L`OMC et l`économie du commerce: Théorie et

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L`OMC et l`économie du commerce: Théorie et
OMC E-­‐‑Learning OMC E-­‐‑Learning – Copyright © Juin 2013 L'ʹOMC et l'ʹéconomie du commerce: Théorie et politique Introduction Ce cours multimédia a pour sujet "L'OMC et l'économie du commerce: Théorie et politique". Il comprend un
texte explicatif, des questions fréquemment posées et un questionnaire d'auto-évaluation grâce auquel vous
pouvez mesurer votre compréhension du cours.
Il est également accompagné d'une présentation vidéo
intitulée "L'OMC: Fondements économiques".
But de cette présentation
Le but de cette présentation multimédia est d'offrir un support théorique permettant de comprendre les effets
de la libéralisation des échanges et ceux de la protection. Nous chercherons aussi à comprendre pourquoi les
pays mènent des politiques de libéralisation des échanges dans le cadre de l'OMC, c'est-à-dire pourquoi ils
négocient et s'engagent, par exemple, à consolider leurs droits de douane plutôt que de procéder à une
libéralisation unilatérale.
La présentation est divisée en quatre parties.
La première donne un aperçu des
principaux résultats de la littérature théorique sur l'économie internationale des effets de la libéralisation des
échanges.
I.
Gains procurés par le commerce
Pour commencer, j'examinerai en particulier les gains procurés par le commerce dans différents contextes,
allant des situations où les pays commercent ensemble parce que leur niveau technologique est différent,
jusqu'à celles où ils ont des dotations différentes en ressources – capital, travail ou terres. Et pour finir, deux
situations où les pays font du commerce bien qu'ils soient similaires.
II.
Effets de répartition des revenus
Dans tous ces cas, j'expliquerai que le commerce procure des gains, mais qu'il peut aussi avoir des effets de
répartition des revenus.
En effet, à l'intérieur de chaque pays, certaines catégories seront gagnantes, et
d'autres subiront éventuellement des pertes.
La libéralisation des échanges entraîne également des coûts
d'ajustement. Nous expliquerons ce que cela signifie et nous examinerons ce que les pouvoirs publics peuvent
faire pour réduire ces coûts au minimum.
III.
Politique commerciale et développement
Dans la troisième partie, nous examinerons les données qui démontrent l'importance de la libéralisation des
échanges pour le développement.
IV.
Nécessité d'un engagement multilatéral
Dans la dernière partie, nous expliquerons les raisons d'engager des négociations multilatérales et de prendre
des engagements de libéralisation des échanges au moyen d'un accord international.
Table des matières
I.
GAINS PROCURÉS PAR LE COMMERCE .............................................................................................. 1
I.A.
LES TROIS PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE LA THÉORIE DU COMMERCE
INTERNATIONAL ........................................................................................................... 1
I.B.
II.
III.
D'OÙ PROVIENNENT CES GAINS? ................................................................................... 1
EFFETS DE RÉPARTITION DU REVENU .............................................................................................. 6
II.A.
COMMERCE ENTRE PAYS SIMILAIRES.............................................................................. 7
II.B.
COÛTS D'AJUSTEMENT .................................................................................................. 9
POLITIQUE COMMERCIALE ET DÉVELOPPEMENT ............................................................................... 12
III.A.
QUELS SONT LES INSTRUMENTS DE POLITIQUE COMMERCIALE? ..................................... 12
III.B.
QUELLE EST L'INCIDENCE D'UN DROIT D'IMPORTATION? ................................................ 13
III.C.
POURQUOI LES GOUVERNEMENTS IMPOSENT-ILS DES DROITS D'IMPORTATION? .............. 14
III.C.1. ARGUMENT DES TERMES DE L'ÉCHANGE ........................................................... 15
III.C.2. ARGUMENT DES INDUSTRIES NAISSANTES ....................................................... 15
III.C.3. ARGUMENT DE LA POLITIQUE COMMERCIALE STRATÉGIQUE ............................... 16
III.C.4. AUTRES ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA PROTECTION ........................................ 17
IV.
NÉCESSITÉ D'UN ENGAGEMENT MULTILATÉRAL ................................................................................ 18
IV.A.
Y A-T-IL UNE RAISON DE S'ENGAGER À L'ÉGARD DE LA LIBÉRALISATION
MULTILATÉRALE?........................................................................................................ 18
IV.A.1. DÉCALAGE DANS LE TEMPS ............................................................................. 19
IV.A.2. AUTRES RAISONS EN FAVEUR DE LA LIBÉRALISATION MULTILATÉRALE ............... 20
V.
CONCLUSIONS ......................................................................................................................... 21
I.
GAINS PROCURES PAR LE COMMERCE I.A. LES TROIS PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE LA THÉORIE DU COMMERCE INTERNATIONAL Commençons par ce que la théorie des échanges internationaux nous dit sur les effets de la libéralisation des
échanges.
1.
Le commerce procure des gains
Les trois principaux résultats de la théorie du commerce international sont les suivants:
commerce procure des gains;
premièrement, le
deuxièmement, quand des pays échangent des biens ou des services, ils en
retirent toujours des avantages;
et troisièmement, deux pays qui commercent ensemble en retireront des
avantages même si l'un d'eux est plus efficace que l'autre dans toutes ses productions.
2.
Le commerce apporte des avantages réciproques
Par conséquent, non seulement il y a des gains, mais il y en a pour les deux pays. Cependant, bien que les
pays retirent globalement des avantages du commerce international, il se peut que certaines catégories en
pâtissent à l'intérieur d'un pays.
3.
Le commerce a des effets de répartition des revenus, mais les gains l'emportent sur les
pertes
Il y a donc des effets de répartition des revenus: certaines catégories, certaines personnes y gagneront, et
d'autres y perdront, et il est très probable que les catégories perdantes feront pression sur le gouvernement
pour qu'il applique des politiques protectionnistes, même si les gains l'emportent globalement sur les pertes.
I.B. D'ʹOU PROVIENNENT CES GAINS? GAINS DUS A UNE MEILLEURE UTILISATION DES RESSOURCES La théorie économique tend à montrer que les gains tirés du commerce peuvent venir d'une meilleure
utilisation des ressources.
… à la spécialisation
Que fait le commerce?
Le commerce permet aux pays de se spécialiser dans la production des biens pour
lesquels ils sont relativement PLUS efficaces et d'importer les biens pour lesquels ils sont relativement MOINS
efficaces. L'échange de ces biens profite aux deux pays.
... à l'exploitation des économies d'échelle
Les gains dus à une meilleure utilisation des ressources peuvent aussi venir du fait que le commerce permet
aux entreprises de produire sur une plus grande échelle. Lorsque les obstacles au commerce sont éliminés, les
entreprises ont accès à la demande d'un marché plus vaste.
Elles peuvent donc choisir de produire à un
niveau plus efficace et d'économiser sur leurs coûts. Cette baisse des coûts bénéficie à l'ensemble du pays.
1
Gains dus à la spécialisation
Analysons maintenant de façon un peu plus précise les gains dus à la spécialisation. Tout le monde comprend
sans doute que si un pays très efficace dans la fabrication d'ordinateurs commerce avec un pays très efficace
dans la production de roses, il sera probablement dans leur intérêt que le pays plus efficace dans le domaine
des ordinateurs produise et exporte des ordinateurs, tandis que l'autre produira et exportera des roses.
Mais que se passe-t-il si un pays qui est plus efficace dans la production des deux – ordinateurs et roses
– commerce avec un pays qui est moins efficace dans la production des deux? Le commerce est-il toujours
avantageux? Le résultat important issu de la théorie est que le commerce procure des GAINS aux DEUX pays.
Ces gains viennent du fait que chaque pays se spécialise dans la production du bien pour lequel il a un
avantage comparatif.
ú
Avantage comparatif
Que signifie l'avantage comparatif?
Les économistes disent qu'un pays a un avantage comparatif dans la
production d'un bien si le coût d'opportunité de la production de ce bien par rapport à d'autres biens est moins
élevé dans ce pays que dans l'autre.
Vous noterez qu'en définissant l'avantage comparatif, nous avons
introduit une nouvelle expression: le "coût d'opportunité".
ú
Coût d'opportunité
Qu'est-ce que le coût d'opportunité? Le coût d'opportunité d'un bien, par exemple les roses, par rapport à un
autre bien, par exemple les ordinateurs, est le nombre de roses qui auraient pu être produites avec les
ressources utilisées pour produire un certain nombre d'ordinateurs. Le coût d'opportunité diffère selon les pays
en raison des différences technologiques.
ú
Théorie de l'avantage comparatif
Selon la théorie de l'avantage comparatif, lorsque deux pays se spécialisent dans la production du bien pour
lequel ils ont un avantage comparatif, ils tirent tous deux un gain du commerce, même si l'un a un avantage
absolu dans la production des deux biens.
Chaque pays exportera le bien pour lequel il a un avantage
comparatif.
1.
Spécialisation découlant des différences technologiques:
le modèle
ricardien
Le meilleur moyen de comprendre l'idée de l'avantage comparatif est de prendre un exemple précis, un modèle
qui le démontre. Le premier modèle d'avantage comparatif, qui reposait sur des différences de productivité du
travail, a été introduit au début du XIXe siècle par un économiste appelé David Ricardo, et c'est pourquoi on
l'appelle aussi modèle ricardien.
l'exemple suivant:
Sous sa forme la plus simple, le modèle ricardien peut être illustré par
supposons qu'il n'existe que deux pays dans le monde, le pays A et le pays B, et deux
secteurs, celui des roses et celui des ordinateurs. Un travailleur employé dans le secteur des roses produirait
5 millions de roses dans le pays A et 8 millions de roses dans le pays B. Un autre travailleur employé dans le
secteur des ordinateurs produirait 200 ordinateurs dans le pays A et 1 000 ordinateurs dans le pays B.
Autrement dit, quel que soit le secteur, un travailleur produirait plus d'unités de chaque produit dans le pays B.
Dans ce cas, le pays B a un avantage absolu dans la production des deux produits.
2
Roses
Ordinateurs
Pays A
5 millions
200
Pays B
8 millions
1 000
Qu'en est-il des avantages comparatifs?
Examinons le coût d'opportunité que représenterait en termes de
roses pour chaque pays le renoncement à produire 1 000 ordinateurs. Pour le pays B, le coût d'opportunité en
termes de roses de la production de 1 000 ordinateurs de moins est égal à 8 millions de roses.
Qu'en est-il pour le pays A?
S'il lui fallait produire 1 000 ordinateurs, le pays A devrait employer cinq
personnes, car chaque travailleur produit seulement 200 ordinateurs dans le pays A. En termes de roses, cela
aurait un coût égal à 25 millions de roses.
En résumé, alors que dans le pays B le coût d'opportunité de
1 000 ordinateurs est de 8 millions de roses, dans le pays A le coût d'opportunité de 1 000 ordinateurs est de
25 millions de roses. Étant donné que le coût d'opportunité en termes de roses de la production d'ordinateurs
est moins élevé dans le pays B, celui-ci a un avantage comparatif pour les ordinateurs tandis que le pays A a
un avantage comparatif pour les roses.
D'après la théorie de l'avantage comparatif, si les pays A et B
s'ouvrent au commerce, le pays A se spécialisera dans la production de roses et le pays B dans la production
d'ordinateurs.
Quel sera l'effet de la spécialisation? … le modèle ricardien
Changements de production dus à la spécialisation:
Roses
Ordinateurs
Pays A
+10 millions
-400
Pays B
-8 millions
+1 000
TOTAL
+2 millions
+600
La spécialisation accroît la production totale des deux biens.
Tous les pays peuvent tirer des gains du
commerce.
Supposons à présent que, dans le pays A, deux travailleurs passent de la production d'ordinateurs à la
production de roses. Cela signifie que le pays A produira 400 ordinateurs de moins et 10 millions de roses de
plus.
Supposons qu'en même temps, dans le pays B, un travailleur passe de la production de roses à la
production d'ordinateurs. Le pays B produira alors 8 millions de roses de moins et 1 000 ordinateurs de plus.
Globalement, la production totale de roses augmentera de 2 millions d'unités, car il y aura une augmentation
de 10 millions de roses dans le pays A et une diminution de 8 millions de roses dans le pays B.
Dans le secteur des ordinateurs, la production totale augmentera de 600 ordinateurs: 1 000 ordinateurs de
plus dans le pays B et 400 ordinateurs de moins dans le pays A. La spécialisation entraînant une augmentation
de la production totale des deux biens, tous les pays peuvent tirer des gains du commerce.
Le commerce
permet à chaque pays d'accéder à une plus grande quantité de chacun des biens.
Le modèle ricardien est évidemment trop simplifié pour expliquer tous les aspects de la libéralisation des
échanges. Mais il offre deux enseignements essentiels. L'un est que les différences de productivité du travail
3
sont très importantes pour expliquer la structure des échanges, et l'autre est que c'est l'avantage comparatif et
non l'avantage absolu qui importe pour le commerce.
Dans le modèle ricardien, il n'y a qu'un facteur de
production: le travail. Par conséquent, les avantages comparatifs découlent uniquement des différences de
productivité du travail, elles-mêmes dues aux différences technologiques.
2.
Spécialisation découlant des différences de dotations:
théorie de la
proportion des facteurs (modèle de Heckscher-Ohlin)
Dans la réalité, le commerce est déterminé non seulement par les différences technologiques mais aussi par les
différences de dotations en ressources entre les pays. Si le Canada exporte des produits de la sylviculture aux
États-Unis, ce n'est pas parce que ses travailleurs sont plus efficaces dans ce secteur mais parce qu'il est
mieux doté en forêts.
Pour expliquer l'importance des ressources dans le commerce, deux économistes,
Heckscher et Ohlin, ont élaboré une théorie selon laquelle le commerce est déterminé par l'interaction de
l'abondance relative des facteurs de production (tels que le capital, le travail ou les terres) et l'intensité relative
avec laquelle ces facteurs sont utilisés pour produire différents biens. Comme les avantages comparatifs sont
déterminés par la proportion des dotations en facteurs et la proportion selon laquelle ces facteurs sont utilisés
pour produire différents biens, cette théorie est connue sous le nom de "théorie de la proportion des facteurs".
L'avantage comparatif dépend de la dotation relative des pays en facteurs de production
Selon la théorie de la proportion des facteurs, le pays où la main-d'œuvre est relativement abondante aura un
avantage comparatif dans la production de biens nécessitant une main-d'œuvre relativement importante. Et le
pays où le capital est relativement abondant aura un avantage comparatif dans la production de biens
nécessitant des capitaux relativement importants.
Par exemple, le pays A possède un avantage comparatif
dans la production de biens à forte intensité de capital par rapport au pays B si son ratio capital-travail est plus
élevé que celui du pays B.
Dans une économie fermée, le bien qui utilise de façon plus intensive le facteur relativement abondant sera
meilleur marché
Dans un pays où le capital est abondant, le coût du capital sera relativement faible. Par conséquent, le coût de
production d'un produit à forte intensité de capital et son prix seront relativement bas. Ce sera l'inverse dans
un pays où la main-d'œuvre est abondante: les salaires seront relativement bas et le coût d'un produit à forte
intensité de main-d'œuvre sera relativement faible.
Les différences de prix relatifs des deux produits
donneront lieu à un échange.
Avec le commerce:
ú
Les prix des biens échangés seront les mêmes dans tous les pays.
Lorsque deux pays se
mettent à faire du commerce ensemble, les prix des deux biens, le bien à forte intensité de
main-d'œuvre (par exemple un produit agricole) et le bien à forte intensité de capital (par
exemple, un produit manufacturé), auront tendance à être identiques dans les deux pays. Par
conséquent, le prix du bien à forte intensité de main-d'œuvre dans le pays à forte intensité de
main-d'œuvre, par exemple, aura tendance à augmenter par rapport au prix du bien à forte
intensité de capital.
ú
Le pays à forte intensité de main-d'œuvre exportera le bien à forte intensité de main-d'œuvre.
Les deux pays produiront une plus grande quantité du bien pour lequel ils ont un avantage
comparatif.
Ils auront tendance à se spécialiser.
Le pays où le capital est abondant se
4
spécialisera dans la production du bien à forte intensité de capital et exportera ce bien, tandis
que le pays où la main-d'œuvre est abondante se spécialisera dans la production du bien à
forte intensité de main-d'œuvre et exportera ce bien. Comme dans le modèle ricardien, dans
le modèle de Heckscher-Ohlin, le commerce peut accroître la production totale des deux biens.
Du fait que les deux pays peuvent consommer les deux biens en plus grande quantité que s'il
n'y avait pas de commerce, ils tirent tous deux un gain du commerce.
5
II.
EFFETS DE REPARTITION DU REVENU Le commerce agit sur la répartition des revenus
Il y a toutefois une différence très importante entre les résultats du modèle ricardien et ceux du modèle
de Heckscher-Ohlin.
Dans le modèle ricardien, la main-d'œuvre est le seul facteur de production, et l'on
suppose qu'elle peut se déplacer d'un secteur à l'autre librement et sans coût dans chaque pays.
Pour un
individu, cela ne change rien qu'il soit employé dans un secteur ou dans un autre. Par conséquent, un modèle
ricardien simple prédit non seulement que TOUS les pays tireront des gains du commerce, mais aussi que,
dans chaque pays, le commerce international améliorera la situation de CHAQUE INDIVIDU.
Dans la théorie de la proportion des facteurs, les secteurs diffèrent quant au dosage des facteurs de production
dont ils ont besoin. Dans le cas le plus simple, il y a deux facteurs de production: le capital et le travail, et
deux secteurs: l'un à forte intensité de capital et l'autre à forte intensité de main-d'œuvre. La spécialisation
dans l'un de ces deux secteurs, par exemple dans la production du bien à forte intensité de capital, augmente
la demande d'un facteur (le capital dans notre exemple), tout en diminuant la demande de l'autre facteur (le
travail). Dans le modèle de Heckscher-Ohlin, il n'est pas nécessairement vrai que chaque individu dans chaque
pays tirera des gains de la libéralisation des échanges. Le commerce entraîne des effets de redistribution des
revenus, de sorte que certaines catégories y gagneront et d'autres y perdront.
Qui gagne et qui perd? Le théorème de Stolper-Samuelson
Qui gagne et qui perd? Le théorème de Stolper-Samuelson nous aide à identifier les gagnants et les perdants.
Deux économistes, Stolper et Samuelson, ont montré que le libre-échange entraîne une augmentation du
rendement du facteur relativement abondant dans un pays et une diminution du rendement du facteur
relativement rare.
Prenons par exemple un pays où le capital est abondant:
que se passera-t-il après la
libéralisation? Dans un tel pays, le commerce entraînera une réaffectation des ressources vers les biens à forte
intensité de capital. La demande de capital augmentera donc, d'où l'augmentation du prix du capital sur le
marché intérieur.
Les détenteurs de capital gagneront donc plus, car le rendement du capital augmente.
Qu'en sera-t-il de la demande de main-d'œuvre dans le pays? C'est le facteur relativement rare pour lequel le
pays n'a pas d'avantage comparatif. La demande de main-d'œuvre diminuera, de même que les salaires. En
résumé, dans un pays où le capital est abondant, les détenteurs de capital seront les gagnants et les
détenteurs de main-d'œuvre les perdants.
Dans la pratique, le déplacement d'un secteur à l'autre a un coût.
Il est donc probable que les ressources
employées dans le secteur qui concurrence les importations pâtiront de la réduction de ce secteur.
Cela
explique pourquoi, dans les pays industrialisés, lorsqu'un secteur à forte intensité de main-d'œuvre tel que le
textile est libéralisé, les détenteurs de capital et les travailleurs de ce secteur s'opposent au libre-échange.
Mais le résultat important à retenir de la théorie est que, malgré les effets de répartition des revenus, le pays y
gagne globalement, c'est-à-dire que les gains l'emportent sur les pertes.
Les coûts d'ajustement seront
examinés plus en détail dans la suite.
6
II.A. COMMERCE ENTRE PAYS SIMILAIRES Des pays similaires échangent des biens similaires: échanges intrasectoriels
Un point important qu'il faut garder à l'esprit est que le modèle ricardien et le modèle de Heckscher-Ohlin
expliquent les échanges de biens différents entre des pays différents. Dans les deux modèles, les pays font du
commerce parce qu'ils sont différents – en termes de niveau technologique ou de dotation en facteurs. Ils se
spécialisent dans la production du bien pour lequel ils ont un avantage comparatif et exportent ce bien. Mais,
dans la réalité, la plupart des échanges se font entre des pays similaires.
Entre un quart et la moitié des
échanges mondiaux sont des échanges intrasectoriels, c'est-à-dire des échanges de biens qui relèvent de la
même classification industrielle. Cela est particulièrement vrai pour le commerce entre les pays développés,
notamment le commerce des produits manufacturés.
l'essentiel du commerce.
Dans ce cas, les échanges intrasectoriels constituent
Les modèles de Heckscher-Ohlin et de Ricardo n'expliquent pas les échanges
intrasectoriels.
Les échanges intrasectoriels reposent sur les économies d'échelle
Pour expliquer les échanges intrasectoriels, il faut introduire la notion d'économie d'échelle.
Dans de
nombreux secteurs, plus l'échelle de production est grande, plus la production est efficace. Ces secteurs se
caractérisent par des rendements d'échelle ou économies d'échelle croissants. Cela veut dire que quand on
double le facteur de production, par exemple le nombre de travailleurs qui produisent un bien, la production
est plus que doublée. Prenons l'exemple d'une entreprise qui fabrique des bicyclettes. Et supposons que la
production de bicyclettes soit caractérisée par des économies d'échelle. Cela veut dire, par exemple, que si dix
travailleurs produisent cinq bicyclettes en une journée, 20 travailleurs en produiront 15, c'est-à-dire plus du
double.
Gains résultant des économies d'échelle
Sans commerce
A
Caméras vidéo
Bicyclettes
B
Avec commerce
Monde
A
B
Monde
10
10
20
25
0
25
5
5
10
0
15
15
Supposons à présent qu'il existe deux pays, le pays A et le pays B, et deux biens, les caméras vidéo et les
bicyclettes. Supposons que la production de caméras vidéo et la production de bicyclettes fassent toutes deux
l'objet d'économies d'échelle, de sorte que si on double le nombre de travailleurs employés dans chaque
secteur, la production du secteur augmentera de plus du double. Supposons en outre que les deux pays soient
identiques, c'est-à-dire qu'ils aient les mêmes technologies et la même dotation en ressources. Et supposons
que la main-d'œuvre soit la seule dotation. Au début, le pays A emploie dix travailleurs dans le secteur des
caméras vidéo et produit dix caméras vidéo, et il emploie dix travailleurs dans la production de bicyclettes et
produit cinq bicyclettes. Supposons une situation identique dans le pays B de sorte que, au total, la production
mondiale est de 20 caméras vidéo et de dix bicyclettes.
Supposons maintenant que toute la production de
caméras vidéo se concentre dans le pays A et celle de bicyclettes dans le pays B. Le pays A emploiera donc
20 travailleurs dans la production de caméras vidéo et le pays B 20 travailleurs dans la production de
bicyclettes.
Du fait des économies d'échelle, l'utilisation du double de travailleurs dans la production de
caméras vidéo augmentera de plus du double la production de caméras vidéo dans le pays A. Supposons, par
exemple, que la production de caméras vidéo dans le pays A soit portée à 25. Et supposons de même que,
7
dans le pays B, la production de bicyclettes soit portée à 15.
Bien entendu, étant donné que tous les
travailleurs sont passés dans l'autre secteur, aucune bicyclette ne sera produite dans le pays A et aucune
caméra vidéo ne le sera dans le pays B.
Qu'en est-il de la production mondiale?
Globalement, le monde y gagnera: 25 caméras vidéo et 15 bicyclettes seront disponibles. Par conséquent, les
deux pays peuvent améliorer leur situation grâce au commerce.
Gains résultant de l'accès à une plus grande variété de biens et de services
Il est possible de généraliser cet exemple et de supposer que chaque secteur se caractérise par une diversité
de biens. Les bicyclettes se différencieront par exemple selon leur style, leur couleur, le confort de leur selle,
etc. De même, les caméras vidéo se différencieront selon leur qualité, leur capacité de mémoire, etc.
ú
La libéralisation des échanges peut réduire le nombre de variétés produites par chaque pays,
mais les consommateurs ont accès globalement à une plus grande variété de biens.
Dans ces circonstances, le commerce permet à chaque pays de se spécialiser dans la production d'une gamme
de biens plus réduite que ce qu'il produirait en l'absence de commerce.
Toutefois, globalement, les
consommateurs de chaque pays auront un choix plus vaste. En effet, le commerce met à la disposition des
consommateurs de chaque pays non seulement les variétés produites au niveau intérieur, mais aussi celles
produites dans les autres pays. Dans ce cas, les gains tirés du commerce découleront de l'accès à une plus
grande variété de biens et de services produits au niveau mondial.
Les pays échangeront des variétés
différentes du même bien, ce qui donnera lieu à des échanges intrasectoriels.
ú
Pas d'effet de répartition des revenus.
L'un des résultats importants de la théorie des échanges intrasectoriels est que ces échanges ont très peu
d'effets de répartition du revenu. Dans la mesure où les échanges sont intrasectoriels, le commerce ne crée
pas de problèmes sociaux liés à la répartition des revenus.
Comme les échanges intrasectoriels ont surtout lieu entre des pays similaires, il est plus facile, du point de vue
social, de libéraliser les échanges entre des pays similaires qu'entre des pays différents. En effet, les échanges
entre pays différents tiennent principalement à l'avantage comparatif et entraînent des effets de répartition des
revenus, ce qui nuit à certaines catégories. Ces catégories peuvent faire pression contre la libéralisation des
échanges.
Gains résultants d'une accélération de l'innovation et du transfert de technologie
Jusqu'à présent, nous avons examiné les gains statiques tirés du commerce, mais il existe aussi des gains
dynamiques.
Le commerce accroît l'incitation à innover en raison des effets suivants:
ú
Effet concurrentiel – En premier lieu, le commerce accroît l'incitation à innover. L'innovation
est le fondement de la croissance économique. Par conséquent, en encourageant l'innovation,
le commerce peut avoir des effets positifs sur la croissance. D'où vient l'incitation à innover?
Elle est déterminée par ce qu'on appelle en économie la "menace concurrentielle", c'est-à-dire
la différence entre les profits qu'une entreprise réaliserait si elle innovait et les profits qu'elle
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réaliserait si une autre entreprise innovait en premier. Le commerce intensifie la concurrence
entre les pays, donc il accroît les pertes qu'une entreprise subit si elle n'innove pas alors que
les entreprises concurrentes innovent. La menace concurrentielle est ainsi renforcée, ainsi que
l'incitation à innover.
ú
Effet d'échelle – La deuxième source d'incitation à innover est l'effet d'échelle. En élargissant
le marché, le commerce accroît les profits de l'entreprise si elle innove, c'est-à-dire qu'il accroît
l'incitation à innover et à investir dans la recherche-développement.
Le commerce favorise le transfert de technologie par divers canaux.
Un relèvement du niveau de technologie et de productivité peut aussi être dû au transfert de technologie
provenant de l'étranger. Le commerce est l'un des canaux par lesquels la technologie peut être transférée d'un
pays à l'autre.
ú
Ingénierie inverse – Un exemple simple est l'ingénierie inverse. Le commerce met des produits
à la disposition d'un pays. En regardant simplement un produit, sa conception, sa technologie,
les concurrents peuvent appréhender en partie le savoir qu'il contient. Dans la mesure où ce
savoir est transféré au pays importateur, la technologie est transférée.
ú
Contacts personnels – La technologie est également transférée grâce aux contacts personnels
entre importateurs et exportateurs.
ú
Accroissement de l'investissement étranger direct (IED) – La technologie peut aussi être
transférée grâce à l'IED. Le commerce favorise l'apport d'investissements étrangers dans un
pays.
La présence d'une entreprise étrangère plus avancée technologiquement peut non
seulement inciter les entreprises locales à mettre à niveau leurs technologies pour rester
compétitives, mais aussi contribuer directement au transfert de technologie grâce à la
formation dispensée aux employés locaux ou aux normes de qualité exigées des entreprises
locales qui fournissent des facteurs de production à l'entreprise étrangère ou distribuent ses
produits. Tout cela peut favoriser la croissance.
II.B. COÛTS D'ʹAJUSTEMENT Nous avons évoqué jusqu'à présent les gains tirés du commerce, mais les gains ont aussi un coût. Nous avons
souligné que ces gains résultaient d'une redistribution des ressources en faveur des secteurs relativement plus
efficaces. La spécialisation est la source la plus importante des gains tirés du commerce. Cette redistribution
entraîne des coûts.
Ces coûts, généralement désignés sous le nom de "coûts d'ajustement", sont les coûts
supportés, par exemple, par les travailleurs licenciés dans le secteur en concurrence avec les importations, qui
doivent chercher un autre emploi.
Les coûts d'ajustement sont également les coûts supportés par une
entreprise qui doit investir pour s'adapter aux nouvelles conditions du marché.
Bien que ces coûts soient inévitables, puisqu'ils résultent directement de l'effet redistributif de la libéralisation
des échanges, leur niveau dépend de plusieurs caractéristiques du marché intérieur.
9
Les coûts dépendent des facteurs suivants:
ú
Fonctionnement du marché du crédit – Le fonctionnement du marché du crédit et celui du
marché du travail, par exemple, ont des incidences importantes sur l'ampleur des coûts
d'ajustement. Il est évident que si le marché du crédit fonctionne correctement, les travailleurs
licenciés auront moins de difficultés financières durant les périodes où ils ne perçoivent que peu
ou pas de revenus. De la même façon, les entreprises trouveront plus facilement de l'argent
pour de nouveaux investissements.
ú
Fonctionnement du marché du travail – De même, le fonctionnement du marché du travail
déterminera la durée de chômage d'un travailleur qui passe d'un secteur à l'autre et cherche un
nouvel emploi: plus le marché du travail est efficace, plus la diffusion d'informations sur les
offres d'emplois le sera, plus les salaires s'adapteront facilement aux conditions du marché du
travail et plus ce marché tendra vers le plein emploi.
ú
Qualité des infrastructures et des services publics – La qualité des infrastructures et des
services publics est extrêmement importante dans certains secteurs où, par exemple, le coût
des télécommunications joue un rôle important.
ú
Crédibilité de la réforme et qualité des institutions – La crédibilité des réformes et la qualité des
institutions sont également importantes: plus les réformes sont crédibles, plus il est probable
que le marché réagira et répondra rapidement aux variations et plus vite il retrouvera son
équilibre.
Du fait que, dans les pays en développement, les marchés du crédit, les marchés du travail et les
infrastructures sont de moins bonne qualité que dans les pays développés, la question de l'ampleur des coûts
d'ajustement se posera sans doute davantage. C'est en raison de ces coûts d'ajustement plus élevés que les
pays en développement bénéficient de périodes de mise en œuvre plus longues dans les accords portant sur la
libéralisation multilatérale.
Rôle des gouvernements nationaux
En général, le gouvernement national dispose d'un certain nombre de mesures pour réduire au minimum ces
coûts d'ajustement.
Mesures destinées à réduire les coûts au minimum
En premier lieu, le gouvernement peut prendre des mesures pour FACILITER l'ajustement. Il peut par exemple
diffuser des informations sur les offres d'emploi et instaurer des régimes plus souples de fixation des salaires,
ou offrir des garanties de crédit durant la phase d'ajustement. Il peut en outre définir un rythme de réforme
approprié et étayer les réformes commerciales par des engagements internationaux afin de les rendre plus
crédibles.
ú
Régime de promotion des exportations – Le gouvernement peut aussi utiliser des régimes de
promotion des exportations. Une promotion active des exportations peut se justifier du point
de vue économique en raison des défaillances du marché. Le processus d'ajustement consiste
généralement à déplacer des travailleurs et du capital du secteur des importations qui se réduit
vers le secteur des exportations qui se développe.
Mais le développement d'une nouvelle
activité d'exportation peut exiger des investissements, et les investisseurs peuvent se trouver
10
face à des risques inconnus ou difficiles à mesurer.
Si les marchés financiers ne sont pas
suffisamment développés ou s'ils sont inefficaces, il peut se révéler difficile pour l'exportateur
d'obtenir un prêt ou de se couvrir contre ces risques. Dans ces circonstances, l'inefficacité du
marché du crédit constituera un obstacle à l'expansion du secteur d'exportation et au processus
d'ajustement. Il est donc fondé que le gouvernement prenne des mesures de promotion des
exportations pour faciliter le processus d'ajustement.
Mesures destinées à dédommager les perdants
ú
Protection sociale – Le deuxième ensemble de mesures que le gouvernement peut mettre en
place pour favoriser le processus d'ajustement et, ce faisant, abaisser les coûts d'ajustement,
consiste à dédommager les catégories qui sont perdantes dans la libéralisation.
Le
gouvernement peut identifier les personnes ou les catégories qui subissent des coûts
d'ajustement et, par exemple, leur offrir une protection sociale durant la période de transition
afin d'améliorer leur sort.
Régime fiscal redistributif approprié
Pour les pertes à long terme, le gouvernement peut mettre en place un régime fiscal redistributif approprié
permettant de compenser les pertes subies par les individus.
11
III. POLITIQUE COMMERCIALE ET DEVELOPPEMENT Jusqu'à présent, nous avons étudié pourquoi les pays font du commerce, ce qui détermine la structure des
échanges et quels sont les gains et les coûts associés à la libéralisation des échanges. Ce sont assurément des
questions intéressantes, mais il est plus intéressant encore de comprendre comment la politique commerciale
d'un pays devrait être conçue pour favoriser le développement.
Libéralisation des échanges et développement
Le développement est une notion complexe:
c'est un processus dans lequel les individus, par leur travail
– investissement et commerce avec d'autres pays –, peuvent subvenir à leurs besoins fondamentaux comme
l'éducation, la santé, un niveau de vie confortable et la liberté.
Pour y parvenir, ils ont besoin de forces
économiques adéquates. Le fondement de tout cela est donc un niveau de revenus suffisant. Nous avons vu
comment la libéralisation des échanges pouvait aider les pays à mieux utiliser leurs ressources par la
spécialisation et l'exploitation des économies d'échelle.
Le commerce constitue également une incitation à
l'innovation et à la diffusion des technologies. Une utilisation plus efficace des ressources peut assurer un plus
haut niveau de revenu et donc un plus haut niveau de développement.
Il y a généralement une relation positive entre l'ouverture et le revenu et, globalement, les pays ouverts sur
l'extérieur et tournés vers l'exportation ont vu leurs efforts de développement couronnés de succès,
contrairement aux pays très protégés et repliés sur eux-mêmes.
Des politiques protectionnistes ont aussi été utilisées pour "favoriser" le développement
Il est cependant souvent arrivé que des politiques protectionnistes soient utilisées aussi pour favoriser le
développement. Nous allons analyser comment elles fonctionnent, quels sont les instruments de protection,
quels sont leurs effets et sur quels motifs ces politiques reposent. Nous examinerons en outre quelques-uns
des résultats concrets de ces politiques.
III.A. QUELS SONT LES COMMERCIALE? INSTRUMENTS DE POLITIQUE Droits de douane
Quels sont les instruments de politique commerciale? Le plus connu est évidemment le droit de douane. Le
droit de douane peut être spécifique ou ad valorem. Un droit spécifique est une imposition fixe appliquée à
chaque unité du produit importé, tandis qu'un droit ad valorem est une taxe en pourcentage sur la valeur du
produit importé.
Contingents
La forme la plus connue d'obstacle non tarifaire est le contingent, c'est-à-dire la quantité maximale d'un
produit qui peut être importée.
12
Subventions à l'exportation
Les subventions à l'exportation sont aussi un instrument de politique commerciale car, en soutenant les
exportations, les gouvernements faussent les échanges.
Tout autre coût des échanges dû à une politique
En général, tout coût des échanges dû à une politique constitue un obstacle au commerce.
Ainsi, un type
particulier de norme qui augmente les coûts de production relatifs pour les producteurs étrangers est un
obstacle au commerce. Il en est de même pour les procédures de dédouanement particulièrement longues qui
augmentent les coûts de transport. Les coûts de transport élevés dus à des comportements anticoncurrentiels
ou à la faible qualité des infrastructures peuvent aussi être considérés comme des obstacles au commerce.
Dans tous ces cas, l'analyse de l'incidence des obstacles au commerce est très similaire. Pour des raisons de
simplicité, nous examinerons dans la suite l'incidence des droits d'importation.
Mais n'oubliez pas que les
mêmes observations peuvent s'appliquer à toutes les autres formes d'obstacle au commerce.
III.B. QUELLE EST L'ʹINCIDENCE D'ʹUN DROIT D'ʹIMPORTATION? Limitons-nous pour des raisons de simplicité à l'incidence d'un droit d'importation sur une certaine économie et
prenons tout d'abord le cas d'un petit pays, c'est-à-dire d'un pays qui ne peut pas influencer le prix mondial du
produit importé.
Cas d'un petit pays
Supposons tout d'abord qu'il n'y ait pas de droits de douane. Dans ce cas, les consommateurs du pays paient
le prix mondial.
Imaginons à présent que le gouvernement décide de percevoir un droit d'importation, par
exemple sur le riz. L'imposition d'un droit de douane augmentera le prix intérieur du produit importé. Les
personnes souhaitant consommer du riz devront alors payer le prix mondial majoré du droit de douane. Par
conséquent, les consommateurs nationaux de riz seront désavantagés, car ils devront payer davantage pour
consommer la même quantité de riz qu'auparavant.
En revanche, les producteurs nationaux de riz seront gagnants, car ils pourront vendre leur riz à un prix plus
élevé. Le gouvernement sera également gagnant, car il percevra des recettes douanières.
Globalement, dans le cas d'un petit pays, la théorie des échanges internationaux montre que le pays dans son
ensemble est perdant et que le bien-être national est réduit par l'imposition d'un droit de douane.
Cas d'un grand pays
Le cas d'un grand pays est différent. Par grand pays nous entendons ici non pas un pays de grande dimension
géographique, mais un pays dont la demande d'importation d'un certain produit est si forte qu'il peut
influencer le prix mondial de ce produit.
Que se passe-t-il si un grand pays impose un droit de douane à l'importation d'un produit, par exemple le riz?
Comme dans le cas d'un petit pays, le prix intérieur du riz augmentera. Cette augmentation aura pour effet de
diminuer la demande de riz importé.
Mais, dans le cas d'un grand pays, la diminution de la demande
d'importation entraînera une baisse du prix mondial du riz.
13
Autrement dit, en imposant un droit de douane sur un produit importé, un grand pays peut influencer le prix de
ce produit à son avantage! Les économistes appellent cela le "gain à l'échange". Ce gain découle précisément
de la capacité du pays d'influencer le prix mondial du produit importé. C'est en raison de la possibilité d'un
gain à l'échange que, dans le cas d'un grand pays, l'incidence de l'imposition d'un droit de douane sur le
bien-être national est ambiguë, c'est-à-dire qu'elle peut être positive ou négative.
Ce qu'il importe de
souligner à ce stade, c'est qu'il n'y a d'effets sur les termes de l'échange que dans le cas d'un grand pays.
Dans le cas d'un petit pays, l'imposition d'un droit de douane réduit sans ambiguïté le bien-être!
III.C. POURQUOI LES GOUVERNEMENTS IMPOSENT-­‐‑ILS DES DROITS D'ʹIMPORTATION? La théorie des échanges internationaux affirme clairement les avantages du libre-échange et souligne les
pertes d'efficacité dues à l'imposition d'un droit de douane.
En réalité, très peu de pays ont choisi le
libre-échange total. L'une des exceptions est probablement Hong Kong. Il y a diverses raisons à cela.
Justification du point de vue de l'économie politique
C'est souvent une question d'économie politique. Dire que l'imposition d'un droit de douane se justifie du point
de vue de l'économie politique signifie que les politiques protectionnistes sont la conséquence des pressions
exercées par les industries des secteurs en concurrence avec les importations, qui souhaitent être protégées de
la concurrence du reste du monde.
Il y a aussi quelques arguments théoriques qui peuvent justifier le recours à la protection du point de vue du
bien-être national.
Arguments économiques en faveur de la protection
1.
Argument des termes de l'échange
Le premier argument que nous examinerons est celui des termes de l'échange, selon lequel il y a un niveau
optimal de droit de douane auquel le bien-être national est maximisé.
2.
Argument des industries naissantes
Le deuxième argument que nous examinerons est celui des industries naissantes. Selon cette théorie, il y a
des circonstances dans lesquelles une industrie peut avoir besoin d'une protection temporaire pour que le pays
développe un avantage comparatif dans ce secteur.
3.
Politique commerciale stratégique
Le troisième argument en faveur de la protection est celui de la politique commerciale stratégique. Il peut y
avoir des circonstances dans lesquelles une subvention accordée à une entreprise nationale peut décourager
les entreprises étrangères de pénétrer sur le marché et de concurrencer cette entreprise.
Dans ce cas,
l'entreprise nationale réalisera des profits monopolistiques, et le pays pourra y gagner dans l'ensemble.
4.
Autres arguments
Les autres arguments en faveur de la protection s'appuient sur le fait que le droit de douane est un instrument
de recette fiscale ou qu'il permet de redistribuer les revenus du secteur d'exportation vers le secteur protégé.
14
Examinons à présent chacun de ces arguments.
III.C.1. ARGUMENT DES TERMES DE L'ʹECHANGE Théorie
L'argument des termes de l'échange découle directement de l'analyse des coûts et avantages de l'imposition
d'un droit de douane. Nous avons vu précédemment que quand un grand pays instaure un droit de douane, il
peut y avoir des effets positifs sur les termes de l'échange.
Le droit de douane diminue la demande
d'importation, ce qui fait baisser le prix mondial du produit importé. La théorie économique montre qu'il y a un
taux de droit optimal qui est positif et auquel les gains à l'échange doivent compenser les effets de distorsion
entraînés par l'imposition du droit de douane.
MAIS
Bien qu'il soit théoriquement valable, cet argument présente de très sérieuses limites lorsqu'il est appliqué
concrètement à l'élaboration des politiques. Premièrement, il n'est valable que dans le cas des grands pays.
Les petits pays ne sont pas en mesure d'influencer les prix étrangers, de sorte qu'ils ne peuvent bénéficier de
gains à l'échange.
Deuxièmement, même dans le cas d'un grand pays, une politique commerciale reposant sur des gains à
l'échange est une politique du chacun pour soi. En effet, les gains réalisés par un grand pays se font au prix de
pertes de bien-être dans les pays exportateurs, qui percevront des prix inférieurs pour leurs exportations. Les
mesures de rétorsion prises par les pays exportateurs risquent alors de déclencher une guerre commerciale qui
mettra à mal tous les pays.
III.C.2. ARGUMENT DES INDUSTRIES NAISSANTES L'argument des industries naissantes repose sur le fait qu'un pays peut avoir besoin d'une protection
temporaire pour développer un avantage comparatif dans un secteur particulier lorsque le marché est
défaillant. Il peut y avoir par exemple des inefficacités sur le marché financier, de sorte qu'un entrepreneur
souhaitant créer une nouvelle activité ne trouvera pas le financement nécessaire, même si cette activité est
rentable.
Les inefficacités des marchés financiers dans les pays en développement, par exemple, peuvent
empêcher le déplacement de ressources des secteurs agricoles traditionnels vers les nouveaux secteurs
manufacturiers. Les raisons peuvent être simples: les banques sont trop petites, leurs portefeuilles ne sont
pas suffisamment diversifiés ou elles manquent d'informations, de sorte qu'elles ne peuvent gérer le risque lié
à un investissement dans un nouveau secteur.
Résultats concrets
Après la seconde guerre mondiale, de nombreux pays en développement ont adopté des stratégies de
remplacement des importations pour tenter de développer leur secteur manufacturier.
Dans la grande
majorité d'entre eux, on a constaté que, bien que le secteur protégé se soit effectivement développé, la
protection avait stagné pendant une longue période et le secteur continuait d'avoir besoin de l'intervention de
l'État pour rester sur le marché.
Autrement dit, les stratégies de remplacement des importations n'ont pas
entraîné le développement d'une industrie compétitive capable à terme de soutenir la concurrence sur le
marché international.
C'est-à-dire qu'elles n'ont pas permis le développement des avantages comparatifs
qu'elles étaient censées développer.
L'un des constats qui militent vigoureusement à l'encontre de la
15
protection des industries naissantes est qu'il est très difficile pour les gouvernements d'identifier les industries
susceptibles d'offrir un avantage comparatif!
III.C.3. ARGUMENT DE LA POLITIQUE COMMERCIALE STRATÉGIQUE Examinons à présent l'argument de la politique commerciale stratégique.
Certains marchés peuvent se caractériser par une concurrence imparfaite, de sorte qu'il n'y a que
quelques grands opérateurs qui réalisent des profits excessifs
Certains marchés se caractérisent par une concurrence imparfaite. Il peut arriver qu'en raison de coûts fixes
élevés, seules quelques entreprises parviennent à survivre, et elles réalisent des profits supérieurs à la
normale.
Certains pays peuvent décider d'entrer en concurrence pour s'emparer de ces profits excessifs.
Prenons par exemple le cas du secteur des transports aériens. Il se peut que, sur certaines routes, seule une
compagnie puisse survivre: s'il y en a deux sur le marché (une compagnie nationale et une étrangère, par
exemple), elles subiront toutes deux des pertes;
mais si l'une des deux survit, elle réalisera des profits
monopolistiques.
Une subvention versée par l'État à une entreprise nationale peut décourager une entreprise
étrangère et augmenter les profits de l'entreprise nationale d'un montant supérieur à la subvention
Dans ces circonstances, si le gouvernement d'un pays accorde à la compagnie aérienne nationale une
subvention suffisamment élevée, il peut l'inciter à entrer sur le marché indépendamment du fait que la
compagnie étrangère y entre ou non. En revanche, la compagnie étrangère, qui se heurtera à la concurrence
d'une compagnie subventionnée, décidera de ne pas entrer sur le marché car, si elle y entrait, elle subirait
certainement des pertes.
Finalement, seule la compagnie subventionnée restera sur le marché, et elle réalisera des profits
monopolistiques.
Dans la mesure où ces profits sont supérieurs à la subvention accordée par l'État, le
bien-être global du pays qui subventionne son industrie nationale augmentera.
Cette politique est-elle souhaitable?
À première vue, cela peut sembler une excellente idée, dans ces circonstances, de protéger l'industrie
nationale et de détourner les profits étrangers. Mais la question de savoir si une telle politique est souhaitable
dépend de plusieurs conditions.
Premièrement, il faut que la subvention soit suffisamment élevée pour
décourager effectivement l'entreprise étrangère d'entrer sur le marché.
Si elle ne l'est pas et si les deux
compagnies entrent sur le marché, les profits détournés par l'entreprise nationale risquent d'être inférieurs à la
subvention, et le pays y perdra.
De plus, une politique commerciale stratégique est une politique du chacun pour soi, car elle repose sur
l'hypothèse du détournement de profits étrangers. Elle s'expose donc à des mesures de rétorsion et risque de
déclencher une guerre commerciale dont tout le monde fera les frais.
16
III.C.4. AUTRES ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA PROTECTION Argument des recettes fiscales
Parmi les autres arguments en faveur de la protection, il y a celui des recettes fiscales. Dans de nombreux
pays, notamment les pays en développement, les impôts sur le revenu ou les bénéfices sont difficiles à
recouvrer, contrairement aux droits de douane: les produits importés doivent franchir une frontière, de sorte
qu'il est plus difficile de les dissimuler.
Les pays en développement notamment ont souvent invoqué cet
argument pour maintenir des droits de douane élevés.
Or, on constate que, dans de nombreux pays, la
simplification du régime fiscal et tarifaire a entraîné une hausse des recettes fiscales globales, même lorsqu'elle
s'accompagnait d'une réduction du taux de droit moyen.
En effet, un régime simplifié est plus facile à
contrôler, plus facile à comprendre et donc moins sujet à la fraude.
Répartition des revenus
Enfin, certains pays utilisent la protection comme moyen de redistribuer les revenus. Nous avons dit que la
libéralisation redistribuait les revenus.
La libéralisation des échanges accroît le rendement du facteur
relativement abondant et réduit celui du facteur peu abondant.
moyen d'éviter ces ajustements.
C'est évidemment exact.
instrument permettant une redistribution.
Le maintien d'une protection est donc un
Mais la politique commerciale n'est pas le seul
Et les économistes font valoir qu'il est plus efficace d'utiliser la
politique fiscale que la politique commerciale pour atteindre des objectifs de redistribution.
17
IV. NECESSITE D'ʹUN ENGAGEMENT MULTILATERAL IV.A. Y A-­‐‑T-­‐‑IL UNE RAISON DE S'ʹENGAGER À L'ʹÉGARD DE LA LIBÉRALISATION MULTILATÉRALE? La libéralisation des échanges entraîne des gains, même lorsqu'elle est unilatérale.
Pourtant,
historiquement, elle s'est réalisée grâce à des négociations internationales
Il est intéressant de noter qu'historiquement les droits de douane n'ont pas diminué à la suite de décisions
unilatérales prises par différents pays individuellement, mais à l'issue de plusieurs cycles de négociations
internationales.
Or, si les pays peuvent tirer des gains du commerce en procédant à une libéralisation
unilatérale, pourquoi engagent-ils des négociations internationales et libéralisent-ils les échanges dans un
contexte d'engagements multilatéraux?
Raisons théoriques de coordonner la libéralisation avec d'autres
Il y a au moins trois raisons pour lesquelles il est plus facile de supprimer des droits de douane à un niveau
multilatéral.
1.
L'échange réciproque de possibilités d'accès aux marchés permet aux gouvernements de mobiliser les
groupes de pression favorables à l'exportation pour contrebalancer les groupes de pression en concurrence
avec les importations
Nous avons vu que lorsqu'un pays libéralise son commerce, certaines personnes y gagnent et d'autres y
perdent.
En particulier, l'ouverture des échanges avantagera vraisemblablement le secteur exportateur et
désavantagera le secteur en concurrence avec les importations.
Si un pays procède à une libéralisation
unilatérale, il subira probablement des pressions du secteur en concurrence avec les importations, qui se
mobilisera et militera contre la libéralisation. En revanche, s'il est en mesure de négocier une libéralisation
internationale, il pourra contrecarrer l'action des groupes de pression du secteur en concurrence avec les
importations en mobilisant les groupes de pression d'exportateurs. Du point de vue de l'économie politique, il
est beaucoup plus facile pour un pays de réduire ses droits de douane si ses partenaires commerciaux font de
même.
2.
Les engagements internationaux évitent les restrictions commerciales appliquées à titre de représailles
Une autre raison importante pour laquelle il est plus facile de réduire les droits de douane au niveau
multilatéral est que le fait de coordonner la libéralisation avec d'autres pays permet d'éviter des guerres
commerciales.
Si chaque pays détermine sa politique commerciale de manière indépendante, la politique
optimale pour un grand pays sera de fixer le "droit de douane optimal". Comme il s'agit d'une politique du
chacun pour soi, elle s'exposera à des mesures de rétorsion de la part des autres pays.
Pour éviter les
restrictions commerciales appliquées à titre de représailles, la meilleure solution est de coopérer à la
libéralisation des échanges.
18
3.
Les engagements internationaux renforcent la crédibilité des politiques commerciales et évitent les
problèmes de décalage dans le temps
La troisième raison importante d'appuyer une politique commerciale sur un engagement multilatéral est que
cet engagement renforce la crédibilité de la politique commerciale et aide à éviter les problèmes de décalage
dans le temps.
IV.A.1. DECALAGE DANS LE TEMPS Expliquons au moyen d'un exemple ce que signifie le décalage dans le temps.
Exemple: l'interaction avec le secteur financier
Supposons qu'un pays souhaite libéraliser son secteur financier.
Supposons également que les banques
nationales soient inefficaces et aient accumulé des créances douteuses.
Elles se trouvent donc dans une
situation très critique. Supposons qu'à un certain moment, le gouvernement annonce qu'il ouvrira le secteur
financier à la concurrence étrangère dans un délai d'un an. Que feront les banques? Il y a deux possibilités:
si les banques nationales croient à cette annonce, elles commenceront à ajuster leurs créances douteuses et
s'efforceront d'une manière ou d'une autre de devenir plus efficaces.
Mais, si elles ne croient pas à cette
annonce, elles ne s'adapteront pas. Dans ce cas, au bout d'un an, si le gouvernement libéralise effectivement
le secteur financier, il y aura une crise financière dans le pays. Par conséquent, si les banques ne s'adaptent
pas après l'annonce, il est probable que le gouvernement n'appliquera pas la politique prévue.
Le décalage dans le temps se produit lorsque la politique annoncée au moment 2 n'est plus une
politique optimale au moment 4.
Conscientes des problèmes de décalage dans le temps, les
banques décideront de ne pas s'adapter.
Le décalage dans le temps se produit lorsque la politique annoncée à un certain moment n'est plus une
politique optimale au moment où elle devrait être appliquée. Conscientes des problèmes de décalage dans le
temps, les banques décideront de ne pas s'adapter après l'annonce faite par le gouvernement.
En
conséquence, lorsque le moment d'appliquer la politique arrivera, le gouvernement sera contraint de ne pas
libéraliser, sans quoi il risquerait de plonger le secteur financier dans une crise totale.
Les engagements internationaux résolvent les problèmes de décalage dans le temps
Les problèmes de décalage dans le temps peuvent être résolus grâce à des engagements internationaux.
Les engagements internationaux rendent crédible l'annonce par le gouvernement qu'il libéralisera le secteur
financier, et les banques s'adapteront.
19
IV.A.2. AUTRES RAISONS MULTILATERALE EN FAVEUR DE D'autres raisons militent en faveur de la libéralisation multilatérale.
LA LIBERALISATION L'une d'elles est d'éviter le risque de
détournements d'échanges dus à la conclusion d'accords commerciaux régionaux.
Absence d'effets de détournement des échanges dus aux accords commerciaux régionaux
Les politiques que nous avons décrites jusqu'à présent sont des politiques non discriminatoires. Cela signifie
que si deux pays décident de réduire leurs droits de douane à titre réciproque, ils appliqueront également ces
droits inférieurs au reste du monde.
manière préférentielle.
Mais il peut arriver que des pays réduisent leurs droits de douane de
C'est-à-dire qu'un ensemble de pays libéralise son commerce intrarégional, tout en
maintenant ses obstacles à l'égard du reste du monde.
politique.
À première vue, cela peut sembler une bonne
Nous avons dit que la libéralisation unilatérale était bonne.
Nous avons dit que la libéralisation
multilatérale était bonne, donc on peut penser que la libéralisation préférentielle devrait également être bonne.
Toutefois, lorsque des pays libéralisent leur commerce de manière préférentielle, ils risquent de subir les
conséquences de ce que les économistes appellent le "détournement des échanges".
Il y a détournement
d'échanges lorsque les importations provenant d'un partenaire commercial au sein de l'accord régional
remplacent les importations provenant du reste du monde, alors que ce partenaire n'est pas le producteur le
plus efficace du bien au niveau mondial. Le détournement des échanges a des effets négatifs évidents sur les
pays exportateurs qui n'appartiennent pas à la zone préférentielle. Quelles sont les conséquences pour le pays
importateur membre de la zone préférentielle? D'un côté, les consommateurs y gagnent, car ils paient moins
cher le bien importé du partenaire régional, puisqu'il n'y a plus de droits d'importation.
De l'autre, le
gouvernement perd des recettes tarifaires. Comme le partenaire commercial n'est pas le producteur le plus
efficace du bien, cette perte peut être supérieure au gain des consommateurs. Autrement dit, le détournement
des échanges peut aussi avoir des effets négatifs sur le bien-être des partenaires de l'accord préférentiel.
Transparence et prévisibilité
Un autre avantage de la libéralisation dans le cadre d'un accord international est qu'elle améliore la
transparence et la prévisibilité des conditions d'échange des biens et des services. Elle réduit par exemple le
coût de l'information relative aux taux de droit appliqué à un produit par un pays à un autre et met tous les
pays sur un pied d'égalité.
20
V.
CONCLUSIONS Résumons brièvement pour conclure les résultats de cette présentation.
Je pense qu'elle contient quatre
grands messages.
La théorie des échanges internationaux tend à montrer que le régime optimal de politique
commerciale est celui du libre-échange ou un régime dans lequel la protection est faible et égale.
Le premier message est que le régime optimal de politique commerciale est celui du libre-échange ou un
régime dans lequel la protection est faible et égale.
Nous avons dit et montré qu'un régime de protection
faible ne peut se justifier que dans le cas d'un grand pays.
Malgré les diverses raisons invoquées pour expliquer que certains pays doivent se démarquer de
cette prescription (protection des industries naissantes ou politique commerciale stratégique), il
est rare de constater que ces politiques donnent de meilleurs résultats économiques.
Le deuxième enseignement important est que, malgré les diverses raisons invoquées pour expliquer que
certains pays doivent se démarquer de cette prescription (argument des industries naissantes ou de la
politique commerciale stratégique), il est rare de constater que ces politiques donnent de meilleurs résultats
économiques. Nous avons vu au contraire qu'en général les secteurs qui ont été protégés au début de leur
développement ont continué de l'être et ne se sont jamais développés pour devenir des secteurs compétitifs.
La libéralisation unilatérale est bonne, mais la libéralisation multilatérale entraîne des gains plus
élevés
Un enseignement très important est que, bien que la libéralisation unilatérale soit bonne, la libéralisation
multilatérale non seulement entraîne des gains plus élevés, mais est aussi politiquement plus durable et plus
crédible.
La politique commerciale n'est qu'un élément du tableau beaucoup plus vaste de la croissance et du
développement
Enfin, le quatrième enseignement est que le commerce n'est qu'un élément du tableau de la croissance et du
développement. La libéralisation des échanges risque de ne pas avoir les effets escomptés si les marchés ne
fonctionnent pas bien ou si les institutions sont faibles.
21
Questions fréquemment posées Question n° 1: Pourquoi les pays font-ils du commerce?
Réponse:
Les pays font du commerce parce qu'ils sont différents. Ils ont des technologies différentes ou des quantités
différentes de ressources en capital et en main-d'œuvre. Ou bien ils font du commerce parce qu'ils produisent
des variétés différentes du même bien. Dans le premier cas, le commerce génère des gains parce qu'il permet
aux pays de se spécialiser dans la production du bien qu'ils peuvent produire de manière relativement plus
efficace ou qui utilise intensivement le facteur dont ils sont dotés en plus grande quantité.
Dans le second cas, le commerce génère des gains parce que les individus aiment la variété et que le
commerce donne accès à différentes variétés de biens produits dans le monde entier. En élargissant la gamme
des produits auxquels les consommateurs ont accès et qu'ils peuvent acheter, le commerce améliore leur
bien-être.
Question n° 2: L'un des principaux résultats de la théorie des échanges internationaux est que le commerce
est avantageux pour tous les pays – pourquoi?
Réponse:
Examinons, pour des raisons de simplicité, le cas de pays qui ont des niveaux technologiques différents. La
théorie des échanges internationaux nous dit que le commerce permet aux pays de se spécialiser dans la
production du bien qu'ils peuvent produire de manière relativement plus efficace.
Lorsque des pays
concentrent leurs ressources sur la production de ce bien, la production mondiale augmente, et les
consommateurs peuvent acquérir plus de biens qu'en l'absence de commerce.
Question n° 3: Qu'est-ce qui détermine la structure des échanges?
Réponse:
Lorsque les partenaires commerciaux sont différents, chaque pays exporte le produit pour lequel il a un
avantage comparatif.
Ainsi, dans le cas où les pays ont des niveaux technologiques différents, chacun
exportera le produit qu'il peut produire de manière relativement plus efficace.
Lorsque le commerce a lieu entre des pays similaires, ces pays ont tendance à échanger des variétés
différentes du même produit. Dans ce cas, la théorie des échanges internationaux ne peut rien nous dire sur la
structure des échanges. La structure des échanges est aléatoire. La seule chose que la théorie des échanges
internationaux peut prévoir, c'est le volume des échanges entre les pays.
Question n° 4: Un pays peut-il avoir un avantage comparatif pour tous les produits?
Réponse:
Un pays peut avoir un avantage absolu pour tous les produits.
C'est-à-dire qu'il peut avoir un niveau
technologique plus élevé pour la production de chaque produit sur le marché.
Mais il ne peut avoir un
22
avantage comparatif pour tous les produits.
Il y aura toujours un produit pour lequel son partenaire
commercial aura un avantage comparatif.
Question n° 5: Le fait que le commerce est mutuellement avantageux signifie-t-il que tous les habitants de
chaque pays sont mieux lotis?
Réponse:
Non.
L'un des enseignements importants de la théorie des échanges internationaux est que le commerce
international, même s'il est avantageux pour l'ensemble du pays, a des effets de répartition des revenus. Cela
veut dire que certaines catégories y gagneront, tandis que d'autres risquent de pâtir de la libéralisation des
échanges. Il peut notamment y avoir des pertes pour la main-d'œuvre et le capital employés dans le secteur
en concurrence avec les importations, alors que ceux employés dans le secteur en concurrence avec les
exportations enregistreront des gains.
Question n° 6:
Quelles politiques un gouvernement peut-il mettre en œuvre pour résoudre les problèmes
d'ajustement liés à la libéralisation des échanges?
Réponse:
La réorientation du secteur en concurrence avec les importations vers le secteur exportateur entraîne des
coûts. Ces coûts sont dus, par exemple, au fait que les travailleurs doivent chercher un nouvel emploi dans un
secteur différent.
Outre les coûts de recherche d'un emploi, il peut y avoir des coûts liés au fait que les
travailleurs auront besoin d'une formation pour pouvoir travailler dans une entreprise d'un autre secteur. Le
gouvernement peut intervenir à cette occasion en facilitant ce processus d'ajustement.
Il peut, par exemple, diffuser des informations sur les offres d'emplois, ce qui réduit les coûts de recherche. Il
peut fournir des crédits qui permettront aux travailleurs démunis ayant besoin de temps pour trouver un autre
emploi d'emprunter entretemps de l'argent à une banque.
Il peut contribuer à la formation.
Il peut aussi
définir un rythme approprié de réforme. Il peut mettre en œuvre les réformes de façon progressive, afin qu'un
petit nombre de travailleurs qui cherchent un emploi différent entrent sur le marché à chaque phase de la mise
en œuvre, ce qui limite les conséquences sociales défavorables. Il peut aussi mettre en place des régimes de
promotion des exportations, qui permettront une expansion plus rapide du secteur exportateur et faciliteront
l'ajustement.
Comme autre solution, le gouvernement peut prendre des mesures pour dédommager les perdants de la
libéralisation des échanges. Pour cela, il peut offrir, durant les périodes de transition, une protection sociale
aux travailleurs qui ont perdu leur emploi, ou mettre en place un régime fiscal approprié de redistribution, qui
compensera les pertes à long terme.
Enfin, le processus d'ajustement peut être facilité si les réformes commerciales s'appuient sur des
engagements internationaux. En effet, en prenant des engagements au niveau international, le gouvernement
rend les réformes plus crédibles, ce qui peut déclencher le processus d'ajustement avant même la mise en
œuvre des réformes.
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Question n° 7: Quels sont les effets d'un droit de douane?
Réponse:
L'imposition d'un droit de douane augmente le prix intérieur du produit importé. En conséquence, la demande
des consommateurs pour ce produit diminuera dans le pays, et les importations baisseront. Il y a alors deux
possibilités: la première est que la diminution de la demande du produit importé fera baisser le prix mondial
de ce produit. C'est ce qui se produit dans le cas d'un grand pays, lorsqu'il réalise ce qu'on appelle des gains à
l'échange.
Le second cas est celui d'un petit pays où, malgré la diminution de la demande du produit importé, le prix
mondial reste fixe, auquel cas il n'y a pas de gains à l'échange.
La différence entre ces deux cas est très importante car, lorsqu'un pays peut réaliser des gains à l'échange, la
théorie des échanges montre que, pour un niveau suffisamment bas de droit de douane, l'imposition d'un droit
peut augmenter le bien-être global du pays. En revanche, dans le cas d'un PETIT pays, c'est-à-dire un pays
qui n'est pas en mesure d'influencer le prix mondial par une variation de sa demande d'importation, il n'y a
aucune chance que le droit de douane augmente le bien-être par des gains à l'échange.
l'imposition d'un droit de douane entraîne incontestablement une perte.
Dans ce cas,
Cette perte est due au fait que la
hausse du prix intérieur réduit le bien-être des consommateurs, car ils devront payer plus pour acquérir la
même quantité du produit qu'ils préfèrent.
Question n° 8: Quels sont les risques liés à l'adoption d'un "droit de douane optimal"?
Réponse:
Un pays peut justifier sa politique protectionniste pour des motifs de gains à l'échange. La théorie du droit de
douane optimal dit qu'il y a un faible niveau de droit de douane auquel le bien-être d'un pays peut être
maximisé. C'est-à-dire qu'il y a un droit de douane optimal pour lequel les gains à l'échange compensent les
pertes. Mais cette politique soulève plusieurs problèmes. Premièrement, il importe de définir exactement ce
qu'est un niveau de droit suffisamment faible.
Et cela n'est pas très facile à déterminer du point de vue
empirique.
Deuxièmement, il importe de comprendre que cet argument n'est valable que pour un grand pays. Par grand
pays il faut entendre non pas un pays de grande dimension, mais un pays en mesure d'influencer le prix
mondial du produit sur lequel il impose le droit de douane. Il y a aussi un autre problème, plus sérieux, à
savoir que l'argument de la protection justifiée par les termes de l'échange est une politique du chacun pour
soi.
En imposant un droit de douane, un pays gagne à l'échange, mais le reste du monde y perd.
Cette
politique risque donc de donner lieu à des mesures de rétorsion, ce qui peut déclencher une guerre
commerciale dans laquelle tout le monde sera perdant.
Question n° 9: Qu'entend-on par argument des industries naissantes?
Réponse:
De nombreux pays ont utilisé l'argument des industries naissantes pour protéger leur secteur manufacturier.
Cet argument est que le pays peut avoir un avantage comparatif potentiel dans le secteur manufacturier, par
exemple, mais que l'industrie est trop jeune et trop peu développée pour soutenir la concurrence au niveau
international. Une protection "temporaire" est donc accordée à l'industrie pour lui permettre de se développer,
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de telle sorte que son avantage comparatif se renforcera à mesure que son niveau technologique s'améliorera
et que le pays pourra finalement s'ouvrir à la concurrence internationale.
La raison pour laquelle le secteur manufacturier ne se développe pas naturellement, ou plutôt la raison pour
laquelle l'industrie est "naissante", est une défaillance du marché. Il y a par exemple une inefficacité sur le
marché financier qui empêche les forces naturelles du marché de fonctionner.
Bien qu'elle soit à première vue raisonnable, cette théorie n'est pas sans inconvénient. Premièrement, il est
difficile pour le gouvernement de déterminer quelle industrie a un avantage comparatif potentiel.
Si, par
exemple, l'inefficacité du marché financier ne permet pas aux banques d'accorder des financements aux
secteurs qui offrent un potentiel de croissance, il est tout aussi difficile pour le gouvernement de déterminer le
secteur qui présente le plus gros potentiel de croissance. Au cours du temps, différents secteurs démontrent
des potentiels de croissance différents, et il n'est pas nécessairement vrai, du point de vue du développement,
que le fait de cibler des secteurs offrant une valeur ajoutée supérieure soit avantageux. Un secteur offrant une
valeur ajoutée supérieure peut représenter une proportion très faible de la production nationale, et sa
croissance n'apportera pas nécessairement grand-chose au développement du pays, alors que la croissance
(même faible) d'un secteur qui représente une proportion plus élevée de la production nationale pourra avoir
un effet important sur le développement.
Un autre point à souligner est que les politiques de remplacement des importations ne sont pas le moyen le
plus efficace de remédier à une défaillance du marché. Pour reprendre l'exemple ci-dessus, si la raison pour
laquelle une industrie ne se développe pas est une inefficacité du marché financier, il vaudra mieux remédier
directement à ce problème que d'appliquer une politique commerciale qui protège le secteur manufacturier.
Question n° 10: Quelle est l'efficacité concrète des politiques en faveur des industries naissantes?
Réponse:
Dans de nombreux pays, on constate que les industries qui ont été protégées contre la concurrence des
importations se sont effectivement développées, mais qu'elles n'ont jamais été compétitives sur le marché
international. Le pays n'a pas développé d'avantage comparatif dans le secteur protégé, et les entreprises de
ce secteur ont continué à demander l'intervention de l'État pour rester sur le marché.
Question n° 11: Est-il souhaitable d'aider une industrie à l'emporter sur la concurrence étrangère?
Réponse:
Les gouvernements peuvent être incités à subventionner certaines industries pour des considérations
stratégiques.
Dans un secteur caractérisé par un petit nombre de grands opérateurs, il se peut qu'une
subvention donne un avantage compétitif stratégique à l'entreprise nationale, éliminant ainsi le concurrent
étranger du marché, de sorte que l'entreprise nationale réalisera des profits supérieurs au montant de la
subvention. Ces profits supplémentaires peuvent compenser le coût de la subvention pour le pays.
Dans la réalité cependant, il peut être très risqué et difficile de mettre en œuvre une telle politique.
Premièrement, il importe que la subvention décourage effectivement les entreprises étrangères d'entrer sur le
marché. Si ce n'est pas le cas, les profits supplémentaires de l'entreprise subventionnée risquent de ne pas
être suffisants pour compenser le coût de la subvention.
Deuxièmement, même dans le cas où les entreprises étrangères sont effectivement éliminées du marché par
l'entreprise subventionnée, il faut que les profits supplémentaires de cette entreprise soient supérieurs à la
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subvention pour que la politique stratégique augmente le bien-être. Pour pouvoir faire ce calcul à l'avance, il
faut de nombreuses informations qui sont difficiles à obtenir et sujettes à des incertitudes.
Enfin, les politiques commerciales stratégiques nuisent aux pays étrangers, qui risquent alors d'appliquer des
mesures de rétorsion, auquel cas le pays qui applique la politique et les pays étrangers en subiront tous deux
les conséquences.
Question n° 12:
Pourquoi les pays inscrivent-ils leur politique commerciale dans des engagements de
libéralisation multilatérale? En d'autres termes, pourquoi accèdent-ils à l'OMC?
Réponse:
L'inscription de la politique commerciale nationale dans des engagements internationaux offre plusieurs
avantages. Premièrement, les engagements internationaux rendent la politique commerciale plus crédible, ce
qui évite des problèmes tels que le décalage dans le temps, qui fait qu'une politique commerciale annoncée à
un certain moment ne déclenche pas les ajustements nécessaires pour qu'elle soit également optimale au
moment de sa mise en œuvre.
Si, par exemple, le gouvernement d'un pays où les banques sont très
endettées annonce qu'il libéralisera le secteur financier et si les banques ne liquident pas leurs créances
douteuses, le secteur financier risquera la crise au moment de la mise en œuvre de cette politique. Il est donc
très probable que le gouvernement n'appliquera pas cette politique.
La deuxième raison de libéraliser au niveau multilatéral est une raison d'économie politique. Lorsqu'un pays
libéralise son commerce au niveau multilatéral, il réduit ses droits d'importation tout en ayant un accès plus
ouvert aux marchés des autres pays.
Ainsi, au niveau intérieur, le gouvernement peut contrebalancer les
pressions exercées à l'encontre de la libéralisation par le secteur en concurrence avec les importations en
mobilisant les groupes de pression favorables aux exportations, qui bénéficieront de l'accès plus large aux
marchés étrangers.
Troisièmement, les engagements internationaux évitent les restrictions commerciales appliquées à titre de
représailles, qui nuisent à tous les pays.
Si les (grands) pays ne coordonnaient pas leur libéralisation, ils
choisiraient d'appliquer le droit de douane optimal et, ce faisant, s'infligeraient mutuellement des pertes à
l'échange.
Il s'ensuivrait un préjudice à l'échelle mondiale.
La coordination pousse les pays sur la voie du
libre-échange, ce qui leur procure des gains à tous.
Question n° 13: Nous avons dit que la libéralisation unilatérale était bonne. Nous avons dit aussi que la
libéralisation multilatérale pouvait être encore meilleure.
Cela veut-il dire que l'adhésion à un accord
commercial préférentiel améliorera systématiquement la situation d'un pays?
Réponse:
Supposons que le monde soit composé de trois pays, A, B et C. Supposons que le pays A signe un accord de
libre-échange avec le pays B et réduise ainsi son droit d'importation sur les textiles en provenance du pays B.
Supposons maintenant que le pays B ne soit pas le producteur de textiles le plus efficace et que le pays C le
soit.
Avant la création de la zone de libre-échange, le pays A importait ses textiles du pays C.
Après la
conclusion de l'ALE, le pays B sera en mesure d'exporter des textiles vers le pays A à un prix plus bas que le
pays C, bien qu'il ne soit pas le producteur le plus efficace.
Il est clair que l'ALE entre le pays A et le pays B causera des pertes au pays C, car des échanges seront
détournés du pays C vers le pays B, et le pays C n'exportera plus de textiles vers le pays A.
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Cet ALE procurera-t-il un gain sans ambiguïté au pays A? La réponse n'est pas évidente. D'un côté, en raison
de la réduction du droit d'importation, les consommateurs de textiles du pays A y gagneront, car ils paieront
leurs textiles moins cher.
De l'autre, les recettes tarifaires du gouvernement diminueront, car le pays
importera désormais des textiles du pays B en franchise de droit. Les effets globaux de la libéralisation des
échanges à titre préférentiel avec le pays B sont ambigus. La théorie économique montre en particulier que le
pays A risquera d'autant plus d'y perdre que l'écart d'efficacité entre le pays B et le pays C dans la production
de textiles sera grand et que le droit de douane à l'égard du pays C sera élevé.
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