responsables d’estimer et de déclarer
la disponibilité de leurs capacités durant les périodes de pointe et les acteurs obligés sont responsables
d’anticiper et de couvrir le montant de leur obligation de capacité.
Un marché d’échange des garanties de capacité en gré à gré est ainsi créé de facto et une place
d’échange organisée pourrait être mise en place, ce qui permettra aux acteurs obligés d’acquérir des
« garanties de capacité » auprès des détenteurs de capacité et devrait ainsi leur permettre d’honorer
leurs obligations au moindre coût. Conformément aux préconisations des lignes directrices
européennes, la disponibilité des capacités offertes par les exploitants de capacité ne sera pas
rémunérée par une prime fixe déterminée à l’avance par les autorités publiques, mais cette
rémunération sera déterminée par le marché, qui reflète ainsi le niveau de tension de la sécurité
d’approvisionnement.
Les choix de conception qui ont présidé à l’élaboration du mécanisme français témoignent d’une
volonté de minimiser autant que possible l’intervention des Pouvoirs publics. L’État, la Commission
de Régulation de l’Énergie et RTE interviennent seulement dans la fixation du critère de sécurité
d’approvisionnement (seulement l’État), dans l’élaboration et la mise en œuvre des règles régissant
le bon fonctionnement du mécanisme (notamment la définition de l’obligation de chacun des acteurs
obligés), et dans la surveillance du marché.
b. Un mécanisme construit sur des principes de fonctionnement analogues
à ceux du marché de l’énergie
Le marché de l’énergie joue un rôle essentiel, en assurant une utilisation optimisée des moyens de
production et d’effacements existants pour répondre à la demande des consommateurs dans le respect
des marges fixées par les GRT pour exploiter le réseau en toute sécurité.
La finalité du mécanisme de capacité est de compléter ce marché - sans porter atteinte à son
fonctionnement efficace - en garantissant que la capacité présente permet un approvisionnement
sûr en électricité (i.e. le respect du critère de sécurité d’approvisionnement).
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ÉTUDES & DOCUMENTS
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RÉPONSE À L’ENQUETE APPROFONDIE DE LA DG COMP SUR LE MÉCANISME DE CAPACITÉ
Les architectures de fonctionnement du marché de capacité et du marché de l’énergie reposent
sur des principes similaires. Parmi les éléments communs aux deux organisations de marchés,
on peut en particulier citer :
•
Un mécanisme de marché reposant sur des échanges bilatéraux et des bourses organisées
optionnelles.
•
Une architecture de marché responsabilisant les acteurs incités à assurer eux-mêmes leur
équilibre avant des règlements financiers correspondant à un mécanisme de règlement des
écarts. Ces règlements sont notifiés par le GRT à l’instar du règlement des écarts propre au
marché de l’énergie,
Pour le marché de l’énergie comme pour le mécanisme français de capacité, les acteurs acquièrent
dans leur périmètre d’équilibre ou de certification, des injections d’énergie ou des garanties de capacité
afin d’honorer un engagement (approvisionner leurs clients en énergie ou remplir leur obligation
de capacité) rendant dans les deux cas un, service que l’État ne serait pas capable d’assurer.
Il semble donc incohérent que des mécanismes de marché, construits et fonctionnant selon des
principes analogues, ne soient pas considérés de manière équivalente au regard d’une potentielle
qualification en tant qu’aide d’État.
Par ailleurs, l’UFE et les acteurs de marché qu’elle représente se sont toujours montrés ouverts à toute
discussion visant à apporter des améliorations positives au mécanisme de capacité, à la condition
qu’elles soient envisagées comme des axes d’évolution et non comme des prérequis à la mise en
œuvre effective du mécanisme.
3. Un mécanisme nécessaire pour assurer la sécurité
d’approvisionnement des consommateurs français et, à terme,
européens
L’UFE est convaincue de (I) la nécessité d’un mécanisme de capacité pour assurer la sécurité
d’approvisionnement des consommateurs français. Plus largement, à terme, c’est le market-design
européen qui devra intégrer une composante capacité afin de garantir la sécurité d’approvisionnement
des consommateurs européens. (II) Cette nécessité n’est en rien remise en cause par les études
techniques conduites par les GRT à différentes mailles ; études dont les résultats sont à analyser à l’aune
des hypothèses structurantes qui les ont sous-tendues. (III) Cette nécessité est en outre confirmée par
la mise en place concrète et pragmatique, dans la plupart des États membres, de dispositifs venant
compléter le marché de l’énergie. (IV) Dans ce contexte, il est essentiel que les régulateurs et autorités
de la concurrence se dotent, sur cette problématique de la sécurité d’approvisionnement, d’un cadre
d’analyse cohérent afin que tous les mécanismes venant compléter le marché de l’énergie soient
analysés sur le même « level playing field ».
a. Un élément indispensable de l’architecture des marchés électriques européens
L’UFE juge essentiel l’émergence d’un cadre concurrentiel permettant de remplir les trois objectifs
principaux de la politique énergétique européenne, à savoir, offrir à tous les consommateurs européens
un approvisionnement en électricité compétitif, sûr et durable. Pour l’UFE, le marché de l’énergie est
un outil fondamental au service de cette ambition. L’UFE soutient d’ailleurs toutes les améliorations
qui pourront être apportées au fonctionnement du marché de l’énergie. Pour autant, ces évolutions
ne permettront pas à elles seules de garantir la sécurité d’approvisionnement en France et en Europe.
Pour l’UFE, il est nécessaire de compléter le modèle cible européen par une composante relative à la
capacité. La mise en œuvre du mécanisme de capacité français, dans une logique qui s’inscrit dans les
réflexions sur le market design européen, est une étape en ce sens.
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À court et moyen termes, la sécurité d’approvisionnement française doit être assurée.
Plusieurs acteurs français ont indiqué que l’absence durable d’un mécanisme de capacité en France
les conduirait à arrêter temporairement ou définitivement un certain nombre d’actifs de production et
à revoir leurs programmes d’investissement. Sans signal rapide aux acteurs sur le devenir du mécanisme
de capacité, les fermetures ou les mises sous cocon pourraient ainsi intervenir dans des proportions
qui pourraient mettre à mal le respect du critère de sécurité d’alimentation et conduire à modifier
substantiellement la compréhension actuelle du paysage de défaillance au cours des prochaines années.
La confirmation rapide du mécanisme de capacité selon le calendrier prévu revêt donc un enjeu majeur
pour la sécurité d’alimentation.
En effet, il importe de rappeler que les investisseurs appréhendent le marché intérieur dans sa globalité,
quel que soit le nombre de ses composantes (marché de l’énergie, marché des services auxiliaires
+ marché de la capacité), et c’est au travers de cette approche globale que les choix d’investissements
et/ou de fermetures sont effectués. L’UFE souhaite souligner qu’un mécanisme de capacité doit
pouvoir procurer aux acteurs une visibilité à un horizon stable compatible avec les délais de mise en
œuvre de leurs décisions.
À plus long terme, l’intégration d’une composante relative à la capacité dans le modèle cible européen
devrait permettre de révéler les fondamentaux économiques dont ont besoin les investissements,
qu’ils soient de production ou d’effacement, pour voir le jour et se faire efficacement concurrence.
Une étude réalisée conjointement par le BDEW et l’UFE1, publiée en août 2015 (résumé en annexe de
cette réponse), a permis de mettre en lumière la nécessité de compléter le market-design européen
actuel afin d’assurer, de façon pérenne, la sécurité d’approvisionnement. Cette étude quantitative,
réalisée à la maille franco-allemande, s’est appuyée sur un effort de modélisation du marché qui
demeure aujourd’hui sans équivalent. La plupart des autres études publiques traitant de ces questions
ne prennent pas en compte les aléas climatiques, sont qualitatives et ne sont réalisées qu’à une maille
nationale.
En se plaçant à l’horizon 2030, en partant d’un mix initial adapté et en modélisant le dispatching des
moyens selon l’ordre de mérite et l’aversion au risque des acteurs de marché, l’étude a permis de
mettre en évidence les limites intrinsèques du market-design actuel, et notamment que :
Comme tous les acteurs en concurrence, les industriels du secteur électrique sont très attentifs
au niveau qu’ils estiment supportable en matière de prise de risque économique ;
La thermo-sensibilité de la consommation électrique et la pénétration croissante des ENR
exposent ces industriels à un niveau de risque que les industriels ne sont pas prêts à prendre
et ce, que les marchés de l’énergie soient déplafonnés ou non (du fait de l’incertitude trop forte
pesant sur l’occurrence des revenus issus d’un marché uniquement basé sur l’énergie) ;
Ce niveau de risque se traduirait nécessairement par un sous-investissement chronique et, par voie de
conséquence, la sécurité d’approvisionnement ne serait pas assurée.
A contrario, l’étude a permis de montrer que :
•
1
La mise en œuvre, en France, et en Allemagne, de mécanismes de capacité portant sur toute la
capacité (capacity wide) garantirait un approvisionnement sûr en électricité dans les deux pays
(et notamment, le respect du critère de défaillance en France) et ce, même avec un fort taux de
pénétration des ENR dans le mix électrique (40 % en moyenne en France et en Allemagne dans
les scénarios considérés) ;
« Energy transition and capacity mechanisms: A contribution to the European debate with a view to 2030 », UFE-BDEW, 2015
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•
La mise en œuvre d’un mécanisme de capacité faciliterait le développement de technologies
très exposées au risque prix qui ne verraient pas le jour dans un market-design reposant
exclusivement sur un marché énergie, même déplafonné ;
•
La mise en œuvre d’un mécanisme de capacité coûterait in fine moins cher à la collectivité
qu’un market-design reposant uniquement sur le marché de l’énergie, car une telle mise
en œuvre permettrait de :
D’assurer le respect du critère de sécurité d’alimentation en protégeant du risque,
coûteux pour la collectivité, de situations indésirables de défaillance ;
Diminuer le coût du capital pour toutes les technologies, via une réduction de la prime
de risque attendue par les investisseurs.
b. Des études d’adéquation à remettre en perspective
Dans son mémoire, la Commission relève, en se fondant sur une étude d’ENTSO-E datant de 2013, que
les études portant sur l’adéquation de capacité réalisées par les GRT à différentes mailles (nationale,
européenne et régionale) aboutissent à des conclusions différentes sur le niveau de sécurité
d’approvisionnement attendu en France pour les prochaines années. Pour l’UFE, ces études, aussi
abouties soient elles, présentent un certain nombre de caractéristiques qu’il convient d’avoir à l’esprit
lors de l’examen et la comparaison de leurs résultats.
En effet, l’UFE souhaite attirer l’attention de la Commission sur le fait que l’étude d’adéquation paneuropéenne d’ENTSO-E, à laquelle elle fait référence, n’est pas conforme à la méthodologie cible
d’ENTSO-E sur les études d’adéquation. Cette méthodologie cible précise en effet que de telles études
doivent reposer sur une modélisation de marché multi-zonale et une approche probabiliste, avec une
simulation fine de la temporalité.
Les limites de l’étude produite par ENTSO-E ont d’ailleurs été soulignées par la Commission européenne
(SWD Generation Adequacy, 2013) : « The Commission Services, working with the Member States, the
Agency for the Cooperation of Energy Regulators (ACER) and ENTSO-E in the Electricity Coordination
Group, are currently examining ways in which the deficiencies in the assessment methodology at Union
and national level can be remedied to ensure that generation adequacy assessment is more
coordinated and that the Union-wide report produced by ENTSO-E can meet the needs of policymakers. » L’UFE note en particulier que l’aléa climatique n’a pas été pris en compte dans cet exercice,
ce que reconnait ENTSO-E : « Il convient également de noter que les marges de capacités seraient assez
réduites par la prise en compte de la sensibilité à la température ». Cette limite est considérable puisque
l’aléa climatique est aujourd’hui, pour la France, l’aléa le plus dimensionnant pour la capacité nécessaire
à la sécurité d’approvisionnement. Entre une année « chaude » et une année « froide », la capacité
mobilisée à la pointe peut différer de 20 GW. Un exemple simple permet d’illustrer ce fait : ENTSO-E
évaluait la pointe de consommation en France pour l’hiver 2013 à 83 GW. Ce chiffre est inférieur
de 14 GW à la pointe hivernale de référence en France, car la thermo-sensibilité n’était pas prise
en compte dans l’étude ENTSO-E. Aussi, les résultats de l’étude ENTSO-E concernant la France
ne sauraient être pris en compte pour apprécier la nécessité du mécanisme de capacité.
L’UFE s’étonne par ailleurs que la Commission ne mentionne pas dans son mémoire une étude plus
récente, effectuée en 2014 par les GRT des pays membres du PLEF. Il s’agit de la première étude
effectuée à la maille régionale et conforme aux orientations de la Commission européenne et
à la méthodologie cible d’ENTSO-E. Elle présente notamment l’avantage d’être probabiliste (et non
déterministe comme celle d’ENTSO-E) et de prendre en compte l’aléa climatique. Les hypothèses
utilisées ont été débattues au niveau régional et validées par l’ensemble des pays associés, en toute
transparence. Les États membres ont reconnu l’apport de cette méthodologie concernant la qualité des
études et insisté sur le fait que des études s’appuyant sur ce type de méthodologies étaient déjà
réalisées en France et en Belgique : « The approach adopted in this study is a tremendous improvement
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in comparison to the existing deterministic approaches. […] Indeed, the methodology employed in this
study is similar to the ones already implemented in Belgium and France, with both probabilistic
modelling and regional perimeters, and to the target one for ENTSO-E as specified in their roadmap for
improvement of adequacy assessment in the next few years. »1 Ses résultats soulignent qu’au niveau du
PLEF, pour la période 2015-2020, deux États apparaissent comme étant les plus vulnérables à une rupture
d’approvisionnement en électricité : la France et la Belgique.
L’UFE estime néanmoins que ni les résultats de cette étude, ni ceux de l’étude d’ENTSO-E, ne sauraient
constituer une preuve ou une réfutation de la nécessité d’un mécanisme de capacité. En particulier,
l’UFE souhaite rappeler que le contexte économique dans lequel les acteurs de marché interagissent
(qui peut conduire par exemple à la fermeture d’actifs de production) est un paramètre essentiel
de la prévision de l’adéquation à long terme. À titre illustratif, l’appel des CEO du groupe Magritte
en septembre 2013 avait souligné que près de 51 GW de capacité de production électrique avaient
été mis à l’arrêt ou « sous cocon », soit globalement l’équivalent de la capacité cumulée de production
électrique de la Belgique, de la République Tchèque et du Portugal. Ce paramètre doit être analysé
en complément des résultats de ces études prévisionnelles réalisées par les GRT à différentes mailles.
Enfin, l’UFE encourage la mise en place, sur une base régulière, d’évaluations régionales d’adéquation
de la capacité, en complément des évaluations nationales. Ces évaluations régionales sont souhaitables,
et devraient permettre de renforcer la convergence des méthodologies utilisées par les États membres,
pour une meilleure compréhension des besoins Européens en termes d’adéquation de la capacité.
Cependant, elles ne constituent pas en tant que telles, un prérequis pour la mise en œuvre de
mécanismes de capacité.
c. Une multiplication, dans de nombreux États membres, de mécanismes de capacité
venant compléter le marché énergie.
Il convient de noter qu’un grand nombre de pays européens ont déjà intégré (ou sont en voie
d’intégrer), comme la France, une composante capacité dédiée à la sécurité d’approvisionnement
dans leur architecture de marché, visant à compléter le marché de l’énergie. Cette multiplication vient
illustrer de façon concrète et pragmatique la nécessité de ces dispositifs. Leur introduction remonte,
pour certains d’entre eux, à plusieurs années. Pour d’autres, elle est plus récente ou imminente.
On peut notamment citer, dans les pays avec lesquels la France est directement interconnectée :
1
•
Le paiement de capacité espagnol : basé sur les prix, ce mécanisme a été mis en place dès 1997
et réformé en 2007. Il regroupe trois financements : une incitation à la disponibilité, une
incitation à l’investissement et une incitation environnementale.
•
Le paiement de capacité italien : l’Italie a fait le choix de remplacer prochainement ce
mécanisme basé sur les prix datant de 2004 par un marché de capacité centralisé, reposant
sur le concept de « reliability options ».
•
La réserve stratégique belge : mis en place en 2014, ce mécanisme de capacité basé sur les
volumes et ciblé vise à maintenir un niveau de sécurité d’approvisionnement suffisant en
Belgique durant les périodes hivernales.
•
La réserve allemande : composée d’une « capacity reserve » (neutre technologiquement) et
d’une « climate reserve » (composée exclusivement de centrales à charbon), elle est censée être
déployée dès 2016. Par ailleurs, divers arrangements coexistent aujourd’hui dans certaines
régions allemandes, conduisant certaines capacités à être rémunérées sur la base de leur
capacité, sur décision administrative et hors de tout mécanisme de marché.
Pentalateral Energy Forum Support Group 2, Generation Adequacy Assessment
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•
Au Royaume-Uni, la « Supplemental Balancing Reserve » déjà en vigueur et le marché de
capacité dont les premières enchères se sont déroulées en décembre 2014 et 2015 pour les
années 2018 et 2019.
D’autres pays européens ont mis en place, ou sont en train de mettre en place des mécanismes de
capacité, en particulier la Grèce, l’Irlande (paiements de capacité), la Pologne, la Suède et la Finlande
(réserves stratégiques).
L’hétérogénéité des approches relatives à la capacité mises en œuvre en Europe relève de spécificités
nationales, et en particulier des risques sur la sécurité d’approvisionnement propres à chaque pays
(pointe de consommation, large pénétration d’énergies renouvelables, difficultés liées aux cycles
d’investissement). L’initiative française d’instaurer un mécanisme de capacité avec ses caractéristiques
propres est donc loin d’être un cas isolé.
d. La nécessité d’un cadre d’analyse cohérent au niveau européen
Pour l’UFE, il est essentiel que les régulateurs et autorités de la concurrence se dotent, sur cette
problématique de la sécurité d’approvisionnement, d’un cadre d’analyse cohérent dont l’application
doit être systématique et non discrétionnaire. L’UFE, qui représente des acteurs présents partout en
Europe, demande à ce que tous les mécanismes venant compléter le marché énergie soient analysés
sur un pied d’égalité et à travers une même grille d’analyse, aux fins d’éviter toutes discriminations entre
les mesures prises mais également aux fins de renforcer la sécurité juridique relative à la règlementation
européenne s’appliquant aux mécanismes de capacité. Les débats, consultations et enquêtes (sectorielle
et approfondie) actuels constituent une opportunité unique de faire émerger un tel cadre.
4. Un mécanisme sain dans ses principes, qui responsabilise les acteurs
du système électrique
a. Compatibilité avec le marché intérieur de l’énergie
La finalité du mécanisme de capacité français est de venir compléter le marché de l’énergie,
elle n’est en aucune façon de remettre en cause celui-ci.
L’UFE considère que les marchés de l’énergie et de la capacité sont complémentaires, l’un traitant de la
livraison de l’énergie électrique, l’autre de la disponibilité des capacités de production ou d’effacement
(donc de leur existence et de leur disponibilité).
Conformément aux LDAE publiées par la Commission européenne, le mécanisme de capacité ne
rémunère que la disponibilité établie des capacités de production et d’effacement, et n’entraîne donc
pas d’impact sur la manière dont les acteurs font des offres sur le marché de l’énergie.
L’instauration d’une obligation de capacité permettra de réduire la fréquence des situations de
délestage - et de prix extrêmes correspondantes : c’est d’ailleurs son but que de respecter le critère
de 3 heures de délestage et d’éviter le risque de voir apparaître trop de délestages. On peut donc
considérer qu’il existe un impact à moyen-long terme sur le prix de gros, mais théorique, puisque
apprécié au regard d’une situation qui est celle que l’on souhaite éviter. Le bilan est d’ailleurs favorable
au consommateur comme l’illustre l’étude UFE.
En effet, l’étude UFE-BDEW a montré un effet bénéfique de l’introduction d’un mécanisme de capacité
sur le coût supporté par le consommateur. Ainsi, l’introduction d’un mécanisme de capacité en France
permettra aux consommateurs français d’économiser, à terme, sur leur facture d’électricité par rapport
à ce qu’ils auraient eu à payer avec un marché energy-only déplafonné. La mise en place d’un tel
mécanisme bénéficierait aussi aux consommateurs allemands. Les montants estimés par l’étude se
situent entre 80 et 100 M¤ par an dans les deux cas.
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Par ailleurs, un mécanisme de capacité n’a pas d’impact structurant sur la formation des prix de l’énergie
dans la mesure où les coûts variables de court terme sont indépendants des mécanismes qui valorisent
les capacités, et rémunèrent un service de « disponibilité » (ce qui est le cas du mécanisme français).
Les travaux de concertation engagés par RTE en avril 2015, conformément au cadre réglementaire en
vigueur, comprennent un volet sur l’impact du dispositif sur les prix de marché en Europe, selon des
données et une méthode mise à jour. Les résultats de ces travaux, qui permettront de compléter les
études d’impact existantes et les analyses déjà diffusées sur le sujet, sont attendus au printemps 2016.
b. Un mécanisme responsabilisant
Comme évoqué précédemment, le mécanisme français vise à responsabiliser les acteurs pour que
l’objectif de sécurité d’approvisionnement soit atteint. Dans son mémoire, la Commission reconnaît que
le mécanisme aura dès sa mise en œuvre des effets incitatifs positifs. Côté offre, il incitera au maintien
et à la disponibilité des moyens de production et d’effacement nécessaires pour assurer la sécurité
d’approvisionnement. Côté demande, il contribuera à la modération de la consommation lors des
périodes de pointe.
L’étude UFE-BDEW a permis de montrer les effets de long terme, eux aussi bénéfiques du mécanisme.
Ainsi, l’introduction du mécanisme de capacité encouragera à maintenir en exploitation des installations
nécessaires et à déclencher si besoin de nouveaux investissements en ramenant, à un niveau plus
acceptable, le risque encouru par les industriels. Cette diminution du risque se traduira par un
approvisionnement plus sûr en électricité (réduction de la fréquence et de la sévérité des épisodes de
pénurie) et ce, à un moindre coût pour le consommateur (du fait de la diminution de la prime de risque
attendue par les investisseurs). Ce point est crucial. Pour l’UFE, l’introduction du mécanisme ne se
traduira pas, globalement, pour les acteurs, par une augmentation du risque. Au contraire, il ramènera ce
risque à un niveau plus acceptable pour les fournisseurs, les producteurs et les opérateurs d’effacement
qui seront alors en mesure de le gérer.
S’agissant des inquiétudes de la Commission quant au fait que « le signal prix découlant des échanges de
certificats ne sera pas fiable » (considérant 175) et que globalement le mécanisme pourrait ne pas être
suffisant pour « envoyer les signaux adéquats pour des investissements dans des nouvelles capacités »,
les acteurs de marché considèrent que, en fonction notamment des retours d’expérience des premières
années de livraison, le mécanisme pourra faire l’objet d’évolutions pour améliorer ce signal prix.
c. Un mécanisme approprié et proportionné au vu des enjeux de sécurité
d’approvisionnement
Premièrement, pour l’UFE, le mécanisme français est approprié dans la mesure où il respecte les
préconisations détaillées aux considérants 225 et 226 des LDAE.
•
En particulier, comme le note la Commission, le mécanisme complète d’autres mesures prises
par l’État français qui visent à optimiser la gestion de la demande et réduire le besoin de
capacité, et est compatible avec ces dernières.
•
La rémunération perçue pas les exploitants de capacités est fondée sur la disponibilité effective
des capacités, de manière à garantir que la rémunération de la capacité est versée en échange
d’un véritable service effectif rendu au système électrique et à la sécurité d’alimentation.
•
Le dispositif porte sur toute la capacité (capacity wide), il est en particulier ouvert :
Aux effacements de consommation et selon deux modalités distinctes afin
d’encourager, au maximum, la participation de ce type de capacité.
Aux sources renouvelables, également selon deux modalités alternatives afin d’aider les
producteurs à entrer facilement dans le mécanisme.
Aux autres capacités de production et de stockage, existantes et futures.
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ÉTUDES & DOCUMENTS
N°11540
Vendredi 25 mars 2016
RÉPONSE À L’ENQUETE APPROFONDIE DE LA DG COMP SUR LE MÉCANISME DE CAPACITÉ
•
Enfin, sous sa forme actuelle, le mécanisme tient « compte de la mesure dans laquelle les
capacités d’interconnexion pourraient remédier à tout éventuel problème d’adéquation des
capacités de production ». Cette prise en compte se traduit aujourd’hui dans le calcul de
l’obligation incombant aux acteurs obligés. Un processus est en cours pour faire évoluer les
modalités de cette prise en compte reposant sur le caractère effectif de la contribution à la
sécurité d’approvisionnement des capacités concernées à travers un dispositif qui vise à
l’efficacité économique et respecte les objectifs du marché intérieur. Les acteurs actifs sur le
marché français espèrent que des réflexions similaires seront prochainement ouvertes dans les
autres États membres qui se sont déjà ou qui vont se doter d’un mécanisme de capacité.
Enfin, le mécanisme français est proportionné puisqu’il repose sur une architecture de marché : cette
architecture garantira que les exploitants de capacité percevront, en échange du service effectif rendu,
une rémunération correspondant à ce service.
Les dispositifs de surveillance et de transparence, notamment ceux prévus dans le mécanisme de
capacité, gérés par le régulateur et RTE, les éléments d’architecture du mécanisme de capacité déjà
introduits en faveur de la concurrence suite à l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence en avril 2012,
préviendront la survenue de bénéfices indus. Ces éléments ont d’ailleurs prouvé leur pleine efficacité
s’agissant du contrôle du fonctionnement du marché de l’énergie.
5. Des réflexions à poursuivre sur les évolutions du mécanisme
L’UFE et les acteurs de marché qu’elle représente se sont toujours montrés ouverts à toute discussion
visant à apporter des évolutions positives sur le mécanisme de capacité, sur les incitations qu’il est
susceptible de délivrer et sur l’efficacité de l’atteinte de l’objectif de sécurité d’approvisionnement.
L’UFE est d’ailleurs consciente de l’attention particulière portée par la Commission sur ces évolutions.
D’ailleurs, l’UFE souligne que, sans attendre, les acteurs de marché se sont d’ores et déjà engagés dans
des réflexions sur la meilleure manière de prendre en compte, dans le mécanisme français,
l’interconnexion du système électrique français avec les systèmes électriques des autres États membres,
en particulier via la consultation publique organisée par RTE dans le cadre des travaux déjà engagés sur
les évolutions du dispositif.
L’UFE soutient dans ces réflexions qu’il est nécessaire que cette prise en compte repose sur le caractère
effectif de la contribution à la sécurité d’approvisionnement des capacités concernées à travers un
dispositif qui vise à l’efficacité économique et respecte les objectifs du marché intérieur. Cette
condition est en effet impérative pour assurer que le dispositif réponde efficacement à l’objectif qui est
le sien de sécurisation de l’alimentation en électricité.
Par ailleurs, l’UFE est favorable à ce que, notamment en fonction des besoins identifiés via les premiers
retours d’expérience, des réflexions sur des évolutions tendant à rendre le signal prix plus transparent,
et incitatif soient menées. Ces réflexions pourraient porter sur la liquidité et la transparence du marché,
la prévisibilité des obligations des fournisseurs et l’architecture du dispositif, la surveillance du marché,
ou les effets du mécanisme en matière de dynamique d’investissement sur le long terme.
Toutefois, l’UFE réaffirme que la mise en œuvre de ces évolutions ne doivent pas constituer un
préalable au démarrage effectif du mécanisme en 2017. Elles doivent être envisagées comme des axes
d’amélioration, éventuellement basées sur un retour d’expérience, et non comme des prérequis.
Enfin, l’UFE tient à souligner les conséquences préjudiciables pour l’ensemble des acteurs du marché
d’une entrée en vigueur différée du mécanisme de capacité :
•
un retard pénaliserait en effet l’activité de l’ensemble des opérateurs : de fourniture (couverture
de l’obligation et prise en compte dans les offres), de production (valorisation des garanties de
capacités) et d’effacement (valorisation des garanties de capacités).
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ÉTUDES & DOCUMENTS
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RÉPONSE À L’ENQUETE APPROFONDIE DE LA DG COMP SUR LE MÉCANISME DE CAPACITÉ
•
il affecterait donc la valorisation économique des actifs contribuant à la sécurité d’alimentation
et serait susceptible d’affecter la pertinence économique des décisions concernant certains
d’entre eux (par exemple en précipitant la fermeture de moyens ou en repoussant des
investissements dans le développement d’effacements utiles dans les deux cas à la sécurité
d’alimentation).
L’UFE recommande, dans ces conditions d’adopter une approche pragmatique consistant à :
•
Poursuivre le travail d’approfondissement en cours sur la meilleure manière de prendre en
compte l’interaction avec les marchés voisins selon des modalités reposant sur le caractère
effectif de la contribution à la sécurité d’approvisionnement des capacités concernées à travers
un dispositif qui vise à l’efficacité économique et qui respecte les objectifs du marché intérieur
•
Permettre une mise en œuvre effective du dispositif à la date prévue par les textes français,
c’est-à-dire l’année 2017.
•
Prévoir, si des aménagements du dispositif sont jugés souhaitables ou nécessaires, qu’ils soient
apportés ultérieurement, le cas échéant en intégrant l’engagement à les réaliser dès 2018 voire
2019.
Cette approche pragmatique d’évolution du dispositif permet de ne pas différer son démarrage, dès
2017, ce qui est important au regard des enjeux de sécurité d’alimentation et des enjeux industriels et
commerciaux. Cette approche paraît analogue à celle qui a pu être suivie dans le cadre du mécanisme
britannique approuvé par la Commission.
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